• Histoire militaire de l'armée libanaise de 1975 à 1990

    Partie I- L’armée libanaise de l’Indépendance (1945-1969)

     

    1-1 : La naissance de l’armée libanaise, bref aperçu historique

     

    Avant le 1er août 1945, l’armée libanaise est assimilée dès le début du siècle à d’autres formations militaires de la région. C’est ainsi que la Légion d’Orient a été constituée le 15 novembre 1916 pour permettre aux libanais, syriens et arméniens de combattre les ottomans aux côtés des Alliés. La Légion d’Orient, qui comprenait 4500 hommes, dont le tiers de l’effectif était libanais, fut répartie en 8 bataillons d’infanterie, 10 escadrons de cavalerie, 2 compagnies de chameliers et 3 compagnies d’artilleurs.

    Le 5 juillet 1920, le ministère français de la Guerre donne à la Légion d’Orient le nom de Troupes Auxiliaires du Levant (7000 hommes en 1924). Ces troupes furent désignées, le 20 mars 1930, sous la nouvelle appellation de troupes Spéciales du Levant, et dotées d’une Ecole Militaire basée à Homs au début puis transférée en 1934 à Damas. Les Troupes Spéciales du Levant étaient composées de plusieurs bataillons d’infanterie, de batteries d’artillerie et compagnies de génie syro-libanaises. Les Troupes Spéciales sont estimées en 1942 à 22000 hommes. Elles prennent part aux côtés des Alliés à la bataille de Bir-Hakim.

    A partir du 1er juin 1943, les Troupes Spéciales libanaises se séparent des formations syriennes. La 5e Brigade Spéciale de Montagne est alors formée. Celle-ci est composée de 3 bataillons de Chasseurs du Liban, qui donneront naissance à la future infanterie de l’armée libanaise, 1 bataillon d’artillerie (canons de campagne et DCA), 1 compagnie de blindés et de chars, 1 compagnie de cavaliers, 1 compagnie du génie, 1 compagnie de communications, 1 compagnie de pompiers et 1 détachement médical. Le 15 juin 1944, un accord est conclu entre le chef du gouvernement Riad el-Solh et le commandant général des Forces Françaises Libres du Levant Paul Beynet pour transmettre le contrôle de la 5e Brigade aux autorités libanaises. Cet accord ne fut mis en exécution que le 1er août 1945.

     

    1-2 : La bataille de Malikiyé (mai 1948)

     

    Malikiyé est un promontoire qui se situe sur une croisée de chemins qui lie la Palestine au secteur central du front libanais. Ce village permet l’accès au lac de Houlé et aux routes qui mènent à Acre et Nazareth. Les volontaires arabes (appelés Moudjahidines) de l’Armée de Sauvegarde[1] devancent les israéliens pour occuper le village de Malikiyé. Les israéliens tentent dans la nuit du 15 au 16 mai 1948 de prendre la colline stratégique du village mais sont repoussés. Le camp retranché de Malikiyé est commandé par le capitaine Zgheib qui trouve la mort dans la bataille. Le 19 mai 1948, les israéliens réussissent à occuper la colline. C’est à ce moment que l’état-major de l’armée libanaise décide de reprendre le village, vu son importance stratégique, et malgré les fortifications renforcées que l’armée israélienne a construites autour de la place entre le 19 mai et le 5 juin 1948[2].

    Le samedi 5 juin 1948, à 13h, l’armée libanaise se lance à l’attaque. La 1e Compagnie renforcée se fait repérer dès qu’elle quitte ses positions à Jabal Kawhaz, et les israéliens qui dominent la région la harcèlent avec leur artillerie et leurs mitrailleuses lourdes. La 3e Compagnie renforcée qui doit contourner Malikiyé par l’Ouest, subit le même traitement. A ce moment-là, l’attaque piétine. C’est grâce à l’intervention inattendue de la section de réserve de la 2e Compagnie que la situation va se débloquer. Malgré l’appui de l’artillerie, les soldats libanais n’avancent pas, et à 16h, soit cinq heures après le début de l’offensive, la progression n’est que de 800 mètres. La section de réserve commence à subir le tir précis de la mitrailleuse du blockhaus du Kilomètre 9, occupé par les israéliens. La section est en très mauvaise posture, puisqu’elle est prise sous le feu des canons israéliens installés à Malikiyé et attaquée à la mitrailleuse lourde. Il lui est impossible de reculer, car cela mènerait à l’échec de toute l’opération. Le sous-lieutenant Génadry qui commande la section ordonne alors à ses hommes de mettre la baïonnette au canon et de le suivre. Ils vont charger sur plusieurs centaines de mètres complètement à découvert, et nettoyer le fortin en quelques minutes. Suite à cette initiative, l’offensive peut reprendre. Génadry sera promu lieutenant sur le champ de bataille et recevra ainsi que nombre de ses hommes, la croix de guerre pour la bravoure dont ils ont fait preuve au feu. Une contre-attaque est menée par les israéliens sans grand succès. A 19h, le 3e Bataillon se déploie au Nord-Est et au Nord-Ouest du village de Malikiyé et lance l’assaut final. A la tombée de la nuit, les israéliens cessent de résister et se retirent, emportant leurs blessés et une partie de leurs morts. La nuit, un avion israélien balance une bombe sur les avant-postes de l’armée libanaise, qui va faire un tué. Un communiqué annonce la prise dans la nuit du 6 au 7 juin, du village de Kadas, à proximité de Malikiyé. Le 9 juin 1948, le président de la République, accompagné du président du Conseil et du commandant en chef de l’armée libanaise, visite le front et remet des décorations à ceux qui se sont distingués au combat. Mis à part l’offensive de Malikiyé, l’armée libanaise demeure entre 1948 et 1975 sur la défensive, et adopte la stratégie de défense mobile en profondeur.

    La stratégie de défense mobile en profondeur va écarter l’armée libanaise des conflits de juin 1967 et d’octobre 1973 entre l’armée israélienne d’une part, et les armées d’Egypte, de Syrie et de Jordanie d’autre part. L’armée libanaise ne s’est pas dérobée en juin 1967 au combat, mais les troupes israéliennes qui ont tout d’abord attaqué l’armée égyptienne puis l’armée jordanienne avant de se dresser contre les troupes syriennes stationnées sur le Golan n’ont pas eu le temps d’attaquer l’armée libanaise, puisque le cessez-le-feu était déjà entré en vigueur (8 juin 1967). Le colonel Fouad Lahoud a soutenu cette idée dans son livre « Le drame de l’armée libanaise », en précisant que « la guerre de juin 1967 s’est terminée en toute hâte, ce qui n’a pas permis au Liban d’y participer[3] ».

    1-3 : Développement de l’armée de l’armée de terre libanaise (1945 à 1960)

     

    Le développement de l’armée libanaise au cours des premières années de l’Indépendance, des années 1945 à 1960, reste relativement faible du point de vue des effectifs et de l’équipement. Ainsi, nous constatons que les effectifs de l’armée libanaise n’ont augmenté que le 4% par an : en 1945, il y avait 2672 officiers, sous-officiers et hommes de troupe, alors qu’en 1975, nous avons une armée libanaise de 15000 hommes. Au niveau du matériel, l’armée libanaise va utiliser les équipements d’origine française que la puissance mandataire a concédés aux troupes libanaises de l’Armée française du Levant au moment de la rétrocession de l’armée libanaise, le 1er août 1945. Ce matériel est déjà ancien et obsolète en 1945. Il se compose :d’armes légères d’infanterie à raison d’une arme par fantassin (fusil modèle 1916, fusil modèle 1907-1915, fusil modèle 1886 modifié 1893, mousqueton 1892, mousqueton 1916, revolver 1892 Lebel, pistolet automatique de 7.65, revolver 1873, pistolet signaleur 25 mm, tromblon V.B), d’armes automatiques (fusil-mitrailleur 1924-1929, mitrailleuse Hotchkiss), d’armement antiaérien (canon de 20 mm Orlikon ou Breda, canon de 40 mm Beaufort, mitrailleuses 13.2), d’armement antichars (canon de 25, canon de 37), de mortiers (mortier de 60 mm, mortier de 81 mm Brandt), d’artillerie de montagne (pièce de 65 pouces, pièce de 105 mm, canon de 155 mm court, canon de 75 mm), d’artillerie côtière (canon de 75 mm, canon de 164.7 pouces), de véhicules blindés (chars Renault 1935, chars Renault 1939, chars Hotchkiss 1939, chenillettes Renault, automitrailleuse Panhard).

    Ce n’est qu’en 1954, 1956 et 1957 que l’armée libanaise renouvellera son équipement, en achetant du matériel, ou en acceptant des donc des pays amis. Ces équipements se composent : d’un Détachement de chars Charrioter d’origine britannique (17 chars), d’un Détachement de chars M-41 d’origine américaine (17 chars), d’un Détachement de chars AMX-13 d’origine française (17 chars), d’un Régiment d’Artillerie de campagne de 155 mm (18 canons), d’un Régiment d’Artillerie de campagne de 105 mm (18 canons), d’un grand nombre de canons antichars sans recul de 106 mm, d’une quantité de matériel de transmission d’origine américaine, et d’une quantité de camions et de véhicules d’origines diverses.

     

    1-4 : Naissance et développement d’une  Armée de l’Air Libanaise

     

    Après la fin du premier conflit israélo-arabe de 1948, le Commandement de l’armée va constater la nécessité de créer une Armée de l’Air. Ça sera fait en 1949. Le premier commandant en chef de l’Armée de l’Air libanaise est le colonel Emile Boustany, qui sera plus tard nommé commandant en chef de l’armée. Au cours de l’année 1949, l’Angleterre et l’Italie vont céder un certain nombre d’avions en guise d’aide à la création de cette Armée de l’Air. Ainsi, la Grande-Bretagne cède 4 Percival Prentice et 2 Percival Proctor datant de la Seconde Guerre mondiale, tandis que l’Italie donne 4 bombardiers Savoiia Marchetti SM.79, utilisés pour le transport. Le Liban va faire voler et conserver les derniers exemplaires de SM.79 jusqu’au début des années 1960. Ils furent ensuite mis en dépôt dans d’excellentes conditions, et certains exemplaires furent rendus à l’Italie afin d’être exposés dans des musées. Donc dans les premières années de son existence, l’Armée de l’Air libanaise utilise du matériel anglais, à l’exception des Savoiia Marchetti SM.79 italiens. Ensuite, des avions De Havilland DH.104 Dove de fabrication anglaise sont livrés à l’Armée de l’Air en 1951. Ils vont servir 40 ans. Le Dove est un avion à multiples usages et de transport de matériel et de personnel.

     

    1-4-1 : Matériel utilisé au sein de l’Armée de l’Air libanaise

    Nous allons énumérer ici les différents matériels utilisés au sein de l’Armée de l’Air libanaise par ordre chronologique d’entrée en fonction au sein des Forces Aériennes libanaises.

     

    Harvard T-6 (Texan)

     

    En 1952, l’Armée de l’Air libanaise choisit et commande les avions à réaction De Havilland Vampire de fabrication britannique. Ce type d’avions sera la première version d’avions à réaction en service dans l’Armée de l’Air libanaise. Ce choix impose l’utilisation de nouveaux avions d’entraînement plus performants que ceux existant. Le North American T-6 Texan (Harvard) devient l’avion d’entraînement privilégié. Les six premiers exemplaires sont livrés par l’Angleterre en 1952. Ils remplacent le Percival Prentice en service depuis 1949. La dernière livraison de six T-6 Harvard est reçue en 1957, pour totaliser 16 avions du type T-6. Les derniers T-6 sont retirés du service en 1972.

     

    De Havilland Chipmunk

     

    En même temps que l’Armée de l’Air libanaise reçoit les T-6 Texan (Harvard) d’entraînement, elle introduit également les avions d’entraînement De Havilland Chipmunk. Un total de 6 DH Chipmunk T-20 et T-30 sont commandés et reçus entre 1950 et le début des années 1960. Ils sont basés à la Base Aérienne de Rayak. Des pilotes de la RAF entraînent les pilotes libanais à leur utilisation. Les derniers Chipmunk sont retirés du service en 1974, et remplacés par les Scottish Aviation Bulldog.

     

    De Havilland Vampire

     

    Les choses avancent rapidement pour l’Armée de l’Air libanaise à ses débuts. Les pilotes s’entraînent au Liban et à l’étranger, les bases aériennes sont modernisées et agrandies pour pouvoir accueillir de nouveaux avions. Les chasseurs De Havilland Vampire sont commandés en 1952, et les pilotes libanais subissent un entraînement avancé et intensif sur ce type d’appareils sur la base anglaise de Chivenor, afin d’être totalement prêts à utiliser cette nouvelle génération de chasseurs. La livraison du premier lot de six De Havilland Vampire arrive en 1953 et au fil des ans, le Liban en recevra 16 de différents types : 4 FB.5, 5 FB.52, 3 FB.9 monoplaces, et un total de 4 T-55 d’entraînement biplaces. Les chasseurs Vampire qui forment la Première Escadrille de Bombardement de l’Armée de l’Air libanaise, vont servir jusqu'à la fin des années 1960. Deux biplaces d’entraînement Vampire T-55 restent en activité jusqu'à la fin des années 1970.

     

    Hawker Hunter, 52 ans (1959-2010)

     

    Peu de temps après l’entrée en service des De Havilland Vampire, l’Armée de l’Air libanaise est sollicitée par le gouvernement pour faire son choix afin d’acquérir une nouvelle génération d’avions de chasse. En 1955, une étude effectuée par l’armée libanaise présente le Hawker Siddley Hunter comme le meilleur choix. Cet avion est considéré comme étant le préféré de certains pays européens, qui l’utilisent comme avion de chasse principal. L’Armée de l’Air commande ses premiers Hunter en 1958. Ce sont les Etats-Unis qui vont payer cette première commande, en signe de solidarité avec le gouvernement libanais de l’époque, en proie à des dissensions internes. Les cinq premiers Hunter F6 sont livrés en 1959. Ils dont directement puisés du stock de la RAF. Une autre partie est livrée en 1962. L’Armée de l’Air libanaise est satisfaite des performances du Hawker Hunter. Les pilotes libanais sont envoyés à Chivenor pour s’entraîner. La seconde commande de Hunter se fait en 1964 pour 7 ex-avions de l’Armée de l’Air Belge, dont 3 biplaces d’entraînement. Ces avions d’entraînement sont issus d’une conversion de F6 classiques, et ont donc plus de puissance que les biplaces déjà en possession du Liban. Les 7 avions, 4 monoplaces F70 et 3 convertis en T-66, sont livrés en 1966. La dernière commande de 6 Hawker Hunter effectuée par l’Armée de l’Air libanaise se fait en 1974, avec une livraison programmée pour 1975. Ces avions étaient des F6 britanniques transformés en F70 pour remplacer les quelques avions tombés en entraînement et au combat. Les trois premiers avions de la commande sont livrés en 1975, mais à cause de la guerre civile les trois autres ne seront pas livrés avant 1977. Avec cette dernière livraison, le Liban se retrouve avec une flottille de 19 Hawker Hunter, qui serviront pendant 19 ans. Les Hawker Hunter servent dans l’Armée de l’Air libanaise plus que n’importe quel autre type d’appareil. Leur armement standard comprend : 4 canons Aden de 30 mm, des bombes de 100, 227 et 454 Kg et des paniers de roquettes SNEB Matra de 68 mm. Ils sont finalement maintenus à terre en 1994, après un accident mineur avec un T-66 d’entraînement, et les 8 avions restants sont mis en dépôt à Rayak. Le dernier Hawker Hunter perdu est tombé dans la mer près de Batroun en 1989, durant un exercice de routine. Le pilote réussit à s’éjecter. L’historique de combat du Hawker Hunter au sein de l’Armée de l’Air libanaise inclut des engagements air-air mineurs avec l’armée de l’air israélienne, et des missions d’attaque au sol en 1973, 1976, 1983 et 1984.

     

    Sud Aviation Alouette II

     

    Avec le début des années 1960, l’Armée de l’Air libanaise introduit des hélicoptères en son sein. Pour la première fois, le Liban achète de l’équipement français pour son Armée de l’Air, puisque son choix se porte sur l’Alouette II SA-316/SA-318 de Sud Aviation. L’Armée de l’Air libanaise en achète 4 exemplaires entre 1959 et 1960. Ces derniers vont toujours rester en service au début des années 1980.

     

    Sud Aviation Alouette III

     

    Seulement un an après l’introduction de l’Alouette II SA-318 de Sud Aviation, l’Armée de l’Air libanaise reçoit un certain nombre d’Alouette III SA-319, plus modernes et plus avancés technologiquement que l’Alouette II. Ces hélicoptères sont basés à la Base Aérienne de Beyrouth, et vont être utilisés pour des missions diverses, y compris l’attaque au sol. Un deuxième lot d’Alouette III SA-319 est reçu en 1969, atteignant un total de 12 Alouette III. Un petit nombre de ces hélicoptères va rester en service dans l’Armée de l’Air jusqu'à la fin des années 1980.

     

    Potez Fouga Magister

     

    Au début des années 1960, l’Armée de l’Air libanaise passe des avions lents à hélice aux avions à réaction Vampire et Hunter. Avec l’introduction de ce matériel moderne, la nécessité d’un avion intermédiaire se fait sentir, afin d’aider les pilotes à passer des avions lents aux avions à réaction. Le Fouga Magister CM-170 est choisi. Les cinq premiers sont livrés en 1966. Plus tard, cinq autres Fouga Magister sont achetés de l’Armée de l’Air allemande (Luftwaffe) en 1972. Le Fouga Magister est le seul avion d’entraînement avancé opérationnel dans l’Armée de l’Air libanaise. Quelques-uns restent en service jusqu’au début des années 1990.

     

    Dassault Mirage III EL/DL

     

    Les achats de matériel français, commencés avec l’Alouette II, continuent à travers les années 1960, et culminent avec l’achat de 12 chasseurs modernes Mirage III Dassault E/D. Dassault donne aux Mirages libanais le nom de série L, ce qui fait que les 10 monoplaces furent nommés Mirage III EL, et les 2 biplaces Mirage III DL. Tous les avions sont livrés entre 1968 et 1969. Même si les pilotes libanais sont parvenus à une vitesse de Mach 1 avec le Hawker Hunter, le Mirage III est le seul et unique avion supersonique qui peut atteindre une vitesse de Mach 2 en dotation dans l’Armée de l’Air libanaise. Mais la guerre civile a condamné ces chasseurs à être cloués au sol à cause du manque des fonds nécessaires pour les laisser en état de marche. La dernière sortie aérienne du Mirage III au sein de l’Armée de l’Air libanaise remonte à 1978. Le Mirage III Dassault a très peu servi au sein de l’Armée de l’Air libanaise. Il a été brièvement impliqué dans des missions de bombardement en 1973 et en 1976. Un Mirage III EL et un Mirage III DL furent perdus dans des incidents non armés. Suite à la guerre civile, il a été décidé de protéger les 10 chasseurs restants, pour pouvoir les remettre en service plus tard. Pour cette raison, les Mirages furent stockés entre 1975 et 1979 à la Base Aérienne de Kleyaate.

     

    Agusta-Bell 212

     

    En 1973, les premiers hélicoptères Agusta-Bell 212 sont livrés à l’Armée de l’Air libanaise. Ils vont former le 5e Escadron et avoir comme point d’attache la Base Aérienne de Beyrouth. Les Agusta-Bell 212 sont construits sous licence Bell 212, aussi connus sous le nom de Bell UH-1N, par le constructeur italien Agusta. Le premier lot de 6 AB-212 arrive entre 1973 et 1974. Six autres suivent en 1979. Les 12 Agusta-Bell 212, capables de transporter 150 soldats à la fois, sont utilisés pour des missions de transport, de recherche et sauvetage. L’Armée de l’Air n’a pas armé ces hélicoptères.

     

    Scottish Aviation Bulldog

     

    Dès le début des années 1970, la flotte d’avions d’entraînement de l’Armée de l’Air libanaise commence à prendre de l’âge. Celle-ci est constituée de T-6 Texan (Harvard) et de DH Chipmunk, en service depuis les années 1950. Ces avions sont finalement remplacés par 6 Scottish Aviation Bulldog qui sont livrés en 1975. Les Bulldog vont servir près de 20 ans dans l’Armée de l’Air libanaise. L’un a été abattu au cours d’une sortie au-dessus de territoires hostiles durant la guerre civile, et deux autres ont été perdus au cours d’accidents d’entraînement, l’un à Halate et l’autre dans la vallée de la Békaa. Après ces accidents, le reste des appareils fut stocké.

     

    Puma SA-330 Aérospatiale

     

    Malgré la guerre civile et la situation chaotique dans laquelle se retrouve l’armée libanaise au cours de cette période, l’Armée de l’Air libanaise est la seule branche des forces armées libanaises qui se dote de nouveaux équipements et qui obtient des fonds pour effectuer de nouveaux achats de matériel. En 1980, l’Armée de l’Air reçoit six Puma SA-330, hélicoptères moyens de transport français. De nombreux rapports font valoir que ceux-ci n’ont pas été construits en France, mais ont été fabriqués sous licence par IARSA à Brasov, en Roumanie. La flotte de Puma a été complétée par six autres du même type entre 1983 et 1984, portant leur nombre total à 12.

     

    Gazelle SA-342 Aérospatiale

     

    Les Puma SA-330 sont bientôt suivis par 4 Gazelles SA-342, hélicoptères d’attaque, en 1981. Ces appareils sont armés de mitrailleuses lourdes et de canons, de paniers de roquettes et de missiles HOT antichars. Entre 1983 et 1984, l’Armée de l’Air libanaise reçoit la deuxième commande de 4 Gazelle SA-342K avec des capacités d’attaque plus développées. Les Puma et les Gazelle sont basés à Adma et à Jounié, au Nord de la capitale, à partir de 1983. Beaucoup d’entre eux vont être endommagés et détruits lors des combats de 1990 entre l’armée libanaise et les Forces Libanaises.

     

    1-4-2 : Combats aériens auxquels va participer l’Armée de l’Air libanaise depuis sa création

     

    L’Armée de l’Air libanaise a été impliquée dans plus d’un engagement aérien depuis sa création en 1949. Les affrontements entre l’armée libanaise et les groupes armés palestiniens en 1969 et 1973 sont considérés comme les plus grands engagements de l’Armée de l’Air libanaise. Dans les premières années de sa création (1949-1950), l’Armée de l’Air a effectué des sorties de combat limitées pour appuyer les forces terrestres engagées contre les milices tribales dans le Nord-Est du pays, dans la région du Hermel, au Nord de Baalbek.

     

    Les événements de 1958

     

    En juin 1958, suite à la rébellion armée qui s’installe dans le pays, le président Chamoun mobilise l’armée. De durs combats éclatent à Tripoli et autour de Beyrouth. L’Armée de l’Air libanaise est appelée en renfort, et des De Havilland Vampire entrent en action pour appuyer les troupes au sol. Les Vampires vont utiliser lors de ces missions des paniers de roquettes et des canons lourds de 20 mm.

     

    Les différents engagements de l’Armée de l’Air libanaise

     

    Le Liban, bien que n’ayant participé qu’au premier conflit israélo-arabe, a toujours été la cible d’intrusions, agressions et bombardements israéliens qui ont fait des milliers de morts parmi la population civile. Depuis leur introduction en 1953, les De Havilland Vampire de l’Armée de l’Air libanaise ont effectué ce nombreux vols de reconnaissance sur le Nord d’Israël sans subir aucune perte. Le 19 novembre 1959, des avions Mystère israéliens interceptent un SM.79 (L-112) de l’Armée de l’Air libanaise et le forcent à atterrir à Haïfa. L’avion et ses pilotes sont libérés et rentrent au Liban après une semaine. Au cours des années 1960, les chasseurs Hawker Hunter rencontrent des avions israéliens à plusieurs reprises au-dessus du Liban. Au cours de la première journée de la guerre des Six Jours en 1967, quatre chasseurs Hawker Hunter sont tombés dans une embuscade montée par des chasseurs israéliens Mystère de retour du front du Golan. L’un des Mystère est abattu près de Nabatiyeh et son pilote est fait prisonnier. Israël riposte par l’envoi de quatre Mirage III qui abattent un Hawker Hunter libanais. Ce combat aérien fut le seul entre le Liban et Israël.

