• Le mandat Fouad Chéhab (1958-1964) :

     

    -Fin septembre 1958 : Chéhab prend ses fonctions dans un climat de contre-insurrection :

    Le 23 septembre 1958, le président Fouad Chéhab a entamé son mandat. Mais alors que l’entrée en fonctions de ses prédécesseurs avait été accueillie par des manifestations de joie, celle du nouveau président a été suivie d’une contre-insurrection des régions principalement chrétiennes, sous l’impulsion des Kataeb qui pourtant soutiennent toujours le chef de l’Etat en place ainsi que son régime.

    Dans un climat tendu par le meurtre d’un journaliste Kataeb, la formation d’un cabinet dirigé par un des chefs de l’insurrection de 1958, sans représentants des ex-loyalistes, puis la teneur du premier message public de Karamé constituèrent autant de maladresses, voire de provocations, qui ne pouvaient que susciter l’insurrection de l’Est de la capitale et de la montagne.

    Le 1er du mois, Pierre Gemayel estimait, dans une lettre ouverte à Chéhab, que la crise était terminée sur base de ni vainqueur ni vaincu et préconisait un gouvernement présidé par une personnalité neutre avec des éléments des camps qui s’étaient affrontés. Mais le même jour, Saeb Salam, reçu à Jounié par le président-élu puis à Bkerké par le patriarche, réclamait un cabinet d’opposants et de neutres, présidé par Karamé. Joumblatt lui fit écho.

    Le 16, alors qu’on ne signale plus que des incidents isolés, l’élection de Charles Malek à la présidence de l’Assemblée de l’ONU alourdit le climat, car elle est considérée comme une défaite de Nasser qui soutenait un candidat soudanais. Les positions des deux camps se figent.

    Assassinat de Fouad Haddad :

    Le 19, est enlevé Fouad Haddad, fonctionnaire à l’Education Nationale et chroniqueur dans Al Amal, journal des Kataeb. Il venait d’y publier, sous le pseudonyme d’Aboul Henn, un article ironique sur la défaite à l’ONU du candidat de Nasser. Il a quitté son bureau à Hamra vers midi et pris un taxi. Il n’arrivera jamais à destination. Il est enlevé rue Verdun et son corps mutilé sera retrouvé deux jours plus tard. On lui a notamment coupé la langue.

    La Voix du Liban, créée par les Kataeb, donne 2h pour sa libération sous peine de « représailles ». Ce délai passé, des musulmans sont enlevés à l’Est puis des chrétiens à l’Ouest. Le 20, les Kataeb appellent à la grève générale tandis que le chef du gouvernement Sami el-Solh quitte le Liban pour la Turquie, après avoir remis sa démission à Chéhab. Le 21 au soir, le couvre-feu est imposé à Beyrouth. Les souks sont fermés, la grève paralyse les centres en montagne, les barricades refont leur apparition, des fusillades éclatent, les rapts à caractère confessionnel se multiplient.

    Chéhab veut calmer la RAU :

    C’est dans ce climat tendu à l’extrême que Chéhab prête le 23 serment devant 55 députés, entamant son mandat. Puis, à travers une capitale morte, il se rend au palais de Kantari pour la passation des pouvoirs. Juste après, Chamoun se rend à Ain Abou puis s’installe au Bois de Boulogne où affluent par milliers ses partisans.

    Les deux hommes ne s’aiment pas. L’ancien chef de l’Etat juge suspecte la position du général durant les troubles. Ce dernier lui reproche une politique qu’il estime aventuriste, qui a mis à mal le pays avec la RAU voisine, et qui a violé la neutralité proclamée du Liban, en se ralliant à la doctrine Eisenhower et en faisant appel, sans le consulter, aux troupes américaines.

    L’hostilité de Chéhab à Chamoun et son souci de calmer d’abord Le Caire vont l’amener à donner suite aux demandes de Salam et Joumblatt. Il charge Karamé, un des chauds partisans de Nasser, de former le premier gouvernement de son mandat. Il pense se rallier ainsi la fraction musulmane du pays, s’assurant de ce fait une majorité populaire avec les éléments chrétiens progressistes ou hostiles à Chamoun. Choix maladroit car sous-estimant la réaction des ex-loyalistes.

    Karamé refusé par les ex-loyalistes :

    Candidat de l’ex-opposition et leader de l’insurrection à Tripoli, Karamé forme un cabinet n’incluant aucun représentant du camp adverse. Dirigée par un ex-insurgé, l’équipe comprend des éléments de la Troisième Force qui fut hostile à Chamoun sans prendre les armes contre lui. Elle est composée de :

    Rachid Karamé : Président du Conseil, Intérieur, Défense.

    Philippe Takla : Affaires Etrangères et Emigrés.

    Charles Hélou : Economie, Information.

    Mohammad Safieddine : Education, Santé.

    Joseph Saouda : Justice, Affaires Sociales.

    Rafic Naja : Finances.

    Farid Trad : Travaux Publics, Plan.

    Fouad Najjar : Agriculture, PTT.

    Comme pour pousser à bout ses adversaires, Karamé va déclarer, dans son premier message au peuple, que « l’époque qui cueillera pour vous les fruits de votre révolution a commencé ». Balayé le principe de ni vainqueur ni vaincu sur base duquel la crise s’est achevée. Pour Al Amal, « l’insurrection a eu gain de cause » mais « les patriotes rejettent la conclusion du chef du gouvernement et insistent pour le départ d’un tel chef et de son équipe ».

    Le 24 au soir est annoncé le Cabinet. Salué par l’ex-opposition, il est refusé par les ex-loyalistes. Une délégation Kataeb proteste en vain auprès de Chéhab. La grève des régions chrétiennes tourne alors à l’insurrection. C’est le début de la contre-révolution. Des engagements armés éclatent entre Kataeb et ex-insurgés à Nasra, Mazraa, Furn el-Chebback et Hadeth, tandis que la foule manifeste à Bkerké contre le Patriarche.

    Beyrouth divisé en 3 zones :

    La violence se généralise. On tire des toits, des barricades. L’armée a ordre d’abattre sans sommation tout porteur d’arme. Des manifestants venant de Basta se heurtent rues de l’Emir Béchir et de Damas aux Kataeb. L’armée finit par s’interposer mais on relève 40 tués. Les barricades se multiplient à l’Est, l’armée renforce ses positions et place aux points stratégiques de la ville des chars dont les canons sont pointés sur les quartiers de l’Est.

    Alors que les cloches sonnent le glas, la grève est totale à Beyrouth-Est, à Zahlé, en montagne. Les routes du Kesrouane et du Metn sont coupées pour empêcher les voitures de se rendre en ville. On asperge la chaussée de mazout pour la rendre glissante, on la parsème de clous, on crève les pneus. A peine l’armée a-t-elle dégagé une route que la barricade renait, une fois les soldats partis. Des blindés doivent intervenir pour dégager la voiture d’un ministre, pris à partie par la foule et qui doit rebrousser chemin.

    Alors que Karamé rend visite à Méouchy et à Béchara el-Khoury, Kataeb, PPS, PNL et BN font front contre son Cabinet. Le 28, violentes fusillades place Debbas et rue Gouraud. Les barricades sont renforcées, le couvre-feu total est maintenu. Explosions et tirs secouent la ville où se pose le problème du ravitaillement du fait du blocus qu’a imposé la montagne.

    Karamé se heurte au même problème que son prédécesseur : la sécurité. La capitale est divisée en 3 zones : celle tenue par les nouveaux insurgés, celles des ex-insurgés où la vie reprend un semblant de normalité mais où des contrôles d’identités sont opérés par des civils armés et, entre ces deux zones, un no man’s land, réservé en principe à l’autorité de l’Etat dont l’absence en fait le théâtre de rapts d’innocentes victimes. On retrouve des corps torturés, jetés ou enterrés dans des terrains vagues.

    Octobre s’ouvre sur le chaos :

    Dans ce climat de guerre civile larvée, commerçants et industriels, alarmés par les retombées de la crise, multiplient en vain les navettes entre les deux camps. Vaines aussi sont les médiations de Adel Osseirane, Henri Pharaon, Ghassan Tuéni et Pierre Eddé. Le 30, l’ambassadeur des Etats-Unis, Robert McClintock, propose l’élargissement du cabinet après le vote de confiance. Accusé par les loyalistes « d’ingérence dans les affaires intérieures du Liban », son plan est aussi rejeté par Gemayel qui exige la démission du gouvernement. Chamoun annonce que ses partisans, nombreux à la Chambre, refuseront la confiance à Karamé.

    Ce dernier accepte d’élargir le cabinet après le vote de confiance. Avant, insiste l’opposition. Depuis son investiture, Chéhab n’est pas revenu à Beyrouth. De Jounié, il suit l’évolution de la crise et se veut le balancier entre les deux camps à qui il prêche la modération tout en refusant de se prononcer sur le sort du cabinet.

    Début octobre, une semaine après son investiture, le chef de l’Etat fait face à un chaos quasi général.

     

    -2 octobre 1958 : Nominations à la sécurité et au Palais :

    Par décrets, le colonel Joseph Semaan prend le commandement de la Gendarmerie à la place du colonel Simon Zouein, le commandant Aziz Ahdab remplace Salah Lababidi à la direction de la Police et le capitaine Toufic Jalbout succède à Fouad Chamoun à la tête de la Sureté. La veille, les speakers ayant déserté Radio-Liban ont été réintégrés dans leurs fonctions.

    Le 3, Emile Hénoud est désigné procureur général près la Cour de cassation à la place de Fernand Arsanios. Le 4, l’activité reprend au Palais de Justice et l’arrêté de Sami el-Solh traduisant devant le Conseil de Discipline les juges charia qui avaient signé un manifeste l’excluant de l’Islam est abrogé.

     

    -3 octobre 1958 :

    Accrochages, rapts et manifestations à Beyrouth et en montagne.

     

    -8 octobre 1958 :

    Il est question d’un gouvernement de militaires.

     

    -10 octobre 1958 : Chef de l’armée par intérim :

    Le colonel Toufic Salem, chef de l’état-major, est désigné le 10 commandant en chef de l’armée par intérim.

     

    -12 octobre 1958 : 13 tués en 48h au Nord :

    De sanglants incidents font en 48h 13 tués à Tripoli et à Zghorta où l’armée renforce sa présence. Les ex-insurgés ayant tué un Douayhi, 5 tripolitains ont été abattus dans une embuscade à Wadi Rihan. Par ailleurs, un Frangié ayant été tué à Tripoli, son clan, soupçonnant les Douayhi, a attaqué ces derniers à Zghorta où les combats ont fait 6 tués dont 5 Douayhi.

     

    -15 octobre 1958 :

    Réouverture des souks mais la sécurité reste déficiente.

     

    -20 octobre 1958 : Commission pour les déserteurs :

    Le Conseil des ministres crée une commission pour étudier les cas des agents de police et des gendarmes qui ont déserté ou rejoint les insurgés. Le gouvernement estime que des agents, vivant dans les zones contrôlées par l’insurrection, furent contraints de déserter ou de s’y rallier. Chaque cas sera donc étudié à part mais il est question de les réintégrer tous.

     

    -23 octobre 1958 : On retrouve les cinémas et les tramways :

    L’autorisation de réouverture des cinémas, fermés depuis le 28 mai, consacre le retour progressif à la normale dans la capitale. Il y aura 2 séances, à 15h et à 18h, avec fouille des spectateurs à l’entrée et interdiction absolue de quitter la salle avant la fin de la projection.

    La circulation des tramways a repris le 17. Le 19, les ressortissants américains sont autorisés à revenir au Liban et le 20, 80000 élèves du privé ont repris le chemin des écoles après 5 mois de vacances forcées. Le 29, le couvre-feu n’est plus imposé que de 1h à 4h. Le 2 novembre, les courses vont reprendre à l’hippodrome et on achève la réouverture des routes en montagne.

    On estime à 200000 livres les dégâts subis par les bâtiments publics dans la capitale. Le port est retombé à son rythme de 1948 avec un trafic moyen de 10 navires par jour et de 80000 tonnes par mois, la moitié à peine de 1957. Mais le retrait des marchandises s’accélère et le transit ferroviaire vers la Syrie et la Jordanie reprend. Entre mai et septembre, il y eut à l’AIB un atterrissage ou décollage toutes les 15 minutes, soit +6.9% par rapport à 1957. Mais le mouvement des passagers a diminué de 18%. Le commerce, l’industrie et l’agriculture, bien que durement touchés, ont fait preuve de vitalité.

    Le 27, a lieu la première grande réception de la saison avec l’anniversaire du Shah célébré avec faste à l’ambassade d’Iran.

     

    -25 octobre 1958 : Départ des derniers Marines :

    Les derniers éléments des forces américaines qui ont débarqué le 15 juillet rembarquent à bord de leurs navires. Il ne reste plus dans le pays qu’une mission de 10 officiers chargée de régler des questions administratives.

    Le 26, on annonce que le blé offert par les Etats-Unis sera mis en vente et une partie de ses revenus servira à dédommager les victimes des troubles. 21000 tonnes sont déjà arrivées et le solde de 44000 tonnes sera expédié dès le début de la mise en vente des quantités livrées. Le premier cabinet Karamé voulait dédommager en blé Sami el-Solh et Khalil Hibri dont les domiciles avaient été détruits mais Washington s’y était opposé.

     

    -10 novembre 1958 :

    Réintégration des agents déserteurs ou démissionnaires.

     

    -13 novembre 1958 : Rapts : Black-out à la radio :

    Le ministre de l’Information interdit à Radio-Liban de lancer des appels pour retrouver des disparus, ces appels semant la panique et étant parfois sans raison, certains omettant d’aviser qu’ils tarderont à rentrer chez eux.

    Le 3, on signala 9 tués et le 6, deux tués et des rapts à Beyrouth. Le 11, après une nuit ponctuée de tirs, il est décidé de faire encercler tout quartier d’où sortiront des tirs et de décrocher les portraits des personnalités officielles. Des combats entre arméniens ayant fait 3 tués et 10 blessés, le quartier du Fleuve est isolé le 19 par l’armée. Le 21, alors qu’on signale 3 tués et 6 blessés à Beyrouth et en province, le couvre-feu est définitivement levé dans la capitale.

     

    -19 novembre 1958 :

    Poursuite des engagements armés entre arméniens.

     

    -21 novembre 1958 :

    Levée totale du couvre-feu.

     

    -22 novembre 1958 : Rencontre Kataeb-Najjadés au pied du monument de Solh :

    La traditionnelle parade militaire du 22 novembre n’a pas lieu et la Fête de l’Indépendance est célébrée dans le recueillement. La veille, dans un message aux libanais, le président Chéhab avait déclaré que « c’est de nos mains que nous avons failli compromettre notre indépendance et c’est de nos propres mains que nous l’avons sauvée ».

    Accompagné des présidents de la Chambre et du Conseil et des ministres, le chef de l’Etat a fleuri la tombe du Soldat Inconnu puis la statue de Riad el-Solh sur la place où sifflaient hier encore les balles. Puis, symbolisant la réconciliation et l’unité nationale retrouvée, des délégations des Kataeb et des Najjadés ont déposé une couronne aux pieds de la statue de l’homme d’Etat disparu.

     

    -29 novembre 1958 : Pleins pouvoirs au cabinet qui décide une amnistie :

    Le Conseil des ministres adopte un projet d’amnistie couvrant les crimes et délits commis entre le 9 mai et le 14 octobre 1958, après que le président Chéhab eut réussi à unifier des points de vue divergents.

    Jusqu’alors tout s’était déroulé sans accroc au sein de l’équipe. Le 12, par 34 voix contre une (Albert Moukheiber) et une abstention, la Chambre avait voté pour 6 mois et en un article unique les pleins pouvoirs au cabinet Karamé. Les 7 députés PNL et Joseph Chader s’étaient retirés au moment du vote.

    Jusqu’au 13 juin 1959, le Conseil des ministres a été autorisé à prendre des décrets-lois en matière de législation financière et économique, sureté et sécurité publiques, organisation administrative et judiciaire, offices et caisses autonomes, budget et crédits nécessaires à l’exécution des décrets-lois. Selon Karamé, chaque décret-loi devra être approuvé par les 4 ministres.

    Radiation de la plainte contre la RAU :

    Dans le cadre de la normalisation, les agents déserteurs avaient été réintégrés le 10. Ils ne recevront pas de traitements pour la période de leur absence mais leur solde est rétablie à son niveau normal à partir d’octobre.

    Le 17, le gouvernement demanda la radiation de la plainte du Liban contre la RAU au Conseil de Sécurité qui la radie le 26. Gemayel avait estimé la radiation de la plainte préférable à son retrait qui aurait signifié que le Liban considérait sa plainte non fondée, ce qui est inacceptable. En la rayant, la dignité du pays est sauve et le dernier obstacle à la normalisation avec la RAU est levé.

    Le 6, l’ambassadeur de la RAU, Abdel-Hamid Ghaleb, déclaré persona non grata en juillet 1958, était revenu à Beyrouth porteur d’un message d’amitié de Nasser à Chéhab. Aucun officiel ne l’accueillit au port mais on y nota la présence de l’ambassadeur soviétique. En réponse à des critiques, Eddé déclara que les Quatre avaient signé l’arrêté annulant celui expulsant Ghaleb et Gemayel dit avoir accepté ce retour « pour ne pas compromettre les relations avec la RAU ». Albert Moukheiber déposa une question sur cette affaire et, n’ayant pas reçu de réponse, refusa les pleins pouvoirs au cabinet.

    Le 19, dans leur dernier rapport, les observateurs de l’ONU constatèrent l’absence d’infiltrations de Syrie et estimèrent leur mission terminée. Le 22, les directeurs de la Sureté libanaise et syrienne se rencontrèrent pour coordonner leurs activités et le 29, le Conseil des ministres rétablit la libre entrée des syriens au Liban.

    Adoption d’un compromis de Chéhab :

    Mais la question de l’amnistie faillit diviser les Quatre. Pour Gemayel et Eddé, amnistier c’est reconnaître la légalité de l’insurrection. Pour Karamé et Oueyni, ce serait justice. En tant que leaders de l’insurrection, ils avaient fait l’objet de poursuites judiciaires, rapportées par le nouveau régime. Pourquoi leurs partisans, toujours en prison, seraient moins bien traités qu’eux ? Peut-on pardonner à la tête mais punir le bras ? Privilégiant la pérennité du pays sur l’application stricte de la justice, Gemayel et Eddé ont finalement cédé.

    Se posa alors un autre obstacle. Pour Karamé et Oueyni, l’amnistie doit couvrir tous les accusés d’opposition au régime précédent. Elle doit donc inclure ceux de Miziara et de Deir el-Achayer. Gemayel est contre : elle ne doit couvrir que la période du 9 mai au 14 octobre 1958, la révolution et la contre-révolution. On finit par adopter un compromis de Chéhab : l’amnistie couvrira en principe la période du 9 mai au 14 octobre 1958, mais le chef de l’Etat aura la possibilité d’étendre son effet à des cas particuliers, survenus avant la première de ces dates.

    L’amnistie ne concerne que l’action publique. Les victimes ou leurs héritiers peuvent toujours réclamer des dommages-intérêts.

     

    -2 décembre 1958 : Pas de Sainte Barbe :

    Le gouvernement interdit le port de masques pour la Sainte Barbe ainsi que les permis de port d’armes sous peine de 3 à 10 ans de prison.

     

    -3 décembre 1958 :

    Hold-up sur le boulevard de l’AIB. Ses auteurs sont arrêtés le 28 à Damas.

     

    -10 décembre 1958 : Départ des derniers observateurs de l’ONU :

    Galo Plaza, chef des observateurs de l’ONU, quitte le Liban avec ses derniers hommes. Le 23, le secrétaire des Nations Unies, Hammarskjöld, passe par Beyrouth où il constate le retour définitif de l’ordre dans le pays.

     

    -14 décembre 1958 : 25 tués à Arsal dans des chocs avec l’armée :

    De violents affrontements entre les habitants d’Arsal et l’armée, soutenue par la gendarmerie, font 25 tués, dont un officier de l’armée et un gendarme, et 60 blessés. Venu aider les gendarmes à mettre un terme à des combats entre les habitants d’Arsal et de Nabi Osman, un détachement de l’armée est tombé dans une embuscade tendue par des hommes d’Arsal qui pensaient repousser une attaque. Ayant perdu un officier, la troupe riposta avec violence aux assaillants.

    Le 16, une délégation du Hermel et de Baalbeck, représentant toutes les communautés, est reçue par Karamé et Eddé et dénonce la violence des forces de l’ordre. Karamé annonce l’ouverture d’une enquête et une commission d’officiers supérieurs est envoyée dans la région. Le Conseil des ministres alloue 100000 livres à titre d’aide immédiate à Arsal que visite Eddé le 24.

     

    -27 décembre 1958 : L’amnistie générale est votée et sa couverture étendue :

    5 jours après le vote par la Chambre du projet d’amnistie générale, le Conseil des ministres en étend la couverture aux inculpés et aux condamnés dans les affaires de Miziara, Akoura, Deir el-Achayer et Kneissé. Ils sont tous libérés. Le 15, Sleiman Frangié, condamné par défaut à 6 mois de prison pour port d’arme lors du massacre de Miziara, avait été acquitté par la Cour de Justice devant laquelle il s’était présenté et qui avait reconnu la validité de son permis de port d’arme.

    Le 22, la Chambre avait voté le projet d’amnistie, après en avoir étendu l’effet aux crimes et délits commis jusqu’au 1er décembre et non le 15 octobre comme initialement prévu, pour inclure les responsables des récents affrontements entre arméniens.

    L’amnistie couvre les instigateurs et auteurs de crimes contre la sureté de l’Etat, les délits à caractère politique et les contraventions, commis entre le 9 mai et le 1er décembre 1958. Elle autorise le chef de l’Etat à accorder par décrets, dans l’année qui suit la promulgation de la loi, des amnisties pour des crimes et délits commis avant le 9 mai 1958. Sont exclus de l’amnistie, la violation du boycottage d’Israël, le vol, l’escroquerie, les chèques sans provisions, le faux et usage de faux, l’abus de confiance, le détournement de fonds, l’attentat aux mœurs, la culture et le trafic de stupéfiants.

     

    -3 janvier 1959 : La présidence s’installe à Zouk :

    Le palais de Kantari est fermé et le siège de la Présidence est transféré dans la villa Amatoury à Zouk où le chef de l’Etat qui réside à Jounié transfère sa résidence officielle le 17. Le dernier meuble à quitter Kantari est le coffre-fort. Dotée de 6000 m2 de jardins, la villa de 2 étages comporte 2 immenses halls et 9 pièces. Depuis 2 mois, l’architecte français Babouder travaillait à la restauration et à l’aménagement de la villa, dont l’installation du chauffage central.

     

    -7 janvier 1959 :

    2058 demandes d’indemnisation à Beyrouth suite aux troubles de 1958.

     

    -22 janvier 1959 : Adel Chéhab, chef de l’armée :

    Le colonel Adel Chéhab, commandant du secteur de Baalbeck, est nommé chef de l’armée. Né en 1903 à Hadeth, lieutenant en 1929, il a servi dans plusieurs unités dont celle des Chasseurs Libanais. Commandeur de l’Ordre du Cèdre, il est détenteur de la Médaille de la Palestine et de plusieurs décorations étrangères.

     

    -24 janvier 1959 : Un moine tué et deux enlevés au Akkar :

    Un moine est tué et 2 enlevés au Akkar dans une embuscade tendue par des membres de la tribu des Jaafar. Les pères Janatios, Georges et Jean Mourani, de l’Ordre Alépin Maronite, étaient à 3 Km de Kobeyate où ils devaient assister le lendemain à un mariage quand leur voiture a été la cible de tirs. Le père Janatios est grièvement blessé et les deux autres sont emmenés par les Jaafar. Relâchés le 26, ils diront que les agresseurs ont su qu’ils étaient des moines et ont refusé de porter secours au blessé qui a expiré faute de soins.

    L’affaire suscite une vive émotion. Salam, Karamé et Oueyni déplorent l’incident et appuient toute action du cabinet tandis que le chef de l’Etat préconise l’usage de la force si nécessaire pour arrêter les coupables qu’une délégation des Jaafar promet à Eddé de livrer.

    Le 31, l’ex-député du Akkar, Albert Hajj, est grièvement blessé à Tripoli par un individu masqué. On ignore si l’agression est liée à l’incident de Kobeyate.

     

    -4 février 1959 : Arrestation d’un agresseur :

    Arrêté le 4, Omar Osman avoue avoir agressé Me Albert Hajj qui avait exigé de lui des honoraires élevés.

     

    -12 février 1959 : Plus de drapeaux étrangers :

    Des drapeaux de la RAU, hissés en certains endroits, ayant suscité des rixes, le ministère de l’Intérieur interdit de hisser un drapeau étranger sur le territoire libanais. Eddé interdit également les manifestations des partisans de Nasser contre le régime irakien, estimant qu’il n’est pas dans l’intérêt du pays de dénoncer la politique intérieure d’un pays arabe.

     

    -16 février 1959 :

    Loi Eddé : peine de mort à tout coupable d’homicide intentionnel.

     

    -20 février 1959 :

    Officiel : il n’y a plus au Liban de PPS recherchés par la Syrie.

     

    -22 février 1959 :

    3 tramways brulés à Basta.

     

    -23 février 1959 : Conditions pour améliorer le trafic :

    Pour améliorer le trafic à Beyrouth, le capitaine Koraytem, chef de la police municipale, demande d’installer des feux aux croisements, de supprimer les tramways, d’établir un dossier par conducteur, d’imposer le renouvellement des permis de conduire, de les saisir pour amendes non réglées, d’augmenter les agents, de percer des artères, d’imposer des taximètres, de sanctionner les chauffards et de dresser des procès-verbaux sur base de la plaque minéralogique du véhicule.

     

    -23 février 1959 : Arrestation du trafiquant Sami Khoury :

    Recherché par Interpol, le trafiquant de drogue Sami Khoury est arrêté avec 2 complices en pleine tentative de corruption du commissaire Abdel-Karim Hamadé, chef de la brigade anti-narcotique. Se sentant surveillé, Khoury avait chargé un complice, Ismail Fakhoury, de proposer à Hamadé une somme que ce dernier, avec l’accord de ses supérieurs, accepta d’encaisser, exigeant cependant qu’elle lui soit remise par Khoury.

    Le procès de ce dernier et de 6 complices s’ouvre le 25 avril devant la cour criminelle. Ils sont défendus par Bahige Takieddine.

     

    -25 février 1959 : Décès du général Toufic Salem :

    D’émouvantes funérailles nationales sont faites au général Toufic Salem, chef de l’état-major, emporté le 23 par la maladie et qui est inhumé au cimetière de Ras el-Nabeh. L’office funèbre est célébré en la cathédrale grecque-catholique, place de l’Etoile, en présence du Premier ministre représentant le chef de l’Etat, des ministres, des officiers de l’armée, des hauts fonctionnaires, du corps diplomatique et d’une immense foule.

    Né à Tyr en 1905, Toufic Salem s’enrôle dans l’armée en 1923, est élève de l’école militaire de Damas puis de Saint-Cyr. Lieutenant en 1925, il gravit tous les échelons par le mérite et participe à deux campagnes militaires, celles du Levant de 1941 et de Palestine en 1948, qui révèlent ses valeurs militaires. Chef d’état-major depuis 13 ans, il fut promu général le 1er février, après avoir consommé son énergie et négligé le traitement de la maladie dont il souffrait, du fait des événements de 1958.

    Titulaire de médailles libanaises et étrangères, le général Salem qui avait lutté avec stoïcisme contre le mal qui le rongeait « révéla par sa mort la noblesse infinie de son être », écrit la presse.

     

    -27 février 1959 : Chocs sanglants entre pro et anti-nassériens place des Canons :

    Des accrochages entre partisans et adversaires de Nasser font 2 tués et 9 blessés place des Canons, imposant l’intervention de l’armée alors que les chocs armés débordaient sur la place Riad el-Solh.

    Les esprits étaient surexcités depuis des incidents survenus le 22, anniversaire de la RAU, célébré par des meetings à Basta et à Tarik Jédidé. Ce jour-là, un tramway venant de Basta arrive à Gemmayzé portant des slogans pro-Nasser. Ils sont remplacés par des slogans hostiles au leader égyptien. Lorsque la rame revient vers Basta, elle est saccagée place Riad el-Solh et des jeunes en colère en brulent deux autres. L’intervention de Raymond Eddé, ministre de l’Intérieur, rétablit le calme et en soirée, l’incident est considéré clos.

    La projection d’actualités filmées au cinéma Hollywood relance la crise. La veille déjà à l’Empire, des incidents avaient éclaté quand l’image de De Gaulle fut applaudie par certains, huée par d’autres. Même scénario au Hollywood avec Nasser. Des bagarres entre les spectateurs, à coups de poings puis de gourdins et de poignards, ne tardent pas à déborder dans la rue puis se généralisent.

    Des éléments armés affluent de Basta et Gemmayzé vers la place des Canons et y déclenchent une fusillade qui dure 1h avant que l’ordre ne soit rétabli et les émeutiers dispersés. Atteint de balles, le corps de Boutros Rayess est retrouvé place Riad el-Solh et on relève 10 blessés (5 par balles, 5 poignardés) dont l’un succombe. On signale des enlèvements dont ceux de Rachid Chléla et de Georges Saad, kidnappés à Tarik Jédidé où aurait été abattu aussi Rayess dont le corps a été ensuite déposé place Riad el-Solh.

    Amplifiée par les rumeurs, la panique s’empare de la population. Pierre Gemayel et Raymond Eddé établissent des contacts avec Adnan Hakim et Saeb Salam qui déclare que « l’opinion publique n’est plus disposée à suivre les agitateurs ». Karamé affirme à la radio que « le gouvernement est déterminé à sévir avec une extrême rigueur contre les fauteurs de troubles ».

    Du fait de ces efforts, les cinémas de la place rouvrent en soirée et les ballets de San Francisco se produisent comme prévu au Capitole. Mais le centre de la ville demeure désert. La circulation des tramways dont 3 ont été brulés reprend mais 2 militaires accompagnent chaque rame.

    Le lendemain, le cabinet crée des postes militaires permanents dans la capitale. Eddé fait état de 35 arrestations, annonce l’ouverture d’une enquête et impose une censure préalable sur les actualités politiques projetées dans les cinémas pour en extirper les passages potentiellement conflictuels.

     

    -11 mars 1959 : Création de la Brigade 16 :

    Destinée à intervenir nuit et jour dans tous les cas d’urgence, est créée une brigade spéciale de la police, baptisée le 14 Brigade 16. Elle groupe 100 agents spécialement entrainés, auxquels s’ajouteront 100 autres. La brigade vient épauler les 60 patrouilles de police chargées de la sécurité à Beyrouth où 8 barrages sont établis pour la recherche d’armes.

