• Amenagement militaire de l'armee (1975-1989)

    Cadre spatial et temporel:

    -L'armee libanaise a ete formee durant le Mandat francais et a connu une continuite depuis.

    -Le centre de decision de l'armee libanaise est demeure a Beyrouth-Est ainsi que les unites operationnelles.

    -Seule la section de l'appareil militaire etatique base a l'Est de Beyrouth, pouvait fonctionner, ayant maintenu son pouvoir de decision et d'execution.

     

    Historique de l'armee libanaise:

    Lorsque les troupes francaises mirent fin a quatre siecles d'occupation ottomane, des unites composees de libanais presentes dans la Legion d'Orient participerent a cet effort a cote des autres elements ethniques que comptait ce corps (armeniens et syriens).

    Une fois le mandat et l'Etat du Liban instaures, en 1920, les autorites francaises ont cherche a former des unites composees d'autochtones pour la participation aux missions de controle surtout. Elles ont reorganise dans ce but la Legion d'Orient dont les composantes principales seraient desormais les Bataillons de Chasseurs du Liban, ce qui representera un embryon de force armee composee par des libanais.

    Apres l'insurrection druze de 1925, de nouvelles mesures etaient urgentes, d'ou la creation des Troupes Suppletives du Levant en 1926, dont fera partie la Legion d'Orient.

    Ces nouvelles unites etaient de valeur et de potentiel superieurs a leurs precedentes et participerent a toutes les missions entreprises dans le pays. Progressivement, la participation libanaise a l'encadrement devint de plus en plus importante grace a la formation d'officiers et de sous-officiers libanais. A partir de 1930-1932, les Troupes Speciales Libanaises du Levant furent instituees, representant un nouveau progres qualitatif et quantitatif, et allaient operer aux cotes des formations francaises jusqu'a la Deuxieme Guerre mondiale en 1941. Quant a la gendarmerie, elle persista dans sa croissance et dans son role a l'epoque du Mandat puisqu'elle existait deja depuis l'epoque ottomane et constituait ainsi le plus vieux corps arme de l'Etat libanais.

    En 1943, le Liban obtint son independance presque pacifiquement, ce qui n'engendra pas de rupture violente et radicale avec la puissance mandataire: l'administration demeura intacte et les troupes constituees de libanais composeront desormais l'armee libanaise (sous le commandement du colonel Fouad Chehab).

    En 1948, le Liban s'engage dans le conflit avec l'Etat hebreu, et son armee se bat sur le front Sud en Galilee, ou elle realise des percees. A la fin de cette guerre, chacun des belligerants se retire derriere la frontiere internationale a quelques exceptions pres a la suite d'un accord d'armistice. L'Etat ayant garde des relations etroites avec les puissances occidentales, l'organisation et le materiel de l'armee libanaise demeurera de provenance occidentale.

    Tres tot, l'armee libanaise cherchera a se developper, d'ou la creation d'une Armee de l'Air en 1949 et d'une Marine en 1950, le Liban ayant recu a l'origine des unites d'infanterie et de blindes.

    L'armee, sous l'impulsion de son commandant en chef, le general Fouad Chehab, se fixa une regle d'or: rester neutre dans les conflits internes tout en intervenant dans le cas ou l'anarchie menace le pays afin d'y remedier par une stabilite assuree par l'armee.

    En 1952, l'armee intervient dans la crise politique entre le president Bechara el-Khoury et l'opposition et le general Chehab assura la presidence du Conseil provisoire et remis en regle le pouvoir aux civils.

    La crise de 1958 etait d'une ampleur tout a fait differente car les puissances regionales y etaient impliquees a travers les dissensions internes libanaise, d'ou le danger de l'eclatement et de la soumission du pays. L'armee protege la legalite et le systeme politique en place menaces, sans deborder vers un engagement tres prononce.

    Le pouvoir de Chehab s'appuie sur le Deuxieme Bureau de l'armee, pour asseoir son autorite sans sombrer toutefois dans le militarisme excessif et dans la supression de la vie democratique. Une coalition de partis et de courants politiques s'oppose au general et finit par le forcer a renoncer au pouvoir a la fin de son mandat.

    Le chehabisme se maintient cependant avec Charles Helou, mais subit par la suite une defaite definitive avec l'election de Sleimane Frangieh en 1970. Le Deuxieme Bureau est remanie de maniere a l'eliminer de la vie politique, mais non sans consequences decisives sur la puissance de l'Etat. En effet, la fin des annees 1960 a vu les premices du reflux de l'Etat avec l'emergence du pouvoir palestinien, celui des milices locales et l'intervention israelienne au Sud surtout. D'autant plus qu'avec ses moyens limites (moins de 15000 hommes) par rapport a l'ampleur du danger, l'armee etait depassee par les evenements.