    Au cours de 1969, de durs combats éclatent entre l’armée libanaise et les groupes armés palestiniens au cours desquels l’Armée de l’Air libanaise s’implique pour appuyer les troupes au sol. Un Alouette III (L-223) est abattu par des palestiniens, mais il est réparé et remis en service. L’accident le plus tragique est la perte d’un Alouette III (L-226) en juillet 1971, près d’Ehden, à bord duquel se trouvait le général Jean Noujaim, commandant en chef de l’armée, ainsi qu’un certain nombre de hauts fonctionnaires. En mai 1973, l’armée libanaise prend des mesures contre l’OLP, et lance une opération majeure contre la plupart des camps palestiniens. Dans la bataille qui dure deux semaines, l’Armée de l’Air libanaise est pleinement mobilisée pour la première fois. Les Mirage III, Hawker Hunter et Fouga Magister lancent des raids aériens successifs et intensifs, en ciblant les fortifications autour de la Cité Sportive à Beyrouth. Ce sera l’unique fois où le Fouga Magister sera utilisé au combat, après avoir été armé avec des mitrailleuses de 12.7 mm.

    Le 9 janvier 1976, les palestiniens assiègent la ville chrétienne de Damour au Sud de Beyrouth. La situation de la localité est catastrophique. Camille Chamoun, ancien président de la République et ministre de la Défense, demande l’aide de l’Armée de l’Air libanaise. Dans la matinée du 16 janvier, les Mirage III et les Hawker Hunter attaquent les positions palestiniennes et musulmanes. Ce fut la dernière sortie des Mirage III.

    Le 16 septembre 1983, l’Armée de l’Air libanaise lance des raids aériens sur les positions du PSP et les positions syriennes, sur le front de Souk el-Gharb. Les avions sont la cible d’un tir de DCA nourri, et un appareil est abattu le 17 septembre ( L-281). Le pilote s’éjecte et ait secouru par les Marines américains. Un autre avion a eu des dommages au train d’atterrissage et a pu voler vers Chypre pour être réparé, avant de pouvoir rentrer à Halate. Les raids aériens ont continué, et les chasseurs ont utilisé le gros canon Aden de 30 mm avec des paniers de roquettes de 68 mm. Au cours de la même période, un Scottish Aviation Bulldog est abattu au-dessus du Chouf au cours d’une mission de reconnaissance, tuant les deux pilotes.

    Quand les combats éclatent en février 1984 entre l’armée libanaise et les forces du Mouvement National, les chasseurs sont rappelés à l’action, et exécutent la plupart de leurs raids dans la région du Chahhar Ouest avec peu de succès, en raison d’une mauvaise planification.

     

    1-5 :  La naissance d’une Marine libanaise

     

    En 1950, des unités de défense côtière sont créées et cantonnées à la Base Navale de Beyrouth, créée la même année. Ce n’est qu’en 1954 que le drapeau libanais sera hissé pour la première fois sur une embarcation militaire. La Marine est l’arme qui va se développer le moins au sein de l’armée libanaise. En 1972, une Base Navale moderne est créée à Jounié, où les unités de défense côtière sont rassemblées. En 1973, le commandement de la Marine décide de créer une Ecole de Défense Côtière.

    Au début de la guerre civile, en 1975-1976, la Base Navale de Jounié résistera au choc, et la Marine sera le seul corps de l’armée libanaise à rester uni au moment où l’armée commence à s’effriter. La Marine reste fidèle et continue à recevoir ses ordres du commandement de l’armée à Yarzé. En 1976, après l’élection d’Elias Sarkis comme président de la République, le commandement de l’armée confiera la protection de ce dernier à un détachement de la Défense Côtière, étant donné que les autres formations de l’armée n’existaient pratiquement plus. En 1982, le nom d’Arme de Défense Côtière est remplacé par celui de Force Navale, en respect de la nouvelle loi de défense adoptée en 1981, et qui a pour but de restructurer l’armée libanaise.

    En 1990, les Forces Libanaises attaquent les bases de l’armée à partir de janvier. La Base Navale de Jounié résistera avec force à l’attaque, mais elle subira d’importantes destructions à cause des bombardements à l’artillerie lourde, aux missiles et aux canons de chars. Les embarcations militaires seront sauvées grâce à la décision du commandant de la Marine de les envoyer en pleine mer quelques temps avant l’attaque. En 1991, la Base Navale de Beyrouth, complètement détruite durant la guerre, est reconstruite, et la Base Navale de Jounié est récupérée par l’armée après l’abolition les milices.

     

    1-6 : La guerre civile de 1958

     

    Le Liban rompt avec sa tradition d’équilibre en publiant le 16 mars 1957 un communiqué conjoint libano-américain dans lequel il annonce son association à la doctrine Eisenhower. D’après cette doctrine, les Etats-Unis assistent économiquement et militairement tout pays ou groupe de pays du Moyen-Orient qui demanderaient cette assistance, à condition qu’il subisse une agression armée d’un pays communiste. De plus, pendant la crise de Suez, en novembre 1956, le Liban n’a pas rompu ses relations diplomatiques avec la France et la Grande-Bretagne, comme l’ont décidé les chefs d’Etats arabes pendant une conférence tenue à Beyrouth du 13 au 15 novembre 1956. Ce comportement du président Chamoun va provoquer le mécontentement des musulmans libanais. Et son adhésion au Pacte de Bagdad ne va pas arranger les choses. Mais il ne faut pas oublier les causes internes aussi. La tentative de reconduction présidentielle du président Chamoun est à mettre en tête de la liste des causes internes. Il faut ajouter à cela le fait que les élections législatives de 1957 ont écarté les grands leaders politiques qui représentent le caractère dominant dans la hiérarchie de l’oligarchie libanaise. Le colonel Antoun Saad, chef du Deuxième Bureau de l’armée libanaise en 1958, souligne que Kamal Joumblatt a été mis en échec dans les élections de 1957 parce qu’il a été « violemment combattu par le pouvoir[4] ».

     

                L’insurrection

     

    Le 8 mai 1958, à 2h du matin, Nassib Metni, propriétaire et rédacteur en chef du quotidien « Le Télégraphe » ainsi que fervent détracteur du président Camille Chamoun, est assassiné à sa sortie de l’imprimerie. Dès le lendemain, la grève générale illimitée est décrétée et s’étend pratiquement à tout le pays. Des manifestations ont lieu un peu partout sur le territoire libanais, et des troupes d’hommes commencent à se former et à se mettre en mouvement. Le 11 mai, des affrontements violents ont lieu à Tripoli, au centre de la ville, entre les gendarmes et des manifestants. Ces derniers dressent des barricades et les défendent par les armes. Parfois, ils livrent contre les policiers de véritables batailles rangées. Pendant ce temps, l’insurrection s’organise et se propage au jusqu’au Akkar et vers Miniyé. Le 12 mai, à Beyrouth, des barricades sont érigées. Saïda et Tyr rallient le mouvement de protestation qui gagne également une grande partie de la Békaa. Les adversaires de Camille Chamoun tiennent de grandes zones du pays, qui sont transformées en maquis. Tripoli, et surtout ses banlieues Nord et Est, sont devenus une forteresse inexpugnable sous le contrôle d’un Comité Insurrectionnel, avec ses tribunaux révolutionnaires et ses camps de détention. Une armée de quelque 3000 hommes sillonnent la campagne tripolitaine et en assurent la défense. A partir de la route Beyrouth –Damas, on entre dans le domaine féodal de Kamal Joumblatt. Ce vaste maquis se prolonge jusqu'à Jezzine, mais la région du Chouf est la mieux organisée. Plusieurs milliers de partisans gardent le Poste de Commandement de Kamal Joumblatt, et ces derniers se renforcent de jour en jour par l’arrivée de nouveaux volontaires venus de Rachaya. De là, on passe aux zones tenues par les chiites qui contrôlent militairement Tyr et Saïda avec ses montagnes proches. Ce maquis est le mieux organisé militairement. Chaque homme valide est mobilisé et enrégimenté. Soldats et officiers sont en uniforme, suivent un entraînement intensif et reçoivent des salaires réguliers. Cette force est placée sous le commandement d’Ahmad el-Assaad. Les chiites tiennent aussi la ville de Baalbeck et une cinquantaine de villages de la vallée de la Békaa sous le commandement de Sabri Hamadé qui dispose de 1000 hommes, également entraînés et armés. Enfin, dans la région du Akkar et du Hermel, près de 3000 partisans se mettent à la disposition d’un chef druze local, Chebli Ariane. Dispersés du Nord au Sud, sans possibilité de communication d’un maquis à l’autre, les insurgés comptent pourtant une armée de 12000 hommes, ce qui fait qu’elle est supérieure en nombre à l’armée officielle libanaise sous les ordres du général Fouad Chéhab.

    Les principaux faits de l’insurrection de 1958 vont se limiter à des fusillades nourries, l’établissement de tranchées et de barricades dans les principales villes libanaises, l’attaque et l’occupation de plusieurs postes de gendarmerie, le dynamitage de pipelines, ponts et centrales électriques, des explosions en série, des attentats à la bombe contre des établissements privés, des tramways bondés et des cafés populaires très fréquentés, des affrontements armés entre insurgés et forces de l’ordre, des attaques à la bombe contre le palais présidentiel, la résidence du président du Conseil est incendiée.

     

    Le comportement et le rôle de l’armée libanaise pendant l’insurrection

     

    L’armée libanaise se trouve dans une situation ambiguë durant la crise de 1958, et adopte en conséquence une attitude curieuse. Déchirée entre son devoir d’obéir aux ordres d’un pouvoir civil contesté et son idéal d’appartenir à toute la nation et de rester ainsi l’exemple du compromis libanais et l’arbitre unique, l’armée libanaise a cherché à sauvegarder et à protéger l’Etat et le peuple libanais.

    Certains analystes affirment que l’insurrection aurait été facilement anéantie si l’armée libanaise avait obéi aux ordres du président de la République. D’autres disent que le général Fouad Chéhab, commandant en chef de l’armée libanaise, avait tout au long de la crise de 1958 continuellement ignoré les ordres du président de la République et du président du Conseil qui voulaient voir les centres rebelles démantelés par l’armée. Le président Chamoun lui-même dit qu’une « opération de police exécutée avec décision durant les premiers jours des troubles eût étouffé la révolte[5] ». Chamoun a aussi précisé que « le commandement de l’armée communiqua au gouvernement dans une note datée du 1er juin 1958 son adoption d’une proposition consistant à faire assurer la défense des villes par la police et le minimum de troupes et de gendarmes et à se livrer avec le reste des effectifs à des opérations de harcèlement, afin d’arrêter l’avance des insurgés vers les centres urbains. Aucune action offensive n’était prévue pour des raisons qui résultaient assez clairement de l’exposé du plan qui paraissait être la prudence elle-même[6] ». C’est en appliquant cette prudente résolution adoptée par le commandement de l’armée que le général Chéhab ignore les ordres du président du Conseil et du ministre de la Défense Sami el-Solh, qui demandent que l’armée procède au nettoyage de Beyrouth des insurgés et des provocateurs.

    Par contre, l’armée libanaise livre bataille aux partisans de Kamal Joumblatt qui poussent leur avance du Chouf vers Aley, afin de prendre le contrôle de la route Beyrouth –Damas et de l’Aéroport International de Beyrouth et de rejoindre les partisans de Saëb Salam à Beyrouth. L’armée libanaise veut demeurer sur la défensive, mais en même temps protéger la légalité et les centres vitaux du pays. C’est dans cette optique qu’elle engage le combat avec les insurgés qu’elle disperse à Chemlane, et réoccupe certains points stratégiques dans le secteur de Baïssour, après de durs combats qui durent 48h[7].

    L’armée libanaise est restée à l’écart de la violence en 1958 afin de garder son unité. Un diplomate américain souligne notamment après une mission à Beyrouth que « la préoccupation majeure du général Fouad Chéhab était de garder l’armée libanaise intacte, lequel s’opposa à mener une offensive de grande envergure contre les rebelles à cause des différences communautaires au sein de l’armée, composée autant de musulmans que de chrétiens et la sympathie prononcée qu’avaient certains militaires en faveur de la cause des rebelles. L’armée libanaise aurait été désintégrée si son action n’eut pas été lente à prendre forme ». Le colonel Antoun Saad, chef du Deuxième Bureau en 1958, a également affirmé que « le général Chéhab n’a jamais abusé du civisme de l’armée qui aurait perdu son unité, si elle avait mené des attaques offensives contre les insurgés[8] ».

    Le colonel Joseph Bitar souligne que « n’étant d’aucun parti et d’aucun clan, l’armée libanaise est à l’avant-garde de l’unité nationale ; elle est l’unique dénominateur commun, la seule institution qui se veut dans le principe et dans les faits en dehors du jeu politique[9] ». Le colonel Antoun Saad précise que le général Chéhab a toujours voulu que l’armée libanaise appartienne à toutes les régions, confessions et composantes du peuple libanais. Le général Jamil Lahoud dira aussi qu’il a refusé en tant que commandant de la place de Beyrouth d’utiliser la violence militaire contre les insurgés, parce qu’il considérait que l’armée libanaise appartenait aux deux camps en conflit. Dans un article paru en 1973, le général de brigade François Génadry mentionne que « l’armée libanaise formée de toutes les composantes de la mosaïque libanaise a voulu en 1958, comme en 1952, appartenir à toute la nation[10] ».

     

    1-7 : Le coup d’Etat PNSS du 31 décembre 1961

     

    Début octobre 1961, le Dr Abdallah Saadé, président du Parti Nationaliste Social Syrien obtient du Conseil Supérieur du parti des pouvoirs exceptionnels pour mener son plan de renversement du régime libanais à son terme. Ce dernier va entrer en contact et effectuer une série de rencontres avec le capitaine Fouad Awad. Au cours de ces rencontres, le capitaine Chawki Khaïrallah, agent de liaison entre les deux interlocuteurs, était présent. Un troisième officier devait se joindre à eux, le capitaine Badih Ghazi. Le capitaine Khaïrallah est arrêté peu de temps après à Marjeyoun et condamné à 60 jours d’arrêt de rigueur pour avoir insulté les responsables du Deuxième Bureau.

    Le Dr Abdallah Saadé était conscient que le PNSS ne pouvait pas effectuer seul ce coup d’Etat. Le capitaine Fouad Awad s’est aussi rendu compte qu’il ne pouvait pas avec son seul bataillon composé de 13 véhicules blindés[11] et de 9 jeeps, renverser le régime politique sans aide extérieure. Le coup d’Etat a aussi échoué par le fait qu’aucun des officiers supérieurs de l’armée libanaise n’avait apporté son soutien effectif à l’exécution de la tentative de renversement du Pouvoir. Dès lors, l’appui armé du PNSS au bataillon blindé du capitaine Fouad Awad se fait des plus nécessaires. Mais le rôle du PNSS sera insuffisant. Des éléments armés du PNSS réussissent à mettre la main sur plusieurs officiers supérieurs de l’armée, comme le colonel Youssef Chmayet chef d’état-major, le colonel Abdelkader Chéhab commandant la place de Beyrouth, le commandant Jalbout chef de la Sûreté Générale et le colonel Naufal commandant de la gendarmerie. D’autres officiers sont arrêtés par le capitaine Fouad Awad en personne, alors qu’ils arrivaient au ministère de la Défense à la demande du colonel Antoun Saad. Ce sont : le commandant Hanna Saïd chef de division de la DCA et futur commandant en chef de l’armée, le commandant François Génadry futur commandant de l’Ecole Militaire et les lieutenants Khoury et Berjaoui.

    D’autres éléments du PNSS ont par contre failli à leur tâche, soit par traitrise soit par défaut de précision dans l’exécution. Deux membres au moins du PNSS qui occupaient des postes assez délicats ont en effet averti le colonel Antoun Saad chef du Deuxième Bureau des préparatifs auxquels se livrait leur parti. Le 30 décembre 1961, le colonel Antoun Saad reçoit trois coups de téléphone le mettant en garde contre l’imminence du coup d’Etat. Ce dernier se dirige aussitôt au ministère de la Défense, rue du Musée, accompagné du colonel Iskandar Ghanem (futur commandant en chef de l’armée). Il demande également aux commandants Abou-Zaki, Nakhoul et Fawzi el-Khatib, aux capitaines Ahmad el-Hajj[12] et Tabbara et aux lieutenants Kilani et Sami el-Khatib[13] de le rejoindre au ministère de la Défense. Le colonel Antoun Saad, prévoyant une implication syrienne, demande à la gendarmerie d’établir des barrages contrôlés à l’entrée Est de la capitale et donne ses instructions au commandant de la caserne blindée de Sarba[14] de protéger la résidence du président Chéhab où se dernier se trouvait, et qui se situe à quelques centaines de mètres de la caserne, et lui demande également de surveiller l’autoroute qui relie le Nord du pays à la Syrie.

    Il y a eu beaucoup de manque de précision de d’amateurisme dans l’exécution du coup d’Etat du 31 décembre 1961. En effet, si les miliciens du PNSS avaient réussi, au siège central des PTT, à couper toutes les lignes téléphoniques de la capitale et celles qui relient la capitale aux provinces, le chef du Deuxième Bureau n’aurait jamais pu alerter la caserne de Sarba de l’imminence du danger sur la personne du président Chéhab. Un autre groupe de 35 personnes qui comprenait l’élite paramilitaire du PNSS et commandé par le sous-lieutenant Ali Hajj-Hassan ne réussit pas à arrêter le président de la République, le général Fouad Chéhab. Le sous-lieutenant Ali Hajj-Hassan arrive le 31 décembre à 00h30 au pont Abou al-Aswad, situé à 10 Km de la caserne de Tyr, et rencontre le capitaine Fouad Awad qui l’attend avec sa brigade blindée. Ce dernier dira qu’il a fourni au sous-lieutenant deux jeeps et quatre mitraillettes afin de mener à bien sa mission. Muni de ces deux jeeps appartenant à l’armée libanaise dans le but de tromper la Garde Présidentielle, le sous-lieutenant Ali Hajj-Hassan part rejoindre le groupe des 35 qui l’attend pour le conduire à Antélias, à 2 Km du palais présidentiel. A la suite d’une erreur commise par un milicien envoyé en reconnaissance, le sous-lieutenant est en retard de 30 minutes sur l’horaire prévu initialement pour l’attaque de la résidence présidentielle. L’attaque ne peut ainsi avoir lieu avant 2h du matin. Or, les éléments de la caserne de Sarba se sont déployés dès 23h pour protéger la résidence présidentielle.

    La majorité des 40 sous-officiers et soldats du bataillon du capitaine Awad n’était pas au courant du vrai but de leur déplacement. Ils pensaient qu’ils avaient pour mission de défendre la légalité contre l’occupation par Kamal Joumblatt et ses partisans du ministère de la Défense. Les soldats vont cesser d’obéir aux ordres du capitaine Awad dès qu’ils s’aperçoivent qu’ils ont été déplacés pour faire un coup d’Etat, et non pas protéger la légalité. En fait, seulement les sous-officiers étaient au courant du vrai but de la mission. Ces derniers vont faire preuve de défaillance, peu après leur arrivée au ministère de la Défense. C’est ainsi que l’adjudant-chef Rustom abandonne le capitaine Awad devant le ministère de la Défense, ainsi que 4 véhicules blindés. Le sergent-chef Kamal Mahmoud n’a pas pu supporter l’ordre d’ouvrir le feu sur les chars de l’armée et s’est « évanoui ». Le capitaine Awad note également que lorsqu’il a voulu abandonner la partie et prendre la fuite, il est monté dans un véhicule blindé stationné devant le ministère de la Défense, mais le conducteur a refusé de démarrer, faisant tourner le véhicule sur place[15]. La tentative du 31 décembre 1961 a fait preuve d’un manque de préparation déconcertant.

     

    II-L’armée libanaise durant la guerre des Deux Ans

     

    2-1 : Situation à l’aube de la crise (1969-1974)

     

    A partir du printemps 1968, le Liban va sentir lourdement la présence palestinienne armée sur son sol. La Résistance palestinienne va en effet plusieurs fois combattre contre l’armée libanaise notamment en 1969 et 1973 avant de participer en 1975-1976 à la destruction de l’Etat libanais.

    C’est ainsi qu’à la fin de 1968, en représailles à une attaque palestinienne contre un avion de la compagnie d’aviation israélienne El Al  à Athènes, un commando israélien détruira 13 avions libanais sur l’Aéroport International de Beyrouth après avoir affirmé que les terroristes palestiniens ont été entraînés au Liban. Suite aux attaques palestiniennes croissantes contre le territoire israélien, les violations de la souveraineté libanaise par Israël ne se comptent plus. C’est à partir de ce moment que le Liban devient le principal champ de bataille du conflit israélo-arabe.