     

    -13 mars 1959 : Saisie de 150000 livres israéliennes :

    La police saisit au port de Beyrouth 15000 coupures de 10 livres israéliennes, entassées dans un sac de jute caché dans le moteur d’un voilier, soupçonné de se livrer à la contrebande entre Gaza et le Liban. Le capitaine et les 4 marins, des syriens de Rouad, sont arrêtés. On se demande comment ils comptaient écouler cet argent, la devise israélienne étant interdite.

     

    -22 mars 1959 : Assassinat d’un directeur d’hôtels :

    Georges Ivanov, directeur des hôtels Excelsior et Palm Beach et des night-clubs Les Caves du Roy et La Macumba est mortellement blessé par l’explosion d’une bombe placée sous son lit en son domicile, face à la pâtisserie Arlequin. Il décède le 29 et ses obsèques sont conduites par Michel Touma, commissaire général au Tourisme, vu les services qu’il a rendus au tourisme et du fait qu’il est sans parents au Liban. La question qui se pose au juge d’instruction, Joseph Freyha, chargé de l’enquête, est de savoir comment la bombe a pu être placée sous le lit alors qu’il n’y a pas eu effraction de la porte du domicile.

     

    -22 mars 1959 : Attentats anticommunistes :

    Des attentats à la bombe sont perpétrés contre 2 imprimeries d’obédience communiste une semaine après des attentats similaires contre le siège des relations culturelles soviétiques Vox et la maison de Moustafa Ariss, un des chefs du PC. Ces attaques s’inscrivent dans le cadre de la crise virulente entre l’Irak et la RAU dont les partisans en Irak sont pourchassés et exécutés. Kassem, allié aux communistes, vient de noyer dans le sang à Mossoul une révolte pronassérienne dont le chef, le colonel Chawaf, a été tué.

     

    -25 mars 1959 :

    Rencontre historique Chéhab-Nasser à la frontière.

     

    -2 avril 1959 : L’insurrection a fait 1365 tués :

    Sur base des demandes d’indemnisation, on annonce le 2 que l’insurrection de 1958 a fait 1365 tués dont 446 à Tripoli et au Nord, 350 dans la Bekaa, 278 à Beyrouth, 190 au Mont-Liban et 101 au Sud.

     

    -10 avril 1959 : Les clans de Zghorta prêts à faire la paix :

    Chargé par Chéhab de réconcilier les Zghortiotes, Henri Pharaon obtient des chefs de clans un accord de principe pour mettre un terme définitif aux vendettas qu’ils se livrent depuis des années. Sleiman Frangié, René Mouawad, le père Semaan Douayhi et Youssef Karam signent un manifeste appelant à la fin des affrontements. Une fois la réconciliation consacrée, des indemnités seront versées aux familles des victimes et les forces de l’ordre, jusqu’alors perçues comme un défi, reviendront dans la localité.

    Le 14, un accrochage à Deir el-Ahmar entre les familles Habchi et Jreige fait 2 tués et des blessés. L’armée procède à plusieurs arrestations.

     

    -6 mai 1959 : 1500 LL par victime de l’insurrection :

    Le Conseil des ministres fixe à 1500 LL l’indemnité aux familles des tués de l’insurrection de 1958, si la victime est père de famille à 1000 LL pour les autres. Une allocation sera payée aux infirmes selon leur degré d’invalidité, avec un plafond de 1500 LL. Les versements commenceront le 1er juin.

    Le 30 mai, la Chambre approuve une indemnité mensuelle de 1000 LL aux familles des anciens présidents de la République, qui seraient dans le besoin. L’indemnité ira à moitié à l’épouse à titre viager et à moitié aux enfants jusqu'à la majorité des garçons et le mariage des filles. Elle peut etre cumulée avec une pension de retraite, à concurrence de 500 LL.

     

    -18 mai 1959 : Réconciliation à Arsal :

    Les habitants de Arsal, en conflit avec des tribus voisines, se réconcilient en présence du colonel Adel Chéhab, chef de l’armée, qui est élevé le 30 au rang de général avec le colonel Jamil Lahoud, chef du cabinet militaire de la Présidence. Bien qu’ayant atteint la limite d’âge, ce dernier est maintenu un an de plus en service.

     

    -27 mai 1959 : Double agression de l’aviation israélienne :

    Un appareil militaire libanais en mission de reconnaissance au-dessus de Bint Jbeil est intercepté par 4 chasseurs israéliens qui l’obligent à atterrir en Israël. Beyrouth ayant exigé la restitution de l’appareil et des pilotes, ces derniers sont reconduits le 30 à la frontière mais l’avion demeure saisi.

    Le 18, un avion de la MEA amenant d’Egypte 27 Casques Bleus fut obligé de se poser à Tel-Aviv puis autorisé à poursuivre son vol. 5000 Casques Bleus basés en Egypte doivent séjourner à Broummana, par roulements d’une semaine.

     

    -6 juin 1959 : On vole les câbles du téléphone :

    Un communiqué du ministère de la Défense signale que de nombreux câbles téléphoniques ont été sectionnés et volés et souligne que les auteurs de ces actes de vandalisme et de sabotage sont passibles de lourdes peines. Se réservant le droit d’imposer une amende collective (équivalente au double des dégâts) aux habitants des régions où ces vols ont lieu si leurs auteurs ne sont pas identifiés, le ministère prie la population de veiller sur les installations et les câbles du téléphone et d’alerter les autorités en cas d’actes suspects.

     

    -10 juin 1959 ; Agents romains pour la circulation :

    Venus à la demande de Beyrouth, 9 agents romains dirigent la circulation entre le Musée et Bab-Idriss. Postés en 6 points névralgiques, ils règlent le trafic comme un ballet, sous le regard des passants, badauds et collègues libanais. « La situation est sérieuse mais pas désespérée » estime leur chef. Le 13 juillet, les 10 meilleurs agents libanais sont envoyés à Rome parfaire leur entrainement et les agents romains s’en iront le 21 juillet.

    La densité des voitures est telle au Liban qu’un convoi débutant à Beyrouth s’achèverait au Koweït. Mis bout à bout, les véhicules déborderont les frontières. Entre 13 et 14h, 2200 piétons traversent la chaussée entre l’Automatique et la Municipalité et le tramway transporte 180000 personnes par jour.

     

    -10 juin 1959 : Avion rendu :

    Israël restitue le 10 l’avion militaire obligé le 27 mai à se poser en territoire israélien.

     

    -19 juin 1959 :

    Beyrouth s’inquiète d’un plan Hammarskjöld visant à intégrer les réfugiés palestiniens.

     

    -2 juillet 1959 : L’aviation intervient au Nord :

    L’aviation mitraille aux roquettes des éléments armés dans l’Akkar et au Hermel, visant notamment le fortin Al Ourouba où se sont retranchés des membres de tribus qui se battent depuis le 29 juin, à la suite de vols de troupeaux. On signale déjà une quinzaine de blessés et 3 soldats ont été tués quand leur jeep est tombée dans l’Oronte (Assi). Le Conseil de Sécurité Intérieure avait confié la veille à l’armée le soin de rétablir l’ordre dans la région.

     

    -4 juillet 1959 : Disparition de Farjallah Hélou à Damas :

    Le secrétaire général du Parti Communiste Libanais, Farjallah Hélou, a été enlevé le 25 juin à Damas par les Services de Renseignements syriens. L’accusation, portée par An Nida, organe du PCL, suscite une vive émotion et les Affaires Etrangères dépêchent le 17 un fonctionnaire dans la capitale syrienne. Mais les syriens déclarent tout ignorer du sort de Hélou et les milieux communistes les accusent de ne pas vouloir le montrer en public, du fait des tortures qu’il a subies.

    Le 22, 24 femmes communistes envahissent et saccagent le hall de l’ambassade de la RAU, rue Clemenceau, exigeant la libération de Hélou. Arrêtées, elles sont condamnées le 28 à 1 mois de prison avec sursis.

     

    -7 juillet 1959 :

    Décès d’Albert Hajj, agressé à Tripoli en février.

     

    -14 juillet 1959 :

    Tension au Chouf à la suite de rumeurs sur une visite de Chamoun.

     

    -17 juillet 1959 : Impasse à Zghorta :

    Président du comité de réconciliation de Zghorta, Henri Pharaon signale dans un rapport au chef de l’Etat que la réconciliation est dans l’impasse, car la vie économique n’arrive pas à redémarrer, les tribunaux esquivent les cas impliquant des Zghortiotes et ces derniers exigent que l’indemnité de 1.5 million soit entièrement versée par l’Etat. Ils refusent, par fierté, que ce dernier ne paye qu’un demi-million, laissant le solde à la souscription publique, donc à la charité.

     

    -27 juillet 1959 : Naim Moghabghab lynché par la foule au Chouf :

    Le député du Chouf et ancien ministre Naim Moghabghab, partisan de l’ex-président Chamoun et leader de la résistance au PSP en 1958 au Chouf, est lynché à mort par la foule alors qu’il se rendait à une réception du chef de l’Etat à Beiteddine, donnée en l’honneur des émigrés.

    Ce lundi, la montagne a revetu son air de fete. Routes parsemées d’arcs de triomphe et de guirlandes, fanfares, chants populaires. Les rancunes nées des troubles de 1958 semblent oubliées. Du fait de la foule, les voitures se frayent difficilement un chemin. Derrière celle du général Adel Chéhab, chef de l’armée, et du colonel Chmayet, chef d’état-major, avance une Fiat transportant Naim Moghabghab, assis près de son chauffeur, et un garde du corps. Malgré les conseils, le député avait estimé inutile de porter une arme.

    Agacé par les embouteillages, Moghabghab descend se dégourdir les jambes puis remonte en voiture. Le chauffeur dira avoir alors entendu murmurer : « C’est Moghabghab ». Il s’inquiète. Plus loin, au carrefour Maasser-Beiteddine, le député veut mettre de nouveau pied à terre. Faute de pouvoir l’en empecher, le chauffeur descend et court vers la voiture du général Chéhab. « Venez vite, dit-il, Naim bey est en danger. Ils vont le tuer ». On entend aussitôt des coups de feu, couverts de hurlements hystériques. Il est près de 18h30. Moghabghab, arraché de la Fiat, vient d’etre assassiné.

    Le député qui se débat a été poignardé, roué de coups de gourdins et de pierres et deux balles l’ont atteint à la tete. On s’acharne sur son corps sans vie. Puis les assaillants disparaissent. La journée qu’on voulait joyeuse s’est achevée dans l’horreur. De mémoire de libanais, on n’avait jamais entendu parler dans le pays d’un tel lynchage.

    Eddé innocente Joumblatt :

    La nouvelle de l’assassinat suscite une vive émotion. Un conseil de cabinet réuni la nuit envoie l’armée au Chouf avec ordre de tirer à vue sur tout porteur d’armes. Des villages sont encerclés, 65 suspects arrêtés. Mais les meurtriers, au nombre de 3, sont en fuite. Gemayel menace de démissionner s’ils ne sont pas châtiés et Eddé annonce que l’occupation militaire du Chouf se poursuivra jusqu'à l’arrestation des coupables. Alors qu’on manifeste à Achrafieh en signe de colère, des obsèques officielles sont faites à Moghabghab.

    Le 30, la Cour de Justice est saisie de l’affaire et la Chambre donne une semaine au cabinet Karamé pour présenter les résultats de l’enquête sur cet assassinat. Le lendemain, Eddé annonce que les coupables ont été identifiés et se rend à Moukhtara pour montrer, en réponse aux critiques, qu’aucune région n’échappe à l’autorité de l’Etat. Il affirme que Joumblatt n’est pas impliqué dans le crime et dément qu’un mandat d’arrêt ait été lancé contre lui. Quant au leader du PSP, il poursuit en justice les journaux qui ont engagé sa responsabilité.

    Tension depuis le 12 :

    La situation au Chouf était tendue depuis le 12 quand, apprenant que Chamoun pourrait venir à Deir el-Kamar, des éléments armés du PSP avaient dressé des barrages pour l’en empêcher. Le 14 à la Chambre, Kahtan Hamadé et Henri Traboulsi dénonçaient cette provocation qui créait au Chouf un climat intenable mais Nassim Majdalani avait estimé « naturel que les habitants du Chouf qui ont eu des victimes durant l’insurrection puissent ne pas tolérer que passe devant eux la cause de leurs malheurs ». Il avait déclenché un tollé de la part de certains députés et pour éviter un pugilat, Osseirane avait levé en hâte la séance, après avoir prolongé la session extraordinaire jusqu’au 31 juillet.

    La tension au Chouf s’était accrue quand le 15, le gouvernement avait interdit un meeting du PNL à Hasbaya mais autorisé un du PSP.

    Héros de l’Indépendance :

    Avocat de profession, Naim Moghabghab a lutté en 1943 pour l’indépendance et commandé la Garde Nationale créée en novembre à Bchémoun. C’est lui qui tira sur le militaire qui, le 27 avril 1944, tentait de hisser le drapeau français sur le Parlement. Il avait été blessé dans l’échauffourée qui suivit. Député du Chouf en 1953, réélu en 1957, il fut ministre des Travaux Publics en 1955. Membre du PNL, il avait 48 ans et était père de 2 garçons, Camille 7 ans et Ghassan 4 ans. Il est fait Grand Officier de l’Ordre National du Cèdre à titre posthume.

     

    -2 aout 1959 : Al Ourouba tombe :

    A la suite de nouveaux accrochages entre Fneydek et les Nassereddine, l’armée mitraille et occupe le 2 le fortin Al Ourouba au Akkar.

     

    -18 aout 1959 :

    Les experts arabes rejettent l’intégration des réfugiés.

     

    -21 aout 1959 :

    Peine de mort requise contre les 3 assassins de Moghabghab.

     

    -22 aout 1959 :

    Gemayel pour un gouvernement palestinien sur la portion de Palestine aux mains des arabes. Amman : les palestiniens sont chez eux en Jordanie.

     

    -24 aout 1959 : Arrestation de terroristes :

    Des explosifs sont saisis dans un appartement de la ru Zahar à Achrafieh et 6 terroristes, responsables d’attentats à la bombe, sont arretés suite aux révélations de Georges Nasr qui, auteur d’un attentat place Sassine, a été appréhendé le 5. Nasr ayant parlé de l’implication de personnalités dans les attentats, des journaux accusent le PPS, d’autres le PNL. Mais les dépositions du député Henri Traboulsi (PNL) et de Sobhi Abou Eid (PPS) n’apportent aucun élément nouveau. On estime que les sentiments de Nasr, une des victimes du tramway de Nasra en mai 1958, ont pu etre exploités par des milieux politiques.

     

    -5 septembre 1959 : Bagarres en série au Congrès des Avocats Arabes :

    Le Congrès des Avocats Arabes s’achève, comme il s’est déroulé, par une bagarre quand Me Raymond Chédid, en pleine lecture des résolutions, cria : « Ni fédération, ni union, mais un pays indépendant et souverain », avant d’etre expulsé par la Brigade 16.

    A la première séance du 2, les irakiens en vinrent aux mains avec des irakiens libres, distribuant une brochure anti-Kassem. Des fauteuils volèrent en l’air et la Brigade 16 sépara les combattants. La réunion fut suspendue. Le 3, bagarre entre irakiens et syro-égyptiens. Le 4, c’est au tour des libanais de se battre : des avocats communistes distribuant un manifeste réclamant la libération de Farjallah Hélou, disparu à Damas, se heurtèrent à d’autres libanais. Nouvelle bagarre et nouvelle intervention de la Brigade 16. Le soir, la bagarre se transpose au diner de Zahlé. Les irakiens criant : « Vive Kassem », et les syro-égyptiens : « Vive Nasser », les assiettes se mirent à voler. Le diner qu’Eddé comptait offrir en clôture est de ce fait annulé.

     

    -8 septembre 1959 : Crime dans le hall de l’AIB :

    Alors qu’il s’enregistrait sur un vol pour Ankara, un ex-employé de l’ambassade de la RAU à Bagdad, Mahmoud Jamil, est abattu dans le hall de l’AIB par 6 hommes qui parviennent à prendre la fuite. Ils se révèleront être des libanais au service des Services de Renseignements syriens et leur victime se rendait en Irak via la Turquie. Le 14, Eddé annonce que les criminels ont été identifiés et que l’affaire a été transmise à la Cour de Justice.

    L’état de la sécurité reste déficient. Le 2, Kesrouane Labaki, directeur du Soir, est agressé et blessé, le 5, une rixe à Ehden fait 1 tué, le 7, un gendarme est tué au Hermel et le 12, Abbas Masri, gendre de Melhem Kassem, est abattu à Furn el-Chebback. Eddé se plaint de la lenteur de la justice et note que depuis la loi du 16 février, une seule condamnation à mort a été prononcée et exécutée.

     

    -25 septembre 1959 : 11 manifestants anti-irakiens blessés :

    11 manifestants sont blessés et 9 arrêtés par la Brigade 16 qui empêche une foule en colère d’arriver à l’ambassade d’Irak. La manifestation avait été autorisée après l’exécution le 20 à Bagdad de 4 collaborateurs et de 17 officiers pronassériens. « A l’avenir, j’hésiterai à autoriser des manifestations », dit Eddé.

     

    -3 octobre 1959 :

    Grève à l’AUH et à l’Hôpital Saint Georges après l’arrestation de 2 médecins.

     

    -9 octobre 1959 : Bataille rangée de 3h à Nahr :

    Une bataille rangée à la grenade et à l’arme automatique oppose durant 3h près des camps Hajjine et Charchaboul à Nahr la Brigade 16 à des repris de justice dirigés par Artine el-Asmar. On relève 10 blessés dont 6 agents et les camps sont encerclés. Le 2, des éléments de la Brigade 16, débarqués dans la région, s’étaient battus 1h avec le bandit et sa bande. Il y avait eu 5 blessés dont 3 graves mais Artine s’était enfui.

    Le 25, Tripoli, après Beyrouth, a sa propre Brigade 16. Depuis sa création en février, cette dernière a répondu à 6360 appels.

    Le 26, trois hommes de la famille Jreige sont tués et 2 femmes blessées dans une embuscade tendue par des éléments de la famille Habchi, dans le cadre d’une vendetta à Deir el-Ahmar que l’armée investit.

     

    -30 octobre 1959 : Réseau d’espionnage démantelé :

    Le juge d’instruction Nagib Kfoury lance un mandat d’arrêt contre Toufic Mizrahi, directeur du Commerce du Levant, qui est à l’étranger, suite à la découverte au début du mois d’un réseau d’espionnage pro-israélien. Le juge interroge aussi le commerçant Elie Lévy, Fayek Khoury, journaliste, Amine Zeytouni, inspecteur à la Sureté, Mohammad Zayour, reporter, et Samir Salem, ex-informateur des Services de Renseignements syriens, qui seraient impliqués dans ce réseau.

    Selon An Nahar, 2500 juifs ont déjà quitté le Liban pour Israël avec l’aide de l’Agence Juive et d’une compagnie aérienne non libanaise.

     

    -5 novembre 1959 : Terrorisme :

    Les 6 terroristes jugés pour divers attentats dont celui de la place Sassine sont condamnés le 5 à des peines de travaux forcés de 3 à 5 ans. Le verdict sera confirmé le 29 décembre par la Cour de Cassation Militaire.

     

    -6 novembre 1959 : Manque de fonds pour le palais de Baabda :

    Les Travaux Publics demandent 4 millions pour poursuivre les travaux du palais présidentiel de Baabda, arrêtés faute de crédits. En construction sur un terrain de 50000 m2 acheté à Henri Pharaon, le palais comprend 117 salles, un court de tennis et une piscine. Les appartements privés sont en étage, les rez-de-chaussée étant réservé aux services officiels.

     

    -10 novembre 1959 : Najjadés de nouveau autorisés :

    Les Najjadés sont de nouveau autorisés le 10, le décret qui les avait interdits le 18 juin 1958 ayant été annulé. Le parti d’Adnan Hakim est en conflit ouvert avec Saeb Salam.

     

    -16 novembre 1959 : Querelle de femmes : 5 tués :

    Pris d’un accès de folie, Mahmoud Doughane abat sa femme, ses trois fillettes dont un nourrisson et sa belle-sœur, quartier Abou-Chacra, près du stade municipal, avant de se blesser en tentant de se donner la mort. Agé de 27 ans, l’homme vivait avec sa famille sur le même palier que son frère. Excédé par les querelles incessantes assorties de cris entre son épouse et celle de son frère, l’homme, pris de démence, abat sa belle-sœur, sa femme, ses filles de 4 et 6 ans et de 3 mois, avant de retourner son arme contre lui.

     

    -21 novembre 1959 :

    Procès Moghabghab : 3 condamnations à mort, 11 acquittements.

     

    -10 décembre 1959 : Beyrouth veut une réunion de la Ligue consacrée au Jourdain :

    Beyrouth demande une réunion urgente de la Ligue après qu’Israel eut annoncé la prochaine reprise des travaux de détournement des eaux du Jourdain. Le Caire a menacé de guerre Israel dès la reprise des travaux et Damas a proposé d’assécher le fleuve en le privant de ses affluents arabes.

    En mai 1951, le Conseil de Sécurité, saisi d’une plainte syrienne, n’avait pas pu empecher Israel d’assécher les marais de Houlé. En octobre 1953, il est saisi d’une autre plainte syrienne concernant un projet israélien de détourner les eaux du Jourdain pour irriguer le Néguev. L’Etat hébreu accepta de suspendre le projet sans préjudice sur le fond. En février 1956, Ben Gourion annonça sa relance mais Hammarskjold, envoyé dans la région, la gela. Il est suivi de l’envoyé américain Johnston qui proposera en vain une exploitation arabo-israélienne des eaux du Jourdain. L’affaire a rebondi avec la décision israélienne de reprendre les travaux.

     

    -11 décembre 1959 : Double attentat contre les Najjadés :

    Deux bombes sont lancées la nuit sur le bureau des Najjadés et sur le magasin d’optique d’Adnan Hakim, chef du parti, rue de l’Emir Béchir, où 57 boutiques sont endommagées. Le double attentat accentue la tension entre les partisans de Hakim et ceux de Saeb Salam. En matinée, les Najjadés avaient distribué un violent manifeste accusant Salam et Gemayel de « collusion au service de l’impérialisme ». La brochure suscita des rixes armées entre les partisans des deux leaders sunnites. Un comité tente de les réconcilier et le gouvernement crée des postes fixes de la Brigade 16 à Basta et dote les veilleurs de nuit de mitraillettes.

     

    -11 décembre 1959 : Artine al-Asmar se livre :

    Recherché par les forces de l’ordre auxquelles il a récemment livré bataille dans la région du Fleuve, Artine Khatchadourian dit al-Asmar se livre avec un complice à la Direction Générale de la Police. « Je me suis livré, dit-il, car on m’accuse de crimes que je n’ai pas commis. J’ai confiance dans la justice libanaise ».

     

    -1er janvier 1960 : Agression contre Michel Abou Jaoudé :

    Alors qu’il sortait de sa voiture, Michel Abou Jaoudé, chroniqueur politique au Nahar, est agressé devant le Rivoli par un inconnu qui lui porte au visage des coups de rasoir et disparaît. Transporté à l’hôpital, il reçoit 7 points de suture. Le conseil supérieur de la Presse proteste mais le journaliste refuse de porter plainte contre inconnu.

     

    -11 janvier 1960 : Mitri Okdé abattu par un agent au Palais de Justice :

    Vive émotion à la suite d’un assassinat perpétré de sang-froid en plein Palais de Justice par un agent municipal. Alors qu’il se trouvait dans la cour du Palais, Mitri Okdé est abattu par l’agent Hassan Ibrahim Chmeyssani qui a utilisé son arme de service. L’assassin, 24 ans, vengeait ainsi son frère ainé Toufic, tué le 25 juillet 1948 par Okdé dans un tripot de Bhamdoun. Ecroué le 17 septembre, Okdé avait été libéré 3 ans après et Chmeyssani avait grandi depuis dans l’idée de se venger.

    Apercevant Okdé dans la cour, il se poste derrière lui, l’appelle puis, alors que ce dernier se retourne, dégaine et tire 8 balles dont 6 atteignent Okdé, le tuant net. Une balle blesse un avocat et la 8e un huissier. Puis Chmeyssani se livre à la police. L’Ordre des avocats se met en grève 24h et l’assassinat suscite une tension à Mousseitbé où vit la famille de Chmeyssani, passible de la peine de mort du fait de la Loi Eddé. Le 16, la peine de mort est effectivement requise contre l’agent assassin, déféré devant la Cour Criminelle pour crime sans préméditation.

    L’affaire va accorder un sursis inattendu à la Loi Eddé en question, critiquée par de nombreux parlementaires et par la majorité du corps judiciaire. A la première séance de sa session extraordinaire, la Chambre avait été saisie le 7 d’une proposition de loi de Kamel el-Assaad visant à l’abrogation de cette loi. Mais les députés du Bloc National, Raymond Eddé, Edouard Honein et Nouhad Bouez, imités par Jean Aziz et Georges Akl, s’étaient retirés avant le vote, provoquant un défaut de quorum. La reprise de la réunion, le 12, au lendemain du meurtre, verra alors la Chambre, opérant un total revirement, rejeter le projet Assaad.

    Pour Eddé, « ce meurtre est la preuve de la nécessité de maintenir la loi du 16 février 1959 », mais pour ses détracteurs, le fait que la criminalité n’ait pas diminué malgré cette loi prouve son inutilité.

     

    -15 janvier 1960 : Beyrouth décide de dévier le Hasbani :

    Le Liban a décidé de dévier le cours du fleuve Hasbani, un des affluents du Jourdain, qui prend sa source au Sud du pays. Cette décision, rendue publique par le chef du gouvernement Hussein Oueyni au cours de sa réunion avec la commission parlementaire des Affaires Etrangères, est considérée comme une riposte aux travaux de détournement du Jourdain dont Israël a annoncé la reprise au Sud du lac de Houlé.

    Le communiqué publié au terme de cette réunion souligne que le gouvernement qui compte procéder à la planification des eaux libanaises dans l’intérêt du pays et conformément au droit international, a déjà attiré l’attention des pays arabes sur la gravité de la situation provoquée par le projet israélien. Selon Oueyni, « la question sera soulevée à la réunion des ministres arabes des Affaires Etrangères le 8 février au Caire. Nous sommes surs que les pays arabes auront une attitude analogue à la nôtre ».

    Oueyni devait préciser que son gouvernement demandera à la Chambre de voter un crédit de 10 à 12 millions de livres pour dévier le Hasbani vers le Litani. Les points les plus proches entre les deux cours sont distants de 6 Km et il faudrait percer un canal pour réaliser cette déviation. Les travaux prendraient 24 mois et ont été établis sur base d’études effectuées par le passé par Maurice Gemayel et Albert Naccache.

    La déviation du cours du Hasbani entre dans le cadre d’un récent projet soumis par la Jordanie et proposant que les gouvernements libanais, syrien et jordanien procèdent au détournement des affluents du Jourdain prenant leurs sources dans leurs territoires.

    Golda Meir, ministre israélien des Affaires Etrangères, ayant mis en garde contre cette déviation, Fouad Ammoun, secrétaire général des Affaires Etrangères, estime que « nos droits sur le Hasbani sont indiscutables » et Oueyni déclare que le Hasbani sera détourné « que Mme Meir le veuille ou non ».

    Le 28, la Chambre vote le budget 1960 après en avoir porté le montant de 220 à 221,235 millions. Le 30, s’achève la session extraordinaire, ouverte le 4, sans débat sur la politique générale du gouvernement.

     

    -20 janvier 1960 : Patrouilles pour pister les voitures volées :

    A la suite de la multiplication des vols de voitures, notamment dans certaines régions du pays, des patrouilles spéciales des FSI sont chargées de relever les numéros des plaques des véhicules circulant de nuit sur les grands axes du pays et de noter l’identité de leurs conducteurs. Il leur serait de ce fait plus aisé de retracer le parcours d’une voiture dont le propriétaire signalerait ultérieurement le vol.

     

    -23 janvier 1960 : Yul Brynner : « Les réfugiés, un danger pour le monde » :

    Nommé observateur permanent de l’ONU dans le cadre de l’Année mondiale des Réfugiés, l’acteur américain Yul Brynner, arrivé le 21, visite des camps de réfugiés palestiniens avant de se rendre en Jordanie après une soirée au casino. Se disant fatigué, il refuse de recevoir la presse.

    Revenu le 31, il souligne dans une conférence à l’UNRWA « la situation précaire et tragique des palestiniens » et estime que « une nouvelle race humaine, apatride et miséreuse, met en danger le monde, celle des réfugiés ». Il se rend ensuite à New York pour soumettre son rapport avant d’aller tourner au Mexique son film, The Magnificent Seven.

    Le 31, l’acteur égyptien Omar Sharif arrive à Beyrouth pour la première du film Goha de Jacques Baratier et Georges Schéhadé dont il tient le rôle principal.

     

    -26 janvier 1960 : Complot pour assassiner Méouchy ?

    La presse fait état de l’arrestation d’un syrien venu d’Alep pour tuer le Patriarche Méouchy. Mais les enquêteurs trouvent étrange le comportement du suspect, arreté porteur d’armes et d’instructions en arabe sur sa mission et qui a trop facilement avoué et livré 2 complices, des palestiniens. Selon An Nahar, les 3 hommes seraient communistes et l’affaire aurait été montée pour mettre en cause le leader nationaliste alépin Rachad Barmada. Le 14, le journal écrivait que Beyrouth prépare une nouvelle campagne contre les communistes dont 300 membres se seraient infiltrés de Syrie avec pour mission de mener des actions de déstabilisation avec l’aide de communistes libanais.

     

    -29 janvier 1960 : Projet de Zone Verte dans le centre :

    Le commandant Aziz Ahdab, directeur de la police à laquelle a été rattachée la circulation, propose de transformer le centre de la capitale en Zone Verte dans laquelle le stationnement sera limité, alors que les voitures y occupent jour et nuit la chaussée. Ahdab veut définir le périmètre de la zone commerciale, y réglementer le stationnement, l’interdire aux tramways et aux taxis-services et écarter toute intervention politique.

     

    -Février 1960 : PV pour rien :

    Selon la police, la plupart des 228000 contraventions dressées en 1959 n’ont pas été payées, dans l’attente d’amnistie ou du fait d’interventions.

     

    -8 février 1960 : Cambriolage audacieux :

    400000 LL en bijoux sont volés le 8 en plein jour du domicile de Victor et May Arida, situé face au ministère des Affaires Etrangères. Une querelle entre les voleurs mène à leur arrestation et à la récupération des bijoux. Il s’agissait de 7 jordaniens.

     

    -19 février 1960 :

    La Résistance Populaire devient un parti politique.

     

    -21 février 1960 : Rentrant de Damas, des autobus attaqués à Furn el-Chebback :

    Deux autobus ramenant de Damas des participants à la célébration de l’anniversaire de la RAU, sont lapidés à Furn el-Chebback et Ain el-Remmané par des habitants irrités par des slogans, les photos de Nasser et les drapeaux de la RAU hissés sur les véhicules. Des passagers sont blessés.