    Les Accords du Caire de 1969 qui ont confere aux organisations palestiniennes une extraterritorialite dans leurs camps et certaines zones du pays au detriment de la souverainete de l'Etat et l'action de son armee, et les raids israeliens successifs sur le Sud et Beyrouth, ruinerent la credibilite et le moral de l'armee.

    Le dernier soubresaut avant le declenchement de la guerre fut l'operation menee en 1973 contre les factions palestiniennes, a Beyrouth surtout ou l'armee domine, mais doit interrompre son action suite a des pressions exercees sur le gouvernement. L'armee parait faire les frais de la crise politique interne, ce qui se confirmera avec la guerre ou durant les deux premieres annees, elle perd sa raison d'etre et se trouve tiraillee entre les differents bords.

    La plupart des unites sont paralysees et d'autres connaissent des scissions qui aboutissent a la formation de groupements operant au profit de partis antagonistes (la formation du lieutenant Ahmad Khatib avec les palestiniens et les formations musulmanes, et l'Armee du Liban avec le Front Libanais).

    Un coup d'Etat mene par le brigadier Aziz Ahdab echoue sans graves consequences.

    1977 marque le retour a la legalite et l'amorce d'une tentative de pacification avec le recours de la FAD a dominante syrienne d'ou la necessite d'une restructuration de l'appareil militaire. Mais cet effort est interrompu apres la reprise des hostilites a laquelle l'armee assiste et subit les consequences. Quelques missions de desengagement lui sont attribuees suite aux combats entre les milices des Forces Libanaises et l'armee syrienne de 1978 jusqu'en 1981.

    L'invasion israelienne etablit un nouvel ordre politique avec la presidence d'Amine Gemayel, le reflux du facteur syro-palestinien et l'intervention occidentale. Une nouvelle periode de pacification est amorcee et que l'armee doit assurer.

    Une restructuration decisive est operee, et le systeme des brigades est introduit et se maintient jusqu'a present. Un investissement dans la Defense nationale sans precedent est fait (plus de 30% du budget de l'Etat) conduisant a un equipement et armement de niveau superieur a toutes les forces politiques militarisees. Avec la Force Multinationale, l'armee prend le controle du Grand Beyrouth, mais le succes s'est arrete la avec la reprise du conflit et les defaites de Beyrouth et du Chahhar el-Gharbi (Chahhar Ouest) en 1984 dues a des scissions au sein de l'institution militaire refletant la crise politique du pays.

    L'armee se scinde en deux:

    Une partie disseminee a Beyrouth et dans les differentes regions du pays mais privee de role politico-militaire, et le reste fidele a la presidence et au commandement en chef, qui garde des capacites operationnelles tres superieures a l'autre et finit par acquerir un role politique de premier plan avec l'avenement du gouvernement militaire en 1988. L'effort militaire de l'Ensemble Geopolitique de la Region Est (EGRE) est alors assure en sa grande partie par l'armee, surtout au centre national.

    Sous la presidence du general Michel Aoun, commandant en chef de l'armee, le gouvernement militaire commence par bloquer le mouvement de territorialisation des Forces Libanaises des fevrier 1989. Un mois plus tard, l'EGRE est mobilise contre la puissance syrienne dans un conflit qui debouche sur les Accords de Taef juges defavorables par le gouvernement militaire. 1990 verra l'implosion de l'EGRE lors du deuxieme conflit entre l'armee et les Forces Libanaises qui debouche sur une offensive de l'armee syrienne contre les unites de l'armee de l'EGRE qui s'etaient retrouvees deployees en carre sur un territoire limite au Metn, resultant dans l'elimination du gouvernement militaire.

    Depuis, l'armee a ete reunifiee sous le regime etablit par les Accords de Taef et sous le commandement du general Emile Lahoud.

    Pour assurer un role decisif, avec l'appui des forces syriennes, l'armee a entrepris une reorganisation et reconstruction adequate et a fini par atteindre une dimension inegalee dans l'histoire du pays.

     

    I- Absence du concept de defense localisee:

    1-Tradition heritee et formation par amont:

    Le Mandat francais a legue a l'Etat libanais des unites regulieres de formation, qui ont servi d'embryon a l'actuelle armee. Le concept de defense localisee n'etant pas admis dans l'armee francaise, fut par consequent egalement absent dans l'armee libanaise. C'est celui de la specialisation spatiale de quelques unites qui a ete retenu (unites de montagne), toujours selon le modele francais.

    Reguliere, l'armee libanaise a connu une evolution assez lente et stable, ce qui lui a evite de connaitre les formes intermediaires de mutations dues a une sorte d'hybridation politico-militaire, et celles de croissance par aval. En effet, loin de faire table rase de l'essentiel de l'heritage colonial et d'importer des concepts d'autres origines, contradictoires avec ceux qui ont ete recus en premier, l'armee libanaise est restee sur le plan de la doctrine militaire tres proche du modele original.