     

    Les accrochages d’octobre 1969 et l’Accord du Caire

     

    En 1969, on commence à entrevoir les grandes lignes de ce qui deviendra à partir de 1975 la guerre du Liban. Nous commençons à constater les clivages internes, Armée soutenue par les chrétiens, contre palestiniens soutenus par les musulmans. C’est aussi en 1969 que l’on constate les premiers combats opposant les parties au conflit. En effet, le 23 avril 1969, la répression d’une manifestation pro-palestiniens fait 11 tués et 82 blessés, entraînant la démission du gouvernement de Rachid Karamé. En réponse à cette répression, nous constatons des affrontements entre l’Armée et les fedayin au Sud et dans la Békaa. Ces affrontements ont un double objectif : légaliser la présence armée palestinienne au Liban et réchauffer la frontière israélo-libanaise calme depuis 1948. C’est le début d’une série de violents accrochages qui auront lieu dans toutes les régions où sont implantés les camps de fedayin palestiniens. C’est ainsi que le 28 août des affrontements ont lieu à Nahr el-Bared. Le 18 octobre, un accrochage a lieu entre l’armée libanaise et les fedayin palestiniens près du village de Majdelselm faisant un mort et trois blessés parmi les militaires libanais. Le 22 octobre, un nouvel accrochage a lieu dans la région de Majdelselm faisant un tué et deux blessés parmi les militaires, 4 morts et 6 blessés parmi les fedayin. Le 23 octobre, la Saïka prosyrienne attaque des postes frontières, et le poste-frontière de Masnaa est attaqué par 50 éléments armés qui prennent en otages 24 fonctionnaires civils. Des concentrations armées syriennes sont enregistrées aux frontières, et le couvre-feu est décrété à Beyrouth et dans cinq autres grandes villes du pays. Nous assistons aussi à l’occupation de postes de police à Beyrouth. Le 25 octobre, des fedayin investissent le village de Yanta à 15 Km de la frontière syro-libanaise où l’armée syrienne leur ouvre la voie. Le poste de gendarmerie de Sir el-Denniyé au Nord du Liban est attaqué par 60 hommes armées. Des miliciens infiltrés de Syrie et équipés d’armes lourdes occupent la localité de Bint-Jbeil. Le 26 octobre, une attaque de grande envergure des fedayin a lieu dans les régions de Deir el-Achaër, Rachaya et Ayha au Sud-Est du pays. Le 30 octobre, l’aéroport militaire de Kleyaate est attaqué à la roquette, Ayha près de la frontière syrienne est assiégée et Rachaya el-Wadi est attaquée. Le 1er novembre, les combats s’intensifient brusquement dans la région d’Ayha, les fedayin voulant assurer le contrôle d’une route de ravitaillement jusqu’au Sud et l’armée libanaise resserrant son contrôle sur cette route. Le 2 novembre, deux villages du Akkar, Machta-Hassan et Chadra, sont occupés par les syriens. Voyant que les fedayin sont attaqués par l’armée libanaise, les régimes et la rue arabes entrent en ébullition. Des manifestations anti-libanaises ont lieu à Bagdad, Amman, Tripoli, Damas et Alger, tandis que Radi-Damas menace le Liban d’un déferlement de milliers de fedayin venant au secours de leurs camarades au Liban-Sud et proclame que la fermeture des frontières n’est qu’un premier pas des mesures de représailles. C’est dans ces conditions que l’accord du Caire[16] est conclu le 3 novembre 1969. Le général Emile Boustany commandant en chef de l’armée libanaise et M. Yasser Arafat chef de l’OLP ratifient l’accord sous l’égide de Nasser. Cet accord légalise la présence armée palestinienne au Liban et tente de rechercher une politique nationale qui concilie les principes de la souveraineté libanaise avec ceux de la sécurité de la Résistance palestinienne. Il n’est pas toujours respecté par les fedayin, et l’OLP, pour se disculper, accuse des « éléments incontrôlés » de ces violations. Malgré les réticences des chrétiens, l’Accord du Caire ainsi que ses annexes du 27 janvier 1970 est approuvé par la Chambre sans que les députés aient pris connaissance du texte, cet accord devant au départ rester secret pour cause de sécurité extérieure. Mais au Liban tous les secrets finissent par être connus, et c’est ainsi que le texte de l’accord va être intégralement publié dans le quotidien libanais An-Nahar du 20 avril 1970. Il est à noter ici que le commandant en chef de l’armée le général Emile Boustany, qui a ratifié l’accord au nom de l’Etat libanais n’était pas qualifié pour signer un tel accord à portée internationale qui relève des compétences soit du président du Conseil des ministres, soit du ministre de la Défense[17]. La première partie de l’accord traite de la présence palestinienne au Liban et se divise en quatre articles : elle accorde aux palestiniens le droit de circuler, de travailler, de créer des comités locaux dans leurs camps et de prendre activement part à la révolution à travers le Commandement de la Lutte Armée Palestinienne (CLAP, al-Kifah al-Mousallah), tout en mettant l’accent sur la souveraineté et la sécurité du Liban. Des groupes appartenant au CLAP et aidés par des comité locaux assurent la bonne entente et la coordination avec les autorités libanaises à l’intérieur des camps tout en contrôlant et dénombrant les armes qui se trouvent dans les camps. La seconde partie de l’accord traite de l’action des fedayin et se divise en 15 articles.

     

    Conséquences de l’Accord du Caire et réchauffement de la frontière libano-israélienne

     

    Les accrochages d’octobre 1969 entre les fedayin palestiniens et l’armée libanaise ont atteint leur double but : la présence palestinienne armée au Liban a été consacrée par l’accord du Caire, et la frontière libano-israélienne jusque-là régie par la Convention d’armistice du 11 juin 1948, a été réchauffée et est incessamment attaquée par les militaires israéliens. La plus importante des attaques israéliennes d’intimidation contre le Liban depuis la signature des accords du Caire, limité dans le temps et l’espace, est incontestablement celle du 12 mai 1970 appelée première bataille du Arkoub.En 1971, les relations libano-palestiniennes ne font qu’empirer, à cause du déferlement de renforts de fedayin fuyant la Jordanie après le septembre noir, et parce qu’Israël envahi la région du Arkoub, au Liban-Sud, entre le 24 et le 28 février 1971. Cette invasion pousse Raymond Eddé à demander l’abrogation de l’accord du Caire ce qui va déclencher une polémique au sein de la Chambre des députés. Pour alimenter les tensions interlibanaises, l’armée israélienne bombarde le 21 juin 1971 Hasbaya faisant 48 tués et 45 blessés, et le 23 c’est le tour de Deir el-Achaër d’être bombardé par Israël avec comme bilan 19 tués et 10 blessés. Sous pression, l’OLP annonce le gel de ses activités militaires à la frontière libano-israélienne. Israël continue ses attaques contre le Liban, dont notamment deux offensives d’envergure que nous allons évoquer ici et qui ont lieu le 25 février et le 16 septembre 1972.

    L’ « Opération Fathland », la première d’entre elles, se déroule du 25 au 28 février 1972 dans le Arkoub. Avant de développer le déroulement de la bataille, il faut situer la région du Arkoub, située au Liban-Sud à la frontière avec Israël. Plusieurs villages libanais s’étendent dans cette région dont les principaux sont : Chebaa, Kfarchouba, Rachaya el-Foukhar, Freydis, Hebbariyé, Méry et Kfarhamam. La région est assez élevée au Nord et à l’Est et inclinée au Sud et à l’Ouest est irriguée par trois fleuves : le Hasbani, le Wazzani et le Banias qui se jettent tous les trois dans le lac de Houlé. Militairement, la région joue le rôle de soupape de sûreté pour le Jabal el-Cheikh, Mayssaloun et la région de Deir el-Achaër, puisque les troupes israéliennes peuvent contourner le territoire syrien par le territoire libanais dans le secteur allant de Marjeyoun vers la Békaa. Les collines de Magidiyé et Khiam forment une protection naturelle pour les trois fleuves, les collines proches du fleuve Hasbani dominent le secteur de Marjeyoun, de Rachaya el-Wadi qui mène vers la Békaa, les collines Nord et Est du Arkoub constituent des centres d’observation de première importance et des bases pour la construction de fortifications qui, fournies en militaires entraînés aux combats de montagne et appuyés par un armement léger, peuvent aider à la défense du territoire national et retarder l’avance d’une offensive israélienne. Maintenant, nous allons développer brièvement le déroulement de l’offensive. A l’aube du 25 février 1972, des unités d’infanterie israélienne soutenues par l’aviation (20 avions) et les chars et blindés (63 chars et blindés) attaquent le Sud-Est du Liban, et dynamitent d’une manière systématique toutes les maisons qui abritent des commandos palestiniens, traçant trois voies d’accès vers le centre du Arkoub. Cette attaque est la concrétisation d’avertissements lancés par l’armée israélienne au gouvernement libanais suite à l’intensification des activités des fedayin à la frontière libano-israélienne. Les troupes israéliennes vont tarder à ses retirer de la zone envahie, ce qui va inquiéter le gouvernement libanais et les Grandes Puissances qui vont rejeter unanimement devant le Conseil de Sécurité de l’ONU la thèse israélienne de l’exercice du droit de légitime défense et donner l’ordre à Israël de retirer immédiatement ses troupes du territoire libanais. La zone envahie par l’armée israélienne est relativement étendue : les cinq localités principales du Arkoub (Rachaya, Bint-Jbeil, Yanta, Deir el-Achaër et Habbariyé) sont totalement occupées. Malgré la durée et l’étendue de l’opération israélienne, l’armée libanaise reste à l’écart et n’intervient qu’une seule fois le 28 février, contre une colonne de blindés israéliens qui tente une percée près du village de Hasbaya. L’artillerie de l’armée libanaise retranchée sur les hauteurs stratégiques du Château de Beaufort ouvre alors un feu nourri sur la colonne israélienne, l’obligeant à se retirer après qu’elle ait subi de lourdes pertes.

    L’ « Opération du Sud » est une conséquence du coup de Munich au cours duquel des terroristes palestiniens vont assassiner des athlètes israéliens aux Jeux Olympiques de Munich. En effet, le 5 septembre 1972 a lieu le massacre des athlètes israéliens aux Jeux Olympiques du Munich, et le 16 septembre l’armée israélienne envahi le Liban-Sud en représailles parce que les palestiniens terroristes ont reçu un entraînement militaire dans les camps d’entraînement palestiniens du Liban. L’efficacité des moyens mis en place par l’armée israélienne pour exécuter cette invasion et l’importance du terrain envahi font de cette opération militaire l’une des plus meurtrières et la plus grave des incursions israéliennes en territoire libanais. Trois colonnes de blindés appuyées par des unités d’artillerie, des troupes héliportées et quelque 25 avions Mirage et Skyhawk font leur entrée dès l’aube du 16 septembre en territoire libanais. Deux colonnes blindées convergent vers Aïnata : la première se dirige vers Nabrikha et la seconde vers Jouaya. La troisième colonne prend la route de Taybé et Edaïssé. En début d’après-midi du même jour, deux colonnes arrivent aux abords de Nabatiyeh et du port de Tyr. C’est la première fois que les israéliens attaquent le secteur central et le secteur Ouest du front du Liban-Sud, l’armée israélienne se contentant habituellement de ratisser la seule région du Arkoub (nommée aussi Fathland) située dans le secteur Est du front. L’armée libanaise va bien se battre avec les faibles moyens à sa disposition pour freiner l’avance des colonnes de blindés et de chars de l’armée israélienne. C’est ainsi que Le Monde du 18 septembre 1972 écrit que « l’armée libanaise a opposé aux assaillants, et pour la première fois depuis la guerre des Six Jours, une résistance réelle[18] ». Le Parlement libanais qui s’est réuni en urgence le 16 septembre 1972 pour trouver les moyens de faire face à la situation félicite l’armée de sa bravoure. Mais il est à noter que le 21 octobre 1972, une commission d’enquête composée d’inspecteurs de l’armée a cependant présenté au commandement de l’armée un rapport qui met l’accent sur la faiblesse du système défensif libanais. En tentant de résister à une offensive israélienne pour la première fois depuis la bataille de Malikiyé, l’armée libanaise a subi de lourdes pertes : 30 militaires et 120 civils trouvent en effet la mort au cours de la bataille. Un observateur américain faisant l’éloge de l’armée libanaise durant les combats déclare qu’aucune armée au monde n’aurait accepté d’engager un tel combat sans couverture aérienne. Durant les 36h de combat l’artillerie libanaise doit s’opposer en même temps aux tirs de l’aviation et des chars israéliens, ce qui va pousser les artilleurs libanais à adopter la tactique de la défense mobile, déplaçant leurs canons après chaque tir dans le but d’échapper à l’aviation israélienne. L’efficacité de l’artillerie libanaise qui est dirigée par des officiers formés dans les écoles d’application de Châlons-sur-Marne en France et de Fort Gille aux Etats-Unis a tellement affolé et désorganisé les israéliens durant leur retraite le 17 septembre 1972 que ces derniers ont fait sauter toutes les stations d’essence qu’ils ont rencontrées sur leur route en représailles. Un char israélien va même aplatir un taxi-service avec ses sept occupants à l’intérieur. Au cours de la bataille, la Croix-Rouge Internationale demande à plusieurs reprises l’arrêt des tirs de l’artillerie de l’armée libanaise afin de permettre aux hélicoptères israéliens d’évacuer les blessés vers les hôpitaux. Suite à une médiation arabe, l’OLP s’engage une nouvelle fois à retirer ses hommes et à geler ses activités au Liban-Sud. Mais la tension reste vive, et les 8 et 9 décembre 1972 des heurts éclatent entre l’armée libanaise et les fedayin. Une nouvelle médiation arabe viendra y mettre fin, et c’est l’accalmie.

    N’ayant pas préparé une armée forte, moderne et bien équipée ni manifesté la moindre volonté de protéger son territoire, l’Etat libanais va entamer à partir de 1973 la lutte contre les fedayin à l’intérieur du territoire libanais dans le but de neutraliser définitivement ses frontières avec Israël.

    Le 10 avril 1973, un commando israélien dirigé par Ehud Barak assassine à Beyrouth trois responsables du Fath, Kamal Nasser, Kamal Adouane et Mohammad Youssef Najjar. Le raid provoque également 4 tués et 29 blessés libanais, 40 tués et blessés palestiniens. Le Premier ministre Saëb Salam exige le limogeage du commandant en chef de l’armée à cause de la passivité de cette dernière au moment de l’attaque. Suite au refus qui lui est opposé par le président de la République Sleimane Frangié, Saëb Salam présente sa démission en accusant le commandant en chef de l’armée de n’avoir pas assumé ses responsabilités et assuré par conséquent la défense de la capitale en omettant de donner ses ordres à l’armée de riposter au raid israélien surtout qu’une caserne militaire (caserne Fakhreddine) se trouve à proximité du lieu. Le non remplacement du général Iskandar Ghanem (colonel en retraite choisi par le président Frangié après la mort tragique en 1971 du commandant en chef de l’armée, le général Jean Noujaim, dans un accident d’hélicoptère) par un autre commandant en chef après le 10 avril 1973 est considéré par bon nombre d’observateurs politiques comme la première rupture entre l’institution militaire et une partie de l’opinion libanaise appuyée par la Résistance palestinienne qui exige la défense du territoire national. Amine el-Hafez est chargé de former un nouveau gouvernement. Arafat refuse que la sécurité des camps palestiniens soit assurée par l’armée libanaise. C’est la montée inexorable de la tension.

     

    Les accrochages de mai 1973[19] et les accords du Melkart

     

    Tout commence le soir du 1er mai 1973, quant un adjudant et un soldat permissionnaires de l’armée sont enlevés. Le commandement de l’armée riposte sur-le-champ et positionne des blindés et des chars autour des deux camps palestiniens de Sabra et Chatila où les otages sont supposés se trouver. Le commandement de l’armée exige la libération des deux militaires avant le 2 mai à 11h. Selon les responsables libanais, seule une intervention militaire efficace de la part de l’armée est en mesure de mettre le président Frangié en position de force afin qu’il puisse exiger la révision de l’accord du Caire. Dix minutes après l’expiration de l’ultimatum les combats à l’arme lourde commencent à Beyrouth. L’armée libanaise utilise essentiellement au cours des combats son artillerie et fait appel pour la première fois à l’aviation qui pilonne massivement les camps palestiniens de Sabra, Chatila, Talle el-Zaatar et Dbayé ainsi que les concentrations de fedayin à Rachaya el-Wadi et Dahr el-Ahmar (Békaa-Ouest) et les unités de l’ALP infiltrées de Syrie. « Un officier de l’armée libanaise a déclaré que 100 militaires seulement défendaient le 2 mai 1973 la capitale libanaise, et que l’intervention de la chasse était par conséquent le seul moyen efficace pour pallier au manque d’effectifs[20] ». Le bilan des combats de la journée du 2 mai est de 12 morts et 40 blessés libanais, 19 morts et 80 blessés palestiniens. Le 3 mai, l’aviation militaire libanaise bombarde le camp palestinien de Borj-Brajné et l’armée libanaise repousse dans la Békaa une attaque de la part d’unités de l’ALP venant de Syrie. Le 8 mai, la Syrie ferme ses frontières. Les pressions arabes sur l’Etat libanais sont très fortes, provoquant un arrêt des combats. Le même jour, l’état d’urgence est proclamé et le couvre-feu décrété. Les combats qui se déroulent en mai 1973 entre l’armée libanaise et les fedayin palestiniens vont aider les pays arabes limitrophes d’Israël et notamment la Syrie à effectuer des mouvements de troupes passés inaperçus en préparation du 4e conflit israélo-arabe du 6 octobre 1973. Il est à noter que Bachir Gemayel « avait été impressionné par l’efficacité de la résistance de l’unité que commandait Michel Aoun lors d’une attaque palestinienne à Khaldé[21] ». Ces combats entre l’armée libanaise et les fedayin palestiniens réussissent à provoquer l’amendement de l’accord du Caire en lui ajoutant une annexe connue sous le nom d’accord du Melkart, du nom de l’hôtel dans lequel les pourparlers vont se dérouler. Mais ces accords ne permettent ni l’affaiblissement ni le contrôle de la Résistance palestinienne. L’accord du Melkart est conclu le 17 mai 1973 après trois jours de négociations. Le colonel Ahmad el-Hajj, le colonel Nazih Rached (remplacé le 16 mai par le commandant Sélim Moghabghab) et le commandant Dib Kamal représentent la partie libanaise, et le commandant Abou-Zaïm, MM. Abou-Adnane et Salah Salah représentent la partie palestinienne. A travers l’accord du Melkart, les deux parties réaffirment leur soutien d’une part à la cause et à la lutte palestinienne, et d’autre part leur appui à l’indépendance du Liban, à sa souveraineté et à sa stabilité et ce conformément à l’accord du Caire et aux résolutions arabes prises par le Conseil de Défense Commune arabe. L’accord du Melkart est divisé en neuf parties qui traitent de la présence, de la circulation, de l’entraînement, des opérations militaires, du commandement militaire, de l’information, de la limitation des abus, des étrangers et de la coordination entre l’Etat libanais et la Résistance palestinienne. L’état d’urgence est aboli le 23 mai 1973 et le couvre-feu est levé le 9 juin. Le calme revient, mais la méfiance et la haine vont grandir et s’étendre. Cette période est une période de paix armée toujours ponctuée d’incidents armés. Le bilan des combats de mai 1973 selon des sources sécuritaires libanaises est de : 108 morts, 234 blessés, 1160 maisons détruites.

    Pour conclure cette partie, nous pouvons dire que les accords du Caire et du Melkart ont permis un abandon de la souveraineté libanaise sans qu’ils réussissent en contrepartie à assurer un contrôle de fait sur la Résistance palestinienne ou au moins à réaliser un équilibre dans les relations libano-palestiniennes. Au contraire, l’accord du Caire va modifier les structures des divers camps politiques en présence. Les palestiniens continuent à échapper au contrôle de l’Etat et à bénéficier d’un statut d’extraterritorialité malgré l’accord du Melkart. L’application des deux accords n’est pas possible faute de la présence d’une armée libanaise bien équipée capable d’imposer l’exécution de leurs clauses, et à cause du fractionnement des organisations armées palestiniennes en groupes antagonistes dont certains ne reconnaissent pas la validité de ces accords parce qu’ils considèrent qu’ils ne dépendent pas de l’OLP et rejettent son leadership. En dépit de l’abandon de souveraineté que comporte l’application des accords du Caire et du Melkart, le Liban les accepte afin de sauvegarder son unité nationale devenue précaire.

    Un an après la signature des accords du Melkart, à la mi-mai 1974, l’Etat libanais ne réagit pas à une sanglante attaque israélienne qui a lieu le 16 mai et qui fait 300 tués et blessés au Sud afin d’éviter une confrontation avec l’OLP. Le 29 mai 1974, le président Frangié déclare son intention de décréter une amnistie aux personnes arrêtées en mai 1973.

     

    2-2 : L’armée en 1975 face à la paralysie de l’Etat

     

    Le 24 janvier 1975, suite à l’intensification des attaques israéliennes sur le Sud du pays, Pierre Gemayel dénonce l’attitude passive de l’Etat face aux abus palestiniens. Il adresse un mémorandum au président Frangié qui va agrandir le clivage entre les libanais, qui sont déjà divisés sur le rôle que doit jouer l’armée dans la crise. Les chrétiens appuient l’armée alors que les musulmans et les partis de gauche critiquent son comportement et sa passivité face aux attaques israéliennes. De ce fait, l’armée libanaise solide et bien entraînée malgré son armement obsolète se retrouve paralysée. Pour éviter son éclatement, les politiques la maintiennent à l’écart des grandes crises internes. A la veille de la guerre civile, l’armée va mettre un terme à la République des hors-la-loi à Tripoli, mais le maintien de l’ordre est surtout confié aux Forces de Sécurité Intérieure (FSI).

     

    Les zones d’implantation des camps palestiniens

     

    Les palestiniens sont avantagés par leur implantation géographique au Liban. Certains de leurs camps sont de véritables forteresses militaires, comme celui de Tall el-Zaatar par exemple, qui contrôle la zone économique et industrielle de Mkallès. Ce camp est très fortement armés. C’est un lieu de repli en cas d’agression extérieure. Les fedayin de ce camp bénéficient d’une double protection procurée premièrement par la présence de civils innocents parmi eux qu’ils peuvent utiliser comme boucliers humains, et deuxièmement ils ont construit des sous-sols de plus de cinq niveaux dans certains endroits exposés, ce qui les rend invulnérables aux impacts des différentes armes lourdes en possession de leurs adversaires.

    La chose la plus grave et la plus dangereuse est que les camps palestiniens sont implantés dans la périphérie des grandes villes libanaises. Ceci leur permet en cas de danger imminent d’encercler ces villes et de les étouffer à travers le contrôle des principales voies de communication. Nous pouvons compter à la veille de la guerre huit camps et zones d’influence palestinienne autour de Beyrouth : Dbayé qui permet le contrôle de l’autoroute littorale qui relie la capitale au Nord du pays ; la Quarantaine à l’est qui permet le contrôle de la même autoroute. Tall el-Zaatar et Jisr el-Bacha au Sud-Est permettent le contrôle de la route de Damas. Mar-Elias, Sabra, Chatila et Bourj-Brajné au Sud de Beyrouth permettent de contrôler les routes allant vers le Sud, vers l’Aéroport International de Beyrouth (AIB) et vers le palais présidentiel de Baabda. A Tripoli, nous avons les camps de Beddaoui et Nahr el-Bared. A Baalbeck, le camp Wavell. A Saïda, Miyé-Miyé et Aïn el-Héloué. A Tyr, le camp El-Baath, Bourj el-Chémali et Rachidiyé. Tous ces camps qui encerclent la plupart des grandes villes libanaises sont dotés d’armements modernes et sophistiqués.

     

    La manifestation des pêcheurs de Saïda et les premières étincelles de la guerre libanaise

     

    La première étincelle de la guerre civile libanaise est déclenchée à Saïda, le 26 février 1975, lord d’une manifestation de pêcheurs qui s’estiment lésés par la création d’une société de pêche industrielle, Protéine, dont le PDG n’est autre que l’ancien président Camille Chamoun. Saïda n’est pas la seule ville où des manifestations de pêcheurs ont lieu. A Tripoli, les pêcheurs manifestent sans incidents et sans parvenir à mobiliser grand monde. A Saïda également, la mobilisation n’est pas massive, mais la manifestation a une autre ampleur, car « les pêcheurs y forment une corporation cohésive et très agissante, centrale dans l’imagerie populaire[22] ». Les pêcheurs utilisent des bâtons de dynamite qu’ils vont lancer en l’air de façon intermittente pour provoquer une tension sécuritaire dans la ville et pousser les commerçants à fermer leurs boutiques et à se rallier à l’ordre de grève générale. Les routes de Beyrouth et de Tyr sont coupées depuis l’aube par des pneus enflammés. Les autorités décident de faire appel à l’armée qui se déploie en force dans la ville. Des automitrailleuses patrouillent dans les rues de la ville pour tenter de les rouvrir à la circulation. Les soldats dispersent un premier rassemblement dans la rue Riad el-Solh principale artère de Saïda. Un peu plus tard, la manifestation des pêcheurs partie du Port arrive dans la rue Riad el-Solh. Des militants des partis de gauche et des palestiniens accompagnent les manifestants. En tête du cortège composé de près de 200 personnes marchent les deux leaders rivaux de la ville, le député Nazih Bizri et son prédécesseur Maarouf Saad. En arrivant à la rue Riad el-Solh, les manifestants s’excitent à la vue des véhicules blindés de l’armée qui leur font face et se dirigent vers eux pour tenter de les disperser. Des bâtons de dynamite sont lancés par les pêchers en direction des blindés et au moment où la manifestation atteint le niveau de la municipalité de Saïda, des coups de feu retentissent, mêlés au bruit des explosions des bâtons de dynamite. Maarouf Saad est gravement atteint et s’effondre. Quatre autres personnes sont atteintes par les tirs. Pendant que Maarouf Saad est évacué vers l’Hôpital de l’Université Américaine à Beyrouth à cause de la gravité de ses blessures, la situation sécuritaire se dégrade à Saïda et ne tarde pas à devenir incontrôlable. La ville est secouée par les explosions de dynamite, les tirs d’armes automatiques et les tirs de roquettes antichars RPG qui atteignent une jeep et un camion-citerne de l’armée, provoquant la mort d’un sous-officier et deux soldats blessés. Les partis de gauche considèrent que l’armée a tiré sur la manifestation avec l’intention d’assassiner Maarouf Saad. Certains témoins de l’incident affirment la présence en vis-à-vis du cortège d’une jeep derrière laquelle se trouvait retranché le soldat qui a tiré. Le député Bizri souligne lui aussi la responsabilité de l’armée. Cette dernière ne rejette pas l’accusation immédiatement, et dans un premier temps cherche à se justifier en rappelant que la manifestation n’était pas autorisée et qu’une jeep et un camion-citerne de l’armée avaient été attaqués. Un communiqué émanant du ministère de la Défense admet dans un premier temps que Maarouf Saad a été blessé par les tirs des soldats libanais, mais affirme que ces derniers n’ont ouvert le feu qu’après que leurs véhicules blindés n’aient été attaqués. Cependant, le commandement de l’armée va rapidement changer de version et présenter une expertise balistique qui prouve que les balles qui ont atteint Maarouf Saad n’ont pas été tirées par la troupe, cette dernière n’étant pas équipée d’armements du même calibre que celui retiré du corps de Saad. Ceci laisse apparaître l’existence d’un véritable complot contre l’armée. Cette hypothèse du complot est étayée par la rapidité avec laquelle la ville de Saïda est passée à une situation insurrectionnelle avec utilisation d’armes automatiques et de lance-roquettes antichars. L’attaque des véhicules de l’armée est le premier incident du genre depuis les combats entre l’armée et les fedayin en mai 1973. « On peut évidemment expliquer ce développement par l’effervescence que suscita la nouvelle que le leader nassérien avait été blessé. Mais si les armes furent utilisées aussi vite après les tirs contre la manifestation –une heure sépare les deux incidents – c’est qu’elles étaient déjà à portée de main[23] ».