    La nouvelle suscite une vive tension à Basta où deux tramways sont saccagés. L’armée est dépêchée à Furn el-Chebback pour protéger les voitures rentrant de Damas et des gendarmes prennent position à Basta pour empêcher la foule de se diriger vers la place Riad el-Solh. 11 personnes sont arrêtées à Furn el-Chebback puis relâchées quand il fut établi que l’incident n’était pas prémédité.

    Le 26, le Conseil de Sécurité Intérieure interdit tout meeting sauf pour des fêtes nationales et accentue les mesures de sécurité. Mais en dépit de cette fermeté, deux autobus sont de nouveau lapidés le 28 à Kahalé par les habitants de la localité alors qu’ils se rendaient à Damas où est arrivé Nasser.

    Le 29, des représentants de la Résistance populaire, des Najjadés dirigés par Adnan Hakim, et les députés Saeb Salam, Abdallah el-Yafi, Nassim Majdalani, Kamal Joumblatt, René Mouawad, Ahmad el-Assaad, Maarouf Saad et Sleiman Frangié se rendent à Damas. Un iftar est donné en leur honneur auquel assistent l’ancien président syrien Chucri Kouatly, le maréchal Amer et Abdel-Hamid Sarraj, homme fort de la province syrienne de la RAU.

     

    -29 février 1960 :

    La Ligue arabe : « Le détournement du Jourdain, un casus belli ».

     

    -31 mars 1960 : 2 tués au Akkar :

    Blindés et aviation interviennent au Akkar pour arrêter des combats entre Fneydek et Mechmech qui ont fait 2 tués et 2 disparus.

     

    -1er avril 1960 : Autobus fou à Bhamdoun : 23 écoliers tués :

    Tragédie à Bhamdoun où un autobus transportant 33 collégiens et collégiennes de l’école arménienne évangélique d’Achrafié, dévale à folle allure une pente et s’écrase contre un mur, sa partie supérieure laminée par un balcon bas. De la carcasse déchiquetée, sont retirés 23 corps sans vie et mutilés de jeunes de 15 à 19 ans. 14 collégiens et accompagnateurs sont blessés. Le conducteur qui s’est éjecté, a disparu. Il se livre le 6 à la justice qui retient le 23 sa responsabilité dans l’accident dû au dérèglement de la boite de vitesse du fait d’une vitesse élevée.

     

    -8 avril 1960 : Acquittements :

    Faute de preuves, le Tribunal Militaire acquitte le 8 les inculpés d’espionnage font Toufic Mizrahi, propriétaire du Commerce du Levant.

     

    -11 avril 1960 : Voiture assemblée au Liban :

    Ressemblant à la Jeep américaine, le prototype d’une voiture tous terrains, assemblée au Liban par la Younès Motors, est présentée à la presse. Les pièces employées par la firme sont toutes de fabrication américaine. Si les tests que les experts militaires feront subir à la voiture sont concluants, la firme commencera l’assemblage de voitures en série.

     

    -18 avril 1960 :

    Assassinat du père Boulos Massaad.

     

    -24 avril 1960 : Assassinat du père Massaad : deux arrestations :

    Arrêté dans le cadre du meurtre du père Boulos Massaad, curé de Achkout, retrouvé le 18 à Majdel-Baana près de Sofar, une balle dans le dos et une dans la tête, Salim Abdel-Khaled, habitant du village, avoue avoir blessé le curé que le changeur de Beyrouth, Georges Ghosn, a achevé en lui tirant la balle mortelle. Ghosn est arrêté et les deux hommes vont désormais se rejeter l’un sur l’autre la responsabilité du meurtre.

    C’est parce que le curé, son complice dans des opérations de trafic, lui réclamait de l’argent que Ghosn engagea Abdel-Khaled pour intimider le père. Il l’emmena dans sa voiture le soir du 17 à Majdel-Baana où Abdel-Khaled qui les attendait menace le curé d’un revolver. Le père tentant de fuir, il lui tire une balle dans le dos puis Ghosn lui loge une dans la tête. C’est grâce à un passant qui a vu la voiture de Ghosn le 17 à Majdel-Baana que la police remonta au changeur.

     

    -30 avril 1960 : Messages dans les tubes de dentifrice :

    Un réseau communiste est découvert après la saisie à l’AIB de messages contenus dans 15 tubes de dentifrice que transportait le Dr. Jamil Baddour, venant de Zurich. Intrigués, les douaniers qui pensaient y trouver des stupéfiants découvrirent des messages adressés aux membres du réseau, en liaison avec l’agence centrale communiste du Moyen-Orient, établie à Leipzig.

     

    -1er mai 1960 : La Brigade 16 tire sur la foule à Achrafié : 2 tués, 83 blessés :

    Alors que le chef du gouvernement Rachid Karamé et les ministres Ali Bazzi et Pierre Gemayel assistent à une messe célébrée par le Patriarche Méouchy en l’église des Sœurs de la Charité à Achrafié, pour le tricentenaire de la mort de Saint Vincent de Paul, une grenade lancée sur la foule, massée à proximité, par un agent de la Brigade 16 et des tirs sur la population font 1 tué (une fillette de 13 ans) et 84 blessés dont un succombera.

    Les versions du directeur général de la police, le commandant Aziz Ahdab, et celles de plusieurs témoins du drame sont contradictoires. Selon Ahdab, la Brigade 16 tentait d’empêcher un choc entre Kataeb et PNL quand elle a été la cible d’une grenade et de tirs. Les témoins oculaires affirment par contre que ce sont des agents de l’ordre qui ont lancé l’engin mortel et ouvert le feu sur une foule pacifique et désarmée.

    A minuit, le Conseil des ministres publie un communiqué disant avoir chargé le ministre de l’Intérieur de demander au directeur général de la police de « prendre dans un délai maximum de 48h les mesures disciplinaires qui s’imposent à l’encontre des membres des FSI sur qui, à la lumière des premières constatations, retomberait la responsabilité du lancement de l’explosif ». Radio Liban convie au calme et le Patriarche Méouchy demande dans un appel « à tous nos fils et frères libanais à quelque confession qu’ils appartiennent de contribuer aux efforts déployés par les chefs spirituels et temporels de toutes les communautés pour apaiser les esprits, liquider les haines et refaire l’unité nationale ».

    L’acte d’accusation, rendu public le 19, rejette la version du commandant Ahdab, estimant que les manifestants Kataeb et PNL étaient pacifiques et que la police a voulu, sans raisons, les disperser à coups de crosse et arracher les portraits de Gemayel et Chamoun. Selon l’acte, Ahdab reçut un coup de poing à la figure alors qu’il cravachait la foule et l’agent Abbas Hazimé de la Brigade 16 lança alors une grenade puis l’agent municipal Mohammad Singer tira sur la foule. L’acte prononce un non-lieu en faveur de Ahdab et du commissaire Itani que des témoins avaient accusé, requiert la peine de mort contre Hazimé et Singer et poursuit 5 agents pour recel d’informations.

    « Qu’on ne cherche pas à minimiser l’affaire, écrit L’Orient, de crainte qu’elle soit exploitée sur le plan confessionnel. Au contraire, c’est en tentant de l’étouffer ou de couvrir les coupables qu’on risquerait d’ouvrir la voie à toutes les aventures ».

    Créée en février 1959 par Raymond Eddé alors ministre de l’Intérieur, dans la foulée des événements de 1958, la Brigade 16 est une unité de commandos de la police, spécialement entraînés et équipés pour les interventions rapides dans tous les cas où l’ordre public serait gravement menacé. Relevant directement du directeur général de la police, elle comptait au début 100 éléments, devenus 200. Elle dispose d’un parc de voitures-radios, d’armes automatiques et de grenades légères offensives du type de celle lancée sur la foule.

    La presse se demande pourquoi une manifestation religieuse avait nécessité la présence de cette unité d’élite alors que de simples gendarmes auraient suffi à maintenir l’ordre. La question principale reste cependant de savoir qui a donné l’ordre de disperser par la force une foule pacifique et désarmée, rassemblée autour d’une église et qui ne faisait qu’acclamer des leaders politiques.

     

    -6 mai 1960 : Chéhab inaugure le nouveau monument aux martyrs :

    La fête annuelle des Martyrs revêt cette année un éclat exceptionnel avec l’inauguration par le chef de l’Etat du nouveau monument aux Martyrs, œuvre du sculpteur italien Mazzacurati.

    La cérémonie s’est ouverte peu après 9h en présence du chef de la Chambre dissoute, Sabri Hamadé, de Rachid Karamé et des ministres, des députés sortants, du corps diplomatique, du conseil municipal, des représentants syndicaux et des familles des martyrs.

    Après une minute de silence et la sonnerie aux morts, le président Chéhab a retiré, sous les applaudissements de la foule et des officiels, le drapeau recouvrant les 4 statues.

    Puis Kazem el-Khalil, au nom de la Chambre dissoute, Ali Bazzi au nom du gouvernement et Amine Arayssi au nom des familles des martyrs ont prononcé des allocutions. Il reste à installer les fontaines aux coins du socle de 12 tonnes sur lequel se dressent les 4 statues de 4.4 mètres.

     

    -23 mai 1960 : Insécurité et cascade de grèves :

    L’état de la sécurité se dégrade et agressions, crimes, attentats sont régulièrement signalés dans la presse. La relance de la vendetta entre Tachnags et Hentchaks fait 3 tués en 48h et un émigré, rentré depuis 15 jours, est assassiné à Zghorta où l’armée procède à une cinquantaine d’arrestations et instaure un cordon de sécurité autour de la localité. Le 3, un jeune phalangiste a été mitraillé à Sinn el-Fil par les passagers d’une voiture, trois arméniens, qui seront arrêtés dans la Bekaa et contre lesquels la peine de mort est requise le 29.

    Tension aussi sur le plan social. Les 2000 employés de la Régie se sont mis en grève du 13 au 18, 60% des 950 ouvriers et techniciens de la Masco (Middle East Aircraft Service Company) qui assure la maintenance des avions à l’AIB ont débrayé le 19, suivis le 23 des garçons des restaurants et cafés de l’aéroport. Le travail reprend le 26 à la Masco mais le 30, les conducteurs des rouleaux compresseurs et des camions des Travaux Publics se mettent en grève.

     

    -9 juillet 1960 : Blocus de Nahr et de Zghorta :

    L’armée et la police encerclent les camps de Nahr, contrôlant entrées et sorties. Suite aux plaintes des habitants manquant d’eau, le siège est levé le 12 après l’arrestation de 9 des 31 repris de justice recherchés. Le 7, le passager d’un tramway a été abattu à Nahr et le lendemain, on y a signalé un tué et deux blessés. Pour éviter la relance de la vendetta, le bouclage fut décidé.

    Le blocus de Zghorta, levé le 4, est rétabli le 13 après un attentat contre un Karam. Le 19, Eddé annonce que sur 16 repris de justice recherchés, 14 ont été arrêtés dont 7 condamnés à mort et que 650 arrêtés judiciaires ont été exécutés à Zghorta dont certains vieux de 10 ans.

     

    -16 juillet 1960 : Chmeyssani devant le Tribunal Militaire :

    La police municipale étant rattachée depuis le 1er juillet à la direction des FSI, la cour criminelle se déclare incompétente et Chmeyssani, l’agent municipal qui a tué Mitri Okdé au Palais de Justice, sera jugé par le Tribunal Militaire.

     

     

    -3 août 1960 : Evasion de 11 dangereux prisonniers :

    Après avoir scié les barreaux de leurs cellules de l’extérieur, 11 prisonniers dont 10 meurtriers s’évadent de la prison de Baabda. Parmi eux Salim Abdel-Khaled, assassin du père Massaad. Deux sont aussitôt repris. 5 gardiens font l’objet d’arrêts judiciaires pour négligence. C’est Georges Ghosn qui a financé l’évasion pour faire fuir son complice Abdel-Khaled. Fin août, 7 des 9 évadés avaient été repris ou s’étaient livrés. Il ne reste en fuite que 2 criminels dont Abdel-Khaled.

     

    -12 août 1960 : Le lieutenant Helayel tué à Zghorta :

    Un lieutenant et un caporal de l’armée sont tués à Zghorta par un criminel qu’ils tentaient d’arrêter. Le lieutenant Joseph Helayel avait encerclé une maison où se cachait Semaan Douayhi, meurtrier d’un émigré en mai, sommant ce dernier d’en sortir. L’homme répliqua par des tirs et Helayel, à la tête de ses hommes, donna l’assaut. Le criminel lança alors deux grenades qui tuèrent le caporal et blessèrent l’officier qui succombe à l’hôpital de Tripoli. Son meurtrier décède le 15.

    Le 22, le ministre de l’Intérieur annonce que, suite au blocus de la localité depuis plus d’un mois, tous les repris de justice recherchés ont été arrêtés.

     

    -29 août 1960 : La Ligue arabe reconnaît aux palestiniens le droit à la lutte :

    Réunis (sans la Tunisie) depuis le 22 à Chtaura, les ministres des Affaires Etrangères de 9 pays arabes (et un observateur algérien) reconnaissent la personnalité palestinienne et le droit des réfugiés à la lutte.

    La résolution adoptée stipule qu’ « il appartient au peuple arabe de Palestine d’agir pour récupérer sa patrie usurpée, avec l’aide et l’association des Etats et peuples arabes. Il incombe aux pays arabes de sauvegarder la personnalité palestinienne…et permettre au peuple palestinien de lutter pour sa cause et de défendre ses droits en usant des moyens les plus efficaces ». Sont reconnus ainsi pour la première fois et la personnalité propre des palestiniens et leur droit à la lutte, mais avec l’aide des pays arabes et en coopération avec eux.

    Alors que la réunion a insisté sur l’arrêt des campagnes hostiles entre les pays arabes, deux bombes soufflent le lendemain à Amman les immeubles de la Présidence du Conseil et des Affaires Etrangères, faisant 11 tués dont le Premier ministre Hazaa Majali. La Jordanie accuse Damas d’avoir organisé les attentats.

     

    -30 août 1960 :

    Assassinat du neveu de Sabri Hamadé.

     

    -1er septembre 1960 : Rafle dans les rangs du Parti al-Tahrir :

    66 mandats d’arrêt sont émis contre des membres du parti interdit al-Tahrir (Libération) dont 16 sont déjà arrêtés pour distribution de tracts attaquant la déclaration ministérielle du cabinet Salam, axée sur le Pacte National. Ils sont accusés de provoquer des troubles confessionnels.

    Parmi les personnes recherchées figure le palestinien Takieddine Nabahani qui fonda en Jordanie ce parti qui veut installer dans les pays arabes des pouvoirs dont l’action sera basée sur les seuls enseignements du Coran. Interdit en Jordanie puis en Syrie où il s’était replié, al-Tahrir installa alors son siège à Beyrouth avec des branches à Tripoli et à Saida et se mit à dénoncer dans des tracts les errements des leaders musulmans. Suite à une visite de Hamadé et Salam à Bkerké, il décréta leur exclusion de la Umma Islamique.

    Elément de discorde, al-Tahrir finit par irriter le Mufti qui obtint des autorités son interdiction. Son chef au Liban, Ali Hassan Fakhreddine, sera arrêté le 22 mai 1962 avec 6 autres dirigeants.

     

    -3 septembre 1960 : Vendettas et attentats :

    Suite à l’assassinat du neveu de Sabri Hamadé, un Zéaiter est abattu à Bourj-Hammoud et la tension au Hermel s’accentue. Le 9, Moustafa Kataya, un leader de la Résistance Populaire de 1958 et partisan de Salam, est abattu dans un café d’Ouzai et le lendemain, une charge explose au consulat de la RAU faisant 2 blessés. Le gouvernement renforce son contrôle sur les milieux de gauche et pro jordaniens, le PC et Amman étant en conflit avec la RAU.

    Le 6, est pendu Jamil Assaad qui, le 15 octobre 1959, a tué 2 personnes au Akkar et fut condamné à mort le 27 avril. C’est la 3e exécution capitale depuis la Loi Eddé du 16 février 1959.

     

    -14 septembre 1960 : Grenade d’Achrafié : tous les agents acquittés :

    Le Tribunal Militaire acquitte, faute de preuves, les deux agents accusés d’avoir lancé la grenade et tiré sur la foule à Achrafié le 1er mai, ainsi que les 5 agents poursuivis pour recel d’informations. La défense a plaidé non coupable soutenant que l’acte d’accusation ne s’appuyait sur aucune preuve et a été établi pour des considérations extrajudiciaires, l’opinion réclamant alors à tout prix et rapidement un coupable.

     

    -5 octobre 1960 : Un agent criminel passé par les armes :

    Pour la première fois dans l’histoire du Liban indépendant, un meurtrier condamné à mort est fusillé, alors que les exécutions de criminels se font par pendaison. Condamné à mort le 11 juillet par le Tribunal Militaire, sentence confirmée en cassation le 3 aout, l’agent de la police d’Etat Wehbé Bayram est passé par les armes à l’école de tir de Dbayé, le règlement voulant que les criminels condamnés à mort par le Tribunal Militaire soient fusillés.

    L’agent avait abattu dans un guet-apens le 8 juillet 1959 à Beyrouth un vendeur de glace de la famille Hajj dont un des membres avait tué en janvier 1959 son père, dans le cadre d’une vendetta à Wardaniyé (Chouf) qui remonte à 1958. C’est la quatrième exécution capitale depuis la Loi Eddé du 16 février 1959 dont la commission de la Justice approuve le 17 l’abrogation par 6 voix contre 2.

     

    -9 octobre 1960 : 3 tués dans une agression à Nahr :

    Quatre individus mitraillent un café à Nahr tuant un homme sur le coup et blessant quatre hommes dont deux succombent à l’hôpital. Des renforts de police sont dépechés dans la région mais on exclut le rétablissement du blocus des quartiers arméniens. Trois des agresseurs sont arretés le 26 mais leur chef se trouverait à Alep.

     

    -18 octobre 1960 : Le Monument aux Français déménage :

    Le démantèlement du Monument érigé Avenue des Français à l’Armée française du Levant de la guerre 14-18 commence à etre démantelé sur décision de la municipalité. Il doit etre réinstallé à Nahr el-Kalb, dans le site des stèles historiques.

     

    -28 octobre 1960 : Chmeyssani condamné à mort :

    Après avoir rejeté une nouvelle demande de report, le Tribunal Militaire présidé par le colonel Jamil Hussami condamne à mort l’agent municipal Hassan Chmeyssani qui, avec son arme de service, a abattu Mitri Okdé le 11 janvier dans la cour du Palais de Justice. La défense se pourvoit en cassation. Le verdict suscite des manifestations des membres de la famille du condamné et des accrochages avec les gendarmes font 4 blessés. Nabatiyé se met en grève et les tribus Dandache et Nassereddine demandent la commutation de la peine.

    Le 26, la peine de mort avait été requise contre les deux assassins, en fuite, de Moustafa Kataya, le leader de la Résistance Populaire, abattu à Ouzai.

     

    -29 octobre 1960 : Nouvelle réglementation pour l’asile politique :

    A la suite d’une mise en garde de Damas concernant l’activité des réfugiés politiques syriens, une nouvelle réglementation pour l’asile politique est fixée dans des communiqués de Saeb Salam, ministre aussi de l’Intérieur, et du commandant Toufic Jalbout, directeur général de la Sureté.

    Selon le communiqué de Salam :

    -tout étranger désirant bénéficier du droit d’asile politique doit, sitôt entré au Liban, soumettre à la Sureté une demande indiquant son identité complète, les motifs de sa demande et sa résidence au Liban et comprenant un engagement de ne pas contrevenir aux règles du droit d’asile du pays ;

    -toute personne résidant au Liban et désirant bénéficier du statut de réfugié politique doit présenter à la Sureté Générale dans un délai de 15 jours à partir d’aujourd’hui, une demande accompagnée des documents stipulés plus haut ;

    -la personne admise à bénéficier du droit d’asile doit s’abstenir de toute activité pouvant nuire au Liban ou à son pays d’origine, et respecter les consignes de la Sureté notamment en ce qui concerne la résidence et les déplacements ;

    -tout contrevenant sera expulsé et, s’il ne peut pas quitter le pays, fera l’objet de poursuites au Liban.

    Le communiqué du commandant Jalbout impose à tout réfugié politique désireux de s’absenter plus de 48h de son lieu de résidence d’aviser la Sureté en lui exposant les raisons de son déplacement et de s’y présenter dans les 24h suivant son retour au pays. Il précise que tous les réfugiés politiques déjà considérés comme tels doivent soumettre de nouvelles demandes d’asile.

    Mise en garde syrienne :

    Le 26, le directeur de la police et de la Sureté syrienne, le général Jarrah, avait accusé le Liban d’abriter « des condamnés syriens en fuite qui, à la solde du gouvernement traitre de Jordanie, dirigent des actes de sabotage sur le territoire de la province syrienne ». Il avait présenté à la presse un individu, chargé par ces réfugiés syriens de commettre des attentats à Damas, et avait menacé Beyrouth de « mesures de légitime défense ». Suite à quoi, le commandant Jalbout l’avait rencontré le 27.

    Commentant ces accusations, An Nahar demande « quel gouvernement libanais pourrait etre au-dessus de tout soupçon, si le cabinet présidé par Saeb Salam est accusé de collusion avec les ennemis de la RAU ? Que veut Damas pour avoir confiance en nous ? Qu’on devienne une province de la RAU ou qu’on livre nos frontières et nos maisons pour qu’ils les ferment et les ouvrent à leur gré ? »

    Pris entre Amman et Le Caire :

    Le pays  est en fait pris dans le conflit entre Amman et Le Caire. Après l’attentat qui couta la vie le 28 aout au chef du gouvernement jordanien Hazaa Majali, des attentats à la bombe ont eu lieu fin septembre à Damas. Le 3 octobre, après avoir reconnu le régime de Bagdad, ennemi juré de Nasser, Hussein avait accusé ce dernier à la tribune de l’ONU d’user de méthodes communistes pour étendre la terreur dans la région. En riposte, Nasser s’engageait le 14 à éliminer le régime de Hussein, proclamant que la Jordanie est partie intégrante de la Syrie et qu’il allait balayer ses frontières artificielles pour réaliser coute que coute l’unité arabe. Une tentative de médiation libanaise avait avorté.

    Soucieux d’éviter au pays de devenir le champ d’action des services secrets des deux camps, le gouvernement resserre son contrôle sur les réfugiés politiques. On parle d’un camp près de Jezzine où sont gardés les plus actifs, d’autres sont expulsés. Le 30, des explosifs, des armes de guerre et des documents sont saisis à Falougha au domicile du frère de l’ex-dictateur Adib Chichakly. Le secrétaire de Salah Chichakly qui a déjà été expulsé du Liban est arreté.

     

    -30 octobre 1960 : Drame familial à Broummana :

    Drame familial à Broummana où Rony Roy Tabet qui emmenait son fils en voiture, écrase son épouse Gladys, née Kassatly, qui s’est trouvée devant le véhicule. La jeune femme est hospitalisée dans un état très grave, souffrant de côtes cassées, de fractures du bassin et d’un poumon touché. Un mandat d’arret est lancé contre le mari qui a disparu après avoir déposé l’enfant chez des amis à Beyrouth.

    Mais quand Gladys pourra déposer le 16 novembre, elle affirme qu’il s’agissait d’un accident et refuse de se constituer partie civile. L’enquete est donc clôturée et l’époux qui se livrera au juge d’instruction le 9 décembre est remis en liberté, la thèse de l’accident ayant été retenue.

     

    -14 novembre 1960 : Mohammad el-Fadl arreté et accusé de terrorisme :

    Ministre en 1944 dans le deuxième cabinet Riad el-Solh, plusieurs fois député de Nabatiyé (il ne se présenta pas aux élections de 1960), Mohammad el-Fadl, arreté le 12, est accusé de diriger une bande terroriste à la solde de la Jordanie. La bande serait responsable d’actes terroristes à Damas et de l’explosion au consulat de la RAU à Beyrouth où ont eu lieu aussi des attentats à la bombe contre Al Hayat, Al Anwar et Al Hawadeth.

    L’arrestation à Damas d’un certain Iskandar Mourad, venu du Liban porteur d’explosifs, déclencha l’affaire. Il cita le nom de Fadl, fut livré à Beyrouth qui plaça l’ex-député sous surveillance. Quand le nom de ce dernier apparut dans des papiers saisis sur deux suspects après l’attentat le 9 contre l’imprimerie Al Najah, il fut arreté et interrogé.

    Il nie toute participation à des actes terroristes mais admet avoir des amis haut placés à Amman et des relations avec Salah Chichakly et l’attaché militaire de Jordanie, le colonel Ghazi Khatib. Un mandat de comparution est adressé à ce dernier qui n’y donne pas suite. Expulsé, il regagne Amman où il devient premier aide de camp du roi Hussein.

    Fadl est inculpé d’actions visant à détériorer les relations du Liban avec la RAU et à troubler l’ordre public. Le 28, l’acte d’accusation rapporte que, dans la gene, l’ex-député fut amené à collaborer avec les services jordaniens et introduisit à Ghazi, Iskandar Mourad qu’un certain Sarkis Mikhael lui avait recommandé. Ghazi remit des explosifs à Mourad et l’envoya en Syrie. L’acte requiert la peine de mort contre Fadl, Mourad et Mikhael, également arreté.

    L’affaire soulage le chef du gouvernement, malmené depuis son retour de l’ONU par l’opposition groupant Karamé, les députés PNL et BN et des mécontents. Salam refusa d’abord d’exposer devant la commission des Affaires Etrangères son action à l’ONU, notamment l’échec d’une médiation entre Hussein et Nasser et le vote contre l’admission de la Chine populaire. Une motion de blame l’ayant accusé de porter atteinte à la dignité de la Chambre, il céda mais ses explications le 8 devant la commission ne désarmèrent pas les opposants qui réclamaient un vote de confiance. L’affaire Fadl mit fin au débat de politique générale sans ce vote.

     

    -25 novembre 1960 : Beyrouth refuse l’extradition de réfugiés syriens :

    Tout en poursuivant l’expulsion des réfugiés qui ne se sont pas conformés aux nouvelles directives, Beyrouth refuse de donner suite à une note de Damas, réclamant l’extradition de 10 réfugiés politiques syriens dont 4 recherchés pour atteinte à la sureté de l’Etat et 6 pour rébellion armée. Beyrouth justifie son refus par le respect et l’application de la convention judiciaire en vigueur entre les deux pays, précisant que deux de 10 réfugiés sont décédés et deux autres déjà expulsés.

     

    -27 novembre 1960 : La gendarmerie occupe Chekka :

    Appuyés de blindés, les gendarmes occupent les cimenteries de Chekka dont les 720 ouvriers se sont mis en grève le 12. Ils veulent une hausse des allocations familiales, une indemnité de vie chère et un jour de congé par semaine.

    Le 1er, la grève avait cessé à la Lepco dont les employés ont reçu une hausse de 4% des salaires, une augmentation automatique de 5% tous les 18 mois, 15 à 29 jours de congé annuel et une indemnité de licenciement après 15 ans de service. Suite à quoi, les 400 journaliers du Cadastre se mirent en grève le 16, suivis le 18 de ceux de l’Office des Eaux. Le 29, l’IPC annonce le licenciement fin décembre de 400 employés.

     

    -16 décembre 1960 : Deuil au Casino :

    Le directeur et la directrice de la troupe de ballet du Casino sont tués le 16 lorsque la voiture dans laquelle ils ont pris place, conduite par Osman Aidi, verse dans un fossé. Aidi est blessé.

     

    -21 décembre 1960 : Fin de la concession de la Régie :

    Le gouvernement décide de ne pas renouveler la concession de la Régie des Tabacs qui expire en fin d’année. Le monopole du tabac revient à l’Etat dès 1961 sans formalités spéciales.

    Le 3, une cinquantaine d’individus avait attaqué et blessé à Tarik Jédidé deux agents de la Régie poursuivant un contrebandier. Arreté le 8 pour avoir dirigé l’attaque, armé d’une mitraillette, Ibrahim Koleilat est remis en liberté le 10, les agents s’étant désistés. Moukheiber accuse le gouvernement de collusion avec les contrebandiers, suscitant un échange d’injures avec le ministre Majdalani, et Gemayel veut une enquete sur la remise en liberté de Koleilat.

     

    -28 décembre 1960 : Vendetta à Deir el-Kamar :

    Philippe Boustany, ex-Kataeb qui a rallié Joumblatt en 1958, est abattu le 28 à Deir el-Kamar. Son meurtrier présumé, Georges Bou-Abdo, est arreté le 31. Le frère de la victime avait tué un Bou-Abdo il y a huit mois.

     

    -4 janvier 1961 : Emeutes après la confirmation du verdict de mort pour Chmeyssani :

    Tyr, Saida, Nabatiyé et Baalbeck se mettent en grève et des émeutes éclatent à Beyrouth au lendemain de la confirmation par la Cour de cassation militaire du verdict de mort contre l’agent Hassan Chmeyssani qui, le 11 janvier 1960, avait abattu Mitri Okdé au Palais de Justice.

    A Mazraa, Maarad, Basta et Bab-Idriss, des commerces sont saccagés et une foule armée bloque le boulevard de l’AIB, obligeant les voyageurs à poursuivre leur chemin à pied avec leurs valises. En réaction, des manifestants, brandissant le portrait de Okdé, réclament à Gemmayzé l’exécution de Chmeyssani.

    Estimant que l’opposition exploite cette affaire pour montrer qu’il ne contrôle pas la rue et est donc inapte à gouverner, Salam réagit alliant finesse et fermeté. Il persuade la famille Chmeyssani (300 électeurs à Beyrouth) à lancer des appels au calme et à s’en remettre au chef de l’Etat, puis dénonce devant la presse « ceux qui confondent solidarité humaine et démagogie » et se dit « résolu à écraser par tous les moyens les entreprises de désordre ». Moins de 48h après, il avait repris le contrôle de la situation et rétabli partout le calme.

    Ghosn condamné à mort :

    Le 9, la cour criminelle condamne à mort Georges Ghosn et Salim Abdel-Khaled pour le meurtre le 18 avril 1960 du père Boulos Massaad. Abdel-Khaled est condamné par contumace, s’étant enfui le 3 aout 1960 de la prison de Baabda. Il a été retenu que Ghosn a conçu le crime et préparé le guet-apens et que c’est Abdel-Khaled qui a tiré les 2 balles sur le pretre. A l’annonce du verdict, Ghosn s’effondre. Son pourvoi en cassation est accepté le 8 mars.

    Survenant après les émeutes en faveur de Chmeyssani, ce verdict pousse des milieux à réclamer l’exécution de ce dernier et de Ghosn ou la commutation de leurs peines de mort, au nom de l’équilibre confessionnel.

     

    -15 janvier 1961 : Coopération antiterroriste avec Damas :

    Suite à l’explosion la veille en Syrie de trois voitures piégées venant du Liban, Beyrouth accepte de coopérer avec Damas dans la lutte antiterroriste, la Syrie ayant accusé le Liban de tolérer des activités qui lui sont hostiles.