    Son experience historique est celle d'une planification et d'une construction par amont parfaitement maitrisee loin de toute velleite ideologique de changement radical de ce qui s'est impose desormais comme une tradition nationale. Ainsi elle n'a jamais connu de forces centrifuges puissantes qui ont laisse des traces dans le monde d'amenagement et dans la structuration de l'espace et qui ont ete integres par la suite, ce qui explique en partie l'absence de traces profondes de defense localisee hors des concepts adoptes a l'origine.

    La guerre a laisse apparaitre des forces centrifuges (brigades et bataillons confessionnels et regionalises) tres puissantes au sein de l'armee, ce qui a entraine des expressions spatiales de type proche de la defense localisee (specialement regionale) puisque chaque brigade ou groupe de brigades s'etait cantonne dans une region ou un territoire precis. Ce phenomene fut considere unanimement, par des commandements aussi opposes que ceux du gouvernement militaire et celui de Taef, comme etant heretique du point de vue doctrinal. Le commandement actuel a d'ailleurs lutte avec vehemence pour son eradication totale. Il est remarquable que les unites operant dans l'EGRE, confessionnellement et politiquement homogenes, ont completement echappe a ce probleme.

     

    2-La tradition republicaine:

    Le Liban a dispose d'une tradition republicaine indeniable et de conditions politiques structurelles de pluralisme, de consensus et d'equilibre, qui ont impose un principe de separation entre les institutions politiques et militaires. L'armee, acteur tres puissant par definition, pouvait rompre l'equilibre fragile. Le role de premier plan qui fut attribue a l'armee a plusieurs reprises n'a pas ete en contradiction complete avec ce principe car celle-ci y tenait toujours. En effet, il s'agit plutot d'une regle nuancee, maintenue continuellement, qui stipule une separation organique entre l'armee et le domaine socio-politique. Selon un consensus volontairement admis par l'armee, celle-ci pouvait etre au pouvoir (generaux Chehab et Aoun), sans qu'une imbrication profonde s'etablisse entre l'organisme militaire et la societe civile de facon a alterer sa purete militaire par une politisation excessive. Le commandement de l'armee au pouvoir, ou ayant du moins un role politique, agissait a l'epoque chehabiste (1958-1970) a travers son service de renseignements (le Deuxieme Bureau), d'une facon aussi efficace que subtile, dans le sens ou le systeme politique en place etait preserve.

    De toutes facons, la prise du pouvoir ou la participation a la vie politique ont toujours ete percus comme etant si exceptionnels, et meme contre nature, qu'aucune forme d'interaction entre le Systeme de Controle et de Defense (SYCD) et l'espace social n'a lieu dans le sens d'une introversion ou d'une politisation et ses formes spatiales.

    En effet, le domaine socio-politique devait rester celui des communautes, partis, mouvements... L'armee devait eviter de s'integrer dans les luttes internes, son role et action au pouvoir allant dans le sens de l'etablissement d'un Etat central garantissant le systeme pluraliste sans favoritisme pour une quelconque force politique. Elle devait demeurer l'ultime symbole de l'unite nationale au regard de la societe et des puissances externes (Etats-Unis surtout) et se preserver des contaminations par les divisions structurelles du milieu socio-politique, se definissant ainsi, aussi bien une image de marque qu'un role. L'extension dans le social et l'economique a ete evitee, et une certaine distance maintenue avec la societe civile.

    Au-dessus des luttes internes, elle se garantissait une flexibilite et une centralite exclusive, surtout en temps de crises politiques et institutionnelles qu'elle essayait de transcender en se presentant comme cadre et assurance pour des arrangements eventuels.

    C'est ainsi qu'une grande part de vie politique fut preservee a l'epoque Chehabiste (comme les elections). Dans l'EGRE, l'armee n'a pas participe efficacement ou au moins activement aux luttes internes malgre des prises de position notamment lors du conflit entre les forces du regional du Metn Nord du parti Kataeb avec les Forces Libanaises ainsi que lors des operations opposant les differentes factions de ces dernieres.

    Toujours dans le meme esprit, son intervention s'est voulue discrete et fut assez indirecte. La guerre de l'Est a ete consideree par le gouvernement militaire comme un conflit entre l'Etat et sa negation, et non pas comme une lutte politique interne ordinaire comme celles qui opposaient les autres factions de l"EGRE.