    Concernant les éléments armés qui se sont répandus dans la ville pour s’opposer à l’armée, la Résistance palestinienne et les mouvements de gauche libanais dont les militants reçoivent un entraînement militaire dans les camps d’entraînement palestiniens sont présents en force à Saïda. Nous pouvons qualifier les événements de Saïda d’émeute armée. Ce qui montre l’affaiblissement de l’armée à Saïda, c’est qu’après l’attaque contre le jeep militaire il faut attendre l’intervention d’une patrouille du CLAP pour évacuer le véhicule touché ainsi que les militaires atteints. Pendant que les sections locales du Mouvement National libanais réclament le retrait immédiat de l’armée de la ville de Saïda et de ses environs, les dirigeants du Mouvement National à Beyrouth cherchent à prévenir l’escalade. C’est ainsi que dans une première déclaration Kamal Joumblatt affirme que l’armée a été contrainte de riposter à des tirs provenant des bâtiments voisins et qu’elle a su maîtriser ses nerfs. Il ajoute que le Mouvement National libanais est prêt à envoyer une délégation à Saïda pour éviter l’escalade. Le Premier ministre Rachid el-Solh va reconnaître devant une délégation de Saïda avoir décidé lui-même de faire appel à l’armée après avoir été informé tôt le matin que les manifestants avaient coupé les routes et que les Forces de Sécurité Intérieure et la gendarmerie n’étaient plus en mesure de contrôler la situation. Puis quelques heures plus tard, le soir du 26 février, il donne des ordres afin que l’armée se retire de Saïda.

    Le 1er mars 1975, le ministre de l’Economie Abbas Khalaf se rend à Saïda pour y rencontrer le Comité des 26. Sa mission consiste à obtenir la fin de la grève générale dans la ville. Pendant la réunion, l’armée investit la ville en force. La mission du ministre tourne court, et ce dernier se voit menacé d’être pris en otage par certains participants qui se sont sentis trahis. Il est apparu plus tard que le chef du gouvernement a donné le feu vert à une intervention de l’armée qui avait pour but de rouvrir les routes, mais que ce dernier n’a pas été informé du timing de la mission et n’a reçu aucun détail de la part du commandement de l’armée. Au début de l’offensive, les unités de l’armée ne se heurtent à aucune résistance notable excepté un accrochage sur la rivière Awali avec une position palestinienne qui a été surprise car elle ne s’attendait pas à une attaque. Passé le premier moment de surprise, les miliciens progressistes et palestiniens se déploient dans les rues de Saïda et attaquent les unités de l’armée sans en avoir reçu l’ordre de leurs chefs à Beyrouth. Les affrontements durent près de 24h et se soldent par un lourd bilan : 16 tués (5 militaires et 11 civils). Ils ne prennent fin qu’après l’intervention des responsables de la Résistance palestinienne venus exprès à Saïda. Un comité de coordination libano-palestinien est chargé de rétablir le calme. L’accord conclu stipule le retrait total de l’armée libanaise de Saïda et de ses environs. Mais le lendemain, un camion militaire est attaqué à l’entrée de la ville et un militaire est tué et 28 autres blessés. L’incident est circonscrit rapidement et le responsable de l’attaque est remis aux autorités. La tension s’étend rapidement vers d’autres régions du pays où des manifestations anti-armée ont lieu. Les réactions des partis chrétiens aux manifestations anti-armée sont importantes. Ces derniers affirment leur solidarité et leur soutien à l’armée ce qui la rend partiale et alliée au camp chrétien aux yeux des palestiniens et des progressistes. Le 4 mars 1975, des manifestations et des grèves estudiantines de soutien à l’armée se déroulent dans la plupart des localités chrétiennes et à Beyrouth. Le lendemain, une grande manifestation nationale qui réunit plusieurs milliers d’étudiants et de lycéens parcourt les quartiers chrétiens de la capitale précédée par des motards de la police. Aux côtés des militants des sections estudiantines des Phalanges, du PNL et du Bloc National habituellement actifs dans les universités et les lycées, il y a beaucoup de jeunes filles venues en uniformes de leurs collèges religieux avec l’accord des religieuses, et beaucoup d’adolescents sont amenés de leur village par les cars scolaires. Le Liban maronite descend dans son ensemble dans la rue pour exprimer son appui à l’armée. Les partis qui encadrent et organisent ces manifestations enregistrent un franc succès. Leurs efforts de mobilisation des jeunes s’accompagnent de quelques incidents dans les zones mixtes dont le plus grave est un accrochage armé à Mreijé, une région à population mixte. Il faut noter également l’apparition de miliciens armés à certains carrefours qui vont commettre quelques bavures. Par exemple, Samir Kassir rapporte le fait suivant : « un automobiliste fut blessé en passant devant un barrage d’éléments armés à Tabaris, aux portes du quartier chrétien d’Achrafieh[24] ». Les leaders chrétiens et notamment Pierre Gemayel et Camille Chamoun s’accrochent à l’armée et opposent une fin de non recevoir à toute revendication de changement et de modification dans les structures étatiques et toute remise en cause de l’armée. Ils refusent de voir dans les événements de Saïda autre chose qu’une ingérence palestinienne qui demande une condamnation unanime de la part de tous les libanais. Le 5 mars 1975, le ministre sunnite Malek Salam démissionne en donnant comme raison à cela que pendant les affrontements du 1er mars le chef du gouvernement n’a pas pu entrer en contact avec le commandant en chef de l’armée et qu’aucune sanction n’a été prise contre ce dernier. L’attitude du ministre traduit le sentiment des dirigeants sunnites traditionnels qui s’estiment bafoués par le comportement de l’armée qui a porté atteinte à l’autorité du Premier ministre et à sa fonction. La polémique de la « participation » est relancée par les leaders sunnites et notamment Saëb Salam et Rachid Karamé. Ces derniers proposent une démission simultanée du gouvernement et du commandant en chef de l’armée. La gauche et Kamal Joumblatt en particulier sont également concernés par la nécessité de la réorganisation de la loi sur l’armée. C’est ainsi que Joumblatt présente au chef de l’Etat un projet de loi portant sur la réorganisation de l’armée qui prévoit la création d’un Conseil de Commandement. La crise politique ainsi instaurée n’entraînera pas la démission immédiate du gouvernement, mais le Conseil des ministres est incapable de proposer une issue à la crise à l’exception de quelques mutations d’officiers et de hauts fonctionnaires. C’est dans cette optique que le commandant de la région militaire du Sud est muté ainsi que le chef du service de renseignements de l’armée au Sud. Le mohafez de Saïda est mis en congé en attendant une nouvelle mutation. Enfin, le 6 mars 1975, Maarouf Saad meurt à l’Hôpital de l’Université Américaine (AUH) des suites de ses blessures. Lors de son enterrement, son cercueil sera enveloppé dans un drapeau palestinien et la sécurité de la cérémonie sera assurée par des unités du CLAP.

    Nous pouvons donc constater que l’armée est neutralisée bien avant le déclenchement de la guerre civile au Liban, et que son intervention dans un conflit interne devient problématique voire impossible après la division de la société libanaise soit apparue au grand jour. En effet, les chrétiens défendent l’armée et la soutiennent, alors que les partis progressistes et les musulmans affirment que cette dernière est l’armée des chrétiens. Le recours à l’armée sans le consentement des musulmans et du Mouvement National devient impossible, et ces derniers affirment à plusieurs reprises leur refus de voir l’Etat recourir à l’armée dans des affaires de sécurité interne.

     

    Le déclenchement de la guerre civile libanaise : 13 avril 1975

     

    Le dimanche 13 avril 1975, pendant l’inauguration d’une église dans le quartier populaire de Aïn el-Remmaneh en la présence de Pierre Gemayel, une voiture Fiat transportant des éléments armés palestiniens ne se soumet pas aux ordres des Forces de Sécurité Intérieure qui ont établi des barrages pour éviter les provocations et force le passage. A peine la moitié de la rue Pierre Gemayel franchie, des coups de feu sont échangés avec des éléments Kataëb du quartier. Le bilan du raid : un fedayin blessé et un phalangiste, Joseph Abou Assi, décédé. C’est dans ce climat explosif qu’un autobus transportant des palestiniens qui reviennent d’un défilé militaire à Chiyah et se dirigeant vers Tall el-Zaatar est pris sous un feu nourri alors qu’il traverse la localité de Aïn el-Remmaneh. 27 passagers sont tués, 19 blessés. Dès que la nouvelle du mitraillage du bus est connus, des incidents éclatent et des coups de feu sont tirés. Les éléments armés des diverses parties au conflit se déploient dans les divers quartiers de Beyrouth.

    « Le dimanche 13 avril 1975 à 14h, le chef de section de la Gendarmerie à Furn el-Chebback adressa à la Direction Générale des Forces de Sécurité Intérieure le message suivant :

    « Suite à notre message numéro 2668 datant d’aujourd’hui même, nous avons barré la rue Mar-Maroun de Aïn el-Remmaneh à l’aide de deux patrouilles afin d’empêcher le passage des éléments des organisations palestiniennes ; mais une voiture Fiat transportant des éléments armés ne se soumit pas aux ordres et força le passage. A peine avait-elle franchi la moitié de la rue signalée qu’il y eut des coups de feu échangés avec des éléments du quartier. Le bilan en fut : un fedayin blessé ainsi qu’un phalangiste du nom de Joseph Abou Assi. L’on raconte que ce dernier avait trépassé ; on signale aussi sur la place un autobus contenant des blessés et des morts ; nous n’avons pas pu l’atteindre à cause de l’intensité des coups de feu… Sur le plan de la sécurité, il règne une très forte agitation susceptible d’entraîner le pays dans des événements sanglants… Cette agitation s’amplifie de plus en plus et nécessite une intervention rapide au plus haut niveau afin de circonscrire l’incident… Nous vous tiendrons au courant de la suite des événements. Signé Abdel-Sater[25] ».

    La guerre civile libanaise vient de commencer avec son cortège de désolations et de destructions. Le soir même, les combats débutent entre Chiyah et Aïn el-Remmaneh. Au début, la guerre du Liban commence par des rounds de violence meurtrière suivis d’accalmies. Nous pouvons compter quatre rounds avant que la guerre ne s’installe définitivement pour faire partie de la vie quotidienne des libanais.

    C’est ainsi que le premier round commence le soir du 13 avril 1975. De violents affrontements ont lieu dans la banlieue de Beyrouth (Dékouané, Tall el-Zaatar, Aïn el-Remmaneh, Chiyah, Haret-Hreik) tandis qu’à Tripoli, Saïda et d’autres villes de province une grève générale est décrétée et accompagnée d’incidents. Pour tenter de calmer les choses le secrétaire général de la Ligue Arabe Mahmoud Rias se rend dès le 14 avril à Beyrouth pour voir ce qu’il peut faire et les Kataëb livrent aux Forces de Sécurité Intérieure les deux militants accusés d’avoir participé à la fusillade de Aïn el-Remmaneh. Ceci ne change rien et les combats se poursuivent en devenant de plus en plus violents avec l’apparition dans les deux camps de mortiers et de roquettes. Enfin, un cessez-le-feu est conclu le 16 avril mais la situation reste tendue. Cette première flambée de violence est suivie d’une crise politique. Le 7 mai 1975, les deux ministres membres du parti Kataëb du Cabinet Rachid el-Solh démissionnent. Ce dernier voyant son Cabinet couler, il décide de démissionner le 15 mai devant la Chambre des députés. Solh en profite pour prononcer un réquisitoire contre les Kataëb et l’armée libanaise et réitère les revendications de la communauté musulmane. La démission du Cabinet Solh relance les combats, et le président Frangié décide de confier la formation d’un nouveau gouvernement, qui sera un gouvernement de militaires, au générale de gendarmerie à la retraite Noureddine Rifaï. Ce gouvernement a pour mission principale de ramener le calme et la paix dans le pays, sa mission est donc essentiellement sécuritaire. Soumis à des pressions exercées sur lui par les communautés musulmanes, le Cabinet de militaires ne dure que trois jours (du 23 au 26 mai 1975) puis est obligé de démissionner. En effet, les musulmans du Liban reprochent au président Frangié d’avoir formé un gouvernement sans les avoir consultés, « contrairement aux principes de démocratie parlementaire, aux us et coutumes employés depuis l’établissement de la Constitution de 1926[26] ». C’est à ce moment que la Syrie fait son entrée sur la scène politique libanaise à travers son ministre des Affaires Etrangères Abdel-Halim Khaddam, et pousse le président Frangié à confier la formation d’un nouveau gouvernement à Rachid Karamé le 26 mai 1975. Ce n’est que le 30 juin que Karamé parvient à former son gouvernement qui se compose de six ministres et que l’on nomme gouvernement de salut national. Camille Chamoun accepte le portefeuille de ministre de l’intérieur, alors que Karamé se réserve celui de la Défense. La formation du Cabinet d’Union Nationale entraîne la conclusion d’un accord de cessez-le-feu le 1er juillet 1975, toujours sous l’égide de Khaddam. Cet accord prévoit notamment le démantèlement des barricades, le retrait des armes lourdes et l’installation des Forces de Sécurité Intérieure dans les zones d’affrontements. En effet, Rachid Karamé refuse catégoriquement d’avoir recours à l’armée dans des tâches répressives en l’absence d’un consentement de toutes les parties et la confiance de tous. D’après lui, l’intervention de l’armée dans un combat civil ne peut donner les résultats escomptés, bien au contraire, car avec tout ce qui s’est produit par le passé cette intervention nuirait à l’intérêt du pays. Toujours d’après M. Karamé, l’intervention de l’armée dans les circonstances que traverse le Liban n’est pas en mesure de trancher la question d’autant plus que l’armée, ultime carte entre les mains de l’Etat, ne peut être utilisée dans une opération dont le succès n’est pas assuré et que son intervention ne peut qu’accentuer la crise. Le veto de Rachid Karamé –Premier ministre et ministre de la Défense ainsi que représentant des communautés musulmanes au pouvoir –à l’intervention de l’armée dans la solution de la crise a paralysé l’institution militaire dans son rôle de force d’intervention pour assurer la sécurité de l’Etat (ni l’état d’urgence n’est proclamé et ni le couvre-feu est établi malgré l’état sécuritaire qui prévaut).

     

    La trêve de l’été

     

    En juillet 1975, les combats s’arrêtent totalement sur tous les fronts. C’est la trêve de l’été. Le Cabinet Karamé consacre toute son énergie à rétablir l’ordre et la sécurité dans le pays. Les Forces de Sécurité Intérieure se déploient partout, les plages et les rues de Beyrouth connaissent de nouveau l’affluence et les embouteillages mais les rues se vident au coucher du soleil. Sur le plan politique, le 18 août 1975, la tension monte après la demande des progressistes d’abolir le confessionnalisme politique, de préparer une nouvelle loi électorale et de réorganiser l’armée libanaise. En effet, les Kataëb s’opposent à toute révision de la Constitution et appuient une laïcisation totale de l’Etat, chose contraire aux préceptes de l’Islam.

     

    Le quatrième round

     

    Le 28 août, les combats reprennent en province à Zahlé (40 morts entre le 28 août et le 2 septembre) et à Tripoli entre tripolitains et zghortiotes. Le 7 septembre 1975 un zghortiote massacre 13 tripolitains pour venger la mort de son frère, ce qui déclenche la reprise des combats. L’armée libanaise intervient alors, mais cela n’empêche pas les combats de s’étendre. Cette intervention de l’armée au Nord suscite le mécontentement des palestino-progressistes et de la gauche, qui lancent un appel à la grève générale pour la journée du 15 septembre. Cet appel à la grève est accompagné par des affrontements entre Dékouané et Tall el-Zaatar et le 16 septembre les fronts de Chiyah –Aïn el-Remmaneh, Nabaa –Sinn el-Fil et Nasra –Berjaoui qui s’embrasent.

     

    Destruction du centre-ville et ouverture du front des grands hôtels

     

    Devant le refus du ministre de la Défense Rachid Karamé de faire intervenir l’armée à Beyrouth, les Kataëb lancent dans la nuit du 17 septembre une violente attaque dans le centre-ville où la plupart des magasins sont incendiés. L’offensive est marquée par des enlèvements à caractère confessionnel et par l’activité intense des francs-tireurs. Le 24 septembre un cessez-le-feu est conclu après l’intervention de Abdel-Halim Khaddam, mais les 26 et 30 septembre il est rompu et les enlèvements se multiplient. Les combats dans le centre-ville entraînent la destruction totale des vieux souks. Les pompiers libanais qui tentent d’éteindre les incendies du centre-ville sont rapidement débordés et obligés de faire appel à leurs confrères syriens. Des pillages ont lieu dans les magasins du centre-ville, et pour camoufler les vols les pilleurs brûlent les magasins.

    Le 1er octobre 1975 les combats reprennent et atteignent leur paroxysme le 8 du mois avec leur extension à Tripoli et l’apparition des premières dissensions au sein de l’armée dans les unités qui interviennent dans le Nord du pays. Fin octobre, les combats reprennent à Beyrouth suite à la découverte à Achrafiyeh du corps du frère d’un responsable de la Saïka. C’est l’ouverture du front des grands hôtels. De véritables batailles de rues ont lieu à Kantari et les palestino-progressistes occupent le quartier le 25 octobre. Les Kataëb sont contraints de se replier sur le Hilton, le Phoenicia, le Holiday Inn, le Saint-Georges et l’immeuble Starco. Les tirs directs des palestino-progressistes installés dans la tour Murr qui surplombe une grande partie du secteur chrétien de la capitale entraînent la destruction progressive des hôtels.

    Le 27 octobre 1975 de violents combats éclatent à Zahlé et dans les alentours de Damour. Le 1er novembre le 12e cessez-le-feu depuis le début des événements est conclu. Cet accord prévoit l’organisation de patrouilles mixtes libano-palestiniennes, le démantèlement des barricades, le retrait de tous les combattants de Beyrouth, de Zahlé et de Damour. Ce cessez-le-feu est compromis le 6 novembre par un débarquement d’armes destinées aux Kataëb à l’Aquamarina. Karamé en sa qualité de ministre de la Défense demande à l’armée de perquisitionner le navire suspect et de mettre la main sur l’armement qu’il pourrait transporter. Plus tard, il accuse l’armée de ne pas avoir exécuté ses ordres de saisir la cargaison. Ceci va provoquer la reprise des combats le 12 novembre qui vont être accompagnés d’enlèvements confessionnels à Beyrouth et au Nord.

     

    Massacre de Damour

     

    En réponse au siège des camps palestiniens situés à Beyrouth-Est (Dbayé, Quarantaine, Tall el-Zaatar) par les milices chrétiennes du Front Libanais, les palestino-progressistes assiègent la ville chrétienne de Damour le 13 janvier 1976. Le 14 janvier le camp de Dbayé tombe entre les mains des miliciens chrétiennes et les palestino-progressistes encerclent Zahlé et Zghorta. Le 18 janvier l’armée de l’air libanaise intervient sans succès pour tenter de dégager les palestiniens des alentours de Damour assiégé ce qui pousse le président du Conseil des ministres Rachid Karamé à présenter sa démission. Les Kataëb investissent le 19 janvier le camp de la Quarantaine qui est rasé et ses 20000 habitants sont envoyés à Beyrouth-Ouest. La bataille fait entre 600 et 1000 morts. En riposte à la chute du camp de la Quarantaine les palestino-progressistes entrent à Damour et à Jiyé le 20 janvier 1976. Les deux villages sont pillés et détruits, 500 habitants sont tués. Quelques 1000 personnes s’enfuient alors et se réfugient à Saadiyate dans l’enceinte du palais de Camille Chamoun. Ce dernier présent sur place demande à l’armée d’intervenir pour protéger les civils. Il est ensuite évacué en hélicoptère militaire vers Beyrouth pour tenter de négocier une solution, et laisse sur place son fils Dany avec une poignée de partisans du PNL pour protéger les civils. Rejoints par une unité de commandos et menacés de mort par les palestiniens, Dany Chamoun et ses miliciens revêtent des uniformes de l’armée pour passer inaperçus et sont évacués après avoir sécurisé le départ des réfugiés civils sur des petites embarcations de pêche vers Beyrouth.

     

    Un recours partiel à l’armée au cours des premiers mois de combat

     

    Nous avons évoqué plus haut la réticence des musulmans à faire intervenir l’armée dans le conflit libanais. Les chrétiens quant à eux sont favorables pour faire intervenir l’armée soit pour défendre les institutions de l’Etat (opinion des Kataëb), soit pour ramener les diverses parties à la raison (opinion du Patriarche maronite Khreich), soit encore pour sauver la vie et les biens des libanais (opinion du PNL). Les partisans de l’intervention de l’armée sont satisfaits en partie lorsque le gouvernement a recours à la troupe pour appuyer les Forces de Sécurité Intérieure ou pour former une zone-tampon entre les zones de combat et pour assurer l’ordre public.

                a)Le recours à l’armée pour appuyer les Forces de Sécurité Intérieure

    Le recours à l’armée à Beyrouth durant le mois de janvier 1976 pour appuyer les Forces de Sécurité Intérieure a été inutile. Malgré le fait que 400 soldats équipés de véhicules blindés sont mis à la disposition du ministre de l’Intérieur pour former une force de frappe, les combats ne cessent pas dans la capitale avant le 22 janvier 1976. La mission de l’armée est d’effectuer des patrouilles dans la capitale sans pour autant avoir l’autorisation d’intervenir contre les combattants. Le ministre de l’Intérieur Camille Chamoun est insatisfait du nouveau rôle dévolu à l’armée et considère que les militaires sont intervenus non dans une mission militaire mais dans une mission de force de police.

                b)Le recours à l’armée comme zone-tampon entre les zones de combat

    Le déclenchement des hostilités dans le Nord du Liban en septembre 1975 entre Zghorta et Tripoli fiefs respectifs du président de la République Sleimane Frangié et du président du Conseil Rachid Karamé, a conduit le gouvernement à demander à l’armée de s’interposer et de former une zone-tampon entre les deux villes. C’est ainsi que le 31 décembre 1975 des unités de l’armée s’interposent entre Zghorta et Tripoli sans toutefois être chargées de rétablir l’ordre à l’intérieur des deux villes.

                c)Le recours à l’armée pour rétablir l’ordre public dans une région déterminée

    Après la trêve estivale de juillet-août 1975 la guerre reprend en septembre à partir de la région de la Békaa. Le Conseil des ministres charge l’armée le 23 décembre 1975 d’assurer l’ordre dans la ville de Zahlé. Le déploiement de l’armée dans cette ville ne donne pas de résultat meilleur que dans les cas précédents. Au contraire, les premiers signes de dissidences au sein de l’armée libanaise sont remarqués au cours des combats qui éclatent entre Zahlé et la plaine de la Békaa. En effet, le mouvement du lieutenant Ahmad el-Khatib voit le jour dans cette région et la participation aux combats des officiers subalternes nouvellement gradés suivant leurs appartenance militaire démontre clairement que l’armée est en voie d’effritement.