    Selon An Nahar, Chéhab s’est opposé à une rencontre entre Salam et Sarraj à Chtaura, estimant que le Liban n’a pas à se justifier. « Suffit-il, écrit Ghassan Tuéni, que Damas porte des accusations contre le Liban pour que notre Premier ministre aille se justifier à Chtaura et prendre note des demandes pour ne pas dire instructions, syriennes ? Dans ce cas, Sarraj devrait passer son temps à Chtaura pour répondre aux accusations portées contre la Syrie à chaque attentat à Beyrouth ».

    Le 6, le leader communiste Artine Madoyan, blessé le 31 décembre dans un attentat à Hamra, avait accusé les Services de Renseignements syriens d’avoir tenté de le tuer dans le cadre d’une campagne visant à éliminer des leaders communistes et PPS. Le 14, la police avait lancé 80 mandats d’arret contre des membres d’Al Tahrir dont 24 sont arretés pour incitation à des troubles confessionnels.

     

    -6 février 1961 : Fadl plaide non coupable :

    L’ex-ministre et député Mohammed el-Fadl nie devant le Tribunal Militaire tout implication dans la tentative d’attentat à Damas dans laquelle fut melé l’ancien attaché militaire de Jordanie au Liban. Il estime etre victime d’une machination et accuse Iskandar Mourad et Sarkis Torbey, jugés aussi et qui l’ont accablé, d’etre des membres du Deuxième Bureau syrien.

     

    -8 février 1961 :

    Joumblatt accuse Chamoun d’avoir tenté de le faire enlever.

     

    -24 février 1961 : Les Kataeb ignorent de virulentes attaques de Nasser :

    C’est avec un sang-froid et une retenue qui leur valent l’hommage de toute la classe politique que Pierre Gemayel et le bureau politique des Kataeb réagissent à de violentes attaques de Nasser dans un discours prononcé la veille devant des délégations populaires libanaises venues l’acclamer à Damas, à l’occasion du troisième anniversaire de l’union syro-égyptienne.

    « Nos ennemis d’autrefois, dit Nasser, les PPS et les Kataeb sont nos ennemis d’aujourd’hui…Il croyaient en 1956 que la France et la Grande-Bretagne allaient triompher. Les journaux des Phalanges libanaises jubilaient et affichaient leur satisfaction de l’agression contre l’Egypte parce que c’est la France, sa tendre mère, qui attaquait l’Egypte. Nous savons que le parti des Phalanges libanaises nourrit une haine contre la nation arabe et contre la RAU. Nous n’acceptons plus de passer sous silence la propagande qu’il déclenche contre nous.

    « Le parti Kataeb fait partie du gouvernement libanais et cela nous ne pouvons ni l’ignorer ni l’oublier. De ce fait, les Kataeb n’ont pas du tout la liberté de nous attaquer ni de se coaliser avec l’impérialisme contre nous. Qu’on ne nous dise plus dès lors de nous taire…Nous savons que le peuple libanais a fait sa révolution en 1958 pour sauvegarder sa dignité et son honneur et mettre fin aux agissements des agents de l’impérialisme…A nos ennemis qui déclenchent contre nous une campagne parce que nous instituons un régime d’économie dirigée, aux allégations du journal Al Amal qui prétend que le peuple syrien est contre l’union, nous disons : mourez de haine ».

    Le 20 déjà, Nasser avait attaqué à Lattaquié les ennemis de l’union sans les nommer et les anciens leaders politiques. Il avait critiqué des journaux libanais qui écrivent en arabe mais parlent au nom de l’impérialisme et dénoncé les spéculations à Beyrouth contre la Livre Syrienne dont le taux est tombé à 78 piastres libanaises après l’instauration du contrôle des changes le 6 en Syrie. Ses propos avaient irrité des milieux parlementaires et du Sérail.

    Gemayel : « Oui au frère ainé, non au tuteur » :

    Suite à la diatribe de Nasser, le PPS exige une note de protestation officielle et une plainte à la Ligue arabe, mais les Kataeb l’ignorent. Al Amal publie sans aucun commentaire le texte intégral du discours et Gemayel dit refuser de polémiquer. Mais il estime « guère flatteur pour le monde arabe que tous ses leaders, sauf Kouatly, soient des traitres. Nous nous sommes débarrassés de l’impérialisme avant Nasser…Nous accepterions un frère ainé mais pas un tuteur ni une belle-mère. »

    Pour L’Orient, si Nasser avait voulu faire de la propagande pour Gemayel, il ne se serait pas pris autrement. Le journal rappelle que « face à Gemayel siègent au cabinet Machnouk et Joumblatt, que face à Al Amal sont publiés Beyrouth el Massa et Al Anbaa et que Salam s’évertue à donner des témoignages de loyauté au nassérisme ». Seule voix en flèche, celle de Adnan Hakim, chef des Najjadés, qui demande d’inviter Nasser au Liban et lui dit dans une dépeche « espérer que l’an prochain, il y aura un Etat arabe de plus dans l’union ».

    Le 26, Nasser change de ton. Devant des délégations libanaises, il fait l’éloge de Chéhab et proclame sa foi dans l’indépendance du Liban. Expliquant son attaque des Kataeb, il dit s’etre tu par le passé « pour sauvegarder l’unité nationale libanaise » et avoir parlé aujourd’hui « pour défendre l’unité nationale syrienne ». Le 28, Hamadé se rend à la tete d’une délégation de députés pour le féliciter à Damas.

    Salam rappelle la presse à l’ordre :

    Le meme jour, au cours d’une conférence de presse, Salam estime que « les journaux ont glissé ces derniers temps sur une pente dangereuse…Nous ne tolérerons plus un abus de liberté qui porte atteinte à l’unité sur le plan intérieur et aux intérets des pays frères sur le plan extérieur ». Il annonce que de sévères mesures seront prises contre les journaux contrevenants. La mise en garde est soutenue par la presse pronassérienne mais vivement critiquée par Az Zamane, Al Joumhouriya et Ad Destour qui dénoncent une initiative visant à flatter Nasser que Salam doit rencontrer le 3 mars à Damas. Un mandat à comparaitre est émis en fin de mois contre Az Zamane qui a vivement attaqué Saout el-Ourouba (Najjadés) dont il juge le fanatisme « intolérable ».

     

    -2 mars 1961 : Le terme Israel interdit :

    Le ministère de l’Education informe les écoles publiques et privées que tout ce qui se rapporte à Israel étant interdit, les livres d’histoire, de géographie, les atlas et les dictionnaires où il est fait mention de ce nom ne pourront pas etre mis entre les mains des élèves. Le cas échéant, la page où est cité Israel devra etre déchirée. Le meme jour, il est interdit aux diplomates de se rendre du Liban en Israel via le poste de Nakoura.

     

    -3 mars 1961 : Prison modèle à Roumié :

    Le directeur des Batiments aux Travaux Publics, Mitri Nammar, annonce que trois millions ont été alloués pour le début des travaux d’une prison modèle à Roumié. La prison aura des ailes séparées (hommes, femmes et jeunes), un hôpital, des ateliers, une bibliothèque, une salle de conférences et des terrains de sport. Sa capacité de 2500 prisonniers pourrait etre portée à 3000. Prison centrale, elle recevra les condamnés à plus de trois mois. Elle coutera 8 millions et devrait etre achevée dans deux ans et demi.

     

    -5 mars 1961 : Convoi de nassériens attaqué à Kahalé :

    Un convoi d’autobus transportant à Damas des délégations populaires brandissant des portraits de Nasser et criant des slogans jugés provocateurs est lapidé à Kahalé. Six personnes sont blessées dont une grièvement. Les forces de sécurité arretèrent 26 personnes.

    L’incident survient dans un contexte tendu. Les attaques anti-Kataeb continuent dans les médias de la RAU et Joumblatt attise la tension. Le 2, il réclame l’interdiction des Kataeb, du PPS et du PNL et un remaniement du cabinet pour en écarter certains éléments. Pour rétablir l’entente interne, il propose au Conseil des ministres l’envoi d’une délégation gouvernementale à Damas, la fermeture de l’école de Chemlane et des centres culturels relevant des ambassades étrangères, une information orientée contre la propagande confessionnelle, une meilleure coopération sécuritaire avec la RAU et une loi exigeant que le tiers des comités des partis confessionnels soit de confession autre que celle de la majorité de leurs membres.

    Suite à l’affaire de Kahalé, le Pouvoir renforce les mesures de sécurité et sévit contre la presse. An Nahar et Saout el-Ourouba sont suspendus 10 jours et leurs directeurs condamnés à 1000 livres d’amende, le premier pour caricature injurieuse, le second pour s’en etre pris en termes violents et grossiers aux habitants de Kahalé. « Quand dressera-t-on ces chiens ? Quand mettra-t-on fin à l’action de ces criminels ? Nous ne sommes plus disposés à nous montrer conciliants », écrivait-il.

    Le 9, Joumblatt rejette la responsabilité de l’incident sur ceux qui tentent, avec l’étranger, de créer une patrie chrétienne au Liban, ce qui renforce les courants unionistes arabes. Il demande la laicisation de la justice, le renforcement de l’enseignement officiel et la fin de la politique d’équilibre confessionnel.

    Le 26 avril, la responsabilité de 19 habitants de Kahalé est retenue. Ils risquent un à trois ans de prison.

     

    -7 mars 1961 : Attentat terroriste manqué près du domicile de Salam :

    Un attentat à la dynamite est avorté de justesse 15 secondes avant l’explosion d’un paquet de 105 batons de dynamite, placés près d’une station d’essence de Moussaitbé à 50 mètres du domicile de Saeb Salam. Selon les experts, l’explosion aurait causé des dégats à 1 Km à la ronde et mis le feu à la station.

    C’est vers 2h30 du matin qu’un moussaharati qui appelle les fidèles au repas, voyant une mèche se consumer, appela au secours. Un jeune jordanien se trouvant près des lieux arracha la mèche 15 secondes avant qu’elle n’atteigne les explosifs. « Je remercie Dieu d’avoir épargné une nouvelle épreuve au Liban » commenta Salam à l’annonce de l’attentat manqué.

    Une prime de 25000 livres ayant été offerte à qui aiderait à faire arreter les coupables, une délation permit de mettre la main sur 11 personnes dirigées par un abadaye, Darwiche Baydoun. Le 14, le black-out est imposé sur l’enquete et 5 personnes sont maintenues en état d’arrestation. Publié le 30, l’acte d’accusation retient aussi la responsabilité de Mahmoud Ayache, informateur de la police, qui voulait susciter une tension confessionnelle. L’acte requiert la peine de mort contre Ayache, Baydoun et 3 autres accusés, pour d’autres tentatives de complots contre Salam.

     

    -13 mars 1961 : Pas d’extradition :

    Beyrouth refuse le 13 une demande d’extradition de 12 syriens réfugiés au Liban, arguant du fait qu’ils sont recherchés pour crimes politiques.

     

    -27 mars 1961 : Contre-espions arretés :

    Cinq agents pro israéliens sont arretés le 27 à Tyr pour avoir livré à Israel les noms des espions opérant dans le Nord d’Israel pour le compte du Liban et de la Syrie. Ces derniers avaient été de ce fait arretés.

     

    -9 avril 1961 : Première fusée libanaise :

    Lancée d’une foret du Metn, la première fusée libanaise s’élève à 1000 mètres. Propulsé au carburant solide, l’engin de 1.75 mètres a été construit par des élèves du Haigazian College, dirigés par le professeur Manoug Manouguian. Ils ont fondé il y a quelques mois la Haigazian College Rocket Society, et leurs recherches, financées en grande partie par Emile Boustany, ont été effectuées en laboratoire avant ce tir. Leur prochaine fusée sera de 2 étages.

     

    -14 avril 1961 :

    Six bassistes, tous en fuite, inculpés dans l’attentat contre Madoyan.

     

    -22 avril 1961 :

    Combats entre tripolitains et zghortiotes : l’armée s’interpose.

     

    -24 avril 1961 : Abdel-Massih arreté et relaché :

    L’ex-chef du PPS, Georges Abdel-Massih, est arreté à la suite d’une rixe à Baalbeck dont des habitants se sont opposé à 400 PPS défilant en criant « Vive la Syrie ». Il est remis en liberté le lendemain pour éviter une demande d’extradition syrienne.

     

    -27 avril 1961 : Assassin à l’asile :

    Mahmoud Doughane qui le 16 novembre 1959 a tué 5 membres de sa famille à Beyrouth est condamné le 27 à etre interné dans un asile d’aliénés.

     

    -14 mai 1961 : Fusée numéro 2 :

    La deuxième fusée libanaise, lancée le 14 par la Haigazian College Rocket Society, monte à 2360 mètres à la vitesse de 800 Km/h. Elle mesure 1.40 mètres, pèse 13 Kg et utilise du carburant solide.

     

    -15 mai 1961 : Collégien et assassin :

    Un chauffeur de taxi-service est abattu rue Mgr. Chébli par un collégien de 14 ans qui se livre à la police. Salah Demerji déclare qu’il se rendait au Collège Patriarcal quand il aperçut le chauffeur. « Je le cherchais, dit-il, depuis qu’il a tué en 1956 mon père. J’ai inconsciemment sorti mon revolver de mon cartable et tiré. Je m’étais procuré l’arme en 1958 et me suis exercé. Personne ne m’a incité à tuer ».

    Mineur, l’assassin, placé dans la prison pour jeunes délinquants, sera condamné le 10 juillet 1964 à 5 ans de réclusion.

     

    -29 mai 1961 : Décès de Farjallah Hélou sous la torture en Syrie :

    An Nidaa annonce dans un communiqué de Nicolas Chaoui et Hassan Koraytem, dirigeants communistes, le décès du secrétaire général du Parti Communiste Libanais, Farjallah Hélou, mort sous la torture dans les geôles syriennes. Le communiqué qui suscite une vive émotion ne précise pas la date du décès.

    Né à Hosrayel (caza de Jbeil), Farjallah Hélou s’inscrit en 1931 au Parti Communiste dont il devient depuis 1937 secrétaire général. Il avait disparu à Damas le 25 juin 1959, enlevé par des agents des Services de Renseignements. Le 4 juillet 1959, Al Nidaa avait fait état de sa disparition mais un secret absolu continua à entourer les circonstances de sa détention. Il laisse une veuve et trois enfants.

     

    -13 juin 1961 : Remous autour de l’affaire Farjallah Hélou :

    An Nidaa, organe du PC, est suspendu 10 jours et Souheil Yammout, directeur  responsable, condamné par défaut à 10 jours de prison et 500 livres d’amende pour articles « portant atteinte à l’unité nationale ». Ils traitaient de la mort de Farjallah Hélou, secrétaire général du PC, dans les geôles syriennes.

    Alors que sa veuve demande à Chéhab d’intervenir pour que le corps lui soit rendu, le Patriarche Méouchy, Eddé, Gemayel, Boutros, Akl…présentent leurs condoléances à la famille et des milieux estiment que l’affaire crée un précédent dangereux pour tous les libanais. Mais Salam juge l’affaire « imaginaire » et accentue sa coopération anticommuniste avec Damas et, selon An Nahar, s’appreterait à éloigner 300 syriens suspects. Le 26, le gouvernement interdit à Sleiman el-Ali de répondre sur Radio Liban à La Voix des Arabes qui l’a violemment pris à partie pour avoir soulevé le cas Hélou à la Chambre.

     

    -19 juin 1961 : 8 mois de prison pour Mohammed el-Fadl :

    L’ex-ministre et député Mohammad el-Fadl, impliqué dans un réseau de terrorisme pro-jordanien, est condamné par le Tribunal Militaire à 8 mois de prison. Détenu depuis plus de 7 mois, il est libéré le 3 juillet. Ses complices, Iskandar Mourad et Sarkis Mikhael sont condamnés respectivement à 3 ans de travaux forcés et 6 mois de prison.

    Le 30, le Tribunal condamne à 7 ans de travaux forcés Mahmoud Ayache et à 3 ans de prison Darwiche Baydoun, pour l’attentat manqué du 7 mars contre le domicile de Saeb Salam. Pour avoir voulu défendre les accusés malgré la grève des avocats, Mohsen Slim et Edouard Yammine sont suspendus un an par le Conseil de l’Ordre.

     

    -19 juin 1961 : Beyrouth approuve un commandement militaire unifié arabe :

    Les ministres Takla et Machnouk rentrent du Caire où les ministres des Affaires Etrangères et les chefs d’états-majors arabes ont créé un commandement militaire unifié, en application du Traité de défense signé le 17 juin 1950 et ratifié par la Chambre le 24 octobre 1952. Il a été décidé que ce commandement sera confié à un officier relevant du pays qui aura fourni le plus important contingent aux forces arabes unifiées. Ce sera donc en l’occurrence un égyptien.

    L’accord du gouvernement à un tel commandement uni pousse certains milieux à dénoncer une mesure susceptible de placer le pays sous contrôle militaire non national en cas de conflit avec Israel. Une fois de plus apparaissent des divergences entre partisans et adversaires de l’idée unioniste.

    Pour couper court aux interprétations et calmer les esprits, Takla affirme le 21 en Conseil des ministres qu’aucune armée arabe ne pourra, en fonction de ce commandement, pénétrer au Liban sans l’accord préalable formel de son gouvernement et que le chef de ce commandement sera nommé en vertu d’une décision commune des pays participant à d’éventuelles opérations militaires.

    Le 26 s’ouvre à huis clos à Bhamdoun une réunion d’experts arabes en vue de poursuivre les débats sur l’entité et sur la personnalité palestinienne. Discutée durant l’été 1960 à Chtaura puis au Caire il y a un mois, cette question bute toujours sur l’hostilité de la Jordanie qui affirme représenter elle-même cette entité.

     

    -3 juillet 1961 : Verdict de mort :

    Le Tribunal Militaire condamne à mort le 3 Nehmet Jaafar qui a tué le 24 janvier 1959 le père Janiatos Mourani. Le même jour, il acquitte Salah Chichakli et 13 coaccusés, poursuivis pour activités terroristes.

     

    -7 juillet 1961 : Première fusée à deux étages :

    La Haigazian College Rocket Society lance à Sannine la première fusée libanaise à 2 étages, à allumage électrique et à séparation automatique. Perdu de vue à 2.2 Km d’altitude, l’engin n’est plus retrouvé mais la société indique que l’expérience portait sur le système d’allumage et de séparation des étages. Les deux précédents lancements (fusée à un étage) avaient eu lieu en avril et en mai dans le Metn.

     

    -7 juillet 1961 : A Zahlé comme à Vérone :

    Les corps d’un jeune homme et d’une jeune fille sont découverts, côte à côte, dans une chambre d’hôtel de Zahlé. La mort, par empoisonnement, remonte à cinq jours. Reconstituée par l’enquête, l’histoire rappelle le drame de Vérone, imaginé par Shakespeare dans sa tragédie Roméo et Juliette.

    S’aimant depuis des années, Jean Hassane et Jamilé Jalloul avaient du se séparer, les parents du jeune homme voulant le fiancer à une autre fille. Il obéit mais ne put oublier Jamilé qui s’installa dans un hôtel de Zahlé. Mais le hasard fit croiser le chemin des jeunes gens. Nul ne sait ce qu’ils se dirent. Inquiets de sa disparition prolongée, les amis de Jean qui savaient qu’il avait retrouvé Jamilé firent forcer la chambre d’hôtel où les deux amoureux s’étaient unis dans la mort.

     

    -8 juillet 1961 : Commémoration de Saadé interdite :

    La commémoration publique de la mort le 8 juillet 1949 d’Antoun Saadé, fondateur du PPS, est interdite.

    Seules sont autorisées les cérémonies dans les maisons.

     

    -15 juillet 1961 : Décès de Darwiche Baydoun :

    Détenu à l’Hôtel-Dieu depuis l’attentat manqué du 7 mars contre le domicile de Saeb Salam, Darwiche Baydoun, 82 ans, est emporté par une crise cardiaque. Il avait été condamné le 30 juin à 7 ans de prison ramenés à 3. Sa famille qui dénonce l’injustice dont il a été victime et qui est motivée par « une politique de rancune et de vengeance » n’accepte de l’enterrer que le 19 après que son pourvoi en cassation eut été, à titre posthume, accepté.

     

    -26 juillet 1961 :

    Arrestation du commissaire Chéhabeddine.

     

    -30 juillet 1961 : L’affaire Khairallah perturbe les relations avec Damas :

    Après l’avoir accusé d’espionnage et annoncé qu’il sera jugé en Syrie, Damas remet aux autorités libanaises le commissaire Emile Khairallah, chef de la brigade criminelle de Tripoli, arrêté en Syrie le 12. L’affaire a suscité une certaine tension et poussé Gemayel à réclamer de nouveau un consulat libanais à Damas.

    Dès l’annonce de l’arrestation, Beyrouth dépêcha en Syrie le commissaire Farhat à qui Damas expliqua que Khairallah a été arrêté car il enquêtait en civil en Syrie sans mission officielle et sans avoir prévenu les syriens. Farhat revint avec une promesse de libération rapide mais le 17, Damas annonça que Khairallah sera jugé cette fois pour espionnage en faveur d’Israël. L’accusation suscita une vive émotion et on parla de représailles contre le Liban qui venait de refouler un officier syrien.

    Finalement, après l’intervention de Chéhab et une visite du ministre de l’Intérieur Machnouk à Damas, Khairallah est libéré le 30. Il doit passer en conseil de discipline pour avoir agi sans mission et devant le Tribunal Militaire pour répondre des accusations d’espionnage portées contre lui par Damas.

    Le 26 avait été arrêté le commissaire Chéhabeddine pour avoir fait disparaître 30 Kg d’or qu’il devait introduire en contrebande pour le compte de 3 changeurs.

     

    -Août 1961 : Volontaires pour Bizerte :

    460 libanais se sont portés volontaires pour se battre contre les français à la suite d’incidents autour de la base tunisienne de Bizerte.

     

    -12 août 1961 : Réseau d’espionnage dirigé par une femme :

    Au terme de 6 mois de surveillance, la police démantèle un réseau d’espionnage pro-israélien dirigé par une femme du nom de Choula Cohen. Elle est arrêtée ainsi que 4 complices, Mahmoud Saadallah Awad, ex-candidat à la direction de la police de Beyrouth, Moustafa Abdallah, Ali Nasrat Abdallah et Mahmoud Fayez Abdallah, tous trois de Khiyam. Ils rencontraient des agents israéliens à Chypre, à Rome ou en Turquie. Des documents et des postes radio sont saisis. Il s’agit du plus redoutable réseau pro-israélien découvert à ce jour.

    Le 1er du mois, Damas avait accusé le parti arménien Tachnag d’espionnage et de sabotage en Syrie par le biais d’une organisation secrète, et pour le compte d’Israël et de puissances étrangères qui lui assurent fonds, armes et munitions. Beyrouth fait savoir qu’aucune enquête ne sera ouverte sur le Tachnag mais ces accusations apportent du poids à Joumblatt qui exige depuis quelques temps la fermeture de l’école de Chemlane, dirigée par les britanniques et qu’il accuse de former des espions. La presse communiste et nassérienne soutient les accusations contre le Tachnag et Chemlane mais Gemayel et Eddé ironisent sur l’espionnite aigue dont souffrent les dirigeants syriens et le leader du PSP.

     

    -15 août 1961 : Epuration au sein des FSI :

    Le chef de la brigade des mœurs, le commissaire Tanios Féghali, est arrêté au domicile d’une clandestine chez qui il se rendait régulièrement. C’est le 5e commissaire appréhendé en deux semaines, dans le cadre d’une épuration menée par le directeur général des FSI, le colonel Noureddine Rifai.

    Après les commissaires Khairallah et Chéhabeddine, le commissaire Mohammad Matar, chef de la brigade secrète de Tripoli, a été arrêté le 1er sous l’inculpation d’avoir touché 10000 livres pour tuer l’assassin de Moustafa Kataya, abattu le 9 septembre 1960. N’ayant pas rempli son engagement, il a été dénoncé. Par ailleurs, le commissaire Salem Rahal est poursuivi suite à la déposition d’une prostituée.

    Le 16, le commissaire Emile Khairallah est libéré sous caution après avoir été reconnu innocent des accusations d’espionnage portées contre lui par la Syrie. Il doit encore répondre de sa mission en Syrie sans ordre de ses supérieurs.

     

    -24 août 1961 : Autour des Najjadés, coalition sunnite contre Salam :

    La rivalité entre Saeb Salam et Adnan Hakim, chef des Najjadés et député de Beyrouth, dégénère en incidents sanglants et suscite une coalition sunnite contre le chef du gouvernement. La suspension le 8 jusqu’en septembre de Saout el-Ourouba, organe des Najjadés, la reprise de la campagne de La Voix des Arabes contre le gouvernement et les attaques de la Résistance Populaire contre Salam, accusé d’avoir accru la proportion des chrétiens en créant le Grand Beyrouth, avaient largement monté les esprits.

    Le 23, alors que Salam venait de quitter la mosquée Omari après la cérémonie du Maouled, 400 partisans de Hakim portent ce dernier et se rendent place Riad el-Solh, malgré l’interdiction des manifestations. Sommés de se disperser, ils refusent. Une fusillade éclate alors, provoquée selon des témoins, par le garde de corps de Hakim, Adnan Khaled, qui est tué. 4 manifestants et un agent sont blessés. Aussitôt, début d’émeute à Basta, routes coupées, barricades dressées, et dix tramways brûlés. Adnan Hakim appelle à la grève générale mais les FSI et l’armée démantèlent les barricades et imposent le retour au calme.

    La crise se transpose alors au plan politique. Aux obsèques de Adnan Khaled, la foule est haranguée par Osman el-Dana, Abdallah el-Yafi, Rachid el-Solh et Mohsen Slim. Ils font cause commune avec Hakim qui décide de boycotter l’Etat et se porte partie civile. Mais le refus de Hussein Oueyni et Ahmad Daouk de se joindre à la coalition, affaiblit cette dernière. Le 30, Salam, accompagné notamment de Takla se rend à Belgrade pour la conférence des non-alignés. Comme Hakim répète que Salam a été lâché par la rue, les partisans de ce dernier lui préparent un retour triomphal.

     

    -Septembre 1961 : Succès de Cedar IV :

    Quatrième fusée lancée par la Haigazian Rocket Society, Cedar IV est lancée avec succès à Sannine. L’engin de deux étages séparables pèse 45.5 Kg, a 2.85 mètres et utilise du carburant solide.

     

    -14 septembre 1961 : Campagne anti-narcotique :

    La brigade criminelle découvre le 14 deux laboratoires clandestins d’héroïne à Beyrouth et arrête une centaine de revendeurs et de trafiquants. La lutte anti-narcotique est, avec l’épuration de la police, l’objectif du directeur des FSI, le colonel Noureddine Rifai. Alors que le commissaire Matar est relâché sous caution, les commissaires Rahal et Féghali sont déférés devant le juge d’instruction et une enquête est ouverte avec la brigade des jeux, soupçonnée de fermer l’œil sur des tripots clandestins.

     

    -29 septembre 1961 : Censure sur la presse et attentisme après le putsch de Damas qui a fait éclater la RAU :

    Pris de court par un putsch à Damas qui a fait éclater la veille l’union syro-égyptienne, le gouvernement se confine dans un attentisme prudent et impose une censure de fait sur les journaux pour éviter des prises de position susceptibles d’alimenter des tensions internes. Aux termes d’un accord avec le syndicat de la Presse, les journaux sont soumis au contrôle d’une commission syndicale et des agents sont chargés de s’assurer de ce contrôle.

    L’évolution du putsch a été suivie de près par la population et des manifestations de joie pronassériennes ont éclaté quand on a cru qu’il avait échoué. Puis un silence tendu régna sur la ville où la sécurité et la surveillance des étrangers suspects sont renforcées. Après avoir reçu l’ambassadeur de la RAU, Chéhab a tenu un conseil de cabinet mais aucune déclaration officielle n’est faite alors que des manifestations favorables à Nasser se poursuivent ici ou là.

    Le 30, le putsch semble avoir définitivement réussi et un nouveau gouvernement, formé à Damas, dépeche un délégué qui demande à Salam la reconnaissance officielle par le Liban du nouveau régime syrien. Beyrouth dit étudier la demande et fait annuler une visite prévue début octobre de la VIe Flotte US.

    300 méharistes ont eu raison de Nasser :

    La République Arabe Unie a vécu. Trois ans et demi après sa proclamation, l’union syro-égyptienne, la première entre pays arabes, a été balayée par 300 méharistes (soldats à dos de dromadaires) commandés par le colonel Haidar Kouzbari.

    Depuis des jours, la tension régnait à Damas où le maréchal égyptien Abdel-Hakim Amer, en charge de la province Nord de la RAU, a démis le colonel syrien Abdel-Hamid Sarraj, responsable des renseignements, lui reprochant des arrestations arbitraires. Sarraj refusant d’abandonner le pouvoir, la crise avait été tranchée par Nasser qui convoqua les deux hommes au Caire et obligea Sarraj à démissionner le 26. Amer et Sarraj regagnèrent Damas où circulaient des tracts réclamant le retour à l’indépendance de la Syrie.

    A l’aube du 28, 300 méharistes, basés à 60 Km de Damas, entrent dans la ville où, soutenus par les troupes du colonel Dahmane de la garnison de Damas, ils investissent sans rencontrer de résistance les sièges de l’état-major, de la police militaire, de la radio, du Sérail…Mais devant le palais de Mouhajirine où réside Amer, ils se heurtent à une opposition armée car le maréchal, redoutant un coup de force de Sarraj, a fait poster 250 soldats égyptiens autour de sa résidence.

    Au bout d’une demi-heure, les assaillants ont raison des défenseurs du palais. Le colonel Kouzbari somme Amer de le suivre et l’emmène en pyjama à l’état-major. Commence alors une période d’incertitude. Les blindés du commandant Nahlaoui, venus de Katana, ont rallié les insurgés, pris l’aéroport de Mezzé et occupé des points stratégiques à Damas, le commandant adjoint de l’aviation et le chef de l’artillerie soutiennent Kouzbari. Mais le commandement d’Alep reste fidèle à Amer. Et quand Radio Damas diffuse à 7h10 le premier communiqué des insurgés, Radio Alep émet toujours au nom de la République Arabe Unie.

    Vers 10h, alors que se déroule la première manifestation anti-Nasser dans les rues de Damas, le communiqué numéro 9 annonce un compromis avec Amer. Les rues se vident en signe de rejet de ce qui est perçu comme une reculade et des palestiniens acclament Nasser et Sarraj. Ils sont sommés de regagner leurs camps sous peine de leur déplacement massif à Gaza.

    L’incertitude sera de courte durée. Nasser ayant ordonné à sa flotte d’appareiller vers la Syrie et dépeché des paras à Lattaquié, les insurgés accusent Amer (communiqué numéro 10) d’avoir violé l’accord, décrètent le couvre-feu, font arreter Sarraj et expulsent de Syrie Amer et 3 ministres. Face à cette fermeté, Alep se rallie en soirée au putsch tandis que 120 paras lachés sur Lattaquié sont faits prisonniers. Le coup d’Etat a réussi. Les ralliements se multiplient. Radio Damas clôture ses émissions par l’hymne syrien et le drapeau syrien est hissé partout.