    Apolitique selon cette conception, l'armee libanaise n'a jamais ete ideologisee ou ideologisante. Les pratiques d'encadrement, d'eveil politique et de mobilisation lui sont totalement etrangeres. Meme les services national et militaire ont rarement ete appliques. Elle est restee essentiellement professionnelle sans conscription et encadrement de masses populaires, mais ouverte progressivement a toutes les communautes et classes dans le systeme des quotas et des repartitions de postes constitutionnellement impose. Par consequent, la presence organique et ses traductions spatiales dans la societe civile ont ete nulles et l'espace social ne porte, sauf erreur, aucune trace d'intervention et d'articulation entre le militaire et le civil tels que des types de defense localisee basees sur des effectifs civils servant a temps partiel et ayant pour objectif la preservation d'un ordre politique quelconque, de mobilisation-canalisation, d'encadrement et de presence ideologique moralisante.

    D'autant plus que l'armee libanaise n'a pas eu de tradition de guerre de liberation ou de soulevement populaire qui aurait pu instituer un ancrage ou une forme d'armee populaire conservee sous certains traits organisationnels et spaciaux. L'espace social est reste hors de portee de l'amenagement defensif et n'etait pas considere comme une source de danger. Loin d'etre repressive, l'armee libanaise etait plutot vulnerable a son interaction avec un espace social, une identification se produisant souvent entre la population locale et sa composante confessionnelle dans l'armee. Sa sensibilite aux revendications et problemes sociaux est toujours remarquable, n'ayant pas subit un clivage radical d'ordre socio-economique et socio-politique avec le reste de la population. Dans l'EGRE, une continuite est notable dans ce sens car l'armee libanaise etait dans son element/environnement naturel qui etait celui d'une population correspondant dans son ecrasante majorite a l'identite confessionnelle des unites en presence et qui etait favorable a l'armee dans son role de defense du systeme politique et de l'EGRE a partir de 1982.

    A l'epoque du gouvernement militaire, une veritable identification s'est produite entre l'armee et la grande majorite de la population de l'EGRE. L'armee a ainsi reussi a se constituer un capital moral impressionnant en conjuguant nationalisme et revendication socio-politique, et qui est en contraste avec le desaveux des Forces Libanaises et la faillite des traditionnels.

    Dans la logique republicaine, une separation organique et institutionnelle entre les systemes de controle et de defense est de regle, mais la guerre a impose certaines modifications. Des unites de l'armee ont acquis des roles de controle tels que le regiment de la Moukafaha servant au contre-espionnage et d'unite anti-terroriste. La police militaire a fini par avoir un role supplementaire de police civile a cause de la centralisation effective des FSI qui etaient completement depassees par les conditions de guerre et qui manquaient donc de pouvoirs executionnels convaincants. Le dispositif de l'armee libanaise n'etait pas prioritairement en mode de controle dans l'EGRE, et le reste des unites etait, sauf accidentellement, exclu d'un tel mode d'action.

     

    3-Vision spatiale et projet geopolitique:

    La defense localisee est une des formes communes d'un SYCD introverti issu d'une vision geopolitique definissant des sources de danger referentielles a l'interieur du territoire. Ce ne fut pas le cas de l'EGRE.

    Sans trop vouloir s'etendre sur la geopolitique de l'Etat durant la guerre, il est evident qu'il n'y a pas eu de geostrategie appliquee, de construction territoriale a l'interieur de l'EGRE. La seule exception qui confirme la regle est celle du noyau-sanctuaire et ses extensions qui representent finalement l'espace minimal non pas uniquement de souverainete mais aussi de securite, de capacite d'evolution et de manoeuvre d'un organisme militaire. Du reste, l'armee libanaise adoptait, depuis sa prise en charge progressive des fronts de l'EGRE, une geostrategie  extravertie orientee dans le sens d'un deploiement frontal alors que la construction territoriale etait plutot negligee.

    L'espace de l'EGRE, hormis la section du Centre National qui y est comprise, ne representait pas d'attrait geopolitique majeur relativement a la construction territoriale car c'est le centrage qui est reste la constante absolue de la vision spatiale etatique tout au long de la guerre. La souverainete partielle sur une portion du territoire national n'avait pas d'attrait alors que la reprise en charge du Centre National en tant que premiere phase de la progression vers le reste selon la sequence: Centre -Premiere peripherie -deuxieme peripherie.

    Il etait vital pour la reussite de ce plan directeur, que la reprise de la souverainete dans chacun de ces trois ensembles cites, soit englobante de toutes leurs subdivisions. Ainsi le Kesrouane et la region de Jbeil n'avaient pas d'interet majeur independamment de la reunification de Beyrouth comme premiere phase ou de la reprise du reste du Mont-Liban (Chouf, Aley, Metn) en deuxieme phase.