     

    2-3 : L’armée en 1976 : division en plusieurs « armées »

     

    L’armée libanaise de 1975-1976 est formée de 15000 à 16000 hommes de différentes confessions. Il faut noter ici que cette armée n’est pas équilibrée du point de vue confessionnel puisque nous constatons que « 65% des officiers sont chrétiens et 35% sont musulmans[27] », et que les hommes de troupe musulmans sont plus nombreux que les hommes de troupe chrétiens. Ce déséquilibre va se faire sentir lors de la dislocation de l’armée. Cette dislocation va se faire en trois étapes : il y aura d’abord des défections individuelles de militaires, puis la division de l’armée libanaise après le mouvement du lieutenant Ahmad el-Khatib.

                1-Les défections individuelles

    Une commission spéciale chargée d’enquêter sur l’ampleur des défections au sein de l’armée libanaise présente le 3 janvier 1976 son rapport au commandement de l’armée. Ce rapport révèle que 850 militaires (officiers, sous-officiers et soldats) ont déserté leurs unités. Il montre que le taux de défection (5%) reste négligeable 8 mois après le début des hostilités par rapport aux Forces de Sécurité Intérieure qui ont un taux de défection de 24% dans leurs rangs. En effet, selon les rapports du moment, 1800 membres des FSI sur les 7500 que comptait la Direction Générale des Forces de Sécurité Intérieure sont portés absents. Ce n’est qu’à partir de la dernière semaine de janvier 1976 et avec le début de l’occupation des casernes militaires par le lieutenant Ahmad el-Khatib et ses hommes que les défections au sein de l’armée connaissent une plus grande ampleur. De nombreux militaires et notamment des officiers supérieurs décident de quitter le pays ou de rester chez eux. Le mouvement du lieutenant Ahmad el-Khatib divise l’armée libanaise.

                2-Le mouvement du lieutenant Ahmad el-Khatib et la division de l’armée libanaise en plusieurs « armées »

    Le 21 janvier 1976 le lieutenant Ahmad el-Khatib fonde l’Armée du Liban Arabe dans la Békaa. La rébellion du lieutenant Khatib reflète un sentiment de révolte chez la nouvelle génération d’officiers musulmans qui contestent les déviations au niveau du commandement militaire ainsi que sa composition sectaire et la non appartenance militaire du Liban au monde arabe à travers sa non participation aux conflits israélo-arabes qui se sont produits depuis 1948. Ces derniers réclament l’équilibre confessionnel au sein de l’armée. L’Armée du Liban Arabe est constituée de jeunes officiers musulmans et notamment : le sous-lieutenant Bassam Delbé (chef des opérations de l’ALA), les lieutenants Mouïne Hatoum et Omar Abdallah[28]. Il ne fait aucun doute que la création de l’ALA fait partie du jeu politique des palestiniens. En effet, le lieutenant Khatib est un sunnite pro-palestinien qui est soutenu par les organisations du Front du Refus et par la Libye. Son mouvement est étroitement lié du point de vue stratégique aux Mourabitoun de Ibrahim Koleilat, à l’Irak et au Mouvement National libanais. Le lieutenant Khatib déclarera même que l’Armée du Liban Arabe est l’armée du Mouvement National libanais. Le mouvement du lieutenant Khatib va détourner une partie importante du matériel militaire de l’armée libanaise. Au début ses troupes sont stationnées dans la Békaa et mènent le combat aux côtés des palestiniens.

    Le processus de désintégration de l’armée est enclenché et va s’accélérer lorsque le 5 mars 1976 quelques 200 soldats chrétiens de la caserne de Sarba près de Jounié forment l’Armée de Libération Libanaise avec l’intention d’aller défendre le village de Kobeyate (Akkar) dont ils sont originaires et qui se trouve attaqué par une unité de l’Armée du Liban Arabe dirigée par le commandant Ahmad Maamari. Ces soldats se déploient sur la route Beyrouth –Tripoli et ils procèdent à des enlèvements de tripolitains. Le calme va revenir à Kobeyate après qu’une force conjointe de l’armée libanaise et de l’Armée de Libération de la Palestine (ALP) se soit interposée. Mais la situation est tendue à Tripoli, et des combats entre soldats chrétiens et musulmans dans les casernes de Tripoli favorisent la dissidence de l’ALA qui est rejointe par de nombreux soldats musulmans des garnisons du Nord. C’est dans ce contexte que la guerre des casernes s’étend au Sud. Le 8 mars, la garnison du château de Beaufort[29] se rallie à l’ALA. Le lendemain, c’est la caserne de Rachaya et le 10 la caserne d’Ablah et la Base Aérienne de Rayak qui se trouvent dans la Békaa qui proclament leur ralliement à l’ALA. Le même jour, les casernes de Khiam et de Marjeyoun tombent aux mains des militaires de l’ALA après des combats féroces, provoquant une nouvelle scission au sein de l’armée libanaise puisque les militaires chrétiens de cette région, voyant leurs routes de communication avec la capitale et avec leur commandement général coupées, vont se tourner vers Israël. Après ces ralliements et ces conquêtes, l’ALA compte quelques 2000 hommes (soldats, sous-officiers et officiers jusqu’au grade de commandant). Nous pouvons constater ici que l’occupation des casernes de l’armée libanaise par l’ALA va se faire sous deux formes : l’une pacifique par des ralliements volontaires de casernes entières, l’autre par la force des armes après d’âpres combats entre soldats musulmans et chrétiens d’une même caserne. C’est ainsi que l’occupation des casernes Emile Hélou à Beyrouth le 21 janvier 1976, de Hasbaya au Sud le 23 janvier 1976, de Rachaya au Sud le 9 mars 1976, de la caserne Mohammad Zgheib à Saïda le 12 mars 1976, des casernes de Adloune et de Benoît Barakat à Tyr le 12 mars 1976 se fait pacifiquement. Mais l’occupation des casernes de Khiam au Sud le 10 mars 1976 et des casernes de Nabatiyeh et de Marjeyoun le 11 mars 1976 se fait par la force des armes. Le commandant Ahmad Maamari[30] aide le lieutenant Ahmad el-Khatib à diviser l’armée libanaise au Nord du pays en occupant la caserne Hanna Ghostine à Aramane et l’aéroport militaire de Kleyaate le 10 mars 1976 et en attaquant les casernes Bahjat Ghanem et Youssef Halayel également le 10 mars 1976.

     

    Le coup d’Etat télévisuel du général Aziz el-Ahdab[31] et ses conséquences

     

    A partir du 10 mars 1976 on remarque une certaine irritation au sein de l’armée libanaise. Le commandant en chef de l’armée le général Hanna Saïd lance le 10 mars un appel aux militaires amnistiant les déserteurs et les invitant à rejoindre leurs casernes. Le commandant des Forces Aériennes libanaises le colonel Georges Gharib demande lui aussi dans une déclaration du même jour aux autorités responsables d’amnistier les déserteurs et de former un gouvernement équilibré et libéral qui pourra sauver la situation, tout en rappelant que le Liban ressemble à un avion et qu’il lui faut ses deux ailes pour voler. Le même jour, 70 officiers supérieurs du commandement de l’armée font une déclaration qui insiste sur la nécessité de sauvegarder l’unité du pays, armée et peuple, et de trouver une solution équitable et rapide qui peut faire sortir le pays du pétrin dans lequel il se trouve. 250 officiers (lieutenants et commandants) signent le 10 mars également un Document d’Honneur qui met plus particulièrement l’accent sur le rôle de l’armée dans la défense du territoire et dans la sauvegarde de la sécurité de l’Etat[32].

     

    Le coup d’Etat du brigadier Aziz el-Ahdab[33] et ses conséquences

     

    Le 11 mars 1976 à 20h35 le brigadier Aziz el-Ahdab entre dans les locaux de la Compagnie Libanaise de Télévision (CLT) « accompagné d’une escorte militaire palestinienne procurée par Abou Hassan chef des services de renseignement de la Résistance palestinienne[34] » et prononce à 21h le communiqué numéro 1, généralement signe avant-coureur d’un coup d’Etat. Il commence par un préambule dans lequel il justifie son action par l’urgence de sauver la patrie et de rétablir l’unité de l’armée. Le brigadier Ahdab qui commande la place militaire de Beyrouth se donne le titre de « gouverneur militaire provisoire » et fait la lecture d’un communiqué en 13 points dont les trois principaux sont : l’appel au président Sleimane Frangié de démissionner en imitant l’exemple de Béchara el-Khoury en septembre 1952, la convocation de la Chambre des députés dans un délai de sept jours afin qu’elle élise un nouveau président de la République et la démission du gouvernement dans un délai de 24h. A la fin de son communiqué, le brigadier Ahdab rassure les téléspectateurs en disant qu’il n’aspire pas au pouvoir, qu’il n’est pas partisan du pouvoir militaire et qu’il livrera le pouvoir aux nouvelles autorités civiles dès qu’elles auront été élues.

    Il est difficile de savoir si le commandement de l’armée a approuvé ou non le coup d’Etat du brigadier Ahdab, puisque ce dernier n’émet pas de communiqués en ce sens. Nous sommes à même de nous poser la question de savoir si le coup d’Etat du brigadier Ahdab commandant la place de Beyrouth est réellement un coup d’Etat ou si c’est un coup de force militaire.

    a)Un coup d’Etat ?

    Au cours de sa première conférence de presse qui se tient le 12 mars 1976 au siège du commandement de la place de Beyrouth, le brigadier Ahdab se défend d’avoir exécuté un coup d’Etat en précisant que son objectif (annoncé dans le communiqué numéro 1) est de « sauver le pays et de rétablir l’unité de l’armée, et non pas d’instituer un pouvoir militaire[35] ». Le soulèvement militaire du brigadier Ahdab a quelques ressemblances avec un coup d’Etat : proclamation de l’état d’urgence sur tout le territoire national, établissement d’un couvre-feu[36], annonce de communiqués et de ralliements[37] et formation d’un Conseil de commandement[38]. Le 13 mars 1976, des accrochages ont lieu entre les militaires de la caserne de Fayadiyé commandés par le colonel Antoine Barakat fidèle au président Sleimane Frangié et ceux de l’Ecole Militaire adjacente dont le commandant et les cadets ont rallié le mouvement du brigadier Ahdab. Ce fut le seul accrochage à signaler dans ce sens.

    Pour certain analystes, le brigadier Ahdab a effectué un coup d’Etat télévisé et pour d’autres comme Assem Kanso secrétaire général du Parti Baath prosyrien, le brigadier Ahdab a fait du « show télévisé[39] ». Pour d’autres comme René Chamussy « le coup du général Ahdab n’était pas un coup d’Etat mais une simple mise en demeure adressée au président Frangié[40] ».

    b)Un coup de force ?

    Le mouvement de sauvetage du commandant de la place militaire de Beyrouth permet l’accélération de l’amendement de l’article 73 de la Constitution le 10 avril 1976 et l’élection deux mois et demi avant la date prévue, le 8 mai 1976, d’un nouveau président, M. Elias Sarkis. En revanche, le brigadier Ahdab n’obtient pas la démission du président Sleimane Frangié tel qu’exigé dans son communiqué numéro 1.

    La situation au Liban avec le coup d’Etat du brigadier Ahdab devient plus complexe puisque le mouvement de sauvetage se révèle incapable de mener une action militaire de petite envergure comme celle de séparer les combattants dans la zone des grands hôtels et du centre-ville. Ce dernier ne pouvait donc pas imposer au président de démissionner par la force des armes. Les différents ralliements de militaires et de civils au général Ahdab ne démontrent que la simple volonté de changement chez tous qui est exacerbée par le prolongement de la guerre qui sévit depuis 11 mois dans le pays. Parmi les principes du mouvement Ahdab, il faut noter : la laïcisation, l’équilibre confessionnel, une nouvelle loi sur l’armée qui assure les besoins d’une politique de défense, l’affirmation de l’arabisme du Liban, la réunification du pays et la consolidation de l’unité nationale.

    Le rétablissement de l’unité des rangs au sein de l’armée libanaise ne se réalise pas. L’armée qui est déjà neutralisée va se retrouver divisée par le coup d’Etat du commandant de la place militaire de Beyrouth en trois formations essentielles : l’Armée du Liban Arabe qui se rallie au mouvement du 11 Mars le 15 mars, contrôle les casernes de Beyrouth-Ouest (Emir Bachir, Emir Fakhreddine et Henri Chéhab[41]) ; l’Armée du Liban du commandant Fouad Malek –qui prône la solution belge de deux armées séparées –qui sera appuyée d’une part par le colonel Antoine Barakat qui a occupé le 13 mars 1976 la caserne Chukri Ghabem de Fayadiyé et d’autre part par le major Saad Haddad qui groupe au Liban-Sud une formation de 700 hommes connue sous la dénomination de « formation de Marjeyoun –Kleyaa; enfin, l’Avant-Garde de l’armée libanaise qui est cantonnée dans la caserne de Rayak dans la Békaa et qui a à sa disposition la majeure partie de l’arsenal de l’Armée de l’Air à part les hélicoptères Alouette qui sont stationnés à la Base Aérienne de Beyrouth et qui compte 400 hommes au début. Ce sont les forces armées constituant cette formation qui vont protéger la prestation de serment d’Elias Sarkis à Chtaura. La 3e formation va s’abstenir de participer aux combats acharnés qui se généralisent dans le pays à partir du 18 mars 1976 à Beyrouth (bataille des grands hôtels, bataille du centre-ville), à la montagne (bataille de Aley –Kahalé, bataille de Aïntoura, bataille de Tarchiche, bataille de Mtein au Metn-Nord, bataille de Majdlaya –Kobbé au Nord et bataille de Kobeyate au Nord-Est), les deux premières formations vont au contraire se jeter entièrement dans la bataille. La première va soutenir les Forces communes –branche militaire du Mouvement National libanais –qui établissent le 20 mars 1976 un plan militaire global et irréversible. En effet, le 15 mars 1976, les officiers et soldats du commandement du Mont-Liban ainsi que les commandos de l’armée adressent un ultimatum au chef de l’Etat lui demandant de démissionner le jour-même, et des unités de l’ALA marchent sur le palais de Baabda à partir de leurs casernes de Saïda, de la Békaa ainsi que de la caserne de Hammana. Cette offensive destinée à chasser le président Frangié du pouvoir est stoppée par l’intervention d’unités de la Saïka et de l’Armée de Libération de la Palestine. En effet, les troupes de l’ALA venant de Saïda sont stoppées sur l’axe Khaldé –Ouzaï qui constitue l’entrée Sud de Beyrouth. Les troupes de l’ALA venant de Hammana sont stoppées à Mdeirej –Sofar et les troupes de l’ALA venant de la Békaa sont stoppées au niveau de Chtaura. C’est la première intervention militaire syrienne (même indirecte) dans le conflit libanais. La seconde va soutenir les Forces Libanaises –branche militaire du Front Libanais –. Plusieurs faits militaires vont pousser les Forces Libanaises à décréter la mobilisation générale dans leurs rangs le 26 mars 1976, et qui sont principalement : la chute du Holiday Inn tenu par les phalangistes aux mains des Forces communes le 21 mars, et l’encerclement le 23 mars des hôtels Normandy et Hilton. Toujours le 23 mars, dans la montagne, les Forces communes parviennent à Monteverde au-dessus de Beyrouth.  Le 25 mars 1976, l’artillerie de l’ALA bombarde le palais de Baabda au canon de campagne de 155 mm, ce qui pousse le président Frangié à se réfugier à Zouk-Mikhaël puis à Kfour dans le Kesrouane. Le 26, les Forces communes vont occuper Mtein, Tarchiche et Aïntoura après des duels d’artillerie lourde et des combats de blindés entre l’ALA et une fraction de l’armée libanaise fidèle au président Frangié, ce qui va pousser les Forces Libanaises à décréter la mobilisation générale dans leurs rangs et à intégrer tous les hommes valides comme force d’appui aux miliciens déjà présents sur le terrain aux côtés des militaires chrétiens qui se sont ralliés à eux.

    « Passé ces percées initiales, l’élan des Forces communes fut, sinon stoppé, du moins ralenti. Deux batailles furent cruciales à cet égard : Dhour el-Choueir et Kahalé[42] ». A Dhour el-Choueir, les miliciens PNSS sont encerclés par les Kataëb. Une percée du PNSS dans la région aurait mis une large partie de la zone chrétienne à portée des mitrailleuses lourdes et des canons des Forces communes, et leur aurait permis de s’emparer de Bickfaya fief des Gemayel et d’aller vers Jounié capitale symbolique du pays chrétien. Mais les Forces communes qui arrivent à Bolonia n’arrivent pas à briser l’encerclement de Dhour el-Choueir.

    Sur le plan stratégique la bataille de Kahalé est considérée plus importante que celle de Dhour el-Choueir, car la prise de cette localité ouvre la route de Baabda qui est difficilement défendable et permet un accès direct au camp fortifié palestinien de Tall el-Zaatar, ce qui aurait achevé l’encerclement total de Beyrouth-Est de la part des Forces communes. Le déroulement de la bataille de Kahalé est significatif. Des efforts acharnés sont déployés par les milices des Forces communes pour occuper Kahalé. Mais si les miliciens de gauche et les fedayin palestiniens ne parviennent pas à occuper la localité, c’est en raison d’une forte résistance qui leur est opposée par des unités chrétiennes de l’armée commandées par l’état-major.

    Suite à ces événements et voyant que son coup d’Etat avait contribué à enfoncer encore plus le pays dans la crise à travers la division de l’armée libanaise en plusieurs « armées » affiliées aux diverses parties antagonistes sur le terrain, le brigadier Aziz el-Ahdab demande au président-élu Elias Sarkis de le libérer de ses fonctions militaires et annonce son retrait de la vie politique. C’est ainsi que le brigadier Ahdab met fin à sa mission de « gouverneur militaire provisoire » qui aura duré deux mois et dix jours. La désintégration de l’armée libanaise sera suivie par l’éclatement de la Direction de la Sûreté Générale dirigée à l’origine par un proche du président Frangié, et il n’est plus question que les Forces de Sécurité Intérieure et la gendarmerie soient chargées de surveiller l’application des cessez-le-feu comme ce fut le cas précédemment parce qu’elles avaient aussi éclaté en plusieurs fractions confessionnelles affiliées aux diverses milices antagonistes sur le terrain. C’est ainsi que vers le milieu de l’année 1976, l’Etat libanais se retrouve démuni de tout moyen d’imposer une solution puisque ses organes de sécurité sont devenus inexistants ou trop affaiblis pour pouvoir intervenir. De plus, les milices vont avoir recours à un armement plus lourd, notamment les canons de campagne de 155 mm pris dans les dépôts de l’armée libanaise. En général, les stocks de l’armée libanaise vont être utilisés par les milices belligérantes, notamment les véhicules de transport de troupes blindés et semi-blindés, qui leur apportent la mobilité qui leur manque au début de la guerre.

     

    L’intervention directe de l’armée syrienne au Liban à partir du 1er juin 1976 et ses conséquences

     

    A partir du 27 mai 1976, des éléments de l’Armée du Liban Arabe attaquent deux villages chrétiens du Akkar, Kobeyate et Andket. Cette attaque est considérée comme étant une véritable provocation et est sévèrement condamnée par l’OLP et la gauche. Cette attaque semble menée afin de servir de prétexte à la Syrie pour faire une entrée légale sur le territoire libanais, et ceci s’avérera plus tard lorsque le commandant Maamari, l’officier qui a dirigé cette attaque, se rallie à la Syrie. Les syriens vont créer à Zahlé également une situation sécuritaire fragile qui va leur permettre de faire une entrée légale dans la Békaa. Ainsi, le 30 mai 1976, l’Armée de Libération de la Palestine sous commandement syrien se retire des hauteurs entourant Zahlé où elles jouaient le rôle de forces d’interposition. Elle est remplacée par les milices chrétiennes de Zahlé, ce qui provoque la reprise des affrontements. Dans la nuit du 31 mai au 1er juin, 2000 soldats syriens pénètrent dans le Akkar par le poste-frontière de Abouddiyé pour « mettre un terme au massacre de Kobeyate ». Et dans la journée du 1er juin, 4000 soldats syriens appuyés par plus de 250 chars appartenant à la 3e Division Blindée[43] entrent dans la Békaa par le poste-frontière de Masnaa afin de briser l’encerclement de Zahlé. Radio-Damas va invoquer des appels au secours de beyrouthins adressés au régime syrien afin qu’il intervienne pour mettre fin à la guerre pour justifier l’intervention syrienne au Liban. En effet, l’avance des troupes syriennes se poursuit en profondeur dans le territoire libanais sur deux axes à partir de la Békaa : le premier axe va vers Mdeirej sur la route Beyrouth-Damas, et le deuxième axe va vers Jezzine qui surplombe Saïda. « Les militaires libanais sont soulagés au début de voir l’armée syrienne venir les épauler[44] ».Le 3 juin 1976, des officiers précédemment ralliés à l’Armée du Liban Arabe dont notamment le commandant Ibrahim Chahine, créent à l’instigation de Damas les Avant-Gardes de l’armée libanaise dans la Békaa. Le 4 juin, un Commandement militaire unifié est formé par l’OLP, le Mouvement National et l’Armée du Liban Arabe en prévision d’une confrontation avec l’armée syrienne qui se produira à partir du 6 juin.Alors que les combats font rage entre armée syrienne et Forces communes, une réunion urgente des ministres des Affaires Etrangères arabe se tient au Caire les 8 et 9 juin 1976. La Ligue arabe décide d’envoyer des Forces de Paix Arabes qu’elle va placer sous les ordres du secrétaire général de la Ligue dans le but de relever les troupes syriennes. Ces Forces de Paix Arabes seront dénommées aussi les Casques Verts. Le 27 juin, les Forces de Paix Arabes placées sous les ordres d’un général égyptien commencent à se déployer.

     

    Le siège de Tall el-Zaatar (22 juin au 12 août 1976)

     

    Le lancement de l’offensive contre Tall el-Zaatar est dû essentiellement à la milice du PNL. Cette dernière commence les combats aidée par les milices des Gardiens du Cèdre, du Tanzim, ainsi que par des groupes de militaires chrétiens issus de la division de l’armée libanaise et notamment l’Armée du Liban commandée par le commandant Fouad Malek et le Bataillon du Akkar dirigé par le colonel Antoine Barakat. D’ailleurs, ce sont des officiers de carrière qui établissent les plans de l’attaque. Les groupes de militaires vont aussi fournir les pièces d’artillerie[45] qui vont pilonner le camp palestinien pendant 52 jours ainsi que quelques dizaines de blindés. Le dispositif ainsi mis en place est impressionnant sur les plans du matériel utilisé et des effectifs engagés. En effet, après l’entrée de la milice Kataëb dans la bataille de Tall el-Zaatar, on ne compte pas moins de 4000 hommes engagés dans cette offensive.