    Le lendemain Maamoun Kouzbari, ancien président de la Chambre, forme un nouveau gouvernement. Un décret est pris stipulant le renvoi des égyptiens de Syrie. Entre Damas et Le Caire commence alors une guerre des ondes.

     

    -5 octobre 1961 :

    Manifestations et drapeaux étrangers interdits alors que des attentats sont perpétrés contre des journaux pro-nassériens.

     

    -7 octobre 1961 : Destitutions :

    Les commissaires Chéhabeddine et Matar sont destitués par le Conseil de Discipline. Mais le commissaire Féghali est libéré le 7 sous caution et le 18 le commissaire Khairallah bénéficie d’un non-lieu définitif.

     

    -23 octobre 1961 : Inauguration des feux de signalisation :

    A force de les réclamer, le commandant Aziz Ahdab, directeur général de la police, a eu enfin ses feux de signalisation automatique routière. Et c’est en sa présence que ces feux, installés aux principaux carrefours de la capitale, ont été inaugurés.

    En soirée, le directeur de la police devait donner une conférence brossant avec justesse et à propos la personnalité et le caractère du conducteur libanais. Il a reconnu sa dextérité au volant de son véhicule mais déploré son indiscipline, son gout immodéré et gratuit pour la vitesse, son ignorance du code de la route ou son non-respect de ce code quand il le connaît, ainsi que son manque scandaleux de courtoisie sur les routes.

    En 1960, les accidents de la route, dus surtout à la vitesse, ont fait 292 tués et 2512 blessés.

     

    -23 octobre 1961 :

    Damas arrete des avocats qui voulaient soulever l’affaire Farjallah Hélou.

     

    -24 novembre 1961 :

    Quatre chasseurs victimes du froid dans le Jurd de Denniyé.

     

    -26 novembre 1961 : Le ministre Naja menacé pour s’etre rendu à Damas :

    Pour s’etre rendu à Damas en délégation avec Philippe Boulos, Khalil Takieddine des Affaires Etrangères et le colonel Abdel-Kader Chéhab, le ministre Naja reçoit des lettres de menaces et une bombe est lancée sur son domicile. « Je n’ai fait que mon devoir », déclare-t-il en réaction. La délégation fut reçue le 25 par le nouveau chef du gouvernement syrien Izzat Noss qui promit à Naja de régler le contentieux entre les deux pays. Le 8, le Conseil des ministres décidait de rétablir des rapports normaux avec la Syrie et Karamé voulut y envoyer le directeur de la Sureté, Toufic Jalbout. Mais Damas exigea d’abord une délégation ministérielle.

    Le 30, des lettres de menaces signées du Comité Révolutionnaire Arabe sont envoyées à 80 personnalités et trois batons de dynamite explosent dans le jardin de Rafic Naja. Soupçonnés de les avoir lancés, Ibrahim Koleilat et Abdel-Hamid Debs sont arretés. Ils seront relachés faute de preuves le 24 décembre.

     

    -9 décembre 1961 : Entreprenant et violent :

    Toufic Arslane, fils de l’émir Magid, est écroué le 9 pour avoir battu une hôtesse de l’air de 18 ans qui refusait de monter dans sa voiture. Relaché sous caution le 15, il risque 6 mois de prison.

     

    -21 décembre 1961 : Circulation :

    Aidés de 3000 étudiants, la police dont des agents circulent dans 75 voitures banalisées déclenchent le 21 une semaine de la circulation pour brider les amateurs de vitesse. En fin de mois, 875 voitures au mazout avaient été retirées et il restait 2082 en circulation.

     

    -31 décembre 1961 : Echec d’un coup d’Etat organisé par le PPS :

    Beyrouth se réveille en apprenant avec stupeur l’échec, dans la nuit, d’un coup d’Etat mené par le PPS avec l’aide de militaires dirigés par les capitaines Chawki Khairallah et Fouad Awad. Le putsch a échoué et le pouvoir qui a la situation en main a déclenché une chasse aux PPS et aux mutins. L’un des deux quotidiens du PPS, sur de la réussite du putsch, avait paru avec l’annonce sur la largeur de sa une du renversement du régime et de l’arrestation des officiers supérieurs de l’état-major.

    Voici les faits, tels que rapportés par un communiqué officiel :

    « Des membres du PPS, aidés de deux officiers subalternes de l’armée, ont tenté le 31 décembre d’organiser à Beyrouth un mouvement de rébellion contre les autorités. Les deux officiers avaient décidé en accord avec des PPS de se retrouver à Beyrouth dans la nuit du 30 au 31.

    A 21h30 de la nuit du 30, 8 blindés et 40 soldats ayant à leur tete un capitaine, quittent Tyr vers Beyrouth. A Saida, ils coupent les lignes téléphoniques.

    Le détachement arrive à Beyrouth vers 2h30 du matin et encercle le siège du ministère de la Défense Nationale ainsi que les domiciles de certains officiers. Un groupe de PPS se rend à l’Hôtel des PPT où il se heurte aux Forces de Sécurité Intérieure. Les deux officiers rebelles sont parvenus à entrainer les 40 soldats en les trompant après leur avoir dit qu’il s’agissait d’une mission officielle.

    Peu de temps après, les forces armées alertées encerclent le ministère de la Défense et arretent un certain nombre de rebelles PPS parmi lesquels se trouvent des libanais, des syriens, des palestiniens et des jordaniens. Au cours de l’engagement qui oppose l’armée aux rebelles, 5 personnes ont trouvé la mort et plusieurs autres ont été blessées.

    Dans la matinée du 31, le calme était rétabli sur tout le territoire, l’armée et les Forces de Sécurité Intérieure ayant repris la situation en main ».

    Toutes les communautés réprouvent la tentative de putsch et des manifestations d’appui au général Chéhab se déclenchent spontanément dans tout le pays.

    Des officiers kidnappés :

    2h30 du matin. Venu de Tyr, un escadron conduit par le capitaine Fouad Awad encercle le batiment du ministère de la Défense. Une sentinelle est abattue mais la poignée de militaires présents résiste et empeche les assaillants d’occuper le batiment. Awad est peu après rejoint par le capitaine Khairallah qui était arreté et devait passer devant un conseil de discipline. Awad l’a fait délivrer. Les deux officiers sont membres du PPS.

    Alors que Khairallah est chargé de tenir la zone du Musée, des PPS, libanais, syriens et jordaniens, enlèvent le commandant Toufic Jalbout, directeur de la Sureté, qui habite au-dessus de l’ABC, le commandant Fayez Rassi dont la porte du domicile est forcée, cueillent dans leurs lits les colonels Youssef Chmayet, chef de l’état-major, Abdel-Kader Chéhab, commandant de la place de Beyrouth, Michel Naufal, le commandant Louis Chéhab, le commissaire Nassim Chayt (Chitt) de la police. Convoqué à l’état-major par un coup de fil, le commandant François Génadry est aussi arreté. A ce stade, on compte 5 soldats et une dizaine de PPS tués.

    Les officiers enlevés sont conduits à Dick el-Mehdi puis au couvent Mar Semaan près de Baskinta. Ils s’interrogent sur leur sort quand un Vampire de l’armée survole la région à basse altitude. Ils comprennent que le putsch a échoué et qu’ils sont pour ses auteurs plus précieux en vie que morts.

    Le chef du PPS ramène CHmayet et Abdel-Kader Chéhab à Dick el-Mehdi pour négocier avec l’état-major. Ce dernier exigeant une reddition inconditionnelle, les officiers sont ramenés au couvent. Puis otages et gardiens tentent dans un convoi de 4 jeeps de gagner le Koura où le PPS a des partisans. Mais l’alerte est générale et leur équipée s’achève aux barrages de l’armée.

    Une longue et mouvementée histoire :

    Auteur du putsch manqué, le Parti Populaire Syrien est créé le 16 novembre 1932 par Antoun Saadé, instituteur à l’AUB, né en 1901 à Dhour Choueir. Il porte le nom de Parti National Social Syrien mais sera connu sous celui de Parti Populaire Syrien (PPS), en raison d’une confusion de terminologie, le meme mot arabe désignant « national » et « populaire ».

    Le PPS croit en une Patrie et une Nation syriennes au sein de la Syrie naturelle, limitée au Nord par le Taurus, au Sud par le désert d’Arabie, à l’Est par l’Iran et à l’Ouest par la Méditerranée. Le Croissant Fertile syrien dont l’étoile est l’ile de Chypre comprend la Syrie actuelle, la Palestine, Chypre, le Liban, la Jordanie, l’Irak et le sandjak d’Alexandrette. Sa capitale est Damas.

    Le parti est dissous en 1937 et Antoun Saadé, plus d’une fois arreté, se rend en Argentine où il est bloqué par la guerre de 1939. En son absence, le parti, sous la direction de Nehmé Tabet, révise en 1944 sa doctrine, dit reconnaître l’entité libanaise indépendante et se voit autorisé en mai par le ministre de l’Intérieur de l’époque Camille Chamoun, sous le nom du Parti Populaire Libanais.

    Rentré au Liban le 2 mars 1947, Saadé replace le parti dans son axe pan-syrien. Il fait l’objet de timides poursuites et poursuit son action d’endoctrinement, avec pour farouche ennemi les Phalanges Libanaises, hostiles à toute liquéfaction du Liban au sein d’une quelconque entité régionale.

    A la suite d’un incident armé le 9 juin 1949 entre PPS et Phalanges, un mandat d’arret est lancé contre Saadé et près de 3000 PPS sont arretés. Accusé de complot contre l’Etat, le parti est dissous le 11 juin. Saadé lance alors un appel ouvert à la révolution. Réfugié à Damas, il est livré le 7 juillet par Husni Zaim, sommairement jugé, condamné à mort et fusillé le 8 juillet. Joumblatt fut le seul député à dénoncer ce simulacre de jugement. 12 autres PPS sont condamnés à mort dont 6 sont exécutés.

    Le PPS vengera son chef. Husni Zaim est renversé et exécuté le 14 aout 1949, Riad el-Solh est abattu le 16 juillet 1951 à Amman et Youssef Charbel, procureur général au procès de Saadé, fait l’objet en février 1954 d’un grave attentat.

    Sous le mandat Chamoun, le PPS reprend ouvertement ses activités, disant soutenir l’entité (al kyane) libanaise. Opposé au panarabisme de Nasser, il fait assassiner le 22 avril 1955 à Damas le colonel Adnan Malki, partisan d’une union syro-égyptienne (l’Egypte ne fait pas partie pour les PPS de la Syrie naturelle) et hostile à un rapprochement avec l’Irak de Noury Said, favorable au Croissant Fertile.

    Combattu en Syrie, il porte Assaad el-Achkar, un de ses chefs, à la Chambre en 1957, est autorisé au Liban en 1958 sous le nom de Parti Populaire Social, se range durant les troubles de 1958 dans le camp anti-nassérien et se bat aux côtés des Kataeb. Mais il est affaibli par une scission qui aboutit à l’exclusion de l’aile dure de Georges Abdel Massih, successeur de Saadé, rendu responsable de l’assassinat de Malki et des déboires qu’a connus le parti par la suite en Syrie.

    Irrité par le rapprochement du régime Chéhab avec la RAU, le PPS verse ouvertement dans l’opposition après l’échec d’Assaad el-Achkar aux élections de 1960. L’éclatement de l’union syro-égyptienne en septembre 1961 l’a sans doute encouragé à tenter une prise de pouvoir au Liban par la force.

     

    -15 janvier 1962 :

    40000 palestiniens, entrés clandestinement au Liban, seraient expulsés.

     

    -20 janvier 1962 : Rafles monstres dans les rangs du PPS : les capitaines Awad et Khairallah arretés :

    Alors que la chasse aux PPS est lancée dans le pays, le capitaine Fouad Awad, un des auteurs principaux du putsch manqué, est arreté à Zahrani. Caché dans le coffre d’un taxi, il tentait de gagner le Sud. Il rejoint en prison le capitaine Chawki Khairallah, arreté sans résistance le 11 devant l’AUB. Après l’échec du putsch, les deux officiers se seraient cachés au Hermel.

    Le 5 du mois, près de 3000 personnes recherchées ou suspectes avaient été arretées dont des palestiniens, des syriens, des jordaniens, tous membres du PPS. Parmi les arretés, Abdallah Saadé, chef du parti, Abdallah Mohsen, son prédécesseur, Inaam Saadé, chargé de la propagande, le jordanien Ibrahim Nazzal, proche du roi Hussein, arrivé à Beyrouth avant le putsch, l’ex-capitaine syrien Abdallah Gbeily, les ex-ministres syriens Mounir Ajlani et Adnan Abassi et l’ex-directeur de la police de Damas, Soubhi el-Omari. 12 prisonniers dont l’officier syrien Mahmoud Nehmé, impliqué dans l’assassinat en avril 1955 du colonel Malki à Damas, ont été abattus en tentant de fuir. Mais le 11, on avait déjà libéré 2239 détenus dont la culpabilité n’a pu etre retenue et le 19, est remis en liberté l’ex-commandant Fouad Lahoud, dont l’innocence a été établie.

    Le 9, le vice-président du PNL Kazem el-Khalil et son frère ont fait l’objet de mandats d’amener. Le 10, le caimacam de Tyr est interrogé et on fait état d’un complot visant à assassiner le député de Saida Maarouf Saad. 250000 LL sont allouées pour la capture d’Assaad el-Achkar, Bachir Obeid, Emile Raad, Abdallah Kobrossy et Raja Yazigi. Le président du conseil supérieur du PPS, Mohammad Baalbaki, propriétaire de Sada Loubnan, s’est livré le 13. Pour les besoins de l’enquete, Camille Chamoun, Jawad et Simon Boulos, Sleiman el-Ali, député du Akkar, Faouzi Kaoukji, ancien chef des volontaires en Palestine, sont priés de ne pas quitter le pays. Le 15 sont émis 515 mandats d’arret.

    A l’unanimité des 70 députés présents, la Chambre a condamné le 2 le putsch et demandé au Pouvoir de frapper d’une main de fer. Le 3, le Conseil des ministres crée une commission (Takla, Joumblatt et Boutros) pour réglementer l’entrée et le séjour des étrangers et une autre (Boulos, Joumblatt, Dana) pour contrôler les sources des revenus des journaux. Les citoyens sont priés de porter sur eux leur carte d’identité et l’armée interdit aux réfugiés palestiniens de circuler hors des camps sans un sauf-conduit.

    Citant des aveux de Saadé, Joumblatt accuse le 4 l’ambassade britannique d’avoir participé à la mise au point du putsch et réitère sa demande de fermeture de l’école de Chemlane. Il déclare que le putsch était le premier d’une série que le PPS préparait dans d’autres pays. S’il avait réussi, un cabinet de civils et de militaires PPS aurait proposé une confédération groupant Liban, Syrie, Irak et Jordanie. Selon le ministre de l’Intérieur, il existe 6000 PPS au Liban et 80% des personnes maintenues en état d’arrestation ne sont pas libanaises. Le 15, il annonce que 40000 réfugiés entrés clandestinement seront refoulés vers leurs pays d’origine (la mesure ne sera pas appliquée).

    Des journaux s’interrogent sur le rôle du PNL et notent que parmi les arretés figure un grand nombre des 500 étrangers naturalisés libanais en 1958 sous le mandat de Chamoun. Le 18, Ach Chams et Al-Bayrak, pro-PNL, sont suspendus et le 25 An-Nahar est saisi. Après avoir mis en cause des innocents, la presse finit par se limiter aux informations officielles.

    Documents compromettants :

    Armes et munitions sont découvertes dans des caches inattendues, tels des revolvers dissimulés dans des livres vidés de l’intérieur. Sont saisis des cachets au nom des ministères et un document disant que « les populations du Liban, de Syrie, de Jordanie, de Palestine et du Koweit –juifs exceptés –forment une seule société qui a un caractère commun depuis l’aube de la civilisation…Nous avons décidé d’appeler notre patrie Syrie. La prétendue Syrie actuelle se nomme pour nous Al-Cham ».

    Une lettre affirme que « le Liban est un petit pays qui a visiblement l’apparence d’etre une partie de quelque chose. Il n’y a en effet aucune raison historique ou géographique qu’il soit une entité. Son apparente indépendance actuelle est en fait appuyée par diverses influences temporaires et par la présence de forces variées qui perdent progressivement du terrain. Ceci peut également s’appliquer à divers autres Etats de la région ».

    Appui de Damas et tension avec Amman :

    Damas soutient Beyrouth. Recevant le 4 la délégation venue le féliciter pour son élection, le président Koudsi déclare que son pays « s’est engagé aux côtés du général Chéhab ». Mais une tension surgit avec la Jordanie dont le roi a déclaré le 13 que « le Croissant Fertile est une réalité et constitue une part importante de la nation arabe. Quiconque comprend le véritable sens de l’unité arabe peut se rendre compte que le Croissant Fertile serait une grande contribution à la réalisation de cette unité ». Ces propos suscitent de mini-émeutes et de vives attaques contre le roi Hussein. Le transit avec la Jordanie est suspendu et les jordaniens refoulés à la frontière.

    Pourtant, lorsque Raymond Eddé propose le 15 une motion disant que « la Chambre confirme le volonté du peuple qu’elle représente, de rejeter toute union ou fédération de quelque nature qu’elle soit », il se heurte à des réticences et la motion n’est pas soumise au vote. Takla déclare cependant que « le Liban rejette tout projet d’union ou de fédération ».

     

    -5 février 1962 : Les zghortiotes réconciliés chez Chéhab :

    Une délégation représentant les familles de Zghorta qui viennent de se réconcilier est reçue par le chef de l’Etat à Zouk. Jusqu’en 1958, les conflits opposant les clans de Zghorta avaient fait des centaines de victimes. Le putsch PPS semble avoir haté cette réconciliation.

     

    -6 février 1962 : Boutros expose les objectifs du PPS :

    Dans le premier exposé officiel sur le putsch, le ministre de la Justice Fouad Boutros indique que le PPS voulait enlever le chef de l’Etat et des officiers supérieurs, occuper le ministère de la Défense et autres centres névralgiques, s’emparer des rouages administratifs, démettre les ministres et les députés pour instaurer un régime incompatible avec le respect des libertés publiques et s’en assurer la reconnaissance par l’étranger.

    Le 3, Karamé déclarait que le PPS voulait établir une dictature et réaliser le Croissant Fertile. « La position du gouvernement, dit-il, a été prise au nom de tous les libanais opposés à tout projet visant à changer la configuration politique et géographique du pays. Nous n’admettrons jamais de changement dans nos institutions. L’existence du Liban est une garantie pour les pays arabes ».

    Le 15, le ministre des Affaires Etrangères, Philippe Takla, déclare que rien n’indique à ce jour une participation étrangère. Le 5, il clôturait un conclave des ambassadeurs du Liban en Europe et en Amérique, tenu à Paris pour établir un programme destiné à renforcer les relations internationales du Liban.

    A l’occasion de ce conclave, Le Monde avait écrit que le putsch « a eu pour résultats immédiats de provoquer une manifestation d’union nationale autour du président de la République, garant de l’intégrité des institutions et de la sauvegarde de l’indépendance ».

    Arrestations, arsenaux et expulsions :

    Entre-temps, la chasse aux leaders PPS se poursuit. Assaad el-Achkar est arreté le 3 à Beit Chaar et hospitalisé à la suite de fractures suite à sa tentative de fuite. Député de 1957 à 1960, période durant laquelle il dirigea le parti, il est considéré un des instigateurs du putsch. Le 15, Bachir Obeid est arreté à Mkallès. Les autorités avaient donné aux PPS un délai expirant le 15 pour se livrer aux FSI.

    Le 15 puis le 24, son découverts des arsenaux PPS à Dick el-Mehdi (Metn), village d’Assaad el-Achkar. Des armes dont 4 lance-roquettes et 10 fusils mitrailleurs et des munitions sont saisies. Le 21, la presse publie les photos de 10 canons DCA et antichars découverts près de Nabi-Osman (Bekaa Nord).

    Le 15, l’Intérieur déclare que les réfugiés palestiniens entrés clandestinement ne seront pas refoulés du pays mais fait expulser 27 étrangers pour activités contre la sécurité de l’Etat. 1200 personnes sont encore en état d’arrestation.

    Le 19, Adnan Hakim annonce que les Najjadés dont il est le chef ne célèbreront pas l’anniversaire de l’union syro-égyptienne « pour manifester plus nettement l’unité des rangs des libanais après le coup d’Etat manqué ». Mais le journal de son parti continue à faire l’apologie de la RAU de Nasser, ignorant l’éclatement de l’union syro-égyptienne. Depuis son élection à la Chambre, Hakim a multiplié les visites à Nasser s’assurant à chaque retour du Caire un accueil populaire.

    Gemayel pour un Liban neutre :

    Le jour où le chef des Najjadés annonce qu’il ne célèbrera pas l’anniversaire de la RAU, le ministre des Travaux Publics, Pierre Gemayel, propose au chef de l’Etat de faire du Liban un Etat neutre au Moyen-Orient, à l’instar de la Suisse et de l’Autriche en Europe. « Une telle neutralité, dit-il, n’aura pour nous que des avantages politiques et économiques et renforcera le Liban dans son rôle de trait d’union entre l’Est et l’Ouest ».

    Face aux vives réactions de certains journaux hostiles au dégagement du pays de la lutte contre Israel, le Conseil des ministres rejette le 21 toute idée de neutralisation du Liban.

     

    -7 mars 1962 : Il reste 525 détenus PPS :

    Le ministre de la Justice, Fouad Boutros, annonce que les juges d’instruction ont achevé de reconstituer le déroulement prévu du putsch PPS et que 525 inculpés sont toujours en état d’arrestation. Le 16, est arreté Moustafa Ezzeddine, responsable de la section PPS à Machghara et Rachaya el-Wadi.

     

    -13 mars 1962 : 7 tués au Hermel :

    Les FSI investissent le 13 le Hermel où des vendettas ont fait 7 tués. Karamé rencontre sur place les chefs des tribus et calme la situation.

     

    -16 mars 1962 : Prison à Roumié et Maison de la Presse :

    Gemayel pose à Roumié la première pierre d’une prison moderne qui, batie selon le projet de l’architecte Pierre Khoury, sera achevée dans 3 ans. La prison en forme de Y coûtera 10 millions et comprendra des terrains de jeux, des ateliers et une aile réservée aux délinquants juvéniles.

    Le 25, Karamé pose boulevard Chourane la première pierre de la Maison de la Presse. La construction du batiment de 9 étages coûtera 1 million et durera 1 an. C’est le 5 mai 1959 que l’Etat a cédé au syndicat de la Presse pour 99 ans et un loyer symbolique, un terrain de 2000 m2 pour y construire la Maison.

     

    -28 mars 1962 : Troubles à Damas : contacts suspendus :

    Des troubles en Syrie entrainent la fermeture des frontières, l’interruption des communications avec Damas et la suspension des contacts qui avaient repris le 22 avec les syriens et avaient été qualifiés d’encourageants. Le 23, le secrétaire de la présidence syrienne conférait à Beyrouth avec Fouad Ammoun de la situation syro-israélienne et de questions économiques et le 25 le ministre syrien de l’Economie annonçait de prochaines négociations.

    Les événements de Syrie se placent dans le cadre de la lutte entre le pouvoir séparatiste et les partisans que Nasser a toujours dans le pays. Irrité par le rapprochement avec Bagdad aux dépens du Caire, le colonel Abdel-Karim Nahlaoui déclencha le 28 un coup d’Etat et fit arreter le chef de l’Etat et des dirigeants. Mais le chef de l’arméé, le général Abdel-Karim Zahreddine, réunit à Homs des officiers supérieurs qui décidèrent de rétablir le président Koudsi, de former un gouvernement à la place de celui de Maarouf Dawalibi, proche de Bagdad, et d’organiser un référendum (qui n’aura pas lieu) sur l’union avec l’Irak. Zahreddine fit arreter 150 nassériens et baassistes et exila Nahlaoui. Le 31, un autre putsch nassérien, mené par le colonel Jassem Alouane, échouera face à la détermination des officiers supérieurs, toujours réunis à Homs.

     

    -2 avril 1962 :

    Peine de mort requise contre l’espionne Choula Cohen et Mahmoud Awad.

     

    -5 avril 1962 : Escale mortelle pour un marin US :

    Un marin de la VIe Flotte dont 8 unités mouillent dans les eaux libanaises est retrouvé assassiné à Hamra, le crane fracassé et le corps couvert de coups. Arretés le 20, ses deux agresseurs de 16 et 30 ans avouent l’avoir tué pour le voler. Ils seront condamnés le 12 février 1963 à 5 et 3 ans de travaux forcés.

     

    -9 avril 1962 : Les FSI investissent l’Université Libanaise et brisent la grève :

    Face à une escalade dans la grève des étudiants, le ministre de l’Education, Kamel el-Assaad, fait investir les locaux de l’Université Libanaise par les FSI qui en expulsent manu militari les grévistes.

    Le 5, les normaliens de Tripoli et Saida boycottaient les cours en solidarité avec ceux de l’école de Beyrouth, en grève depuis le 31 mars, et l’Union Nationale de Universitaires qui groupe 7500 étudiants de l’Université Saint-Joseph, de l’ALBA, et de l’Université Libanaise, menaçait d’une grève si les normaliens n’obtenaient pas leurs demandes : bourses plus consistantes et embauche garantie en tant qu’enseignants à la fin de leurs études. Assaad ayant décidé le 6 le renvoi des normaliens qui boycotteraient les cours, les étudiants de l’Université Libanaise se mirent à leur tour en grève. Le 9, il les fit expulser de l’enceinte de l’université.

    Face à cette fermeté, tous les grévistes suspendent le 10 leur mouvement et les normaliens s’en remettent au ministre pour l’étude de leurs demandes.

     

    -16 avril 1962 : Beyrouth refuse de livrer Der Kaloustian :

    Arguant de son immunité de député, Beyrouth refuse de donner suite à une demande syrienne d’extradition de Movsès Der Kaloustian, condamné en Syrie au procès du parti Tachnag.

    Beyrouth a estimé aussi que le crime dont il est accusé étant politique, la convention d’extradition n’oblige pas le Liban à le livrer. Député arménien orthodoxe de Beyrouth depuis 1943 et président du Tachnag, Det Kaloustian fut condamné le 14 avril par contumace par le tribunal de sécurité d’Etat siégeant à Alep à 15 ans de prison « pour espionnage au profit d’une puissance étrangère ».

     

    -24 avril 1962 : Combats au Hermel et dans la Bekaa :

    A la suite d’une bataille rangée de 7h entre les Tok et les Ahmaz, qui a fait 3 tués et 2 blessés graves, l’armée investit le Hermel où des combats avaient déjà fait 7 tués en mars. Alors que les députés de la région tentent de réconcilier les deux tribus, des accrochages entre les Akroum et les Jaafar font 1 tué et on signale 2 tués et 8 blessés dans des affrontements entre les Yazbeck et les Karsifi dans la Bekaa.

     

    -8 mai 1962 :

    Interdiction de remblayer la mer entre le Bain Militaire et Jnah.

     

    -9 mai 1962 : PPS : peine de mort requise contre 197 accusés :

    L’acte d’accusation du juge d’instruction Nagib Kfoury sur le putsch PPS (98 pages) requiert la mort pour 197 accusés dont 120 sont en fuite. Parmi les 77 jugés contradictoirement figurent les capitaines Awad et Khairallah et le chef du PPS Abdallah Saadé. Le non-lieu est prononcé en faveur de 46 suspects dont Abdallah Mohsen, ex-chef du parti. L’acte décrit les préparatifs du putsch et son déroulement, ses buts, son financement, le rôle des 432 personnes impliquées, 109 militaires et 323 civils dont 75 étrangers.

    Les prévenus sont accusés « d’avoir tenté un complot et une agression ayant pour but de modifier la Constitution par des voies illégales, de susciter une insurrection armée contre les pouvoirs établis…d’usurper les pouvoirs civils et militaires, de provoquer une guerre civile…d’inciter au meurtre et au sabotage, de capturer certains officiers et de les priver par la violence de leur liberté, de tenter la capture de certains hommes d’Etat et politiciens, de porter des armes de guerre sans permis ».

    Ils sont aussi accusés « d’avoir constitué des sections armées et des bandes pour occuper les services de l’Etat, détruire les lignes téléphoniques, attaquer les forces publiques, prendre en main le commandement militaire sans raison légale, inciter les militaires à la rébellion, employer la violence vis-à-vis des gardiens ». Certains sont accusés de « s’etre abstenus d’informer les autorités des crimes perpétrés contre la sécurité de l’Etat, alors qu’ils en avaient connaissance ».

    L’acte d’accusation cite comme conjurés le PPS qui a déjà porté les armes contre l’Etat, les capitaines Fouad Awad, Chawki Khairallah, Badih Ghazi et le lieutenant Ali el-Hajj Hassan.

    L’idée du complot et ses objectifs :

    L’idée du complot est née parmi les leaders du PPS qui se rallièrent des officiers. Les préparatifs commencèrent en aout 1961 et la rupture de l’union syro-égyptienne le 28 septembre 1961 poussa le PPS, débarrassé de Nasser à Damas, à hater l’exécution du plan. Il massa des armes notamment à Dick el-Mehdi et au Koura, réunit des fonds et reçut de la Jordanie 180000 livres (en dinars). Mais il ne put rallier des politiciens dont Raymond Eddé et Camille Chamoun à son plan.

    Le PPS voulait s’emparer du pouvoir puis proclamer l’union du Liban avec la Syrie, prélude à la réalisation du Croissant Fertile. Il comptait occuper les PTT et contrôler les télécommunications, le ministère de la Défense, la Radio, le QG de la Brigade 16, la Maison des Kataeb, enlever le chef de l’Etat, les présidents de la Chambre et du Conseil, les ministres Gemayel et Joumblatt, le député Maarouf Saad ainsi que les officiers supérieurs.

    En cas de réussite, il comptait exiler le chef de l’Etat, renvoyer le gouvernement, dissoudre la Chambre, former un nouveau commandement de l’armée, fermer les frontières, instaurer le couvre-feu, exposer par communiqués les causes du coup d’Etat, les modifications dans la politique intérieure et étrangère et annoncer l’amélioration des soldes dans l’armée.

    L’action des putschistes :

    Les rebelles coupèrent les liaisons téléphoniques entre Tyr et Beyrouth pour que la venue à Beyrouth de Fouad Awad et ses hommes ne soit pas signalée. Les tentatives d’occupation du ministère de la Défense et des PTT échouèrent face à la résistance des gardiens. Les putschistes enlevèrent les colonels Michel Naufal, Antoun Saad, chef du Deuxième Bureau, Youssef Chmayet, Abdel-Kader Chéhab, les commandants Louis Chéhab, François Génadry, Hanna Said, Toufic Jalbout, Fayez Rassi, le capitaine Fawaz Kais, le sous-lieutenant Khodr Berjaoui et le commissaire Nassim Chayt. Le coup d’Etat manqué fit 6 tués parmi les militaires loyalistes.