     

    II-Typologie des installations militaires:

     

    1-Les macro-unites: Caracteristiques dominantes de l'avant-guerre:

    1-1: Tailles:

    Les dimensions des installations d'avant-guerre sont celles d'une installation d'armee reguliere, classique de type occidental. La concentration est privilegiee en accord avec la concentration operationnelle. Ainsi, une caserne-type non specialisee est relative a 1 jusqu'a 4 bataillons selon sa fonction et son role, et elle sert de PC de l'unite, d'entrepot et de logistique. De potentiel proportionnel a sa dimension, elle est donc multifonctionnelle a l'exemple d'une caserne telle que Sarba regroupant 3 a 4 bataillons en une brigade, assurant leur logistique et servant de depot. D'autres plus specialisees sont de tailles similaires car elles sont a niveau d'action global ou parce qu'un regroupement a ete opere, comme dans le cas de l'ecole de Kfarchima regroupant les unites de genie et de la brigade logistique qui, en gardant une fonction precise, servent de base d'action a niveau global et en concentration d'unites.

    1-2: Localisation:

    Une recherche de l'espace peri-urbain est notable, puisqu'a l'epoque de leur fondation, ces casernes y etaient localisees, que ce soit dans la capitale, les autres villes ou dans les agglomerations. La densite d'urbanisation etait faible ou nulle, mais dans le premier cas elle pouvait faire figure de derniere peripherie urbaine. Les exemples indiquent une generalisation: Henri Chehab, Fakhreddine, Tribunal Militaire, Ministere de la Defense precedent, Ministere de la Defense actuel, Sarba pour Jounieh, Fayadiyeh, Kobbe, Saida, Cheikh Abdallah... L'urbanisation rapide a progressivement change et continue a le faire, les caracteristiques de leurs localisations passant du pre-urbain a la peripherie voir en plein centre.

     

    1-3: Causes principales:

    Le phenomene de l'heritage francais est incontestablement le facteur capital dans le choix de telles typologie et localisation. En effet, l'Etat libanais a recu du Mandat francais une infrastructure complete saturant l'ensemble du territoire national. L'absence de rupture suite au Mandat a conforte la doctrine militaire ainsi heritee et ses traductions organisationnelles et spatiales desormais adoptees par l'armee de la nouvelle republique. L'Etat libanais a herite aussi d'un systeme republicain pareil a celui de la France quand a sa separation des fonctions de controle et de defense, et au role politique de l'armee. Ainsi le modele doctrinal militaire francais a ete adopte presque integralement quand au degagement par rapport a l'espace bati, la COP et structurelle, et l'absence de considerations predominantes relativement au controle interieur. La preuve que les nouvelles installations ont ete implantees dans l'espace peri-urbain en remplacement a d'autres englouties  par l'urbanisme acharne. Celles-ci ont ete transferees aux FSI. Les restrictions budgetaires subies par l'armee, et l'absence de conflit mobilisateur ont entraine une certaine stragnation des structures de l'armee libanaise et une modeste expansion, se contentant ainsi de l'heritage francais et des retouches successives. La situation de flou decisionnel et d'ambiguite, voir d'antagonisme interne, de la fin des annees 1960 jusqu'a la guerre, a accentue ce phenomene et a rendu l'armee depassee par les situations qui se sont developpees sur les frontieres et a l'interieur du pays en maintenant son immobilisme relatif.

     

    2-Les mutations de l'epoque de l'EGRE: reduction et dispersion:

    2-1: L'introduction des unites a tailles reduites:

    Avec la restructuration qui a eu lieu a partir de 1982-1983, des micro-unites font leur apparition et concernent les nouvelles unites creees et installees au centre (a l'exception de la 7e Brigade basee a cheval entre le Mont-Liban et le Liban-Nord sur deux ensembles geopolitiques differents). Ces installations sont relatives a des unites du niveau de bataillon et souvent de compagnie. Deja avant 1982, ce phenomene s'est declare avec l'installation par exemple du 52e Bataillon a Roumieh en 1979 en annexe du penitentiaire. Les batiments en question sont du type de villas, de batiments de l'administration publique, d'usines, d'ecoles publiques delabrees, de permanences de partis, de couvents... Elles sont mono-fonctionnelles, servant de PC, de simple casernement, de poste logistique, de depot...