    Après l’entrée des Kataëb dans la bataille le 27 juin 1976 et le renforcement du blocus du camp de Tall el-Zaatar, les Forces communes cherchent à alléger la pression qui pèse sur le camp en lançant des attaques d’envergure sur les autres fronts. Ainsi, pour faire diversion, les Forces communes lancent une opération de grande ampleur le 5 juillet en attaquant à partir de Tripoli par terre et par mer la localité chrétienne de Chekka qu’elles occupent. Cette attaque est marquée par de graves exactions et des massacres collectifs sont effectués contre les civils. Dès le lendemain, les Forces Libanaises reprennent Chekka et lancent une contre-offensive conduite par des officiers de l’armée dans la région chrétienne du Koura, traditionnellement affiliée au PNSS et au PCL, qu’elles vont occuper le 12 juillet. Elles vont ensuite attaquer Tripoli appuyées par l’armée syrienne qui bombarde les camps de Nahr el-Bared et de Beddaoui.

    Après plusieurs assauts et plusieurs cessez-le-feu infructueux, une trêve a lieu les 3, 4, 5 et 6 août 1976. Suite à la reddition du quartier de Nabaa (à majorité chiite) le 6 août à la suite de l’intervention de l’Imam Moussa Sadr, les combats reprennent. Suite à cette reddition, les Forces Libanaises parviennent à resserrer leur encerclement du camp de Tall el-Zaatar, et le 12 août ce dernier se rend après 52 jours de siège. Au cours de ce siège, il y aura 70 assauts et tentatives de prendre le camp. Le bilan est de 2500 morts et des milliers de blessés parmi les habitants et les défenseurs du camp. Du côté des milices chrétiennes, non avons près de 800 morts et autant de blessés.

    Le 15 septembre 1976, le président Frangié retire au Premier ministre Karamé ses portefeuilles (Défense, Finances et Information) et confie à Camille Chamoun les portefeuilles de la Défense et des Finances en plus des ministères des Affaires Etrangères et de l’Education. Ce dernier doit également présider le Conseil des ministres en l’absence du Premier ministre. C’est ainsi que toutes les attributions du gouvernement se retrouvent entre les mains du président Camille Chamoun qui a le loisir de prendre une série de mesures, et notamment de promouvoir par des nominations de dernière minute les officiers et fonctionnaires étroitement liés au camp chrétien.

     

    Le sommet de Riyad et l’envoie d’une Force de Dissuasion Arabe au Liban

     

    Il se tient le 16 octobre 1976 et regroupe l’Arabie Saoudite, le Koweït, la Syrie, l’Egypte, l’OLP et le Liban. Le jour même, un cessez-le-feu est décrété par les troupes syriennes au Liban. Une réconciliation syro-égyptienne a lieu, puis le cas du Liban est étudié. Le sommet proclame un cessez-le-feu total sur tout le territoire libanais à partir du 21 octobre 1976, et décide la création d’une Force Arabe de Dissuasion (FAD) de 30000 hommes essentiellement syriens, avec quelques faibles contingents venant d’Arabie Saoudite, de Libye, du Koweït, du Soudan et de Tunisie. L’accord de Riyad est entériné par un sommet arabe extraordinaire réuni au Caire les 25 et 26 octobre 1976. La FAD se déploie sur tout le territoire libanais sauf au Sud de Saïda en trois phases les 10, 15 et 21 novembre 1976. Ces mesures vont mettre provisoirement fin à la guerre et permettre au président Sarkis de former son premier gouvernement qui sera présidé par Salim el-Hoss. Ce gouvernement va avoir pour mission de normaliser la situation dans le pays et de s’occuper de la reconstruction de l’économie et de l’armée. Mais pourra-t-il y arriver ?

     

    Partie III-Tentatives de reconstruction (1977-1981)

     

    A partir de la mi-novembre 1976, le calme revient dans les régions où la guerre faisait rage, tandis que dans le Sud du pays que la guerre avait épargné jusque-là la guerre se déclare. En effet, le 15 novembre 1976 est le jour de l’entrée en vigueur d’un cessez-le-feu qui est enfin respecté par toutes les parties et le jour du début du déploiement officiel de la Force Arabe de Dissuasion, qui est mise à la disposition et placée sous le commandement du président Elias Sarkis. Elle est là en tant qu’instrument de violence légitime pour remplacer l’armée libanaise décomposée en diverses fractions confessionnelles, en attendant la reconstruction et le renforcement de cette dernière. Sur les 30000 hommes qui composent la FAD, plus de 25000 sont syriens, et le reste est formé par 1000 saoudiens, 1000 soudanais, quelques centaines de soldats du Yémen du Sud et des Emirats Arabes Unis[46]. Vu le nombre de soldats syriens versés dans le contingent de la FAD, il est logique que les officiers syriens aient leur mot à dire dans les affaires de sécurité. C’est ainsi qu’il apparaît que le commandement officiel de la FAD composé d’officiers libanais et à la tête duquel le président Elias Sarkis nomme le colonel Ahmad el-Hajj n’est en fait qu’un organe de liaison entre les différents contingents arabes et l’Etat libanais.

    La normalisation est rapide après le déploiement de la FAD à Beyrouth le 15 novembre 1976. Le cessez-le-feu est respecté sur tous les fronts, et les miliciens disparaissent des rues. Les grands axes routiers qui relient les diverses régions de la capitale sont rouverts à la circulation, mais la Place du Musée demeure le principal point de passage entre Beyrouth-Est et Beyrouth-Ouest. La FAD est présente sur tout le territoire libanais à l’exception du Sud. Sa répartition dans les différentes zones qu’elle contrôle est inégale. C’est ainsi que dans les zones contrôlées durant la guerre par les Forces communes la FAD s’installe partout sauf dans les camps palestiniens. Elle est présente en nombre à l’intérieur de Beyrouth-Ouest, de Saïda et de Tripoli. Les militaires syriens opèrent des rafles dans les rangs des militants de gauche et des militaires dissidents de l’Armée du Liban Arabe. Les syriens pourchassaient et poursuivaient ceux qui avaient été directement liés à des opérations anti-syriennes ou qui avaient pris des positions jugées impardonnables par Damas comme le chef de l’ALA, le lieutenant Ahmad el-Khatib, qui est arrêté et conduit à Damas[47]. La présence de la FAD est beaucoup plus réduite dans les zones chrétiennes, et comme nous l’avons mentionné précédemment, le jour de leur entrée à Beyrouth les troupes syriennes ne font que traverser le territoire du Front Libanais. Ce dernier est en effet résolu à ne pas supporter les contraintes de la présence de troupes syriennes[48]. Camille Chamoun et Bachir Gemayel vont ainsi inciter les milices sous leur contrôle à mobiliser la population contre l’entrée de l’armée syrienne dans leurs régions et organiser un jour de grève dans les écoles de la zone chrétienne. Cette réaction pousse les syriens à s’installer sur les axes principaux à la périphérie de Beyrouth-Est et dans quelques zones d’importance stratégique dans la Montagne. C’est en novembre 1976 également que le commandant Saad Haddad[49] est chargé par le commandement de l’armée de se rendre à Marjeyoun par la mer via le port de Haïfa. Avant de s’exécuter et dans le but de couvrir ses arrières, le commandant Haddad exige un ordre écrit qu’il obtient.

    Suite à des articles que la Syrie juge orientés contre elle, « la FAD, au milieu du mois de décembre 1976, investit les bureaux du Mouharrer, du Beyrouth, du Destour (pro-irakiens), du Safir (porte-parole officieux du Mouvement National), du Nidaa (organe de presse du Parti Communiste Libanais), d’An-Nahar et de L’Orient-Le Jour. Elle expulsa les journalistes, dont certains furent malmenés, et occupa les imprimeries et les bureaux[50]. La fermeture des journaux dure deux semaines, et ils ne sont autorisés à reparaître qu’après que le gouvernement ait promulgué le 1er janvier 1977 un décret-loi qui impose la censure.

    Le 3 janvier 1977, à la suite d’un attentat meurtrier à la voiture piégée qui au cœur de Beyrouth-Est qui fait une trentaine de morts et de blessés et provoque en réaction une vive tension et quelques enlèvements de représailles, les troupes syriennes entrent à l’intérieur des quartiers chrétiens. Le 23 janvier, la FAD syrienne s’installe dans les grands immeubles qui dominent Achrafieh et sa banlieue. Quatre jours plus tard, elle met la main sur les ports illégaux qui se sont multipliés le long du littoral.

     

    Le projet de reconstruction de l’Etat et de l’armée (1977)

     

    Sarkis décide de former un gouvernement sans coloration politique. Il choisit comme Premier ministre Salim el-Hoss, économiste respecté mais inconnu dans le domaine de la politique. Le 9 décembre 1976, le président Sarkis promulgue le décret de la formation du premier gouvernement de son mandat. C’est un gouvernement de technocrates limité à huit ministres par souci d’efficacité. Tous les ministres désignés étaient nouveaux dans le domaine de la politique à l’exception de Fouad Boutros, ministre des Affaires Etrangères et de la Défense. Le gouvernement Hoss demande au Parlement des pouvoirs exceptionnels[51] qui lui permettent de légiférer par décrets-lois et par là même d’accélérer la remise sur pied de l’Etat libanais.

    Le président Sarkis relevant du chéhabisme décide de tenir le gouvernement à l’écart des décisions politiques et spécifiquement celles qui sont relatives aux organes de sécurité, à part les situations où il fallait obtenir l’accord des ministres. En effet, ces décisions sont réservées au président Sarkis et à Fouad Boutros qui est le seul ministre expérimenté du gouvernement. Parallèlement, Sarkis met en place l’équipe qui doit lui permettre de tenir les leviers du pouvoir. C’est ainsi qu’en trois mois il renouvelle la hiérarchie de tous les organes sécuritaires à la tête desquels il désigne des hommes sûrs. Après avoir nommé le colonel Ahmad el-Hajj commandant de la FAD, il désigne l’avocat Farouk Abillamaa, un de ses amis intimes, à la direction de la Sûreté Nationale. Cinq mois plus tard, Ahmad el-Hajj change d’affectation et devient le directeur général des Forces de Sécurité Intérieure. Il est remplacé par le colonel Sami el-Khatib au commandement de la FAD. Pour compléter son dispositif de défense, Sarkis remet au goût du jour le Deuxième Bureau de l’armée. Rebaptisé direction des Renseignements, il est doté d’une unité d’intervention, la Moukafaha. Cette direction est confiée au lieutenant-colonel Johnny Abdo. Dès le lendemain de la formation du gouvernement Hoss, le ministre de la Défense M. Fouad Boutros se rend au ministère de la Défense à Yarzé afin de constater effectivement dans quel état se trouve l’armée libanaise et ce qui doit impérativement être fait pour la reconstituer et la réorganiser de façon à ce qu’elle redevienne opérationnelle le plus rapidement possible. Les officiers présents au ministère de la Défense défilent dans son bureau pour lui présenter leurs respects et faire sa connaissance. Quelques jours plus tard, le ministre de la Défense, voyant qu’il n’a jamais rencontré d’officiers musulmans depuis sa désignation à son poste, convoque le commandant en chef de l’armée le général Hanna Saïd et le lui fait remarquer. Ce dernier réponds au ministre que les officiers musulmans ne peuvent pas accéder au ministère de la Défense à Yarzé car il n’est pas en mesure de garantir leur sécurité. Fouad Boutros réagit en disant : « C’est inadmissible, je ne suis pas le ministre de la Défense d’une armée chrétienne, mais de l’armée du Liban. Comment pouvez-vous, vous, le commandant en chef de l’armée, accepter de ne pouvoir assurer la sécurité des officiers musulmans afin qu’ils puissent venir à leur travail ? Ce prétexte ne me convainc pas et je ne puis l’accepter[52] ». Quelques jours après, quelques officiers musulmans font leur apparition au ministère de la Défense. Constatant que le commandant en chef de l’armée le général Hanna Saïd « s’était impliqué avec le Front Libanais par des prises de position qui ne s’accordaient pas avec la politique du gouvernement » ni avec les instructions du ministre de la Défense, ce dernier propose au président Sarkis un changement au niveau du commandement de l’armée.

    Le 7 janvier 1977, le Comité quadripartite[53] arabe décide que les armes lourdes aux mains des diverses milices doivent être rassemblées dans un délai de 5 jours et confiées à la garde de la FAD. Le 10 janvier, les Forces Libanaises et les Mourabitoun annoncent qu’ils vont restituer à l’armée le matériel qu’ils lui ont saisi durant la guerre des Deux Ans et qui constitue une grande partie de leur armement lourd.

    La FAD va également tenter de se déployer au Liban-Sud. C’est ainsi que le 25 janvier 1977, une unité de l’armée syrienne de 53 soldats entre dans la localité de Kfar-Tebnit près de Nabatiyeh à la demande du commandant de la FAD le général libanais Ahmad el-Hajj, afin d’assurer une route de ravitaillement pour les troupes en remplacement de cette de Dahr el-Baïdar enneigée en hiver. Dans ses Mémoires, Fouad Boutros évoque ce déploiement en ces termes : « J’appris par la suite que le commandant de la FAD, le général Ahmad Hajj, avait pris contact avec le commandant des troupes syriennes au Liban, Ali Aslan, et lui avait demandé d’envoyer un détachement sur l’axe Kfar-Tebnit –Marjeyoun pour assurer une voie de ravitaillement en hiver pour le cas où la route de Dahr el-Baïdar serait bloquée par les neiges. Dans son for intérieur, le général Ahmad Hajj cherchait à s’assurer, comme il me le raconta plus tard, de la véracité de certaines informations qui circulaient dans la presse et dans les milieux politiques disant qu’il existait une ligne rouge que les syriens ne pouvaient franchir. Ces renseignements se sont avérés exacts. Israël considéra en effet que la Syrie avait franchi la limite convenue avec les Etats-Unis lorsque ceux-ci avaient jugé que l’entrée de l’armée syrienne au Liban était l’option la moins onéreuse pour rétablir le calme. Tel-Aviv menaça de bombarder les forces syriennes déployées au Sud. Après cet avertissement, le chargé d’affaires américain Georges Lane avait demandé à me voir . Lors de notre entretien, il m’expliqua que ce déploiement pourrait conduire à des actes de guerre dont nul n’avait besoin[54] ». Après un sommet libano-syrien, le président Elias Sarkis ordonne à la FAD de se retirer au-delà de Nabatiyeh le 9 février 1977. « Les unités syriennes obéirent immédiatement à cet ordre du président libanais en tant que commandant suprême de la FAD. Il s’agit là sans doute de l’unique ordre du président libanais auquel les forces syriennes aient immédiatement obéi, sans hésiter[55] ». Le 12 février 1977, un décret-loi est adopté pour donner l’opportunité aux officiers qui désirent démissionner de le faire avec des conditions avantageuses dans un délai de trois mois. Durant ces trois mois, le gouvernement peut procéder librement à des mutations ou des révocations, les décisions devant être prises en Conseil des ministres. Ce décret-loi a pour objectif principal de débarrasser l’armée des officiers musulmans qui se sont ralliés au Mouvement National libanais pendant la guerre des Deux Ans. Le président Sarkis appuie ce point de vue et considère que les officiers chrétiens ont combattu pour défendre la légalité alors que les officiers musulmans se sont rebellés contre l’Etat. Le président du Front Libanais M. Camille Chamoun craint que le ministre de la Défense Fouad Boutros ne choisisse un commandant en chef de l’armée qui soit un défi pour lui. Au début du mois de mars 1977, voyant que l’idée du remplacement du général Hanna Saïd a fait son chemin dans l’esprit du président Sarkis et du ministre de la Défense, Camille Chamoun envoie son fils Dany chez Fouad Boutros afin qu’il lui fasse parvenir son exigence de mettre à l’écart les officiers « Gaby Lahoud, Simon Saïd et Georges Ghorayeb[56] » de la liste des officiers qui pourraient potentiellement remplacer Hanna Saïd. Quelques temps plus tard, le ministre Boutros se rend à Damas « dans le cadre de la concertation continue entre les autorités libanaises et syriennes[57] » et se réunit avec le président Assad. Ce dernier lui dit au cours de l’entretien « on m’a parlé d’un excellent officier dans l’armée libanaise, Antoine Lahad[58] ». Le ministre refuse la proposition voyant que le président Chamoun s’était concerté avec Assad sur ce point, il déclare : « Il se peut que l’homme ait de la valeur dans un certain cadre, mais il ne fera pas l’affaire comme commandant en chef dans circonstances actuelles[59] ».

    En attendant, le 14 mars 1977, le commandant Sami Chidiac est affecté par le commandement de l’armée au Liban-Sud pour diriger le secteur central et l’enclave de Rmeich en particulier. Il voyage « accompagné du lieutenant Georges Zaatar[60] » également envoyé par le commandement de l’armée libanaise pour contrôler l’enclave de Alma el-Chaab située dans le secteur occidental. Ils sont tous les deux possesseurs d’ordres écrits provenant du commandement de l’armée. Leur nomination démontre clairement que le commandement de l’armée n’a pas cessé d’être en relation avec les enclaves chrétiennes du Liban-Sud. Durant tout ce temps, le commandant Saad Haddad n’a jamais cessé depuis son affectation à Marjeyoun de rester en contact avec le commandement de l’armée de Yarzé, siège du ministère de la Défense. De plus, la relation avec Yarzé ne s’est jamais coupée du point de vue administratif puisqu’un officier-payeur de l’armée libanaise effectue des visites dans le Liban-Sud pour régler les salaires, toujours en prenant le chemin de Haïfa.

     

    3-1 :Les premiers noyaux de 1977

     

    Début 1977, le Liban dispose de 3000 policiers alors qu’il aurait besoin de 30000. L’armée libanaise dont la reconstruction est péniblement entamée est plus faible que les milices locales. A Beyrouth, les tractations battent leur plein pour la nomination d’un nouveau commandant en chef de l’armée. La décision est prise de changer le commandant en chef de l’armée durant la réunion du Conseil des ministres du 28 mars 1977. Le Conseil des ministres, après 1h30 de tractations au cours desquels « un projet de décret-loi visant à modifier provisoirement les conditions de nomination du commandant en chef et du chef d’état-major, et de promouvoir ces derniers[61] » est discuté et approuvé. Ce décret-loi permet ainsi au Conseil des ministres de promouvoir de façon exceptionnelle le colonel Victor Khoury au grade de général afin de le nommer commandant en chef de l’armée. Le général Hanna Saïd est déchargé de ses fonctions de commandant en chef de l’armée et est placé à la disposition du ministre de la Défense. « Le soir même, l’appartement de Fouad Boutros, ministre de la Défense, fut plastiqué à Beyrouth-Est[62] ».

    Après la désignation du général Victor Khoury à la tête de l’armée, il faut que le ministre de la Défense choisisse en concertation avec le président de la République un nouveau chef des services de renseignements de l’armée afin d’entamer l’opération de reconstruction de l’institution militaire. Le choix va porter sur le colonel Johnny Abdo. A ce propos, Fouad Boutros relate dans ses Mémoires le fait suivant : « Je ne connaissais pas personnellement de nombreux officiers, mais je me souvins que, lors de mon premier exercice de ministre de la Défense, en 1966, j’avais fait la connaissance du lieutenant Johnny Abdo. Il était alors directeur du Cabinet du commandant en chef, le général Emile Boustany. Ayant eu affaire à lui à quelques reprises, j’avais remarqué sa méthode de travail et sa perspicacité. Je proposai son nom au président Elias Sarkis qui, s’étant renseigné à son propos auprès du colonel Gaby Lahoud et d’autres officiers, demanda au commandant en chef de le nommer chef des renseignements militaires[63] ».

    La reconstruction de l’armée s’avère très difficile, car deux points de vue s’affrontent quant à cette reconstruction. D’une part, l’entente nationale et la réconciliation entre les adversaires est le véritable préambule à sa réunification. D’autre part, tout projet politique pour le Liban nécessite une armée forte et soudée afin de pouvoir être réalisé. Fouad Boutros affirme dans ce sens que « nous risquions d’avoir besoin de l’armée à chaque tournant que le Liban pourrait prendre[64] » et il trouve donc nécessaire d’entamer la réunification de l’armée malgré la persistance de la division de la société libanaise confessionnellement et politiquement. Malgré cela, des camps de réconciliation et de concorde sont organisés par les services de renseignements de l’armée sous le commandement et à l’initiative du colonel Johnny Abdo dans le but de réconcilier les militaires chrétiens et musulmans afin qu’ils puissent dans une deuxième étape être aptes à reprendre en main la sécurité du pays après s’être ressoudés. Ces camps sont placés sous la garde de la Moukafaha, le bras armé du Deuxième Bureau de l’armée. Une semaine après la désignation du nouveau commandant en chef de l’armée, la situation se dégrade dans le Sud suite à une coordination entre les soldats libanais de Kleyaa, les habitants de villages voisins et les israéliens. En effet, les soldats libanais occupent plusieurs positions à la frontière avec Israël, ce qui pousse la Saïka et l’armée syrienne à dépêcher des forces dans la région pour aider les fedayin à reprendre les villages qu’ils viennent de perdre. Des accrochages ont lieu entre les deux camps. Les hostilités prennent fin en quelques heures le 13 avril 1977 après des tractations libano-syriennes.

    A partir de fin mai –début juin 1977, un conflit oppose le Premier ministre Salim el-Hoss au ministre de la Défense Fouad Boutros au sujet de la révocation des officiers qui sont sortis de la légalité. En effet, le 16 mai 1977 le délai donné le 12 février aux officiers impliqués dans la guerre des Deux Ans et qui désirent démissionner en contrepartie de tous leurs droits financiers prend fin. Le gouvernement s’était préalablement mis d’accord sur le fait qu’une fois le délai arrivé à son terme, il prendra la décision de révoquer les officiers qui n’ont pas démissionné. Or, « il se trouva qu’aucun des officiers dont nous souhaitions nous défaire n’avait présenté sa démission, notamment ceux qui avaient servi de façade à l’Armée du Liban Arabe (ALA) aux côtés d’Ahmad el-Khatib et avaient monté des opérations contre l’armée libanaise, les centres officiels et la population[65] ». Le 28 mai 1977 une réunion entre le président Sarkis, le Premier ministre Hoss et le ministre de la Défense Fouad Boutros a lieu pour examiner les démissions des officiers. Les responsables notent que les deux tiers des officiers démissionnaires sont chrétiens, et M. Boutros dit à ce propos « je proposai d’accepter la démission du même nombre d’officiers chrétiens et musulmans, et cochai le nom des officiers dont nous souhaitions refuser la démission parce qu’ils étaient compétents et que nous aurions besoin de leur expérience pendant le processus de reconstruction de l’armée[66] ». Le Premier ministre Hoss s’oppose à cette proposition en affirmant qu’il faut accepter toutes les démissions surtout qu’il y a déjà un déséquilibre au sein de l’armée en faveur des officiers chrétiens. La tension monte entre les deux hommes. « Le président de la République ne dit mot durant toute la dispute. Il paraissait offusqué par la dureté des propos du chef du gouvernement, qu’il avait choisi pour sa modération. A la fin de la séance, il appuya l’idée d’accepter la démission de ceux qui voulaient quitter l’armée, afin de clore le débat[67] ». Une deuxième réunion a lieu le 4 juin et est consacrée à la révocation des officiers qui ont pris part à la guerre contre la légalité. Le ministre Boutros propose de renvoyer de l’armée libanaise les 9 officiers qui ont rallié l’Armée du Liban Arabe. Le Premier ministre Salim el-Hoss dresse alors une liste de 9 officiers chrétiens qui ont combattu pour défendre la légalité et empêcher l’invasion des régions chrétiennes membres de l’Armée du Liban (Fouad Malek). Fouad Boutros dit alors à Hoss « Je ne peux pas mettre sur un pied d’égalité celui qui a pris la défense de la légalité, de sa terre et de la terre de ses aïeux et celui qui a tenté, par les armes, d’aider les palestiniens et les progressistes à investir le Kesrouane, le Metn et Beyrouth en faisant route vers Jérusalem. Certains méritent des félicitations et d’autres la cour martiale[68] ». Le président Sarkis appuie la position de Fouad Boutros. Il propose de renvoyer six des officiers proposés par le ministre de la Défense, et d’accepter la démission des trois autres. La séance est levée sans qu’aucune décision ne soit prise.