    Deux autres actes d’accusation :

    Le 18 est publié un acte d’accusation annexe impliquant 189 personnes dont 26 sont passibles de 3 à 10 ans de prison pour port d’armes prohibées et 163 de 6 mois à 2 ans de prison pour appartenance à un parti assimilé à une société secrète. Selon cet acte, « sur les 189 personnes dont la responsabilité a été retenue, 74 sont de nationalité étrangère dont 20 palestiniens et 54 syriens. Ces personnes détiennent des postes-clés au sein du parti. Deux des plus importants membres du conseil supérieur du parti, Omar Abou Zalem et Nazir Azmé, sont syriens. Deux dirigeants du parti, le commissaire à l’intérieur Ramez Yazigi et le commissaire adjoint au chef du parti Raja Yazigi sont syriens. Les deux experts militaires Abdallah Gbeily et Mahmoud Nehmé et un des membres du bureau politique du parti Issa Salamé sont syriens. La plupart des phases du complot ont éte exécutées par des étrangers ».

    Le 28, un 3e acte d’accusation met en cause 11 personnes accusées d’avoir donné refuge à des membres du PPS en fuite. L’ouverture du procès est fixée au 1er juin à l’UNESCO devant le Tribunal Militaire présidé par le colonel Jamil Hussami, assisté de 4 magistrats, 3 militaires et 1 civil.

     

    -10 mai 1962 : Tension avec Bagdad au sujet du Koweit :

    Irrité par la désignation le 23 mars d’un chargé d’affaires au Koweit que revendique le général Kassem, Bagdad rappelle son ambassadeur à Beyrouth et expulse celui du Liban. Pour le ministère irakien des Affaires Etrangères, l’établissement de ces relations est un geste inamical, tranchant avec la politique de neutralité du Liban. L’ambassadeur d’Irak, Nasser el-Hani, quitte Beyrouth le 17 dans un climat tendu, le ministre Takla ayant affirmé que « la position de l’Irak ne modifiera pas la décision du Liban d’établir des relations diplomatiques avec le Koweit ».

    Le 20, Bagdad interdit l’importation des produits agricoles libanais et l’estivage au Liban. Mais le 22, l’ambassadeur du Liban à Bagdad déclare à son arrivée que les relations entre les deux pays ne sont pas aussi tendues que le dit la presse, que les importations de pommes ont été stoppées avant la crise et qu’aucune mesure n’a été prise concernant les irakiens désireux de venir au Liban. De fait, à la fin du mois, le ministre irakien des Affaires Etrangères déclare que « tout finira par rentrer dans l’ordre », notant cependant qu’entre le Koweit et l’Irak « le Liban s’est contenté d’évaluer ses intérets ».

     

    -25 mai 1962 : Cedar VII :

    La Haigazian College Rocket Society procède le 25 au lancement de la fusée Cedar VII qui s’élève à 11500 mètres.

     

    -29 mai 1962 : Cadavre dépecé rue Georges-Picot :

    Le tronc lardé de coups de couteau d’un corps d’homme d’une trentaine d’année est découvert dans un terrain vague rue Georges-Picot. La tete a été coupée ainsi que les 4 membres qu’on retrouvera à Chouran. 10000 livres sont offertes à qui permettra d’identifier ces restes macabres.

     

    -1er juin 1962 : Procès PPS : Awad et Saadé se disent seuls responsables du putsch :

    Le plus important procès des annales judiciaires s’ouvre à l’UNESCO où 234 PPS dont 54 syriens et 20 palestiniens comparaissent devant le Tribunal Militaire, présidé par le colonel Jamil Hussami et comprenant Latif Dib, conseiller civil, les commandants Antoine Khoury et Rizkallah Sfeir, et le capitaine Abdel-Magid Chéhab. Georges Mallat est procureur général militaire. 76 accusés sont jugés par contumace.

    Consacrée au contrôle de l’identité des accusés, cette première audience est ensuite renvoyée au 15 juin pour la lecture des actes d’accusation qui décrivent en détails la tentative d’exécution du putsch et le rôle des principaux conjurés. Les avocats de la défense Mes Machaalani et Bassila soulevèrent des points de procédure, estimant que les nominations des juges d’instruction ont été effectuées en dérogation de la loi. Ils ne sont pas suivis par la Cour.

    L’audience du 16 est consacrée à l’interrogatoire des principaux accusés militaires, les capitaines Fouad Awad et Chawki Khairallah. Ils tentent durant 2h de justifier leur action en arguant des événements de 1958, de certains aspects de la politique étrangère du Liban et de questions relatives à la situation des militaires. Awad minimise le rôle de Khairallah, disant assumer « la responsabilité entière de l’exécution du complot ».

    Pour Saadé, une affaire de politique intérieure :

    Le 18 comparaissent le lieutenant Ali el-Hajj Hassan et le capitaine Badih Ghazi. Le premier, 29 ans, devait enlever le chef de l’Etat. Il déclare n’avoir accepté la mission que pour faire échouer le complot. S’il n’a pas dénoncé les comploteurs, c’est par peur d’etre éliminé. Le capitaine Ghazi, 35 ans, ami de Awad et de Khairallah, admet avoir assisté à des réunions durant lesquelles le putsch fut préparé mais déclare s’y etre opposé et avoir vainement tenté d’en dissuader ses camarades.

    Le 19, le chef du PPS, Abdallah Saadé, plaide durant 4h sa cause avec passion et dans un arabe littéraire qui montre son talent d’orateur. Il défend l’idéologie PPS, affirme que le parti admet l’existence et la souveraineté du Liban, présente le putsch comme une affaire de politique intérieure et non un complot contre la sûreté de l’Etat et affirme respecter la personne du président Chéhab. A la fin de sa déposition et alors qu’on évoque son épouse, il s’effondre du fait de la tension nerveuse. A la tete du parti en 1960, Saadé revendique depuis son arrestation la responsabilité entière du putsch manqué.

    Assaad plaide non coupable :

    Le 22, Assaad el-Achkar, 52 ans, ancien député et ex-chef du PPS, qui souffre de 2 fractures survenues au moment de son arrestation, nie avoir participé à l’organisation du putsch. Il déclare s’etre opposé à son exécution et en rejette la responsabilité sur Saadé. Il affirme que la doctrine PPS qui a évolué depuis 1958, reconnaît l’entité du Liban. Le 25, le responsable de la propagande, Inaam Raad, 30 ans, déclare que Saadé n’est pas le seul responsable de l’organisation du putsch. Le 28, on interroge les exécutants, 12 sous-officiers et soldats qui déclarent que « Awad nous a trompés ».

    Une commission médicale ayant établi que l’état de santé de l’ex-colonel à la retraite Ghattas Naoum Labaki, accusé de recel d’informations, ne lui permet pas d’assister aux audiences, la cour décide de le juger séparément une fois le procès en cours terminé.

     

    -8 juin 1962 : La mort pour 27 espions :

    La peine de mort est requise contre les 27 membres d’un réseau d’espionnage, arretés le 6. Opérant en Syrie et au Liban et dirigés par Jamil Karah, ils fournissaient depuis 1954 à Israel des renseignements militaires, économiques et politiques sur les deux pays.

    Le 11, Mahmoud Awad succombe en prison à une crise cardiaque. Il avait été arreté en 1961 pour avoir dirigé avec Choula Cohen un réseau d’espionnage à la solde d’Israel. Le Parquet avait requis la peine de mort contre lui et Cohen mais leur procès n’avait pas encore débuté.

    Le meme jour, la cour de Justice acquitte les principaux accusés dans la vendetta Hamadé –Zéaiter. Mais le 21, la vendetta entre les Jaafar et les Nassereddine fait 2 tués.

     

    -13 juin 1962 : Quadruple meurtre à Nahr :

    La police découvre dans deux maisons du camp Charchabouk les corps d’Ibrahim Chalhoub, 65 ans, de sa femme Marcelle, 55 ans, de la sœur de cette dernière Marie Srour, 40 ans, divorcée, et de Youssef Safi, ami de Marie chez qui il vivait. Ils ont été tués par balles. Seul rescapé un garçon de 14 ans que Marie avait eu de son mariage avec un militaire français.

     

    -25 juin 1962 : Cedar II B explose :

    Lancée de Dbayé en présence d’officiers de l’armée, la fusée Cedar II B du Haigazian College Rocket Society qui devait grimper à 12000 mètres pour retomber à 18 Km de son point de lancement, explose lors de la séparation du second étage et ses débris retombent en mer. Humide, le carburant n’a pu fournir la poussée nécessaire.

    « Nous allons améliorer le carburant et recommencer dans un mois », déclara le professeur Manouguian, nullement découragé.

     

    -7 juillet 1962 : Cinq jeunes libanais de la haute société tués dans un accident aérien :

    Cinq jeunes libanais figurent parmi les 94 victimes d’une catastrophe survenue en Inde où un avion d’Alitalia s’est écrasé à 56 miles de Bombay. L’appareil qui effectuait un vol inaugural Sydney –Rome, via Bangkok, Bombay et Téhéran, transportait 5 membres d’équipage et 89 passagers. Il aurait été frappé par la foudre et s’est écrasé sur une colline.

    Il s’agit de Nadim Philippe Boulos, 27 ans, fils du ministre de l’Information, Jean-Claude Fouad Chader, 26 ans, fils du directeur des Transports, Rony Joy Tabet, 27 ans, son épouse Gladys née Kassatly, 26 ans, et de Zaven Alexandre Khalebdjian, ingénieur aéronautique. Roy Tabet et son épouse, accidentellement blessée fin octobre par son mari, effectuaient un voyage destiné à sceller leur réconciliation. Invité par Alitalia, le ministre de l’Information avait demandé à son fils de le représenter. Adnan Hakim, chef des Najjadés, et Ihsan Baydoun, directeur de l’Economie, devaient prendre ce vol avec leurs épouses, mais ils avaient changé d’avis.

    Le 9, quatre autres libanais, Joseph Amer, Mounir Mitri, Bahaeddine Helouani et Rizkallah Nakhlé, trouvent la mort lorsqu’un DC4 de la TMA, venant de Francfort à Beyrouth, s’abime en mer au large de Brindisi.

     

    -22 juillet 1962 : L’armée se dote d’Alouette III :

    Accompagné du lieutenant-colonel Iskandar Ghanem, chef d’état-major conjoint, Rachid Karamé effectue un vol d’essai à bord de l’Alouette III, dans le cadre des 3 jours de démonstration, organisés par l’armée de l’Air qui a reçu le premier exemplaire de ce type d’hélicoptère de 6 places. Produit par Sud-Aviation, l’appareil détient plusieurs records mondiaux.

     

    -25 juillet 1962 :

    Accord total libano-syrien lors d’une réunion à Tripoli sur la sécurité.

     

    -2 août 1962 : Farjallah Hélou dissous dans de l’acide :

    La presse d’obédience communiste affirme, sur la foi d’informations obtenues de sources sûres à Damas, que le secrétaire général du PCL, Farjallah Hélou, arreté le 25 juin 1959 à Damas par la police de Sarraj, et dont la mort a été confirmée, a succombé sous la torture et y a été enterré. Mais comme les responsables syriens ont constamment démenti son arrestation et nié avoir connaissance de son devenir, ils avaient exhumé son corps et l’avaient dissous dans de l’acide pour faire disparaître toute trace de sa présence en Syrie.

    Poursuivant les révélations sur des affaires survenues du temps de la RAU et demeurées non élucidées, la presse syrienne accuse le 6 les services de Sarraj d’avoir tué Nassib Metni, le propriétaire du Télégraphe, assassiné le 8 mai 1958 et dont la mort avait été imputée au régime de Chamoun.

     

    -3 août 1962 : Pour un Front de Libération de la Palestine :

    Réunis à Chtaura, les experts arabes pour la Palestine conseillent la création d’un Front de Libération de la Palestine qui coordonnera l’activité militaire, économique et politique en vue de la reconquete du territoire spolié. Le 18, l’Intérieur révèle que la majorité des réfugiés au Liban ne porte pas de cartes de l’UNRWA ni de permis de séjour et que les nouvelles naissances n’ont pas été enregistrées.

     

    -4 août 1962 : Cedar II C :

    Après l’échec le 25 juin de Cedar II B, la Haigazian Rocket Society lance le 4 avec succès Cedar II C. La fusée à 2 étages monte à 16 Km et retombe à 25 Km du lieu de lancement.

     

    -9 août 1962 : Peine de mort requise contre 178 PPS :

    Après les dépositions le 20 juillet des officiers enlevés par les mutins PPS et celles, le 26, de 78 témoins de la défense, le procureur général Georges Mallat réclame dans son réquisitoire la peine capitale pour 178 accusés dont 74 par contumace. Les PPS poursuivis pour enlèvement d’officiers nièrent avoir tiré sur les gardiens des domiciles des colonels Chmayet et Chéhab et ceux poursuivis pour tentative d’enlèvement du chef de l’Etat rejetèrent aussi toutes les charges.

    Le 10 août, l’avocat de Awad estime que le crime de son client est politique et est passible de 7 ans de prison, non de la peine capitale, et le 13, l’avocat de Khairallah, Ghazi, el-Hajj Hassan et Raad affirme que ces derniers, n’étant ni les organisateurs ni les instigateurs du putsch, ne sont pas non plus passibles de la peine de mort.

     

    -16 août 1962 : L’émir Talal embarrasse Beyrouth :

    L’émir Talal ayant attaqué son frère le roi Saoud et son régime, dans une conférence au Saint-Georges, l’Intérieur interdit aux étrangers de tenir des conférences de presse sans permis préalable et la Sûreté Générale interdit à l’émir toute activité politique. L’ambassade saoudienne lui ayant confisqué son passeport, 2 frères de Saoud, les émirs Badr et Fawaz, ainsi qu’un cousin de Talal, rendent par solidarité leurs passeports à l’ambassade.

     

    -18 août 1962 : 3 tués au Hermel :

    Appuyés de blindés, les gendarmes mettent fin le 18 à une bataille entre Fneydek et les Nassereddine, qui a fait 3 tués.

     

    -30 août 1962 : Impasse à la Ligue, saisie d’une plainte de Damas contre Le Caire :

    Réuni le 22 à Chtaura pour examiner une plainte de Damas contre Le Caire, accusé de fomenter des complots en Syrie, le conseil de la Ligue que l’Irak a boycotté, ajourne sine die ses débats, refusant de les poursuivre en l’absence de la délégation égyptienne qui s’était retirée.

    Premier affrontement public entre l’Egypte et la Syrie depuis l’éclatement de la RAU en septembre 1961, la réunion s’était ouverte dans un climat très lourd. Pour irriter Damas, la délégation égyptienne était conduite par des politiciens syriens pronassériens, réfugiés au Caire. Les syriens accusant d’emblée Nasser de chercher à liquider la question des réfugiés avec l’accord des Etats-Unis, la délégation égyptienne demanda le 23 le report des débats. Damas refusa, soutenu par la Jordanie et l’Arabie Saoudite.

    Malgré ce premier revers, les égyptiens affirmèrent que « la plainte syrienne connaitra le sort de celles du Liban et de la Jordanie en 1958 ». Mais le 27, l’attaché militaire égyptien au Liban, Zaghloul Abdel-Rahman, se réfugie en Syrie où il confirme l’authenticité des documents accablants pour Nasser et soumis par les syriens à Chtaura. Les égyptiens préférèrent alors se retirer le 28 et Nasser parle de quitter la Ligue et de former une Ligue des Peuples.

    Révélations sur les troubles de 1958 :

    La réunion s’est tenue alors que les journaux syriens multiplient les articles, preuves à l’appui, sur le rôle de Nasser et Sarraj dans l’insurrection de 1958, sur celui de ses leaders aux ordres de Nasser, sur les hommes, armes et fonds qui leur furent envoyés, sur les versements à des journaux de Beyrouth. La presse de Damas révèle notamment que l’attentat manqué contre Michel Abou Jaoudé fut perpétré parce qu’il refusa, comme le voulait l’ambassadeur de la RAU Ghaleb et malgré une forte rémunération, de quitter An-Nahar pour rejoindre Al-Anwar. Que ce sont des agents libanais de Sarraj, Akram Safadi, Abdo Hakim et Abdel-Jawad Aabara, qui, aidés de Rachid Chéhabeddine et de Mahmoud Wehbé, ont assassiné le 8 mai 1958 Nassib Metni, pour déclencher l’insurrection. Dans un rapport à Nasser, Sarraj lui affirmait qu’un mois après son début, il haranguera la foule place des Canons. Que 700 volontaires syriens et palestiniens furent envoyés pour aider Joumblatt dans son offensive contre l’AIB.

    Des livres sont également publiés (Lettres d’un initié à Nasser, Livre Noir…) à ce sujet mais, comme la presse syrienne, ils sont interdits au Liban et saisis, ce qui irrite vivement les dirigeants de Damas.

     

    -13 septembre 1962 : Hachem Husseini arreté 10h par les syriens :

    Le député de Tripoli Hachem Husseini, allié de Karamé, qui se rendait en Syrie pour un mariage, est arreté à Tall Kalakh et conduit à Homs où il subit un interrogatoire avant d’etre relaché au bout de 10h. L’incident suscite une vive émotion et on l’estime dirigé contre Karamé que les syriens jugent hostile à leur régime « séparatiste » pour ménager son électorat pronassérien.

    Damas en veut aussi à Beyrouth pour un article injurieux à l’égard des syriens publié non signé le 6 dans Al-Anbaa de Joumblatt qui déclara ne pas en etre l’auteur. Il fut prié néanmoins par Chéhab de ne plus se meler de politique étrangère, notamment quand il s’agit de la Syrie. Autre raison de l’irritation syrienne, les efforts de Beyrouth visant à maintenir la RAU au sein de la Ligue. Le 1er du mois, Takla en discutait avec Hassouna que la Syrie juge pro-égyptien et le 4, la commission des Affaires Etrangères recommandait la poursuite de ces efforts qui amenèrent Le Caire à accepter le 9 de rester dans la Ligue tout en continuant à la boycotter.

    Une question de priorités :

    C’est dans ce contexte tendu qu’un nouveau cabinet syrien est formé le 18 sous la présidence de Khaled el-Azem. Recevant le 20 le ministre de la Défense Magid Arslane, invité par son homologue syrien, Azem déclara souhaiter rencontrer Karamé à Beyrouth pour ouvrir une ère de collaboration fraternelle. Il estima cependant que c’est aux libanais de faire le premier pas. « La Syrie, dit-il, attend que l’initiative vienne du Liban. Pour chaque pas fait par les libanais, nous en ferons deux à leur rencontre ».

    Mais le 25, Karamé rappela que c’est la Syrie qui a imposé des restrictions à ses échanges avec le Liban et que c’est donc à elle à faire ce premier pas en les abolissant. Quant à la réunion avec Azem, il estima que « si elle doit servir à échanger des bons sentiments, ces bons sentiments existent déjà. Si elle doit étudier les problèmes surtout économiques en suspens, une rencontre préalable de techniciens doit la précéder ».

    Le 29, Damas répondait qu’il n’y aura pas de reprise des négociations économiques avant une réunion des chefs de gouvernement. On en restera là.

     

    -14 septembre 1962 : Agressions contre deux députés :

    Alors qu’il se rendait à son bureau, Nassim Majdalani, député de Beyrouth, est agressé rue Maarad par un inconnu qui lui porte des coups de rasoir au visage et au bras. L’agresseur, un arménien, est arreté le 16. La Chambre de mise en accusation qualifiera cette agression de délit.

    Le 23, le député de Jbeil, Gabriel Germanos, est pris pour cible par des tireurs alors qu’il se rendait à Akoura. Il s’en tire indemne. Ses agresseurs, Adib et Sabri Hachem, se livrent le 5 novembre à la gendarmerie de Baabda.

     

    -18 septembre 1962 : Verdict au procès PPS : 79 condamnations à mort :

    Dans son verdict sur le putsch manqué du PPS, le Tribunal Militaire prononce 79 condamnations à mort dont 68 par contumace. La sentence est lue en présence de journalistes, d’avocats et de parents des inculpés mais en l’absence de condamnés, comme le veut la loi. Le Tribunal acquitte 23 inculpés, prononce 35 condamnations aux travaux forcés à perpétuité dont 4 par contumace et 186 peines de travaux forcés à temps.

    Les 11 PPS condamnés contradictoirement à mort sont :

    -Fouad Awad, 33 ans, pour son rôle-clé dans le complot ;

    -Chawki Khairallah, 35 ans, pour les memes raisons que Awad ;

    -Ali el-Hajj Hassan, 29 ans, pour tentative de rapt à Zouk du chef de l’Etat ;

    -Abdallah Saadé, 44 ans, pour avoir été à la tete du complot ;

    -Assaad el-Achkar, 52 ans, pour sa part active dans l’exécution du complot ;

    -Mohammad Baalbaki, 40 ans, un des principaux chefs du complot ;

    -Soubhi Abou Obeid, 29 ans, pour avoir supervisé l’opération de Zouk ;

    -Bachir Obeid, 30 ans, préposé aux armes au sein du PPS ;

    -Dib Krédiyé, 41 ans, pour distribution d’armes et meurtre d’un sergent ;

    -Gebran el-Attrache, 33 ans, palestinien, pour meurtre d’un sergent ;

    -Mohsen Nazha, 22 ans, pour meurtre d’un soldat.

    Awad, Khairallah et Hajj Hassan sont radiés de l’armée et dégradés. Le 25, les 11 condamnés à mort et 159 autres condamnés se pourvoient en cassation.

     

    -29 septembre 1962 : Légation du Yémen saccagée :

    Suite au coup d’Etat antiroyaliste à Sanaa, 26 étudiants yéménites saccagent le 29 le siège de la légation du Yémen, en arrachent le drapeau et brûlent les portraits de l’imam.

     

    -2 octobre 1962 : Emile Abou Kheir à la tete de la Cour de Cassation Militaire :

    Emile Abou Kheir est nommé président de la Cour de Cassation Militaire, Massoud Honein, désigné le 26 janvier, s’étant récusé. Le 3, le président du Tribunal Militaire, Jamil Hussami, devient directeur général des FSI à la place de Noureddine Rifai qui prend sa retraite.

    Le 1er, le Tribunal Militaire condamnait le colonel à la retraite Fouad Lahoud et l’ex-directeur de la police Salah Lababidi à un an de prison et le colonel retraité Ghattas Labaki à 6 mois pour recel d’informations dans le putsch PPS. Le 5, la cour entame la révision du procès de Nicolas Trad, condamné à mort par contumace, et de Boutros Oreiji condamné par contumace à 15 ans de travaux forcés et qui se sont livrés. Trad s’était rendu en France avant le putsch pour convaincre Paris de reconnaître le nouveau régime, en cas de réussite.

     

    -5 octobre 1962 : Le hors-la-loi Garo abattu :

    Grièvement blessé la veille dans une fusillade avec une patrouille à Nahr, le repris de justice Garabed Kokozian dit Garo, accusé de plus de 20 meurtres et condamné à mort par contumace, est abattu dans le village de Btekhanye (Metn) dans la maison d’un ami où il avait été transporté par des complices. Depuis qu’il avait abattu le 15 août l’agent de police Joseph Aoun, Garo faisait l’objet d’une véritable chasse à l’homme.

     

    -18 octobre 1962 : Eddé à la Chambre : « Nous vivons sous un régime policier » :

    De violentes attaques sont lancées à la Chambre contre les ingérences de services étatiques, accusés d’avoir instauré un régime policier au Liban.

    Des députés soulevèrent d’abord les agressions contre Nassib Majdalani et Gabriel Germanos et exigèrent toute la lumière sur leurs instigateurs. D’autres demandèrent pourquoi le gouvernement, suite aux révélations de la presse syrienne, ne rouvre pas l’enquete sur l’assassinat de Toufic Metni en 1958 et Albert Moukheiber, parlant de la disparition de Farjallah Hélou à Damas et son probable assassinat, demanda au gouvernement de se constituer partie civile dans cette affaire.

    Mais c’est Raymond Eddé qui, au nom de l’opposition, dénonça dans un virulent réquisitoire, les ingérences flagrantes des services de l’Etat dans la vie politique. « Il n’y a plus ni démocratie ni libertés. Nous vivons sous un régime policier qui délivre des permis de port d’armes aux agresseurs » dit-il, soulignant que 3 assaillants de Germanos, attaqué devant des gendarmes qui n’ont pas bougé, avaient des permis en règle. Il note que si l’agresseur de Majdalani a été arreté, le gouvernement ne veut pas savoir qui l’a poussé à commettre son forfait.

    En conclusion de sa diatribe, Eddé dit refuser d’assister plus longtemps aux débats et, sans attendre la réponse de Karamé, se retire de l’hémicycle, suivi des députés BN Nouhad Bouez, Gabriel Germanos, Edouard Honein, Ahmad Esber. « Vous etes un lache », lui crie Karamé mais les 5 députés sortent suivis de Saeb Salam et de ses alliés, Sleiman Frangié, Nassim Majdalani, Maarouf Saad et Abdallah Machnouk. « Nous soulèverons ces questions à chaque séance, disent les opposants, et nous nous retirerons à chaque fois tant que nous n’aurons pas eu de réponses ».

    Le quorum restant assuré, la confiance est accordée par 67 voix contre 3 (Mahmoud Ammar, Albert Moukheiber, Jean Harb) et 11 abstentions. Candidat unique, Hamadé avait été réélu à la présidence de la Chambre par 71 voix contre 2 et 11 abstentions.

     

    -19 octobre 1962 :

    Effondrement du pont de Jisr el-Bacha : 1 tué, 5 blessés graves.

     

    -9 novembre 1962 : Tension au Akkar à cause d’un mégot :

    Des renforts sont dépechés au Akkar pour éviter des combats entre partisans de Hamadé et du député Ali Abdel-Karim. A l’origine de la tension, un mégot lancé à la Chambre, du bureau du président Hamadé par un membre de la tribu des Nassereddine, alliée de Hamadé. Le mégot a fini sa course sur le cou du député Abdel-Karim qui, empeché de punir le fumeur, rendit Hamadé responsable de l’incident et voulait laver cet affront.

     

    -13 novembre 1962 : Sursis au transfert des camps :

    Joumblatt surseoit au transfert, décidé l’avant-veille, des camps de réfugiés palestiniens hors de la capitale, les logements destinés à les accueillir n’étant pas prets. Protestant contre ce transfert, des réfugiés avaient entamé la veille une grève de la faim dans des églises et mosquées et les écoliers palestiniens s’étaient mis en grève.

     

    -18 novembre 1962 : 18% des crimes dus aux étrangers :

    Selon les statistiques officielles, 18% des crimes commis au Liban au cours des 10 derniers mois sont dus à des étrangers. Les autorités envisagent une réglementation pour circonscrire l’activité des étrangers qui son susceptibles de se livrer à des actions de nature à troubler l’ordre public.

     

    -19 novembre 1962 : Venant de Turquie, Hamadé refoulé à la frontière syrienne :

    Alors que les relations entre Damas et Beyrouth sont au point mort, le chef du Législatif, Sabri Hamadé, qui rentrait en voiture de Turquie, est refoulé à la frontière syrienne par des agents qui pourtant l’ont reconnu. Revenu à Iskenderun, il avise par téléphone le ministre syrien des Affaires Etrangères, Assad Mahassen, qui l’autorise à traverser la Syrie.

    Selon Mahassen, l’incident est dû au fait que le nom de Hamadé « figure sur les listes des personnes indésirables, établies sous le régime de l’union et distribuées aux postes  frontières. Khaled el-Azem confirme cette explication mais estime qu’il ne faut pas attacher à l’incident plus d’importance qu’il ne mérite, d’autant que « le gouvernement syrien a fermé l’œil sur le mauvais traitement réservé à sa délégation à la réunion de la Ligue à Chtaura ». Selon lui, la délégation fut arretée à Masnaa par les libanais qui voulurent faire descendre ses membres des voitures, malgré leurs passeports diplomatiques.

    Réfutant ces accusations, les Affaires Etrangères adressèrent le 27 une note de protestation contre l’incident Hamadé, mais Damas renvoya à l’expéditeur. Finalement le Conseil des ministres opta le 28 pour la modération d’autant que Hamadé, révélant qu’une délégation militaire syrienne lui avait présenté des excuses et assuré des bons sentiments de Damas envers le Liban, considéra « l’incident clos ».

    La veille de l’incident, Azem déclarait que les pourparlers étaient bloqués « car Beyrouth veut les limiter au domaine économique et que nous voulons des conversations politiques aussi ». Il jugea le climat « non favorable aux négociations » et dit attendre « des circonstances meilleures pour asseoir sur des bases solides les relations entre les deux pays ».

     

    -21 novembre 1962 : Fusée 3 étages :

    L’Association Libanaise pour l’Etude des Engins Spaciaux (ex-Haigazian Rocket Society) lance le 21 une fusée à 3 étages, Cedar III, qui s’élève à 180 Km et franchit 425 Km à la vitesse de 9000 Km/h avant de retomber en mer.

     

    -6 décembre 1962 : Saboteurs palestiniens :

    La police démantèle un réseau de 24 saboteurs palestiniens qui projetaient de fomenter des troubles en enlevant notamment des leaders politiques. Formée en octobre 1961, la bande est dirigée par une personnalité connue dont l’identité n’est pas révélée.

     

    -13 décembre 1962 : Le budget 1963 : 469 millions :

    La Chambre entame la discussion du budget 1963 transmis le 26 septembre et qui porte sur 469.85 millions dont 45.95 millions pour les budgets annexes. 67 millions sont alloués à la Défense et 36.8 à l’Intérieur. Les crédits aux projets de développement passent de 18% en 1962 à 35% en 1963 et on note une baisse de 11% des dépenses administratives. Pour hater le vote, le gouvernement demande le 23 une session extraordinaire.

    Le 31 décembre, la municipalité de Beyrouth annonce un budget 1963 de 49.3 millions dont 16.8 pour les projets d’équipement. Avec 40.5 millions restant de l’exercice 1962, elle disposera de près de 90 millions pour 1963.

     

    -20 décembre 1962 : Ghosn échappe à la pendaison :

    Condamné à mort en mai pour l’assassinat du père Boulos Massaad, le changeur Georges Ghosn voit sa peine ramenée en cassation à 15 ans de travaux forcés.

    Le 17, la Cour de Cassation Militaire présidée par Emile Abou Kheir avait entamé l’examen du procès des PPS condamnés en 1ère instance. Les pourvois de 170 condamnés avaient été jugés recevables.

     

    -24 décembre 1962 :

    La chasse est interdite au Mont-Liban en 1964.

     

    -3 janvier 1963 : L’opposition dénonce les ingérences d’un « service étatique » :

    Les ingérences dans la vie politique d’un service de l’Etat qui n’est pas explicitement nommé sont une fois de plus dénoncées lors d’une séance houleuse de la Chambre. De vifs échanges opposent les représentants des Kataeb qui défendent l’action de ce service aux députés de l’opposition qui l’accusent de porter atteinte à la dignité des citoyens et de procéder à des arrestations arbitraires.