     

    2-2: La localisation:

    Elle a subit des changements aussi sur plusieurs plans. Une dispersion a eu lieu avec la restructuration et l'engagement operationnel loin du schema original privilegiant la concentration dans des installations a nombre reduit. La nouvelle disposition des installations n'a pas reproduit ce schema original, celles-ci n'etant pas concentrees dans une meme zone restreinte et exclusive selon leur appartenance a une unite precise. La concentration s'est faite dans des zones de niveaux plus importants et en commun entre differentes unites principales dans la plupart des cas. (Les installations des unites de la 8e Brigade etaient dispersees entre le Metn-Nord et le Metn-Sud dans un espace commun avec celles des 10e, 5e et 9e Brigades. La 5e avait les siennes au Kesrouan et au Metn-Nord. La 10e se partageait de meme entre les deux regions du Metn). Cette sorte d'eclatement a atteint des espaces a l'ecart de la presence structurelle mais toujours dans les contours plus ou moins elargis de la doctrine militaire de l'armee libanaise quand au sens du SYD. La dispersion s'est faite suivant une extension a partir du Noyau dans le cas de Beyrouth vers d'autres zones de la 2e peripherie plus rapprochees de la premiere, mais sans l'aborder. (La base navale de Beyrouth existait bien avant la guerre, ainsi que le batiment de Bayda a Ain el-Remmaneh). L'espace peri-urbain va etre tres touche a l'exemple du Metn-Nord. Des installations apparaissent dans l'agglomeration de Jounieh ainsi que sur le littoral du Kesrouan et les hauteurs qui le surplombent. La region de Jbeil, completement absente sur le plan structurel dans le SYD d'avant-guerre, a elle aussi connu une dispersion d'installations en mode frontal et de PC. L'armee libanaise s'installe desormais dans la plupart des zones incluses dans l'espace social: residentielles urbaines, industrielles, les villages et les agglomerations.

     

    2-3: Une mesure d'adaptation a l'etat de guerre:

    Plusieurs facteurs se sont combines pour produire une telle transformation pendant l'etat de guerre, et qui se poursuit jusqu'a present. Par son ampleur, la restructuration a montre les limites du SYD en place et a exige son developpement proportionnellement aux potentiels desormais acquis (Pendant la phase la plus intense de la restructuration, les depenses militaires auraient absorbe le 1/3 du budget de l'Etat). D'autre part, cet effort s'est deroule sur une periode de temps tres limitee (surtout 1982-1984) et dans une ambiance de stabilite tres precaire en prolongement de la situation de conflit et d'anarchie ambiante. Il fallait, face a l'urgence d'une croissaance demesuree (sur le plan des effectifs au moins, l'armee libanaise est passee du simple au double), improviser des installations qui devaient etre soit entierement construites par l'Etat, ou appropriees legalement, soit alors existantes et requisitionnees selon le mode en application dans un contexte politique pareil. La deuxieme solution s'est imposee de fait, parait-il, puisqu'elle s'est generalisee par la suite, en repondant en pratique aux besoins d'experience et de reduction des depenses alors que la construction d'installations en macro-unites aurait absorbe des investissements considerables et un temps tres important. Une des consequences a ete une grande part de determinisme circonstantiel dans la localisation, car dependant de la disponibilite d'installations. D'autant plus que l'Etat est plus encombre par des considerations d'ordre juridique dans l'expropriation de batiments par rapport a une force politique militarisee. Ce mode d'appropriation est en correlation avec la dispersion. Les installations etant de taille limitee (batiments civils le plus souvent), leur multiplication a alors ete necessaire ainsi que leur dispersion puisqu'il etait inconcevable ou impossible qu'elles soient toutes dans une meme zone restreinte a la maniere d'une caserne multifonctionnelle: la distance entre les installations de deux unites d'une meme brigade pouvait etre de l'ordre de 10 a 20 Km de trajet. Cette dispersion confere cependant une flexibilite certaine dans un contexte geopolitique instable et menacant (luttes internes et fronts).

     

    III-L'implantation structurelle dans l'espace urbain peripherique et peri-urbain:

    L'implantation structurelle dans l'espace urbain peripherique et peri-urbain est facilement reperable tout au long de l'existence de l'armee libanaise malgre la diversite des situations et des contextes historiques. Cette continuite concernant ce type d'amenagement serait un produit de la doctrine militaire adoptee.

    Des nuances ont ete introduites successivement en adaptation aux contextes geopolitiques evolutifs. C'est pour cette raison que l'on peut distinguer les grandes lignes directrices de l'amenagement defensif des elements plus conjoncturels et saisir l'ampleur des transformations ainsi realisees quant a leur integration ou non au schema directeur.