    Au cours du mois de juin 1977, le président Camille Chamoun propose de « renvoyer toute l’armée et de rappeler ensuite ceux qui semblent avoir les qualités nécessaires[69] ». Au cours d’une réunion à Damas entre Abdel-Halim Khaddam et Fouad Boutros le 23 juin 1977, Khaddam approuve l’idée de Boutros qui consiste à révoquer le lieutenant Ahmad el-Khatib et les officiers qui l’ont suivi. Les deux hommes se mettent également d’accord sur le principe d’envoyer un détachement de l’armée libanaise dans le Sud du Liban où la FAD est interdite d’accès.

    Au cours de réunions qui se tiennent à Chtaura les 21 et 25 juillet 1977, le comité technique tripartie libano-syro-palestinien établi un calendrier pour l’application de l’accord du Caire. Le côté libanais est représenté par une délégation militaire dirigée par le commandant en chef. L’accord de Chtaura interdit la présence armée palestinienne hors des camps. Un calendrier est adopté pour entamer l’application de l’Accord du Caire à partir du 30 juillet 1977 et sur une durée de 15 jours. En effet, le 30 juillet la FAD se déploie autour des trois grands camps de Beyrouth et de ceux de Saïda, Tripoli et de la Békaa, établit des barrages fixes et fait circuler des patrouilles. Une semaine plus tard, le comité tripartite entame le deuxième volet de la première phase d’exécution qui a trait aux armes lourdes et à la réouverture symbolique des postes de police situés aux entrées des camps. Le 10 août, le comité tripartite annonce la fin de l’opération de transfert des armes lourdes hors des camps. Les armes retirées des camps sont gardées par la FAD qui publie un inventaire du matériel lourd rassemblé et des 125 tonnes de matériel léger. Mais il s’avèrera plus tard que les armes lourdes remises à la FAD sont obsolètes. La première étape de l’accord est donc accomplie avec succès, et on commence à parler de l’envoie d’une force militaire libanaise dans la zone frontalière interdite à la FAD dans les milieux concernés. Mais lorsque le projet est évoqué par le ministre de la Défense avec le commandant en chef de l’armée le général Victor Khoury, ce dernier réponds que la chose est réalisable à condition qu’on lui donne le temps nécessaire pour la préparation de l’opération de déploiement, qu’il évalue à un mois au moins, afin qu’il ait le temps d’obtenir l’accord de toutes les parties en présence sur le déploiement de l’armée dans le Liban-Sud.

    Le 24 août à Damas, le président de la République Elias Sarkis, le ministre de la Défense Fouad Boutros et le commandant en chef de l’armée libanaise Victor Khoury à la tête d’une délégation d’officiers libanais participent à un sommet libano-syrien. Au cours des entretiens, le commandant en chef de l’armée le général Victor Khoury évoque l’application de l’accord du Caire et ses différentes phases, et demande à savoir si les palestiniens comptent rester dans le secteur de Rachaya. Le commandant de la FAD le lieutenant-colonel Sami el-Khatib répond qu’ils tiennent effectivement à y rester. Le général Victor Khoury évoque ensuite le règlement de la question de l’Armée du Liban Arabe, et dit qu’il va lancer un appel pour inviter les militaires de l’ALA à rallier l’armée libanaise légale. Il décide que dès que les officiers auront quitté l’ALA, il congédiera certains soldats et en transférera d’autres. Enfin, le commandant en chef de l’armée libanaise évoque le fait que l’armée a besoin d’équipements militaires afin de pouvoir se déployer dans le Sud. Il dit qu’il enverra 3 escadrons de 1000 soldats chacun pour prendre en charge les trois casernes de Tyr, Marjeyoun et Nabatiyeh et se déployer dans leur périmètre.

    Le 1er septembre 1977, le commandement de la FAD se réunit avec les représentants du commandement de l’armée libanaise et de l’OLP pour discuter des détails de l’entrée de l’armée dans la zone frontalière, qui représente la 3e phase de l’application de l’Accord du Caire. « Le commandement de l’armée entama ses préparatifs loin des projecteurs, sitôt achevés les contacts avec les Etats-Unis visant à les convaincre d’exercer des pressions sur Israël afin qu’il n’entrave pas la mission des forces régulières libanaises[70] ». Le 15 septembre, la situation se détériore dans le Sud et les israéliens bombardent les régions et le périmètre de Khiam et de Nabatiyeh. La situation s’aggrave rapidement ce qui pousse les habitants des régions citées à quitter leurs villages pour des régions plus sûres. Afin de parvenir à un cessez-le-feu, le ministre des Affaires Etrangères libanais Fouad Boutros et l’ambassadeur américain au Liban se mettent sur un accord secret en cinq points qui est approuvé par Damas et Tel-Aviv :

    « 1-Le cessez-le-feu entrera en vigueur le 16 septembre 1977 à 10h.

    2-Le Liban fera paraître un communiqué déclarant que la situation est calme dans le Sud, sans aucune référence à un accord de cessez-le-feu.

    3-L’armée israélienne se retirera des nouvelles positions qu’elle a occupées au Sud-Liban avant la date ci-dessus.

    4-La commission d’Armistice libano-israélienne sera appelée à se réunir.

    5-Les palestiniens se retireront à 10 Km de la frontière. Leurs armes lourdes seront transportées hors de la zone frontalière, à une distance de 45 Km, dans un délai n’excédant pas 15 jours[71] ».

    Le 28 octobre 1977, le président syrien Hafez el-Assad annonce qu’il a eu la promesse ferme du chef de l’OLP Yasser Arafat que la Résistance palestinienne va se retirer bientôt du Liban-Sud et que l’armée libanaise la remplacera comme stipulé dans les accords du Caire et de Chtaura. Mais au lieu de cela, les palestiniens lancent des roquettes Katioucha sur la colonie israélienne de Nahariyya qui font des tués parmi les colons. Israël riposte par des raids aériens et un bombardement massif les 8 et 9 novembre 1977 qui font 100 morts et provoquent un exode massif de la population de la région de Tyr. Le projet d’envoyer l’armée libanaise au Sud est de ce fait reporté à plus tard, en attendant que la situation se calme.

     

    3-2 :L’incident de Fayadiyé en 1978 et son impact

     

    Le 7 février 1978, la FAD syrienne dresse un barrage à proximité de la bifurcation de Rihaniyé à Fayadiyé, devant la caserne de formation des Maghawir qui est sous le commandement du capitaine Samir el-Achkar et qui a pris comme QG un bâtiment de l’Ecole Militaire situé du côté de Mar-Takla.

    09h30, l’incident commence. Un groupe de soldats en formation qui rentre d’une mission d’entraînement est surpris par le barrage syrien à l’entrée de la caserne. Les soldats syriens arrêtent le groupe de militaires libanais et les soumet à une fouille minutieuse. Les syriens vont également les insulter et leur donner le nom de « groupe des chauves » car les soldats libanais sont de nouvelles recrues et qu’ils suivent un entraînement commando.

    Ce comportement de la FAD syrienne qui arrête ses soldats met le capitaine Achkar dans une colère noire. Il envoie l’un de ses aides de camp à la tête d’un groupe de soldats afin de demander aux éléments chargés du barrage de le démanteler immédiatement car il constitue un défi aux militaires de la caserne, et il n’a pas lieu d’être. L’officier syrien refuse de démanteler son barrage, et peu à peu la situation s’envenime. Les tirs succèdent aux insultes, et font plusieurs morts et blessés. Entretemps, un convoi militaire syrien formé de trois camions remplis de soldats passe devant la caserne de Fayadiyé. Voyant que l’armée libanaise attaque un barrage syrien, ces derniers ouvrent le feu sur les soldats de l’armée libanaise appartenant au Groupement numéro 11[72] qui sautent dans le canal d’évacuation des eaux pour se protéger. Ces derniers ripostent avec force depuis leur abri de fortune et dirigent les tirs de leurs fusils MAG sur les camions syriens, faisant un grand nombre de morts et de blessés parmi les soldats syriens. Ensuite, des groupements de l’armée libanaise encerclent des positions syriennes situées dans le village de Fayadiyé. Les syriens habitaient dans de grandes tantes en toile qu’ils ont abandonnées pour s’enfuir en direction de Rihaniyé après le début des tirs. Un militaire libanais témoigne à ce sujet : « Nous avons utilisé le matériel de l’armée syrienne après nous en être emparés. A l’intérieur des tentes syriennes, nous avons combattu au corps à corps à l’arme blanche. Les pelles et les pioches ont été également de la partie[73] ». Après que les militaires libanais se soient emparés de l’armement des soldats syriens, ils le remettent au capitaine du Deuxième Bureau Joseph Assaf ainsi que les cartes d’identité militaire des morts. Le général Antoine Barakat donne alors l’ordre de remettre les armes saisies à l’armée syrienne. Les affrontements du premier jour de la bataille de Fayadiyé entraînent près de 50 morts et blessés dans les rangs de l’armée syrienne, qui sont entreposés près du restaurant Diwan el-Chir.

    A 10h20, le président Sarkis et Fouad Boutros apprennent que des tirs ont été échangés entre la FAD et des militaires libanais devant la caserne de Fayadiyé. Le ministre de la Défense contacte immédiatement le chef d’état-major de l’armée libanaise le général Mounir Torbey « et ordonnai qu’il soit mis fin immédiatement et catégoriquement à l’échange de tirs. Lorsque l’on m’apprit les pertes subies, je les trouvai lourdes et inquiétantes : 14 morts et 28 blessés parmi les syriens et un seul blessé libanais. Avec le président Sarkis et ses conseiller, je passai la nuit à étudier les moyens de ramener le calme et d’éviter une escalade. Dans la soirée, j’avais contacté mon homologue syrien de la Défense Moustapha Tlass tandis que le président Sarkis contactait le président Hafez el-Assad. La réponse de ce dernier avait été calme et même rassurante : « Ne vous inquiétez pas, ce sont là des incidents qui peuvent éclater entre deux armées, et, dans tous les cas, les soldats syriens sont vos fils autant que les soldats libanais. Faites comme vous le jugerez bon[74] ». Il nous sembla qu’il ne devrait pas encore avoir été informé de l’ampleur des pertes dans les rangs de ses troupes[75] ».

    Les soldats de l’armée libanaise se déploient aux alentours de la caserne de Fayadiyé et de l’Ecole Militaire, tandis que des contacts ont lieu entre les commandements des deux armées libanaise et syrienne au cours desquels les syriens demandent un cessez-le-feu et la normalisation. Un comité mixte formé d’officiers des deux commandements est formé pour enquêter rapidement sur l’incident. Des contacts sont également entrepris entre le commandement de l’armée d’un côté, et les chefs de milices et responsables politiques d’autre part afin de calmer la situation et prévenir les réactions. Un communiqué émanant du commandement de l’armée libanaise et du commandement de la FAD est publié, relatant les faits de la journée : « Le matin du mardi 07/02/1978, une altercation verbale pour des raisons personnelles a lieu devant la caserne des Maghawir à Fayadiyé entre quelques nouvelles recrues et l’un des barrages de la FAD. Cette altercation entraîne l’échange de coups de feu. Les deux commandements de l’armée libanaise et de la FAD ont réagi immédiatement pour circonscrire l’incident. Les deux commandements vont prendre des mesures disciplinaires fermes à l’encontre des éléments responsables de cet accrochage ».

    Les syriens vont profiter du cessez-le-feu pour reprendre l’initiative afin de riposter et venger les pertes qu’elle a subies dès le premier jour de combats. Les préparatifs de la riposte commencent lorsque les soldats syriens occupent les résidences des officiers situées au-dessus de la caserne de Fayadiyé, retenant en otages le capitaine Louis Khoury, le capitaine Saïd Abou Arab et le lieutenant Mahfouz ainsi que leurs familles. Les syriens prennent position sur les toits des immeubles situés à l’Ouest de la caserne. Ils dirigent vers la caserne leurs canons antiaériens basés à Mkallès et à Mar Takla. Les soldats syriens installent également des lance-roquettes multiples à Louaïzé, et une colonne formée de six chars prend position face à la caserne sur la colline de Fayadiyé. Trois autres chars prennent position face à l’Ecole Militaire. Tout cela pendant que des pourparlers ont lieu entre les deux commandements libanais et syrien afin de circonscrire les affrontements.

    Les groupes de militaires présents à l’intérieur de la caserne de Fayadiyé décident de défendre leur caserne et de faire face afin d’empêcher les syriens d’y entrer quel qu’en soit le prix. C’est l’Ecole Militaire qui assure les moyens logistiques et les munitions aux officiers et soldats libanais qui comprennent qu’ils sont encerclés par les syriens et qu’ils sont donc dans l’impossibilité de sortir de leur caserne après que les forces syriennes ont pris le contrôle de tous les immeubles et de toutes les positions stratégiques qui entourent la caserne de Fayadiyé. Les huit groupements de militaires libanais qui se trouvent au sein de la caserne sont les suivants : le Groupement numéro 11 sous le commandement du capitaine Mounir Bejjani qui a appuyé les stagiaires des Maghawir le 7 février. Le Groupement numéro 12 sous le commandement des officiers Michel Abou Ghanem et Louis Khoury. Le Groupement numéro 14 sous le commandement de l’officier Makhoul Hakmeh. Le Groupement numéro 16 sous le commandement de l’officier Ghazi Ghattas. Le Groupement numéro 18 sous le commandement de l’officier Wehbé Katicha qui a succédé à Fouad Malek. Il faut ajouter à ces groupements la présence de la Police Militaire sous les ordres du colonel Nayef Kallas ainsi que la présence de nombreux officiers. Les militaires assiégés à l’intérieur de la caserne ont à leur disposition, en plus de leur armement individuel, des mitrailleuses de calibre moyen, 6 canons antiaériens quadri-tubes de 40 mm, deux chars AMX-13, ainsi que des voitures blindées Panhard et des mortiers qu’ils vont employer pour bombarder les positions de l’armée syrienne à Fayadiyé et dans ses alentours.

    Le matin du 8 février 1978, le général Antoine Barakat commandant de la caserne Chukri Ghanem est en réunion dans son bureau avec une vingtaine d’officiers qui suivent les pourparlers en cours entre les commandements libanais et syrien afin de mettre fin au siège de la caserne. A 10h00, les chars syriens déclenchent brusquement un déluge de feu et de fer sur les bâtiments de la caserne en visant plus particulièrement le bureau du général Antoine Barakat avec l’intention manifeste de l’éliminer ainsi que les officiers réunis avec lui. Le fait que les chars se trouvent sur la colline de Fayadiyé située au-dessus de la caserne, et que leurs canons ne peuvent donc pas ajuster leur angle de tir pour viser la salle de réunion des officiers de façon directe va sauver ces derniers d’une mort certaine. Les obus syriens ne réussissent qu’à atteindre les étages élevés ainsi que le toit en béton armé de la salle de réunions. L’Ecole Militaire est également la cible de bombardements violents qui entraînent la mort d’un soldat. Le bureau du commandant de l’Ecole le général Riad Chamoun est également atteint ainsi que la caserne de formation des Maghawir. Les forces syriennes bombardent ensuite la caserne avec les canons antiaériens et les armes moyennes ainsi que les lance-roquettes multiples positionnées à Dhour el-Abadiyé. Le lieutenant Abdallah Hadchiti qui fait partie du Groupement numéro 16 commence à ouvrir le feu sur les syriens à partir d’une mitrailleuse de calibre 12.7 mm fixée sur une voitures blindée Panhard, et il est atteint en pleine tête par des balles de snipers syriens postés dans la zone des résidences des officiers. C’est alors que les militaires libanais s’abritent derrière les arbres et ouvrent un feu nourri en direction des résidences des officiers afin de couvrir les soldats qui essaient de retirer le corps du lieutenant Hadchiti vers l’arrière. Plusieurs officiers et soldats libanais sont blessés et soignés avec des méthodes primitives vu le manque de matériel médical. Ils sont mis à l’abri à l’arrière loin du regard de leurs camarades afin que ces derniers gardent le moral. En parallèle à ces combats, l’officier Farès Ziadé qui se trouve à l’extérieur de la caserne prend l’initiative de rassembler près de son domicile à Fayadiyé un nombre important de soldats avec leurs armes individuelles et lance une attaque-surprise contre les forces syriennes qui encerclent et bombardent la caserne. Pendant le bombardement, une délégation de parlementaires syriens composée d’une dizaine de députés passe près de la caserne de Fayadiyé. Le convoi est contraint de stopper en face de la caserne et les députés sautent dans un canal d’évacuation des eaux qui se trouve devant la porte de la caserne pour se mettre à l’abri des bombes et des balles. La pluie ayant rempli le canal, ils se retrouvent trempés. Un groupe de militaires libanais les exfiltre vers la caserne pour les mettre à l’abri. A ce moment-là, le général Antoine Barakat contacte le commandement de l’armée et le met au courant de la présence des parlementaires syriens. Au même moment, le colonel Nayef Kallas commandant de la Police Militaire contacte le président de la République Elias Sarkis pour le mettre au courant que les syriens bombardent la caserne dans le but de tuer tous ses défenseurs. Karim Pakradouni relate dans son livre La Paix Manquée les détails suivants : « Le président Elias Sarkis avait pris contact avec le président syrien et celui-ci lui avait déclaré : « L’incident de la veille est extrêmement grave ; il ne s’agissait pas d’un accrochage mais d’un massacre, c’était bien un piège délibéré tendu à l’armée syrienne et non un incident isolé. Une affaire comme celle-ci suscite bien des interrogations et je ne ferai preuve d’aucune indulgence. Je ne pourrai pardonner à ceux qui ouvrent le feu sur mes troupes ; la dignité de l’armée syrienne est tout entière en jeu » ». Il demande ensuite au président Sarkis de lui remettre les officiers et soldats libanais responsables de l’agression contre l’armée syrienne. A ce moment, Sarkis propose à Assad la formation d’un comité libano-syrien chargé de mener une enquête sur les incidents de Fayadiyé. Assad refuse et dit : « Le commandant de l’armée libanaise connaît les responsables, mais il tente de s’esquiver ; il invente des feintes et des prétextes, et l’idée d’une commission conjointe est bien l’une de ces inventions. Le commandant de l’armée veut une solution à la libanaise qui blanchirait les coupables. Cela est inacceptable pour nous. Il doit être prêt à nous livrer les officiers libanais coupables et à passer par les armes quelques-uns d’entre eux[76] ». Quelques heures plus tard les bombardements syriens s’étendent au périmètre du ministère de la Défense et à la route du palais présidentiel de Baabda. Les accrochages redoublent d’intensité entre l’armée syrienne d’une part et l’armée libanaise appuyée par les milices des Kataëb et du PNL d’autre part. Vers midi des accrochages éclatent partout à Sinn el-Fil, Aïn el-Remmaneh, Chiyah…Pendant ce temps, le président Assad envoie une délégation d’officiers de haut rang syriens au Liban pour rencontrer le commandant en chef de l’armée libanaise le général Victor Khoury et un nombre d’officiers libanais de haut rang. Au cours de nombreuses réunions, les deux délégations se mettent d’accord sur la nécessité d’un cessez-le-feu et le retrait des blessés. A ce moment-là, les ambulances de l’armée libanaise se chargent de transporter les blessés syriens vers l’Hôpital Militaire pendant que les syriens relâchent les officiers et leurs familles retenus dans leurs domiciles à Fayadiyé, et arrêtent les tirs de francs-tireurs sur les militaires de la caserne de Fayadiyé à partir de 17h30, après que la prison du ministère de la Défense ainsi que le siège du commandement de l’armée à Yarzé aient été violemment bombardés.

    Le 9 février à partir de 04h00 du matin Beyrouth et ses banlieues se réveillent au son de bombardements intensifs et d’accrochages aux armes lourdes et à l’artillerie. La FAD syrienne adresse un ultimatum au commandement de la caserne de Fayadiyé aux termes duquel ce dernier doit lui remettre les officiers et soldats qui ont participé aux combats contre elle avant 09h30. Le commandant de la caserne met au courant le commandement de l’armée de la situation, et les pourparlers commencent afin de débloquer la situation et de trouver une issue honorable aux deux forces armées. Mais cela ne sert à rien et les bombardements redoublent d’intensité contre les positions de l’armée libanaise, certains obus atteignant le périmètre du ministère de la Défense et du palais présidentiel. L’armée appuyée par les milices chrétiennes riposte en bombardant les positions syriennes et les batteries d’artillerie de Jamhour, Yarzé et Hazmieh. A 11h00 du matin, le président Sleimane Frangié est chargé par le président Sarkis de se rendre à Damas afin de tenter de calmer les choses. Celui-ci accepte, et vers 11h40 il prend la route de Damas en compagnie du ministre de la Défense Fouad Boutros et du commandant de la FAD le colonel Sami el-Khatib. Au cours de pourparlers entre Khaddam et Boutros ce dernier tente de trouver une solution médiane entre les positions libanaise et syrienne, car il ne veut pas que la solution se fasse au détriment de l’armée libanaise. Durant une réunion avec Hafez el-Assad, ce dernier donne directement ses ordres au commandant des forces syriennes au Liban le général Ali Aslane afin que ce dernier cesse les tirs. Un cessez-le-feu est conclu à 17h30 entre la caserne de Fayadiyé et les positions des forces syriennes. Le président Assad exige en contrepartie que le Front Libanais publie un communiqué dans lequel il exprime toute sa confiance au président syrien.

    Mais entretemps la tension militaire se propage à toutes les régions Est, et les affrontements se déplacent du front de la caserne de Fayadiyé aux quartiers résidentiels d’Achrafieh, Furn el-Chebback et Aïn el-Remmaneh, faisant des victimes. Les rumeurs colportées dans les régions Est prétendent que les forces syriennes s’apprêtent à occuper le quartier de Aïn el-Remmaneh après qu’un miliciens ait incendié un camion syrien qui tentait de rentrer dans la localité en tirant dessus au canon sans recul B-7, tuant huit soldats et en blessant un certain nombre. En riposte à cette attaque, les syriens dirigent les obus de leurs lance-roquettes multiples et de leurs canons sur les régions résidentielles de Aïn el-Remmaneh, Furn el-Chebback, Tehwita, boulevard du Palais de Justice, faisant nombre de morts et de blessés parmi les civils et provoquant de nombreux incendies. Les milices du Front Libanais et l’armée libanaise ripostent à ces tirs, et les positions syriennes de Sinn el-Fil et de Jisr el-Wati sont la cible de bombardements ainsi que de tirs de mitrailleuses lourdes. Les obus atteignent la rue Sami el-Solh et la région de Badaro. Des accrochages violents ont lieu entre l’armée syrienne d’un côté et les Kataëb et le PNL d’autre part sur le front de la galerie Semaan. Tandis que les combats continuent à Fayadiyé et ses alentours, un accrochage a lieu entre les miliciens du PNL de faction devant une des positions du parti à Sioufi et l’un des postes de la FAD syrienne au cours duquel sont utilisées des mitrailleuses lourdes et des lance-roquettes RPG. Cet accrochage fait 5 morts et un certain nombre de blessés. Toutes les vitres des bureaux de la permanence du PNL sont brisées par les déflagrations. L’accrochage a lieu en la présence de Camille Chamoun dans les locaux de la permanence, et certaines sources erronées affirmeront que ce dernier a été blessé au cours de l’accrochage. Un cessez-le-feu intervient assez rapidement après des contacts entrepris entre les deux parties, et les blessés peuvent ainsi être évacués vers les hôpitaux. Cette accalmie permet également au président Chamoun de quitter la permanence. Avec la tombée de la nuit, la situation sécuritaire se dégrade à nouveau, et des accrochages intermittents ont lieu entre la FAD syrienne et les combattants du Front Libanais dans les régions de l’Hôtel-Dieu, Sodeco et la corniche du Fleuve. Des sources militaires libanaise donnent le bilan des deux premiers jours de la bataille de Fayadiyé comme suit : un officier et quatre soldats morts, 6 officiers et 9 soldats blessés.