    Les attaques sont relancées le 7 par Nassim Majdalani qui, tout en dégageant la responsabilité de l’armée des agissements de ce service, exige d’interdire à ce dernier de se meler des affaires de sécurité intérieure. « Ce service, dit-il, se mele de plus en plus de tout et cela nous mène vers l’instauration d’un régime policier que notre système parlementaire rejette. Nous ne pouvons pas nous taire quand nos libertés sont menacées et qu’un régime policier est en voie de s’instaurer dans le pays sous le couvert de la démocratie ». Des députés accusent aussi ce service d’écouter les conversations téléphoniques et d’ouvrir le courrier, violant le droit des gens à la protection de leur vie privée.

    A plus d’une reprise déjà et notamment par la voix de Raymond Eddé, les ingérences des services policiers dans la vie politique ont été dénoncées à la Chambre. Dues, selon les opposants, au Deuxième Bureau de l’armée, elles sont jugées indispensables par les loyalistes, après le putsch du PPS.

     

    -12 janvier 1963 : Putsch manqué à Damas : la Syrie accuse Beyrouth et ferme ses frontières :

    La Syrie ferme ses frontières avec le Liban à la suite d’une tentative de coup d’Etat pronassérien du colonel Nahlaoui, auteur déjà d’un putsch manqué le 28 mars 1962. La crise est résorbée le 16 et Nahlaoui est éloigné de Syrie mais les dirigeants de Damas pour qui l’alerte a été chaude accusent le Liban qui abrite des réfugiés politiques syriens et dont une large fraction de la population est pronassérienne.

    Le Premier ministre syrien Khaled el-Azem estime qu’un « vent glacial souffle sur nous de Beyrouth » et menace le Liban de représailles économiques. Son ministre de l’Intérieur Aziz Abdel-Karim affirme que « les frontières resteront fermées tant que le gouvernement libanais n’aura pas modifié sa position inamicale à l’égard de la Syrie en mettant fin aux activités des saboteurs qui trament des complots sur le territoire du Liban contre la sécurité syrienne ».

    Mais pour Takla, « les rapports avec la Syrie ne peuvent se normaliser que si Damas accepte de reprendre les contacts au point où ils étaient après la conférence de Bloudane ». Quant à Pierre Gemayel, il revient sur la nécessité de relations diplomatiques avec Damas et se demande « s’il y a encore des mesures inamicales que la Syrie n’a pas prises contre le Liban. Pourquoi faut-il que le Liban soit le souffre-douleur des pays arabes chaque fois que ceux-ci se débattent dans des difficultés internes ? »

    La tension politique se double d’incidents frontaliers. Le 20, une patrouille syrienne ouvre le feu sur des paysans près d’Arsal et le 30, des soldats entrent au Liban et arretent 3 paysans. L’un d’eux s’enfuit et alerte les habitants de Deir el-Achayer qui délivrent ses deux camarades. Des unités syriennes, appuyées de blindés, encerclent alors le village situé à la frontière, obligeant ses habitants à se réfugier dans le jurd.

    Les relations avec la RAU sont aussi froides suite aux promesses non tenues du Caire quant au versement d’indemnités pour les biens libanais nationalisés ou placés sous séquestre en Egypte.

     

    -12 janvier 1963 : Enterré sans tete et sans nom :

    Le Parquet classe l’affaire du corps sans tete découvert le 29 mai 1962 dans un terrain vague rue Georges Picot. L’identité de la victime n’a pu etre établie et de guerre lasse l’enquete a été clause et le Parquet a baissé les bras. Dans une fosse commune du cimetière de Bachoura sur laquelle aucun regard familier ne s’appesantira, sombre dans l’oubli un inconnu assassiné. Peu importe de savoir comment on a décidé de sa religion. Le fait est qu’un crime a été commis. Et que l’assassin court toujours.

     

    -17 janvier 1963 : Deux morts à la Quarantaine :

    Le 17, un incendie fait 2 morts et un millier de sans-abri à la Quarantaine, détruisant 225 taudis. La presse juge l’incendie provoqué pour dégager les taudis bloquant des travaux routiers. La municipalité débloque 100000 livres aux victimes et le Conseil des ministres alloue 1000 LL par famille sinistrée.

     

    -28 janvier 1963 : Mystère autour de la disparition d’Harold Philby :

    Harold Philby, ancien membre des Services de  Renseignement britanniques et du Foreign Office et actuellement correspondant de l’Economist et de l’Observer au Liban, a disparu depuis 5 jours. La nouvelle est à la une des journaux. C’est le début de l’affaire Philby.

    Invité le 23 à déjeuner chez Paul Balfour, de l’ambassade britannique, Philby a demandé à sa femme de l’y précéder. Il ne la rejoindra pas. Le 24, son épouse alerte l’ambassade qui demande une enquete à Beyrouth. Le 26, Mme Philby demande l’arret des recherches. « Il est au Kurdistan », dit-elle. Or le nom de son mari n’est sur aucun registre de sortie, par terre, air et mer. Il n’a donc pas quitté le Liban ou l’a fait alors clandestinement.

    Le 28, la presse s’empare de l’affaire. Car le nom de Philby est célèbre dans la région. Son père, Henry Saint-John Philby, fut l’ami et le conseiller d’Ibn Saoud qu’il aida à unifier la Péninsule arabique et fut le premier à en établir des relevés topographiques. Brouillé avec la famille royale, il s’était installé à Ajaltoun où il s’était éteint en octobre 1960.

    Le passé du fils est aussi chargé. Membre de l’Intelligence Service durant la guerre, décoré de l’Ordre de l’Empire britannique, Harold Philby entre en 1947 au Foreign Office. En 1950, il est premier secrétaire à l’ambassade britannique à Washington. Le 2e secrétaire s’appelle Guy Burgess. Les 2 hommes sont très proches. Rappelé à Londres en avril 1951, Burgess passe à l’Est avec le diplomate Ronald MacLean, emportant des documents secrets. Tous deux étaient des agents de Moscou. Du fait de son amitié avec Burgess, Philby est soupçonné d’avoir facilité leur défection. Il est défendu par MacMillan et l’affaire est classée. Mais Philby a dû démissionner. Il ne fait plus parler de lui.

    En septembre 1956, on le retrouve au Liban. Correspondant de l’Economist et de l’Observer, il couvre la crise de Suez, s’inscrit à l’Association de la Presse étrangère, s’installe à Kantari avec ses 4 enfants et sa 3e épouse. On le voit souvent au bar du Saint Georges. Kim, c’est son surnom, est calme et réservé. Il se déplace souvent dans la région.

    Où est Philby ? Officiellement, il n’a pas quitté le Liban. La presse reçoit de son épouse la meme réponse : « Je ne suis pas inquiète. Il reviendra bientôt ».

    Quels étaient ses contacts au Liban ? Que fournissait-il aux russes, s’il en était un agent ? Comment a-t-il quitté le pays ? Pourquoi a-t-il voulu disparaître ? On dit que, quelques jours avant sa disparition, il aurait, sous le coup de la boisson, « trop parlé de son passé ». On crut savoir qu’il avait embarqué sur un cargo russe à destination d’Odessa.

    C’est le 1er juillet que le Premier ministre britannique, Edward Heath, révèle que Philby se trouve derrière le rideau de fer et que c’est bien lui qui avait facilité la fuite de Burgess et MacLean à l’Est. C’est parce que son rôle dans cette affaire allait etre éventé qu’il avait fui de Beyrouth. Philby mourra à Moscou le 11 mai 1988. il avait 76 ans.

     

    -29 janvier 1963 : Intempéries meurtrières :

    Les pluies torrentielles qui s’abattent depuis le 26 provoquent inondations et glissements de terrains qui entrainent l’effondrement à Tripoli d’un immeuble dont 14 occupants périssent sous les décombres. 5 personnes dont 4 syriens qui tentaient de s’infiltrer au Liban périssent noyées, Saida et Tyr sont sans électricité et 2 hélicoptères de l’armée sauvent 7 militaires syriens encerclés par les eaux à Lattaquié.

     

    -1er février 1963 : Collision d’un Viscount de la MEA avec un avion militaire turc : 81 tués :

    Venant de Beyrouth via Nicosie, un Viscount de la MEA avec à bord 11 passagers (dont un libanais) et 3 membres d’équipage (dont 2 libanais) est heurté par un avion militaire turc alors qu’il s’appretait à atterrir à Ankara. L’accident, le premier qui frappe la compagnie nationale, cause la mort de ses 14 occupants et de 60 turcs, tués par la chute de débris sur un quartier populaire de la ville. Il y a 95 blessés dont 7 décèderont.

    Commandé par Maurice Stilwell, ex-pilote de la RAF, installé au Liban depuis 1958, avec pour copilote Farid Abi Zeid, l’appareil avait pour 3e membre d’équipage l’hôtesse Arpiné Chobanian. Ironie du destin : l’hôtesse tuée remplaçait sa sœur qui devait se marier et une autre hôtesse, allemande, fut autorisée à débarquer à Nicosie, vu le petit nombre de passagers.

    Venant de Nicosie, l’avion avait reçu de la tour de contrôle de l’aéroport d’Ankara l’autorisation d’atterrir et amorçait à 6000 pieds sa descente lorsqu’il fut heurté de plein fouet par un C47 turc qui survolait Ankara dans le cadre d’une mission d’instruction. Non dotée d’instruments modernes, la tour de contrôle n’avait pas relevé le vol du C47 dans la zone d’approche du Viscount qui ne fut pas averti de sa présence.

    A l’annonce de la catastrophe, le personnel de la MEA, PDG en tete, organisent une collecte de sang pour les blessés.

     

    -4 février 1963 : Nouvelle incursion syrienne à Deir el-Achayer :

    Après l’agression du 30 janvier, des forces syriennes appuyées de blindés et d’artillerie encerclent de nouveau Deir el-Achayer, situé à la frontière, après l’avoir pilonné et obligé ses habitants à se réfugier dans les collines voisines. En meme temps, Radio-Damas accuse Beyrouth de travestir la vérité et estime que la Syrie « n’a rien de bon à attendre des dirigeants libanais car ils ont jeté bas les masques ». La commission des Affaires Etrangères rejette à l’unanimité les attaques de la radio syrienne et tous les ministres approuvent la politique suivie à l’égard de Damas, s’étonnant des menaces et des accusations syriennes. En dépit du coup d’Etat du 8 à Bagdad qui gèle cette tension naissante, la Syrie refoule le 12 des camions d’agrumes et limite le 18 la venue de ses ressortissants au Liban aux cas d’absolue nécessité.

     

    -8 février 1963 : Conseil de la Révolution à Bagdad :

    8 février, 9h20. Radio Bagdad annonce que l’armée a pris le pouvoir et diffuse un communiqué d’un Conseil National de la Révolution qui invite le peuple à traquer les communistes et les partisans du général Kassem.

    Depuis qu’il a renversé la monarchie en juillet 1958, ce dernier a échappé à 29 attentats. Mais il a accumulé les maladresses, limogé trop d’officiers, lancé l’aviation contre les kurdes, voulu annexer le Koweit, laissé les communistes perpétrer des massacres à Kirkouk et à Mossoul. Il est en conflit avec Le Caire et on lui reproche la faillite de la réforme agraire et de l’économie. Découvert caché au ministère de la Défense, il est condamné à mort par une cour martiale sommaire puis fusillé avec le colonel Mahdaoui, président du tribunal du peuple.

    La présidence est confiée pour une période transitoire au colonel Abdel-Salam Aref, associé à Kassem dans la révolution de 1958. Mais entré en conflit avec ce dernier, il fut condamné à mort. Kassem commua la sentence en prison à vie. Le général Ahmad Hassan Bakr est placé à la tete du gouvernement. Une chasse aux communistes et aux collaborateurs de l’ancien régime est lancée et des milliers sont sommairement abattus.

    Le parti Baath a activement participé au coup d’Etat. Le slogan du parti, créé en Syrie par Michel Aflak et Salah Bitar est « Unité du Golfe à l’Atlantique » et sa devise « Unité, Liberté, Socialisme ». Aref n’est pas membre du parti. Le nouveau pouvoir reçoit l’appui immédiat du Caire mais suscite des craintes en Syrie, prise en tenailles entre Le Caire et Bagdad qui semblent maintenant alliés.

    Depuis la création de la Ligue en 1945, ce coup d’Etat est le 2e en Irak et le 9e au Moyen-Orient. Depuis 1948, la Syrie en a connu 4 dont celui qui balaya l’union avec l’Egypte en septembre 1961. En 1952, un putsch mit fin à la royauté en Egypte, en 1958, le général Abboud s’empara du pouvoir au Soudan et en septembre 1962, le général Sallal renversa l’Imam et instaura la république au Yémen.

     

    -9 février 1963 : Détente avec Bagdad après la chute de Kassem :

    L’activité politique est gelée suite au coup d’Etat à Bagdad qui a balayé la veille le régime du général Abdel-Karim Kassem. Mené sous l’égide du parti Baath (Renaissance) arabe, aux visées unionistes proches de celles de Nasser, le coup d’Etat a bouleversé les données au Proche-Orient, opérant un rapprochement entre Le Caire et les nouveaux maitres de Bagdad. Radio Le Caire, contrairement à l’attentisme des autres pays arabes, a aussitôt apporté son appui aux putschistes.

    Le coup d’Etat est accueilli avec délire par les milieux pronassériens du Liban qui manifestent, obligeant les forces de l’ordre à les disperser avec énergie. Alors que des chocs sanglants sont encore signalés en Irak, Karamé adresse un message de félicitations au nouveau maitre de Bagdad, le colonel Abdel-Salam Aref qui, dans sa réponse le 13, affirme que « notre révolution est un appui pour le Liban frère et pour tous les peuples arabes ». Son ministre des Affaires Etrangères annonce le rétablissement des relations diplomatiques avec Beyrouth et le prochain envoi d’un ambassadeur. Le 20, Bagdad lève les restrictions sur ses importations du Liban.

    Suite à cette ouverture, une manifestation contre la chasse aux communistes déclenchée en Irak est dispersée avec force et 10 personnes sont écrouées. Le 23, Joumblatt dénonce dans Al Nida les communistes arabes « hostiles à toute idée arabe saine et qui ne reculent devant rien pour parvenir à leurs fins ». Il cite leur rejet de l’union syro-égyptienne, de la politique de libération, de non-alignement, de socialisme et d’unité de Nasser, les massacres de Mossoul et Kirkouk perpétrés par les communistes. Qualifiant le coup d’Etat à Bagdad de « révolution nationale libératrice arabe », il estime que l’hostilité des communistes à cette révolution les range dans le camp de l’impérialisme et du PPS.

     

    -9 février 1963 : Cellule terroriste :

    Une enquete menée dans le plus grand secret aboutit au démantèlement d’un réseau terroriste basé à Tripoli.

    D’importantes mesures de sécurité sont prises et les entrées de la ville sont gardées par des patrouilles alors que des barrages sont dressés dans plusieurs quartiers. Les terroristes devaient notamment détruire des édifices publics.

     

    -16 février 1963 : Affaire Moghabghab :

    Bahige et Ramez Azzam et Fadlallah Khatib, impliqués dans le meurtre du député Naim Moghabghab, tué en juillet 1959 sur la route de Deir el-Kamar, se livrent le 16 à la police.

     

    -23 février 1963 :

    Crue du fleuve de Beyrouth qui cause d’importants dégats à Dora.

     

    -8 mars 1963 : Le coup d’Etat à Damas relance la perspective d’une nouvelle République Arabe Unie :

    Mené par le parti unioniste du Baath et survenant après celui du 8 février à Bagdad, un coup d’Etat à Damas suscite l’inquiétude des officiels qui redoutent la relance du clivage de 1958 entre les pronassériens, partisans de l’unité arabe et ceux qui avaient combattu Nasser et la RAU au Liban.

    Alors que les communistes prennent position contre le putsch qui a reçu le soutien de Bagdad, engagé dans une sanglante répression anticommuniste, des pronassériens qui voient renaitre l’union syro-égyptienne rompue le 28 septembre 1961, manifestent à Beyrouth et dans diverses régions, arborant drapeaux et portraits de leaders non libanais. On signale 3 blessés à Tripoli et des heurts à la Foret des Pins. L’Intérieur demande aux partis de s’abstenir de toute manifestation susceptible d’ébranler l’unité nationale et les Affaires Etrangères déclarent que le putsch est une affaire intérieure syrienne dans laquelle elles ne veulent pas s’immiscer.

    Le 11, Beyrouth reconnaît le nouveau régime syrien dans un télégramme de félicitations à Salah Bitar, nouveau chef du gouvernement et ministre des Affaires Etrangères. Le 13, le frontière syrienne est rouverte aux irakiens et syriens se trouvant au Liban, aux journalistes, aux diplomates mais pas aux libanais. Mais le transit fonctionne normalement.

    Pressions arabo-US :

    Le gouvernement doit faire aussi face à de fortes pressions de l’Irak et des Etats-Unis pour se joindre à la campagne anticommuniste. Le ministre irakien des Affaires Etrangères exige la fermeture des médias communistes hostiles à la révolution irakienne et, selon As Safa, les ambassadeurs irakien et américain se plaignent auprès de Takla du laxisme des autorités envers les activités du PCL. Takla leur répond que la liberté d’opinion est garantie à tous au Liban et qu’aux Etats-Unis, les communistes qui critiquent l’administration ne sont pas poursuivis. Lui faisant écho, Karamé déclare le 23 à l’ambassadeur américain ne pas pouvoir brider la liberté de la presse au Liban dont l’existence repose sur la liberté d’opinion.

    Al Ahram a lancé aussi une violente campagne contre les dirigeants libanais dont il dénonce la neutralité dans les contacts unionistes ouverts entre Damas, Bagdad et Le Caire, et qu’il accuse de complaisance à l’égard des communistes et d’exploitation du confessionnalisme. Pour Al Ahram, les Kataeb, hostiles à ces contacts, sont utilisés par ces dirigeants pour susciter des tensions confessionnelles qui les aident à demeurer au pouvoir.

    Joumblatt se démarque :

    La résistance de Takla et de Karamé aux pressions est cependant affaiblie par Kamal Joumblatt dont le quotidien Al Anbaa publie des éditoriaux en faveur de l’union arabe et contre l’activité des communistes. Au Conseil des ministres du 27, Gemayel dénonce ce comportement opposé non seulement à la politique du gouvernement dont Joumblatt est membre mais à celle du régime. Pour clarifier la situation, le chef de l’Etat est amené à proclamer que la politique étrangère du pays ne peut pas etre altérée par des prises de position individuelles de qui que ce soit.

    Mais pour atténuer les pressions, le gouvernement poursuit en justice le quotidien An Nidaa procommuniste en la personne de son directeur Souheil Yammout, pour propagande en faveur d’un parti interdit et injures envers des chefs d’Etat étrangers. Le journal est suspendu du 31 mars au 20 avril. Le 29, Artine Madoyan, un des fondateurs du PCL, ainsi que plusieurs responsables communistes, sont arretés.

    Coalition Baath –Nassériens à Damas :

    Un mois jour pour jour après la chute de Kassem en Irak, des unités venues du front Sud pénètrent le 8 mars à Damas et assiègent les PTT, la Radio et le siège du haut commandement. Radio Damas annonce la mise en place d’un Conseil National de la Révolution qui proclame son soutien à l’Irak et à la république au Yémen, dit vouloir réaliser l’unité arabe et prône le non alignement. Déclenché à l’aube, le coup d’Etat, dirigé par le colonel Ziyad el Hariri qu’on dit proche du parti Baath, était achevé avec succès et sans effusion de sang à la tombée de la nuit. Les dirigeants renversés ont été arrêtés mais Akram Haurani est introuvable.

    Le lendemain, la Syrie a un nouveau gouvernement présidé par Salah Bitar, cofondateur avec Michel Aflak du Baath. Sur 20 ministres, 10 se réclament de ce parti et 6 du nassérisme. Le Conseil National de la Révolution est dirigé par le général Louai Atassi que les auteurs du putsch ont libéré de Mazzé.

    A la mi-mars, les dirigeants baathistes de Bagdad et de Damas retrouvent au Caire les leaders nassériens pour discuter une union entre les 3 pays. Le 1er round des pourparlers s’achève sans résultats et rendez-vous est pris pour début avril. Les 3 parties se disent pour l’union. Mais les baathistes sont pour une fédération, les leaders de Damas voulant éviter la réédition des erreurs de l’union syro-égyptienne qui vit l’Egypte prendre le contrôle de la Syrie. Les nassériens eux sont pour une fusion totale. Concilier ces deux visions de l’union semble difficile.

     

    -15 mars 1963 : Série noire aérienne :

    Un avion de la TMA s’écrase à 25 Km de Téhéran faisant 4 tués, 1 américain, 1 irlandais et 2 libanais, Félix Asmar, opérateur-radio et Omar Mukahhal, premier opérateur.

    Le 18, les pilotes de la TMA entament une grève, estimant que les avions sont surchargés et qu’ils ont volé plus d’heures que ce qui est fixé par la sécurité aérienne dont le contrôle est insuffisant.

     

    -15 mars 1963 : A bord d’un avion privé, Emile Boustany disparaît au large de Beyrouth :

    Emile Boustany, député du Chouf et président de la CAT (Contracting and Trading Co) disparaît dans la chute de son avion personnel dans la zone située entre la baie du Saint-Georges et le port de Beyrouth. A bord de l’appareil, un trimoteur Aéro-Commander piloté par le capitaine John Oglivie (britannique marié à une libanaise) se trouvaient aussi le Dr. Nemr Toukane, vice-président de l’Alumni Club et éminent bactériologue de 41 ans et l’ingénieur Marwan Kartabil, 27 ans, qui rejoignait à Amman son nouveau poste au sein de la CAT.

    Boustany avait annulé sa réservation à bord d’un vol de la MEA et avait décidé de prendre son avion personnel pour assister à Amman à la réunion du conseil d’administration de la Banque arabe. Il devait etre de retour dans l’après-midi.

    L’appareil avait décollé à 7h53 par un temps orageux. A 8h16, le pilote demande l’autorisation de revenir à Khaldé, une couche de givre commençant à recouvrir les ailes de l’avion. A 8h20, il signala etre au-dessus de Beyrouth. C’est ensuite le silence. Le capitaine d’un navire allemand indique à la capitainerie du Port qu’un avion s’est abattu en mer à 3 Km de la jetée. Des vedettes et 2 hélicoptères sont dépechés sur les lieux où l’un d’eux repère une tache d’huile. A 10h, les corps de Toukane et du pilote sont repechés. Celui du député et de Kartabil restent introuvables, probablement bloqués dans la carlingue par 240 mètres de fond.

    Sur les causes de l’accident, on se perd en conjectures. On parle de foudre, d’alourdissement anormal de la couche de givre qui aurait déséquilibré l’avion. Faute d’avoir pu récupérer l’épave, aucune enquete ne peut aboutir.

    Le dimanche 17, une messe de requiem est célébrée en la cathédrale Saint-Georges des Maronites par le Patriarche Méouchy en présence de la famille, des officiels et d’un grand nombre de personnalités. La Médaille du Mérite libanais est décernée à titre posthume au disparu. « C’était un grand patriote, un créateur audacieux et un réalisateur extraordinaire », dit Karamé.

    Le 20, la CAT fait appel à trois sociétés européennes pour retrouver le corps de Boustany dont on décide de donner le nom à une rue de Ras Beyrouth. Le 31, la famille Boustany présente la candidature de sa fille Myrna aux élections.

     

    -18 mars 1963 : Soldats acquittés :

    La Cour de cassation qui revoit le procès PPS acquitte le 18 les soldats que commandait l’ex-capitaine Fouad Awad.

     

    -19 mars 1963 : Affaire Cohen :

    Le Tribunal Militaire condamne le 19 à 20 ans de travaux forcés Choula Cohen qui dirigeait le réseau d’espionnage pro-israélien démantelé durant l’été 1961.

     

    -19 mars 1963 :   La Police touristique détachée des FSI et adjointe au CNT.

     

    -29 mars 1963 :   Arrestation d’Artine Madoyan et de responsables communistes.

     

    -2 avril 1963 : Fraude chez les fonctionnaires :

    Six chefs de service aux PTT sont arretés sous l’accusation d’avoir vendu frauduleusement des timbres-postes pour 600000 LL. Le lendemain, le capitaine qui commande la brigade douanière est accusé d’etre de connivence avec les contrebandiers de cigarettes. Il est déféré en Conseil de discipline et suspendu de ses fonctions.

     

    -10 avril 1963 : Réorganisation du bureau de boycottage d’Israel :

    Le Conseil  des ministres approuve un projet de loi faisant relever le boycottage d’Israel du ministère de l’Economie, secondé par le bureau de boycottage et le comité supérieur des affaires palestiniennes.

    Le bureau recueillera les informations, établira les rapports, proposera les mesures, fera appliquer les décisions prises par les services compétents et assurera la liaison avec le bureau central régional de boycottage. Le comité des affaires palestiniennes émettra son avis sur toute affaire transmise par l’Economie ou soumise au Conseil des ministres. Il a le droit de formuler des suggestions sur les questions concernant le boycottage.

    Le projet soumet à l’approbation du Conseil des ministres les accords sur l’application de mesures de boycottage, l’inscription de noms sur la liste noire et leur radiation, les demandes d’annulation de sanctions. L’inscription d’un nom sur la liste noire sera notifiée immédiatement aux intéressés ou à leurs agents. Elle sera accompagnée des conditions à remplir pour en etre rayé.

     

    -18 avril 1963 : Appels à la modération après la proclamation de la Fédération des Etats Arabes :

    De sévères mesures de sécurité sont adoptées et des appels à la modération lancés après la proclamation la veille de la Fédération des Etats Arabes, conclue entre la Syrie, l’Irak et l’Egypte. Des manifestations de joie avaient éclaté à l’Ouest à l’annonce de cette nouvelle et les autorités craignent des débordements.

    Les prédicateurs des mosquées saluent avec enthousiasme la fédération mais mettent l’accent sur le maintien de l’unité nationale, exhortant les fidèles à la modération et à la retenue dans les manifestations. Le 19, à l’occasion de la signature de l’accord sur l’union fédérale, le président Chéhab adresse des messages de félicitations au maréchal irakien Abdel-Salam Aref, au général syrien Louai Atassi et au président égyptien Gamal Abdel-Nasser.

    S’adressant le 25 à la commission des Affaires Etrangères, Takla souligne la volonté du Liban de préserver son indépendance et sa souveraineté et estime que « l’Etat fédéral arabe est un facteur de stabilité et de progrès » et qu’il est conforme aux dispositions de la Charte de la Ligue. Affirmant que le Liban ne s’immisce pas dans les affaires des autres pays, il leur demande en retour de respecter son indépendance et sa souveraineté et de reconnaître sa position particulière.

    Le 29, pour éviter toute tension, le syndicat de la Presse rétablit l’autocensure des journaux et convie les journalistes à la vigilance. Le 20, le tribunal de presse avait condamné Souheil Yammout, directeur d’Al Nidaa, à 1 mois de prison pour nouvelles mensongères, injures à l’égard des autorités et de chefs d’Etats arabes et propagande en faveur du PC interdit.

    Une fédération qui fera long feu :

    « La journée est historique. L’accord s’est fait entre la RAU, la Syrie et l’Irak sur la constitution d’un futur Etat ». C’est en ces termes que le 17 avril, le chef de l’Exécutif égyptien Ali Sabri annonça au Caire la naissance de la Fédération des Etats Arabes qui sera une réalité après un référendum dans les trois pays. Nasser a lavé l’affront de la rupture de l’union syro-égyptienne le 28 septembre 1961.

    L’Egypte, la Syrie et l’Irak ont convenu de former une République fédérale ayant un chef d’Etat, une capitale, Le Caire, un drapeau, celui de la RAU, un commandement militaire commun, une représentation diplomatique et une législation judiciaire et douanière unifiées. Les trois pays forment dans cet Etat des provinces distinctes avec parlements et gouvernements propres.

    L’Etat fédéral aura un Conseil de la Présidence, un Parlement fédéral, un Conseil des provinces (4 représentants de l’Egypte, 3 de la Syrie, 3 de l’Irak), une Cour fédérale de justice et un Conseil fédéral de la Planification. La future charte de l’Etat devrait etre prete en trois mois. Mais le problème des partis politiques n’est pas réglé. Il existe un parti unique en Egypte mais un front de partis au pouvoir en Irak et en Syrie.

    Ce reve unioniste va vite etre balayé. Dès le 1er avril, bassistes et nassériens se battaient à Damas. Le 27 avril, les officiers syriens pronassériens sont limogés et les ministres unionistes démissionnent. Le 5 mai, l’armée syrienne tire sur les pronassériens et le 11, Bitar forme un cabinet exclusivement baassiste. Après l’échec à Damas d’un putsch pronassérien, suivi d’exécutions, Nasser dénonce le 22 juillet l’accord du 17 avril.

     

    -1er mai 1963 : Des grêlons de la taille d’une noix :

    Les beyrouthins sont réveillés par une pluie de grêlons dont certains de la grosseur d’une noix. La plupart des citoyens étant encore chez eux, ce bombardement ne les touche pas physiquement et, la stupeur passée, on admire la ville couverte d’une pellicule blanche. Ces grêlons n’ayant concerné que la capitale, les cultures sont épargnées mais on signale 1 mort, 3 blessés et 200 sans-abri. Selon la presse, l’historien Ibn Hariri a signalé un tel phénomène en 1307, les annales en rapportent un semblable à Tripoli et dans la vallée de la Kadisha le 11 mai 1557 et Zaouiyé l’a connu en 1636.

    Le 11, des pluies diluviennes provoquent des dégâts dans la Bekaa, du fait du débordement des eaux de l’Oronte.

     

    -26 juin 1963 : Combats au Akkar :

    Les gendarmes ont recours le 26 à l’artillerie pour arrêter des combats qui opposent depuis 3 jours des tribus rivales du Akkar et qui ont fait 1 tué et 2 blessés.

     

    -28 juin 1963 : A la Chambre, réquisitoire de 3h de Raymond Eddé contre les Services Spéciaux :

    Prenant le premier la parole à la Chambre au lendemain d’un débat terne sur la politique étrangère, Raymond Eddé prononce un réquisitoire de 3h contre les « forces secrètes qui faussent le jeu des institutions et contre la subversion de la démocratie par le pouvoir militaire ».

    Après avoir dénoncé d’abord l’abus de la procédure d’urgence dans le dépôt à la Chambre des projets de lois par le cabinet, le qualifiant de « plan visant à rendre impossible l’exercice du mandat parlementaire, en portant atteinte à la dignité de la Chambre et en empêchant les députés de les discuter », Eddé aborde le problème des libertés.