     

    1-L'heritage doctrinal et l'infrastructure:

    Avec les unites et l'infrastructure, l'Etat libanais recut une doctrine militaire, qui plus que ces autres, allait survivre intacte dans la plupart de ces aspects au cours du developpement de l'armee libanaise. L'apport americain, d'une influence capitale a partir des annees 1980, n'allait pas en contradiction avec celui des francais dans le cas de cet aspect de l'amenagement qui d'ailleurs peut etre retrace dans l'histoire jusqu'a l'epoque ottomane et sa tradition militaire introduite dans le pays. Aucune contre-theorie ou doctrine n'est venue, a un moment donne de l'existence de l'armee, remettre en question les pratiques tactiques et techniques d'amenagement dans leurs totalites et leurs principes. Si le SYCD s'est enfonce dans l'espace urbain d'une facon plus evidente, atteignant les abords des zones tres denses de la premiere peripherie, ce ne fut qu'une adaptation geostrategique a un contexte plus pressant que celui d'avant-guerre et a des conditions particulieres de la croissance de l'armee. Ces deux facteurs principaux ont un caractere conjoncturel prononce puisqu'aucune installation de dimension superieure (macro-unite) n'a ete creee et que celles qui ont vu le jour apres la guerre font partie de dispositifs frontaux (avant 1991) et de controle (actuellement).

    Les modifications ont ete adoptees a deux egards: tactique et technique.

    Dans la premiere, il fallait se conformer aux exigences geopolitiques de centrage, de dispositifs frontaux (avant 1991) et de controle (actuellement). Mais la localisation est restee essentiellement peripherique meme si des differenciations de localisation a l'interieur des zones en question ont eu lieu pour des considerations techniques (zones industrielles, commerciales).

    Depuis l'instant capital du debut de la guerre, aucune restructuration n'a ete envisagee au niveau du territoire national car des situations geopolitiques tres diversifiees y regnent, faisant de sorte que l'armee a du leur adapter son systeme produisant des formes d'amenagement tres differenciees par leurs types, fonctions, ampleurs et intensites. Ainsi, l'armee est concentree du point de vue operationnel dans une zone precise du territoire national tout en ayant des installations dans d'autres zones mais a role tres reduit et efface proche de la desactivation. D'autres etats intermediaires existent.

    L'exclusivite de la souverainete, de la domination et de l'action militaire varient d'une zone a une autre selon la presence d'autres forces politiques militarisees ou armees regulieres etrangeres. Certaines installations sont tout simplement desactivees car elles sont occupees par celles-ci a l'exemple des casernes et positions de la bande frontaliere requisitionnees par l'ALS et celle de Cheikh Abdallah a Baalbeck (jusqu'en 1992).

    La dimension spatiale est plus vulnerable par definition aux conditions geopolitiques ambiantes que la structuration organisationnelle. C'est elle qui permet de determiner et de quantifier l'alteration subie par un dogme doctrinal d'amenagement defensif tel que le positionnement structurel peripherique dans l'espace urbain ou social. En effet, si de nombreux changements decisifs d'equipes de commandement, d'objectifs politico-militaires et de structures organisationnelles ont eu lieu rapidement et successivement durant la guerre, les tactiques et techniques d'amenagement ont ete, paradoxalement en apparence, systematiquement retenues que ce soit dans leurs conformites au schema directeur ou a ses modifications ulterieures.

    De la, il est assez evident que les SYCD d'au-dela 1975 comprennent une part decisive d'improvisation conjoncturelle mais que l'instabilite actuelle du contexte geopolitique ne permet pas d'evaluer tout a fait son impact structurel a long terme (depuis le debut de la guerre jusqu'au moment de la reprise de la souverainete exclusive sur le territoire national). Cependant, des conditions tactiques imposees par la geostrategie des temps d'instabilite (centrage, controle, fronts,...) et d'autres techniques (restrictions budgetaires, contexte de permissivite permettant la requisition des batiments) sont amenees a disparaitre, theoriquement au moins et a long terme, puisque reliees a de telles situations, proportionnellement dans l'espace et dans le temps a l'eminination des causes qui les ont induites. C'est ainsi qu'issu d'une solution precaire, voir artificielle pour certains, le regime en place n'a pu que preserver les formes d'amenagement du SYCD precedant avec ses elements principaux car il a du les exploiter pour une inversion du SYCD vers l'interieur pour maitriser une resistance superieure.

    Un element d'ordre economique a renforce le type d'amenagement en question: la recuperation et le reemploi de l'infrastructure militaire du mandat. Allant de pair avec la doctrine militaire transmise, les installations francaises se caracterisaient par leur localisation urbaine peripherique et peri-urbaine telles que Sarba, Louaize, Fayadiyeh et Kfarchima qui, meme en etant dans le Mont-Liban administrativement, etaient en realite proches des centres urbains de Beyrouth et de Jounieh. La proliferation de batiments disponibles (requisitionnables et publiques) dans les peripheries a permis de s'y installer a de faibles frais pendant la guerre.

     

    2-Facteurs d'accessibilite/communicabilite (A/C):

    Que ce soit pour les decideurs francais ou libanais, d'avant ou d'apres guerre, l'espace urbain peripherique et peri-urbain a ete exploite pour ses proprietes de C/A.