    « La liberté de la presse, dit-il, se perd. Il y a 15 ans, un grand journaliste, Georges Naccache, parvenait par un éditorial de 10 lignes à renverser le gouvernement…Aujourd’hui, les journalistes ont peur d’exprimer librement leurs opinions. Ils n’ont meme plus le courage de publier les textes des questions écrites déposées par les députés de l’opposition sur le bureau de la Chambre. Il y a quelque chose de changé au Liban. On parle de censure syndicale mais les décisions du comité de censure sont prises par une personne non civile. Il y a aujourd’hui deux courants, l’un contre la Chambre, l’autre contre la presse ».

    Puis Eddé demande le huis-clos « étant donné l’importance du sujet que je vais évoquer ». Une motion en ce sens ayant été repoussée, il poursuit disant parler désormais en son nom et au nom de son parti pour ne pas gener ses alliés.

    « Certains officiers de l’armée, dit-il, veulent s’occuper de politique. Pourquoi ? Parce que quand les militaires ne peuvent pas se battre, ils sont poussés vers la politique. Depuis la fin de la guerre de Palestine en 1948…on a assisté à des coups d’Etat militaires au Proche-Orient. Chez nous, le chef de l’armée a appris à cette dernière de ne pas s’occuper de politique. Mais il est devenu président de la République ».

    Des députés lui demandent alors de ne pas évoquer le nom du chef de l’Etat durant le débat et protestent contre ses dires. Mais il poursuit.

    « Un jour, un officier PPS de l’armée a tenté un coup d’Etat qui a été étouffé dans l’œuf. Certains responsables ont cru alors qu’ils devaient arreter les gens à tort et à raison. L’intérêt du pays est de ne pas vivre dans un tel climat », dit-il. Accusant les services spéciaux de s’immiscer partout, Eddé met au défi les ministres de l’Intérieur et de la Défense de jurer sur l’honneur que les FSI et ces services n’interviennent pas dans les élections et demande une enquete parlementaire sur les arrestations arbitraires.

    Dans sa réponse, Joumblatt, ministre de l’Intérieur, lui reproche d’avoir abordé un sujet grave de façon non convenable et l’accuse d’immiscer ainsi lui-meme les militaires dans la politique. Estimant normal que les attributions des services spéciaux aient été accrues après l’affaire du PPS, Joumblatt, vivement applaudi, nie toute arrestation arbitraire et met au défi Eddé de citer un seul nom. Quant à Bahige Takieddine, il déclare que « si les services spéciaux n’existaient pas, il aurait fallu les inventer » et note que le fait qu’Eddé puisse porter de telles accusations « que la presse va publier », prouve qu’il n’existe pas de climat de terreur dans le pays. Des députés font alors remarquer qu’une vingtaine d’actions judiciaires ont été engagées contre des journalistes.

    Clôturant le débat, Karamé réfute les dires d’Eddé, justifie la procédure d’urgence par la nécessité de hater l’adoption des lois, déclare que l’armée a été formée de façon à rester hors de la politique et défend les organismes de l’Etat attaqués. Il expose les réalisations des ministères et les projets en cours et indique que l’objectif du gouvernement est le développement social et l’achèvement de la réforme administrative. « Nous travaillons dans l’intérêt du pays et nous ne tolérerons pas qu’il soit porté atteinte à la dignité de la Chambre », dit-il en conclusion.

    Après 6h de débats, la Chambre, convoquée du 19 juin au 22 juillet en session extraordinaire, vote à 1h du matin la confiance au Cabinet par 66 voix contre 17 et 2 abstentions, soit 4 votes favorables de plus par rapport au vote d’investiture (62 contre 18 et une abstention) du 17 novembre 1961. Le Cabinet obtint ensuite la confiance à main levée le 9 août 1962 sur sa politique étrangère, le 18 octobre 1962 (67 contre 3) et le 14 février 1963 (75 contre 12) sur sa politique générale.

     

    -Juillet 1963 : Livre de Chamoun interdit :

    L’estimant « non-conforme à la vérité et risquant de nuire à l’unité nationale », le ministre de l’Information interdit le livre de Camille Chamoun, « Crise au Moyen-Orient », dans lequel il expose son point de vue sur les événements dans la région entre 1956 et 1958. Chamoun s’était rendu à Paris pour la sortie du livre, édité par Gallimard. Des personnes visées envisagent de poursuivre Chamoun pour diffamation mais l’interdiction alimente l’intérêt pour le livre dont des exemplaires sont apportés par des voyageurs.

     

    -4 juillet 1963 : Police-secours pour…la police :

    La direction de la police installe dans les rues de Beyrouth 124 appareils de téléphone à l’usage exclusif de…la police. Ces appareils, qui seront en service dans deux semaines, permettront aux patrouilles d’appeler les postes de police de la ville pour demander des renforts ou donner l’alerte.

     

    -8 juillet 1963 : Madoyan condamné :

    Le leader communiste, Artine Madoyan, est condamné le 8 à 1 an de prison pour action en faveur d’un parti interdit. Le 25, six PPS sont arrêtés porteurs de tracts et déférés devant la justice militaire.

     

    -15 août 1963 : Incursions syriennes : les colonels Chmayet et Saad à Damas :

    Les colonels Youssef Chmayet, chef de l’état-major, et Antoine Saad, chef du Deuxième Bureau de l’armée, sont reçus à Damas par le nouvel homme fort de Syrie, le général Amine el-Hafez, président du Conseil National de la Révolution. C’est le premier contact à un niveau élevé entre responsables des deux pays depuis le coup d’Etat du 8 mars à Damas.

    Aucune indication n’a été donnée sur le but de cette visite que des milieux officiels qualifient de courtoisie, le général Hafez ayant accédé à ses fonctions fin juillet. Mais pour les observateurs, ce contact est important du fait d’incidents frontaliers répétés, de l’activité du parti Baath, illégal au Liban mais au pouvoir en Syrie, de la rupture désormais ouverte entre Damas et Le Caire et de la situation à la frontière syro-israélienne.

    Convaincus de l’existence d’un trafic d’armes destinées aux opposants, les syriens multiplient les agressions et les incursions au Liban. Après les attaques fin janvier et début février contre Deir el-Achayer, une patrouille syrienne avait perquisitionné fin juillet le village de Toufeil et début août, des syriens arretèrent trois personnes au Hermel et emmenèrent un troupeau de chèvre. Quelques jours plus tard, des soldats syriens, poursuivant au Liban 5 opposants, tirent sur les gendarmes libanais qui, les ayant arretés, refusaient de les leur livrer. Entre-temps, Damas exprimait le désir de reprendre les négociations économiques, suspendues après le coup d’Etat manqué du 18 juillet et pour Al Baath, « aucun problème ne sépare la Syrie et le Liban ».

    Selon la presse, Chmayet et Saad auraient réaffirmé à Damas que Beyrouth combat toute activité au Liban contre le régime syrien, qu’il n’existe pas de trafic d’armes, qu’il faut cesser les incursions et que la Syrie ne doit pas aider l’activité du Baath libanais, susceptible de perturber la sécurité intérieure car le conflit entre baathistes et nassériens risque de se répercuter au Liban. Au Caire où il s’est rendu, le chef des Najjadés, Adnan Hakim, a annoncé en effet que son parti se joint au Mouvement National Arabe créé par Nasser et le parti de la Résistance Populaire (devenu Formation de l’Union Nationale Populaire) va imiter les Najjadés.

    Le Liban dit mettre toutes ses possibilités au service de la Syrie suite aux agressions israéliennes et appuie sa plainte à l’ONU, plainte qui aboutira à l’envoi fin août d’observateurs à la frontière syro-israélienne. Le 24, Beyrouth renforce le contrôle des frontières pour prouver sa volonté d’empecher toute activité anti-syrienne à partir du Liban. Le 29, Al Hawadess est poursuivi pour une caricature jugée offensante pour le général Amine el-Hafez.

     

    -6 septembre 1963 : Toujours des incursions :

    Le 14, des habitants de Chebaa sont blessés par des soldats syriens et le 20, une patrouille syrienne perquisitionne le village de Maaraboun, tirant des coups de feu en l’air. Damas continuant d’accuser le Liban d’etre le point de départ d’activités hostiles et d’abriter des camps d’entrainement de nassériens, le Conseil des ministres décide d’y envoyer une nouvelle mission mais pour Gemayel, « la seule solution pour améliorer nos relations avec Damas est d’avoir une ambassade syrienne à Beyrouth ».

     

    -23 septembre 1963 : Echec à la contrebande :

    750000 paquets de cigarettes sont saisis au large de Saadiyate à bord du Pacha dont le capitaine et le propriétaire seront condamnés le 1er octobre à une amende de 245000 livres. Le 6, la direction des FSI avait démenti des articles de presse faisant de Beyrouth le centre régional du trafic des stupéfiants, signalant que la répression avait réduit les activités des trafiquants et amené Interpol à féliciter le Liban.

     

    -19 octobre 1963 : Quatre militaires dont un sergent tués dans une embuscade syrienne :

    Quatre militaires libanais dont un sergent sont tués dans une embuscade tendue par une patrouille syrienne alors qu’ils se dirigeaient en jeep vers Anjar, située à 2 Km de la frontière, dans une mission routinière de contrôle. L’incident, le plus grave des 17 survenus en trois mois, porte à son paroxysme la tension entre les deux pays, suscitée par la multiplication des incursions syriennes.

    Le 8, Beyrouth dépechait à Damas l’ancien ambassadeur Nadim Dimashkiyé, homme de confiance de Chéhab. Il y réfuta les accusations sur l’entrainement au Liban d’opposants syriens et sur l’asile accordé par un député libanais à un auteur du putsch manqué du 18 juillet et demanda l’arret des incursions syriennes. Damas promit une enquete qui ne sera pas ouverte.

    Le Baath syrien au pouvoir, en conflit avec Nasser, est irrité par l’arrestation à Bourj Hammoud d’une cinquantaine de membres du Baath, toujours interdit au Liban, par le retard mis à autoriser ce parti qui a soumis une requete en ce sens et par le mutisme de Beyrouth, destiné selon les syriens à ménager Le Caire, après l’annonce le 8 d’un conseil de défense unifié entre l’Irak et la Syrie. Damas a lié le 12 la reprise des négociations économiques à la position qu’adoptera Beyrouth à l’égard de cette union militaire.

    Le 18, des soldats syriens pénètrent à Yantra. Arretés par des gendarmes, ils disent s’etre égarés et sont refoulés. En soirée, le poste de gendarmerie du village est attaqué par des syriens qui ont un blessé et sont repoussés. Dans la nuit, une demi-heure après l’arrestation d’un officier et de 4 soldats syriens qui s’étaient infiltrés au Liban, 4 militaires libanais en mission de contrôle à la frontière sont tués dans une embuscade syrienne.

    Protestation libanaise :

    Ce quadruple meurtre suscite l’indignation générale. Alors que Damas promet d’enqueter et adresse des excuses verbales, Beyrouth ordonne aux forces à la frontière de tirer à vue sur toute personne tentant de pénétrer illégalement au Liban. Karamé n’exclut pas un recours à la Ligue et relève que « Damas a affirmé ne pas etre au courant des incursions, dues à des initiatives personnelles et a promis de les arreter. Or nous avons constaté leur augmentation ». Il affirme que le gouvernement est décidé à traiter la crise « fermement et dignement ».

    Le 22, le gouvernement interdit l’entrée des journaux syriens et adresse une énergique note de protestation à Damas. La note dénonce les violations fréquentes du territoire libanais par les syriens et les incidents provoqués par ceux-ci dont l’agression sanglante d’Anjar sur laquelle Beyrouth exige une enquete et l’indemnisation des familles.

    Dans sa réponse, Damas affirme que les agressions sont commises plutôt en Syrie par des saboteurs venus du Liban, rappelle 5 plaintes de Damas contre des rapts de soldats syriens au Liban, déclare ne pas etre au courant de l’incident d’Anjar mais accepte une commission d’enquete groupant deux officiers et un magistrat par pays. Le Liban accepte et la commission se réunit le 28 à Chtaura. Mais le 30, les syriens exigent avant toute enquete sur Anjar, la remise en liberté de l’officier et des 4 soldats syriens capturés le 18.

    De peur que l’incident ne mène à des dérapages, le gouvernement interdit les manifestations et appelle au calme. Une manifestation estudiantine contre la Syrie est dispersée le 29 et on signale 20 blessés légers.

     

    -24 octobre 1963 : Réconciliation tribale :

    Réconciliation le 24 à Fneydek des tribus du Hermel en présence du commandant du Nord, le colonel Emile Boustany. L’hostilité entre tribus, vieille de plusieurs années, a fait de nombreuses victimes.

     

    -9 novembre 1963 : 50000 LS pour les 4 militaires tués :

    Le Liban remet en liberté les 5 militaires syriens arretés et la Syrie versera 50000 LS à titre d’indemnités aux familles des 4 militaires libanais, dont un sergent, tués le 19 octobre dans une embuscade près d’Anjar. Cette issue à la crise, due à la médiation du ministre irakien de l’Intérieur Hazem Jawad, est rendue publique au terme d’une visite d’une délégation militaire syrienne au général Adel Chéhab.

    L’agression avait été clairement désapprouvée par le Baath libanais qui, le 1er du mois, déclarait dans un communiqué « avoir toujours appuyé l’unité nationale et réclamé son renforcement. Depuis son accession au pouvoir en Syrie et en Irak, le Baath a démontré son désir de collaborer sincèrement et fraternellement avec le Liban. Le parti désapprouve cette agression stupide et réclame la plus grande intransigeance envers la partie qui a provoqué ce douloureux incident ». Dans la foulée, le parti adresse une nouvelle requete au ministre de l’Intérieur sollicitant son autorisation au Liban.

    Hazem Jawad, le ministre irakien des Affaires Etrangères, Taleb Chébib, et 4 personnalités baathistes étaient venus au Liban pour colmater la brèche entre Beyrouth et Damas. Mais le 18, Aref prend le pouvoir à Bagdad, en écarte les baathistes et expulse du pays le fondateur du parti, Michel Aflak.

     

    -15 novembre 1963 : Procès PPS : 8 peines de mort confirmées en cassation :

    Après 4 jours de délibérations, un record dans les annales judiciaires du pays, la Cour de cassation militaire, présidée par Emile Abou Kheir et groupant les colonels Daoud Hamadé, Khattar Haidar, Raad Hachem et le commandant Joseph Zakhour, confirme 8 des 11 peines de mort prononcées à l’encontre de responsables PPS. Le parti est dissous et ses biens saisis. Le procès en cassation s’était ouvert le 17 décembre 1962.

    Ont vu confirmée la peine de mort les 3 condamnés militaires, les ex-capitaines Fouad Awad et Chawki Khairallah et l’ex-lieutenant Ali el-Hajj Hassan, et 5 civils, Abdallah Saadé, Mohammad Baalbaki, Bachir Obeid, Mohsen Nazha et Gebran el-Attrache. Mais pour Assad el-Achkar, Soubhi Abou Obeid et Dib Kreydié la peine de mort a été commuée en travaux forcés à perpétuité.

    Les 8 condamnés à mort n’ont plus que le recours en grace pour échapper à la mort. S’il est accepté par la commission des graces et approuvé par Chéhab, la peine de mort serait commuée en détention à vie.

    La Cour devait se prononcer sur plusieurs questions don celles de savoir si le PPS doit etre considéré comme une association secrète ou une bande armée, s’il y a des circonstances atténuantes, si le crime revet un caractère politique…A ce sujet, le président Abou Kheir s’était opposé aux membres de la Cour qui voulaient considérer le putsch comme crime non politique.

     

    -21 novembre 1963 : Lancement réussi pour Cedar IV :

    En présence d’officiers supérieurs et d’une foule nombreuse, les techniciens de l’armée lancent à Dbayé, Cedar IV, mise au point par l’Association libanaise pour l’étude des engins spatiaux (ex-Haigazian). Composée de 3 étages qui se sont séparés à intervalles de 5 secondes, la fusée dont la tete est munie d’un émetteur-récepteur radio, mesure 7.8 m et pèse 670 Kg. Elle parcourt 220 Km sous les vivats du public avant de retomber en mer. On annonce Cedar V pour l’année prochaine.

     

    -22 novembre 1963 : Eveque assassiné par un séminariste :

    Mgr Térénik Poladian, eveque arménien-orthodoxe et doyen du séminaire d’Addis Abeba est tué par un de ses séminaristes, Isaac Missak Dimirdjian, à l’ordination duquel il s’opposait. En route pour l’Ethiopie, Mgr Poladian, un syrien de 50 ans, s’était arreté chez sa sœur où il reçut le séminariste qui le supplia de revenir sur son opposition. Le prélat ayant refusé, Dimirdjian le poignarda puis s’en fut au cinéma où il est arreté.

     

    -29 novembre 1963 : Contrebande :

    Le ministre de l’Intérieur ordonne le 29 une enquete sur une affaire de contrebande de 600 bidons de haschisch, introduits à Gaza à partir du Liban. Une personnalité du Liban-Nord y serait impliquée.

     

    -6 décembre 1963 : Le fanion de Fakhreddine à Chéhab :

    Dans un geste d’une portée symbolique, Kamal Joumblatt remet au président Chéhab le fanion de l’émir Fakhreddine, dont il a hérité de son aieul Ali Pacha Joumblatt qui avait combattu aux côtés de l’émir libanais. Le leader du PSP qui critique la gestion gouvernementale se prononce ouvertement en faveur du renouvellement du mandat du chef de l’Etat.

     

    -14 février 1964 : Tueur fou :

    Souffrant d’un mal qui affecte ses facultés mentales, Aziz Khoury, propriétaire d’un immeuble rue Mar Elias, abat, le 14, quatre locataires et en blesse grièvement quatre. Il est abattu alors qu’il prenait la fuite.

     

    -24 février 1964 : Villages isolés par la neige :

    Isolés par la neige depuis 10 jours et manquant de vivres, les villages de Ainata et de Yammouné sont finalement dégagés par les FSI qui en évacuent les habitants. La violente tempete qui sévit sur le pays a tué 2 femmes, ensevelies par l’effondrement d’un mur dans la région du Port, inondé des localités de la Bekaa et des maisons à Saida. Le 7, on a signalé des loups dans le Chouf.

     

    -16 mai 1964 :      Commission mixte libano-syrienne pour les problèmes de frontières.

     

    -23 mai 1964 : Echec balistique :

    Le lancement le 23 de la 1re fusée à carburant liquide est un échec et Hannibal I retombe à 25 m de sa rampe de lancement. Par contre, la fusée Cedar V parcourt 50 Km à 6000 Km/h.

     

    -30 mai 1964 : Réseau terroriste dirigé par un officier syrien :

    En dépit des pressions de Damas, le juge d’instruction militaire publie l’acte d’accusation relatif à un réseau terroriste découvert le 6 et que dirigeait un officier syrien, le lieutenant Jalal Merhej. 11 personnes arretées dont des syriens sont accusées d’avoir voulu faire sauter une ambassade arabe et des sièges de journaux et enlever des personnalités libanaises et des réfugiés syriens au Liban.

    L’acte note que « certains responsables du précédent gouvernement syrien (NDLR : un cabinet Salah Bitar vient d’etre constitué à Damas) n’ont pas vu d’un bon œil la prospérité dont jouit le Liban, la concordance qui règne entre les membres des différentes confessions et l’unité nationale instaurée dans le pays. Ils pensèrent à tort qu’il était possible au lendemain des élections législatives de porter atteinte à l’unité nationale et de troubler le climat de paix…en mettant à exécution un plan terroriste susceptible de jeter la panique dans les esprits, de provoquer des désordres et de créer un climat de méfiance entre les citoyens, afin de réaliser leurs ambitions politiques ».

    L’acte retient les charges de terrorisme, détention d’explosifs, attentats contre la sûreté de l’Etat, tentative d’enlèvement, ports d’armes prohibées…Merhej et ses complices dont le journaliste syrien Moutih Ghadri, Mohammad Jalal Talabani et Jamil Daaboul risquent les travaux forcés à vie. Le 20, Damas a demandé que l’officier inculpé lui soit livré.

    Kahtan Hamadé (PNL), candidat malheureux aux élections, et le Dr Ali Jaber, un des dirigeants du Baath libanais, ont fait aussi l’objet de mandats d’amener.

     

    -18 juin 1964 : Réseaux terroristes syriens : Beyrouth refuse de libérer Merhej :

    Beyrouth refuse dans une note au ton ferme une demande de Damas de libérer le lieutenant syrien Merhej, accusé de diriger un réseau terroriste, et rejette en bloc les accusations contre le Liban, alors que le contentieux entre les deux pays s’est alourdi.

    Deux inspecteurs libanais, rentrant de Turquie, ont été arretés et emprisonnés en Syrie, en représailles à l’affaire Merhej. Des mécanismes pour bombes à retardement et des explosifs ont été saisis dans la voiture d’un syrien, on a découvert le 9 un autre réseau, dirigé par le commandant syrien Tarek Bachir et comprenant le syrien Ahmad Said et le libanais Tanios Rizk Gergès et on a arreté des syriens tentant de s’infiltrer au Liban.

    Le 16, Radio-Damas demandait la libération de Merhej, l’arret de « la campagne de presse anti-syrienne » et la remise « de repris de justice réfugiés au Liban » accusé d’abriter des centres d’entrainement de saboteurs. Gemayel demande de nouveau des relations diplomatiques avec  Damas mais le ministre syrien de l’Information les estima « inutiles, les contacts directs étant suffisants à régler les litiges quand la bonne foi et la sincérité animent les deux parties ».

    La note de Beyrouth met à la disposition des syriens les procès-verbaux de l’instruction et les enregistrements sur bandes des déclarations de Merhej. Elle signale que la presse au Liban jouit d’une entière liberté et ne peut etre influencée, rappelle que la loi libanaise admet l’asile politique et rejette l’accusation quant aux centres de saboteurs.

    Le 25, l’acte d’accusation du juge d’instruction militaire Issam Baroudy requiert les travaux forcés à perpétuité contre le commandant Bachir, jugé par contumace.

     

    -25 juillet 1964 : Le lieutenant Merhej plaide non coupable :

    Le lieutenant syrien Merhej, accusé de diriger un réseau terroriste et que Beyrouth a refusé de libérer, déclare devant le Tribunal Militaire etre venu au Liban « pour arreter des criminels recherchés par Damas ». Mais l’accusé Mohammad Harrouk affirme que l’officier projetait de dynamiter l’ambassade de la RAU, d’assassiner Joumblatt et d’entreprendre des actes subversifs. Le réseau comprend aussi le commandant Louis Wehbé, chef des Services de Renseignements syriens, jugé par défaut, le Dr Ali Jaber, l’ex-député Kahtan Hamadé, Kamal Hamadé, Elie Obeid, les syriens Mohammad Tarabichi et Moutih Ghadri et Jamil Daaboul, jugés contradictoirement. Accusé aussi du meurtre de Mahmoud Jamil le 8 septembre 1959 à l’AIB, Daaboul est condamné le 25 à 5 ans de travaux forcés.

     

    -6 août 1964 : Hold-up à la Federal :

    Hold-up au siège de la Federal Bank à Ras Beyrouth où 3 bandits surprennent tôt le matin le directeur et emportent 64000 livres et 7520 dollars. Deux des bandits, Khalil Itani et Darwiche Chatila, sont arretés et une partie du butin récupérée. Mais le 3e, Faysal Youwakim, s’est réfugié en Syrie qui refuse de le livrer, arguant qu’il est syrien, alors que Beyrouth affirme qu’il est libanais depuis 1959.

     

    -10 août 1964 : La Défense déménage :

    Un décret autorise le 10 le gouvernement à conclure un accord pour la construction d’un nouveau batiment pour le ministère de la Défense, dans les limites de 7.3 millions.

     

    -13 août 1964 : 3 tués par une mine :

    Un caporal et deux agents des douanes sont tués le 13 et 4 sont grièvement blessés par l’explosion d’une mine sous leur véhicule dans la région frontalière.

     

    -22 août 1964 : Chéhab gracie le lieutenant syrien Merhej :

    Le chef de l’Etat gracie le lieutenant syrien Merhej, condamné le 11 par le Tribunal Militaire à 10 ans de travaux forcés dans le cadre du réseau terroriste qu’il dirigeait. La cour a condamné Mohammad Tarabichi (syrien) à 7 ans de travaux forcés, Jamil Daaboul (libanais) à 3 ans et Kahtan et Kamal Hamadé (libanais) à 1 an. Elle a acquitté Ali Jaber (libanais), Moutih Ghadri (syrien) et Mohammad Harrouk (syrien).

    Le 25, Damas libère les inspecteurs libanais de la Sûreté Générale, Saadi Saadi et Issam Adra, appréhendés après l’arrestation de Merhej, alors qu’ils rentraient de Turquie par voie de terre. Ils ont passé 66 jours à la prison de Mazzé.

    Incitations à un soulèvement ?

    La mesure de grace envers Merhej survient alors que les services de sécurité libanais sont saisis d’un rapport signalant que Damas incite les tribus de Wadi Khaled à se soulever contre l’Etat libanais. Des agents syriens ont convoyé à Damas des chefs de tribus qui y ont reçu des promesses de livraison d’armes et d’octroi de la nationalité syrienne s’ils se soulevaient contre Beyrouth et réclamaient leur rattachement à la Syrie. Nomades, ces tribus ne sont ni libanaises ni syriennes et ont vainement demandé une des deux nationalités.

    Le 1er août avait été découvert à Tripoli un réseau terroriste, responsable d’un attentat perpétré le 20 juillet contre le domicile de Hachem Husseini. Ses 12 membres dont 8 syriens furent arretés et ces derniers expulsés.

     

    -4 septembre 1964 : Interpol met en garde Beyrouth :

    Dans un rapport aux autorités libanaises, Interpol souligne que Beyrouth est devenu l’un des quartiers généraux des trafiquants qui l’utilisent pour faire passer la drogue des pays asiatiques producteurs aux pays européens consommateurs. Avec la Turquie et la Syrie, dit le rapport, le Liban est le principal fournisseur de haschisch.

     

    -11 septembre 1964 : Sommet d’Alexandrie : pas de troupes arabes au Liban sans l’accord de son Parlement :

    En dépit de critiques notamment syriennes et irakiennes, le président-élu Charles Hélou fait adopter au sommet d’Alexandrie, avec le soutien de Nasser, le refus de troupes arabes au Liban sans l’accord de son Parlement.

    Accompagné de Oueyni, Hélou était arrivé le 4 à Alexandrie où le sommet doit mettre en branle les détournements des affluents arabes du Jourdain, décidés en janvier au sommet du Caire. Le Liban s’y était engagé à construire un barrage sur le Hasbani et une station de pompage sur le Wazzani mais n’avait entamé les travaux, dans l’attente d’un parapluie militaire efficace arabe. Car ce projet, une fois achevé, priverait Israel des deux tiers de l’eau qu’il pompe du lac Tibériade et en augmenterait la salinité en y diminuant l’apport en eau douce. Israel pourrait donc l’empecher par la force.

    Or tout en disant n’etre pas encore prêt pour contrer une attaque d’envergure, le commandement unifié arabe, confié au général égyptien Ali Ali Amer, exigeait le début des travaux de détournement et voulait installer des troupes syriennes à la frontière Sud du Liban, avant meme l’ouverture d’hostilités. Beyrouth estimait que la seule présence de ces troupes provoquerait ces hostilités et pourrait entrainer l’occupation du Sud et refusait d’entamer ces travaux avant la fin des préparatifs militaires arabes.

    Hélou déclara au sommet que le Liban entamera les travaux en meme temps que la Syrie et la Jordanie mais après la fin des préparatifs militaires arabes. En cas d’agression, l’entrée de troupes arabes sur son territoire ne sera possible que sur requete de son gouvernement et après accord de son Parlement. Au lieu de soldats arabes au Sud, le Liban préfère une aide financière pour renforcer son armée. Enfin, il veut un engagement écrit des pays qui ont dit accepter de financer les travaux, pour éviter toute surprise une fois ces travaux engagés.

    Cette position suscita des critiques. Le syrien Hafez s’étonna que le Liban qui a accepté en 1958 des soldats américains refuse des troupes arabes et l’irakien Aref nota avec ironie que « le quorum fait souvent défaut au Parlement libanais ». Mais Nasser, estimant qu’il faut respecter les spécificités de chaque pays, soutint Hélou et fit adopter une motion stipulant que « le commandant en chef arabe aura le droit de déplacer les troupes d’un Etat à l’autre dans le respect des institutions constitutionnelles de chacun de ces Etats, avant les hostilités ».

    En échange, Hélou accepte que le communiqué final, rendu public le 11, stipule le début immédiat des travaux d’exploitation des affluents arabes du Jourdain et une riposte collective des Etats arabes à toute agression contre l’un d’eux.

    ALP et sommets annuels :

    Autres décisions importantes : la création, malgré l’opposition syrienne et les réserves saoudiennes et jordaniennes, d’une Armée de Libération de la Palestine (ALP), basée à Gaza et au Sinai et financée par des contributions volontaires ainsi que la tenue chaque année en septembre d’un sommet arabe, désormais institutionnalisé.

    Rentré le 12, Hélou se déclare extremement satisfait des résultats du sommet et met Chéhab au courant des débats d’Alexandrie.

     

    -21 septembre 1964 : Chéhab gracie les condamnés à mort PPS :

    Deux jours avant la fin de son mandat, le président Chéhab donne suite au pourvoi en grace présenté par les 8 PPS condamnés à mort pour le coup d’Etat manqué de la nuit du 30 au 31 décembre 1961. La peine de mort prononcée par la Cour de cassation militaire le 15 novembre 1963 contre les ex-capitaines Fouad Awad et Chawki Khairallah, l’ex-lieutenant Ali Hajj Hassan, Abdallah Saadé, Mohammad Baalbaki, Bachir Obeid, Mohsen Abbas Nazha et Gébrane el-Attrache est commuée en travaux forcés à perpétuité.

     

    -21 septembre 1964 : 4 tués à Arsal :

    Des combats entre tribus rivales font 4 tués à Arsal (Bekaa) que les gendarmes occupent. Le 21, des affrontements du genre avaient aussi fait 4 tués à Karm el-Cheikh.

     

    -24 septembre 1964 : 15 tués dans un télescopage train-autobus à Amchit :

    Roulant à toute vitesse, un autobus reliant Beyrouth à Tripoli percute un train de marchandises, au passage à niveau non gardé d’Amchit, causant la mort de 15 passagers et faisant 14 blessés graves. Selon un témoin, le conducteur du bus a freiné à mort mais, vu la vitesse, son véhicule a versé sur son flanc, glissant jusqu’aux wagons qui l’ont accroché, trainé et déchiqueté dans un effroyable bruit de ferraille, couvert par les hurlements de terreur.

    Le spectacle qui s’offrit aux sauveteurs est indescriptible. Membres sectionnés, corps sans tetes ou éventrés, sang et lambeaux de chair partout…On ramassa 15 corps horriblement mutilés dont celui du conducteur et 14 blessés tous graves. Pas un des 29 occupants n’en sortit indemne.

    Le 27, un autre accident faisait 7 blessés au meme endroit.


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