    La peripherie qui les represente le plus significativement est plutot la deuxieme, ainsi que l'espace peri-urbain dans le cas de Beyrouth. En effet, du point de vue de l'accessibilite, la deuxieme peripherie est situee entre la premiere et l'espace central d'un cote et l'espace peri-urbain ou le reste d'un autre, ce qui lui confere une propriete de zone pivot ou zone d'articulation entre la ville et l'exterieur. Cette situation mediane est militairement exploitable car elle permet d'etre en contact permanent avec les deux types d'espaces constituant le centre national. L'option geopolitique de centrage ne peut qu'en profiter puisqu'elle les concerne precisement.

    A cote de la situation, les proprietes morpho-structurelles de la deuxieme peripherie relatives a l'accessibilite sont tres avantageuses parce que cette derniere est en grande partie incluse dans la plaine littorale, qui constitue de ce point de vue, la veritable articulation des compartiments principaux du Mont-Liban a cette hauteur la: avec les compartiments principaux de Baabda, de Aley, du Metn-Nord et du Kesrouan. Si en fin de compte l'ensemble de l'espace urbain de Beyrouth profite des proprietes de la plaine littorale, la peripherie les amplifie par sa communicabilite superieure due a la presence d'un reseau de communication routiere peripherique developpe et coherant. Ce dernier assure la liaison entre les differentes sections de la peripherie et avec le reste de l'espace urbain grace a des axes principaux de grandes envergures et plus ou moins droits contrairement au reseau beaucoup plus dense mais a voies plus etroites et de l'espace central et de la premiere peripherie: cela convient aux mouvements en concentration operationnelle et d'unites mecanisees et blindees. D'ailleurs, le reseau de communication urbain est caracterise, dans les zones les plus anciennes de la ville, par un manque de rationalisation (quadrillage geometrique, trace des routes, envergure des voies, longueur des axes).

    La peripherie, plus recente, evite dans une large mesure ces defauts qui peuvent entrainer des blocages et autres inconvenients tel que la fragmentation operationnelle d'unites en contact avec un espace tres segmente,  nuisant ainsi a la concentration operationnelle dans le cas d'operations en milieux urbains.

    En revanche, la faible densite d'urbanisation de la deuxieme peripherie et les espaces vides qui y existent par consequent, permettent de suppleer un blocage quelconque des elements du reseau lors du mouvement operationnel, l'accessibilite etant a haut indice dans la majeure partie de cette zone.

    L'uniformite, la communicabilite et la dimension importante de cette peripherie avantage ainsi un SYCD dans le sens de la cohesion operationnelle: les elements sont relies et les conditions auxquelles ils sont soumis sont les memes evitant, dans une large mesure, une dissymetrie-differenciation de leurs situations operationnelles. Celle-ci a lieu malgre tout entre la deuxieme peripherie et l'espace peri-urbain mais elle est tres attenuee, ces deux etant en contact direct sur une grande surface.

    Dans le cadre du SYCD de l'EGRE, la peripherie en question joue un role d'articulation entre le Metn-Nord Metn-Sud et l'espace urbain et peri-urbain par ses proprietes combinees d'accessibilite, de communicabilite et de situation mediane.

    La presence de dispositifs frontaux a renforce le besoin des atouts d'une telle localisation parce que la peripherie sert de zone de profondeur geostrategique, meme restreinte, aux fronts tel que celui de Souk e-Gharb (ce front represente une avancee dans la montagne au niveau du caza de Aley, protegeant le flanc Sud-Est de Beyrouth-Est et celui du Noyau-sanctuaire etatique en particulier et celui du Noyau-sanctuaire etatique en particulier et ceci depuis 1983. Il represente durant la guerre, l'axe de poussee principal vers l'EGRE et ne ceda que le 13 octobre 1990), en notant que la ligne de demarcation de Beyrouth s'etend en partie sur les marges des premiere et deuxieme peripheries.

    Le mouvement est alors aise et securise de la zone en question vers le front, les unites n'ayant pas a traverser des zones urbaines d'un autre territoire. Ainsi, il est interessant de noter le cas des unites de la 9e Brigade deployees sur la ligne de demarcation a la hauteur de Achrafieh lorsqu'elles furent attaquees de l'Ouest (en 1987) et de l'Est (en 1989 et 1990) sans qu'elles aient une profondeur quelconque, ce qui a amene leur depassement dans le premier cas, leur encerclement et leur retraite difficile dans le deuxieme. Meme probleme pour les unites deployees dans le vieux noyau (91e et 127e Bataillons), en 1990.

    L'existence du noyau etatique d'avant-guerre a la limite des espaces urbain et peri-urbain a fait que l'extension des annees 1980 s'est operee principalement vers la deuxieme peripherie pour ses proprietes d'A/C desormais requises pour un SYCD integrant le Metn-Nord, le Metn-Sud et l'espace central.


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