    L’arrêt des combats sur le front de Fayadiyé n’englobe pas les autres fronts. Pendant que les négociations se poursuivent au commandement de l’armée libanaise à Yarzé, les régions de Chiyah, Aïn el-Remmaneh, Achrafieh et Furn el-Chebback sont la cible de bombardements intensifs qui entraînent des destructions massives. Un incendie se déclare dans l’immeuble Baïda où se trouve le service géographique dépendant du commandement de l’armée. Des obus s’abattent sur Achrafieh notamment dans le périmètre de l’hôpital orthodoxe, La Sagesse, Gemmayzé, Mar Mikhaël, Akkaoui, Sioufi et Sodeco, faisant de nombreux morts et blessés civils. Des obus destinés au QG des Sections Kataëb de Sécurité (SKS) s’abattent sur l’axe Akkaoui –Gemmayzé –Mar Mikhaël. Cinq transports de troupes syriens sont détruits à Sinn el-Fil. Le soir même, Amine Gemayel organise une réunion entre les officiers de haut rang syriens et libanais à son domicile de Badaro, au cours de laquelle les parties se mettent d’accord sur un cessez-le-feu dans la région de Aïn el-Remmaneh –Chiyah. Selon une source Kataëb, les tirs des francs-tireurs et les bombardements sur Achrafieh, Aïn el-Remmaneh, Sinn el-Fil et Tehwita ont fait 4 morts et un certain nombre de blessés.

    Le 10 février 1978, le Front Libanais publie le communiqué tant attendu par Assad. Dans ce communiqué, le Front Libanais exprime ses regrets pour les incidents avec des forces amies entrées au Liban avec le consentement des autorités légales. Il demande la constitution d’une commission d’enquête destinée à identifier les responsables et à prendre les mesures nécessaires contre eux. A la suite de la diffusion du communiqué, les combats d’arrêtent sur tous les fronts. Les responsables du Front Libanais se rendent alors chez le président Sarkis et lui demandent que ce soient les autorités judiciaires libanaises qui s’occupent de l’affaire, et qu’aucun des militaires libanais ne soit condamné à mort.

    Le 11 février, une réunion a lieu au palais de Baabda entre le ministre de la Défense Fouad Boutros, le commandant en chef de l’armée le général Victor Khoury, le chef d’état-major le général Mounir Torbey et le chef du Deuxième Bureau Johnny Abdo, au cours de laquelle ils font le point sur la situation de l’armée à Fayadiyé et à Yarzé. Les unités de l’armée sont encerclées, menacées d’anéantissement, tendues. Le commandant en chef de l’armée avoue que ses troupes sont au bord de la mutinerie contre lui et contre l’Etat. Le ministre Boutros explique aux officiers supérieurs que la commission mixte est inévitable afin d’enquêter et d’énoncer des sanctions contre les responsables. De leur côté, les officiers supérieurs avouent au ministre de la Défense que l’armée peut accepter des sanctions contre le capitaine Samir el-Achkar, à condition qu’il ne soit pas condamné à mort. A 14h une délégation syrienne conduite par Abdel-Halim Khaddam et comprenant Naji Jamil et Mohammad Ghanem arrive à Baabda où elle est reçue par le président Elias Sarkis, le Premier ministre Sélim el-Hoss et le ministre de la Défense et des Affaires Etrangères Fouad Boutros, et plus tard ils sont rejoints par le commandant de la FAD le colonel Sami el-Khatib. Les pourparlers débutent, et le soir, le président Sarkis invite les responsables du Front Libanais à Baabda en accord avec ses hôtes. C’est ainsi que Camille Chamoun, Sleimane Frangié et Pierre Gemayel se rendent au palais présidentiel pour prendre part à une réunion élargie. En fin de compte, tous les présents donnent leur accord pour la formation d’une commission judiciaire conjointe chargée d’enquêter sur l’incident et de désigner les coupables.

    Le 12 février 1978, Abdel-Halim Khaddam et Naji Jamil annoncent au président Sarkis que les cadavres de 60 ouvriers syriens ont été découverts par le commandement militaire syrien dans les régions à majorité chrétienne. Ils affirment que les accords de la veille sont nuls et non avenus. Le ministre de la Défense exige que la direction des renseignements transmette au président de la République et à ses hôtes tout ce qu’elle sait sur cette affaire. Il est apparu après enquête qu’il n’y a que deux morts syriens seulement. Rassurée, la délégation syrienne revient sur sa décision. Une commission d’enquête militaire constituée des officiers syriens Ali Aslan et Mohammad Ghanem et des officiers libanais le colonel Zein Makki sous-chef d’état-major et le colonel Georges Azzi, prend la déposition du premier témoin, le colonel Antoine Barakat, puis celle de plusieurs officiers syriens. La commission d’enquête prend pour QG une des ailes du palais présidentiel de Baabda.

    Le 13 février, le Conseil des ministres adopte un projet de loi consistant à créer un Tribunal Exceptionnel Mixte auquel il donne le nom de « Tribunal Spécial de Sécurité ». Le Conseil renvoie le projet de loi devant le Parlement en urgence. Pendant ce temps, la commission d’enquête continue à prendre les dépositions d’un certain nombre d’officiers à propos des incidents de Fayadiyé.

    Le 14 février, le Parlement adopte le projet de loi créant le Tribunal Spécial de Sécurité avec une majorité de 72 voix contre une voix, celle de Mikhaël el-Daher. Les députés apportent quelques modifications au projet de loi, et notamment : l’annulation de la clause qui stipule l’exécution immédiate des peines, la possibilité du condamné d’être amnistié par le président de la République.

    Entre le 20 et le 24 février, les militaires libanais suivants sont arrêtés pour enquête : le lieutenant Farès Ziadé, le sous-lieutenant Antoine Haddad, le capitaine Samir Achkar ainsi que deux soldats.

    Le 23 février 1978, le commandant de la FAD le colonel Sami el-Khatib présente au cours d’une réunion avec le ministre de la Défense Fouad Boutros et avec le commandant en chef de l’armée le général Victor Khoury au palais de Baabda une liste de 12 officiers et de 5 soldats et demande que ces derniers soient arrêtés le plus rapidement possible. Boutros réplique que cette demande est irréalisable, quand bien même ils étaient tous coupables. Après des discussions assez vives entre les deux hommes, Khatib se contente de demander l’arrestation de deux officiers.

    Finalement, le Tribunal Spécial de Sécurité n’émettra aucun jugement dans l’affaire de Fayadiyé. Le capitaine Samir Achkar que les syriens considèrent comme l’instigateur de la bataille de Fayadiyé n’accepte pas d’être jugé pour avoir exercé son devoir, se rebelle et crée le Commandement révolutionnaire de l’armée libanaise.

     

    L’invasion israélienne de mars 1978 et le déploiement de la FINUL dans le Sud

     

    A partir du 15 mars 1978, Israël commence une invasion du Liban-Sud en réaction à une attaque palestinienne. Après un intense barrage d’artillerie nocturne, les blindés israéliens commencent leur avancée à l’aube à partir des enclaves chrétiennes et du territoire israélien. Simultanément, l’aviation bombarde les positions sensibles des Forces communes et notamment le port de Tyr qui sert à ravitailler la région, la localité de Damour et le quartier d’Ouzaï à l’entrée de Beyrouth. Israël engage dans l’offensive quelques 15000 à 20000 hommes et plusieurs divisions blindées. Le même jour, « un communiqué militaire israélien insiste sur le caractère limité de l’opération qui ne vise ni l’armée libanaise ni la FAD[77] ». L’objectif de l’invasion est de liquider les bases des fedayin situées le long de la frontière israélo-libanaise. Les israéliens affirment qu’ils ont pour objectif d’empêcher tout retour des fedayin par l’établissement d’une ceinture de sécurité de 10 Km de large le long de la frontière. Cette bande doit relier les trois enclaves chrétiennes situées à l’Est (Marjeyoun –Kleyaa), au Centre (Rmeich –Aïn-Ibl –Delb) et à l’Ouest (Alma el-Chaab).

    Le soir du 15 mars, les israéliens affirment qu’ils ont achevé les opérations militaires importantes sur le territoire libanais. Mais le lendemain les combats continuent avec la même intensité, et l’aviation ennemie bombarde Nabatiyeh et le château de Beaufort où se trouvent des concentrations de combattants des Forces communes. Ces dernières répliquent en pilonnant les localités de Galilée et notamment Kyriat-Shmona et Metoulla. Le 17 mars, les israéliens élargissent leur périmètre d’action au Nord du Litani à Adloun, où un commando débarque pour une opération contre une base de fedayin. Ce n’est que le 18 mars que l’armée israélienne parvient à réaliser son objectif de contrôle d’une bande frontalière de 10 Km, avec dans certains endroits une profondeur de 16 Km.

    Dès le début de l’opération israélienne, la diplomatie libanaise se met en branle pour tenter de trouver une solution à la crise. C’est ainsi que le 15 mars le gouvernement libanais saisi le Conseil de Sécurité de l’ONU de l’affaire. Ce n’est que le 17 mars que le Conseil de Sécurité se réunit pour la première fois et ouvre le débat. Une idée majeure émerge dès les premières séances, qui est la mise en place d’une force internationale au Liban-Sud. Le 19 mars, au bout de 4 séances consacrées à la situation au Liban-Sud, le Conseil de Sécurité adopte la résolution 425 qui comporte trois points. Dans le premier point le Conseil de Sécurité demande que « soient strictement respectées l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance politique du Liban à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues ». Dans le deuxième point le Conseil de Sécurité demande à Israël de « cesser immédiatement son action militaire contre l’intégrité territoriale du Liban et de retirer sans délai ses forces de tout le territoire libanais ». Dans le troisième point qui est le point le plus important de la résolution, le Conseil de Sécurité décide de créer une force intérimaire des Nations Unies « aux fins de confirmer le retrait des forces israéliennes, de rétablir la paix et la sécurité internationales et d’aider le gouvernement libanais à assurer la restauration de son autorité effective dans la région ». Le lendemain, le Conseil de Sécurité adopte la résolution 426 qui fixe les tâches et le fonctionnement de la force, appelée Force Intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL), ainsi que son financement[78].

    Le 18 mars 1978, l’opération israélienne appelée « Opération Litani » entre dans sa deuxième étape. L’armée israélienne approfondit sa pénétration dans le secteur oriental vers Rachaya el-Foukhar, Chouaya et Kawkaba. Pendant ce temps, l’armée israélienne n’arrête pas de pilonner Tyr où l’aviation utilise pour la première fois des bombes à fragmentation le 19 mars. Le Arkoub à l’Est et la région de Nabatiyeh et du château de Beaufort sont également soumis à un bombardement violent. Parallèlement, en riposte à tous ces bombardements, les milices des Forces communes poursuivent le bombardement des agglomérations frontalières israéliennes situées dans le Doigt de la Galilée. Malgré l’adoption par le Conseil de Sécurité des résolutions 425 et 426, la campagne israélienne continue pendant deux jours supplémentaires. Ce n’est que le 21 mars qu’un cessez-le-feu est ordonné, après que l’armée israélienne ait renforcé ses positions et poursuivi le nettoyage des zones conquises. Le 21 mars, l’armée israélienne occupe l’ensemble de la région au Sud du Litani soit 1000 Km2, à l’exception de Tyr et de ses environs.

    Le 22 mars, les Casques-Bleus commencent à arrivent au Liban-Sud. En effet, « une centaine de soldats iraniens, commandés par un colonel irlandais, traversèrent la frontière venant d’Israël après une légère altercation avec les forces du commandant Saad Haddad qui exigeait que les forces internationales vinssent par l’aéroport de Beyrouth « s’il fallait absolument qu’elles viennent ».[79] ». Ils seront suivis par des suédois venus du Sinaï. Le 22 mars également, voyant que la situation sur le terrain est calme, le commandant en chef de l’armée le général Victor Khoury se rend à Nakoura pour se réunir avec les officiers supérieurs de la FINUL en présence d’officiers israéliens. Le 23 mars, un contingent de 214 soldats français débarque à l’Aéroport International de Beyrouth et se dirige vers Tyr. Le 24 mars, un bataillon de parachutistes français établit son PC à la caserne de Tyr et fait circuler des patrouilles à l’intérieur de la ville. Le 25 mars, le général Enzio Silasvuo est au Liban pour finaliser les derniers préparatifs du déploiement des Casques Bleus au Liban-Sud et examiner la possibilité d’envoyer l’armée libanaise au Sud afin de l’associer au maintien de la sécurité dans la région aux côtés de la FINUL. Mais les affrontements ne s’arrêtent pas, car l’OLP rejette le cessez-le-feu décrété unilatéralement par Israël. Le 27 mars, plusieurs localités israéliennes sont bombardées. Le jour même, le commandant Saad Haddad annonce la création de l’Armée du Liban-Sud avec service militaire obligatoire et déclare vouloir placer cette dernière à la disposition des autorités libanaises dès qu’elles auront rétabli leur autorité dans la zone frontalière. En réaction à cette nouvelle rébellion au sein de l’armée libanaise, le Premier ministre Salim el-Hoss qui est encouragé par les dirigeants de l’OLP déclare qu’il tient à prendre des mesures punitives contre Haddad. Il demande au commandant en chef de l’armée de juger et punir rapidement le commandant Haddad. Ce n’est que le 28 mars que Arafat accepte le cessez-le-feu après l’intervention du secrétaire général de l’ONU M. Kurt Waldheim et une visite du commandant des Casques Bleus, le général Erskine. Le 29 mars, les milices des Forces communes empêchent les Casques Bleus français de s’installer sur le pont de Qasmiyyé qui commande l’accès à Tyr par le Nord. Les français doivent se contenter d’un poste au Sud de la ville et de six postes sur le Litani. Le 30 mars, le secrétaire général des Nations Unies insiste sur la nécessité d’assurer une présence libanaise même symbolique dans le Sud aux côtés de la FINUL. Il propose un plan qui consiste à assurer une présence policière dans la ville de Tyr, le retour progressif des Forces de Sécurité Intérieure dans certaines régions sensibles du Sud, l’installation de barrages de sécurité libanais auprès de ceux de la FINUL notamment sur les ponts qui assurent les déplacements du Sud vers Beyrouth et vice versa. Début avril, la FINUL compte un contingent de 1280 soldats qui sont déployés au Sud. Le 1er avril le Liban demande au secrétaire général de l’ONU d’établir un calendrier pour le retrait israélien car cette démarche peut aider à détendre l’atmosphère et à faciliter le règlement de certaines questions en suspend. Le 4 avril 1978, le général Enzio Silasvuo et ses collaborateurs sont de nouveau au Liban afin de voir ce qui peut être fait pour arriver à rendre acceptable par les musulmans un déploiement même symbolique de l’armée libanaise aux côtés de la FINUL. Le 5 avril, les forces de sécurité libanaises commencent à se déployer dans la zone de déploiement de la FINUL. Des gendarmes prennent position dans certains points sensibles du Sud, reprennent certains des postes de gendarmerie qu’ils ont été obligés d’abandonner pendant les hostilités et établissent des barrages sur les routes principales. Le 6 avril, le ministre de la Défense israélien Eizer Weizmann présente au général Silasvuo un plan pour un premier retrait en deux phases prévues respectivement pour le 11 et le 14 avril. « Le 11 avril, une portion de moins de 50 Km2 s’étendant sur 12 Km de long, à l’Est, entre le pont de Khardali et le centre du Arkoub, où le contingent norvégien de la FINUL prit le contrôle des sept localités évacuées, Rachaya el-Foukhar, Kawkaba, Ibl el-Saki, Fardis, Hebbariyyé, Kfarchouba et Chebaa. Le 14 avril, une zone de 60 Km2 dans le secteur central, entre le pont de Qaakaïyyé et Deir Mimas, où le contingent népalais se vit confier le contrôle de cinq localités, notamment Taybé[80] ». Ces retraits partiels achevés, Israël cherche à retarder l’évacuation totale. Voyant cela, les Etats-Unis commencent à exercer des pressions. Ainsi, le 14 avril, l’administration US reconnaît qu’Israël a utilisé des bombes à fragmentation de fabrication américaine durant l’invasion, et affirme qu’elle ne donnera pas suite à cette violation des accords bilatéraux si le Liban-Sud est rapidement évacué. Le 18 avril 1978, des renseignements arrivent au Deuxième Bureau de l’armée selon lesquels un plan d’une extrême gravité est organisé pour replonger le pays dans la crise. En effet, selon ces informations, le mouvement Fath ordonne à l’un des officiers de l’Armée du Liban Arabe toujours présente au Sud d’attaquer et d’occuper la caserne de Nabatiyeh, chose qui est faite le lendemain. Le 19 avril le secrétaire général de l’ONU rend visite à Weizmann, qui lui dit que l’armée israélienne va procéder à un nouveau retrait le 30 avril. Il précise aussi « que Tyr et la poche qui l’entourait n’étaient pas comprises dans la zone d’opérations de la FINUL. Cependant, les français maintinrent leur PC à l’intérieur de la ville[81] ». En effet, le 30 avril les israéliens abandonnent 350 Km2 dans le secteur central. Avec ce retrait, Israël conserve 640 Km2, soit plus de la moitié du territoire initialement occupé. Ce retrait israélien est suivi de heurts violents les 30 avril et 1er mai 1978 entre les Casques Bleus et les miliciens des Forces communes. C’est ainsi que des accrochages opposent les Casques Bleus français et sénégalais à des éléments du Front du Refus infiltrés dans la zone prise en charge par la FINUL à l’Est de Tyr. 3 sénégalais sont tués ainsi que 3 combattants des Forces communes. Le 2 mai, les combats s’étendent à Tyr où le PC français est bombardé. Le bilan du côté français est relativement lourd : deux morts et douze blessés dont le commandant du contingent le colonel Pierre Salvan.

    Pendant ce temps, le commandement de l’armée met sur pied et organise un contingent de 300 militaires en vue de le déployer dans le Sud comme prévu dans la résolution 425. Mais le Premier ministre Sélim el-Hoss s’oppose à l’envoi de l’armée dans la zone frontalière en raison des pressions qu’il subit de la part de l’OLP et du Mouvement National libanais qui accusent cette dernière de sectarisme.

    Le 31 mai 1978 un sommet libano-syrien se tient à Lattaquié, au cours duquel les relations libano-palestiniennes sont à l’ordre du jour. Le côté libanais est représenté par le président Sarkis, le président Hoss et le ministre des Affaires Etrangères et de la Défense Fouad Boutros, et le côté syrien par le président Assad, le président du Conseil Mohammad el-Halabi, le ministre des Affaires Etrangères Abdel-Halim Khaddam et de hauts fonctionnaires. Figurent également  à l’ordre du jour l’envoi de l’armée libanaise au Sud, l’avenir et la méthode de travail de la FAD, le statut de la région située au Nord du Litani et l’avenir des relations avec le Front Libanais. Le président Assad paraît favorable au déploiement de l’armée libanaise dans la zone d’action de la FINUL alors que le président Hoss ne l’est pas. Le président syrien réclama à son homologue libanais le renvoi des officiers Saad Haddad et Sami Chidiac qui commandent l’Armée du Liban Libre (ALL)[82] et se vantent de leur collaboration avec Israël. Alors que le sommet de Lattaquié bat son plein, le ministre de l’Intérieur Salah Salman contacte de Beyrouth le président de la République pour lui apprendre que des accrochages ont éclaté à Chekka entre la milice des Marada et les Kataëb. Il y a des blessés et des enlèvements. Salman suggère de faire intervenir l’armée, ce qu’approuve le président Sarkis. L’armée prend position dans les régions de Chekka et du Kesrouane et procède à des patrouilles en vue de rétablir l’ordre.

    Le 5 juin 1978, le ministre de la Défense se réuni avec le commandant en chef de l’armée Victor Khoury, le chef d’état-major Mounir Torbey, le chef du Deuxième Bureau Johnny Abdo et le commandant de la FAD Sami Khatib en présence d’autres officiers supérieurs pour lancer une opération de coopération entre l’armée libanaise et la FAD dans le but de rétablir la souveraineté de l’Etat au Sud. Puis une réunion a lieu entre le ministre de la Défense, le ministre de l’Intérieur Salah Salman et le directeur général des Forces de Sécurité Intérieure le colonel Ahmad el-Hajj dans le but de répartir les positions entre l’armée libanaise et les Forces de Sécurité Intérieure dans le Sud. En ce qui concerne la coopération entre les organes de sécurité libanais et la FINUL, elle se fera comme suit : le commandant Haddad recevra l’ordre de cantonner ses forces dans les casernes et de ne pas interférer avec la mission des Casques Bleus. La bonne frontière, qui a été le résultat de circonstances exceptionnelles que le Liban-Sud a connues, doit cesser immédiatement. Enfin, l’armée libanaise sera dépêchée au Liban-Sud dès que les circonstances le permettront. L’OLP donne son accord de principe sur l’envoie de l’armée libanaise au Sud. Le 6 juin 1978, le Front Libanais annonce son refus du déploiement de l’armée libanaise dans la seule zone frontalière car il réclame le déploiement de l’armée sur l’ensemble du territoire libanais. Mais le vrai but de cette opposition est la crainte qu’un déploiement de l’armée libanaise ne provoque un conflit avec l’Armée du Liban Libre qui protège les villages chrétiens situés dans la zone frontalière. Israël non plus ne souhaite pas voir l’armée libanaise s’installer dans cette zone. A mesure que l’heure H pour l’envoi de l’armée libanaise au Sud s’approche, le Premier ministre Sélim el-Hoss et le Mouvement National font sentir leur réticence et leur refus de ce déploiement. C’est ainsi que Hoss réclame le jugement du commandant Haddad au lieu de son intégration dans les unités de l’armée qui vont se déployer dans le Sud en vue de faciliter la mission des Casques Bleus. Haddad se dit « disposé à obéir aux ordres du commandement libanais en ce qui concerne le cantonnement de ses troupes dans les casernes et à ne pas mener d’opérations de sécurité en présence des forces internationales dans la région. En ce qui concerne l’armée libanaise, le commandement procède aux préparatifs nécessaires et le gouvernement déploie de grands efforts, pour assurer son envoi rapide, dans les meilleures conditions possibles, compte tenu des considérations que vous connaissez[83] ».

    Le 12 juin, le général Erskine signe un mémorandum d’entente avec le commandant Haddad commandant du secteur oriental et le commandant Chidiac commandant du secteur occidental, en présence du chef d’état-major de l’armée israélienne. Dans cet accord la FINUL reconnait les deux officiers de l’armée libanaise comme représentant le gouvernement légitime du Liban et s’engage à ne pas combattre ni désarmer ces forces ni à mettre d’obstacles à leur liberté de mouvement. En échange, les commandants Haddad et Chidiac autorisent l’installation de quelques postes d’observation de la FINUL dans leur secteur. Perdu et soumis aux contradictions de la politique libanaise, le commandant de la FINUL le général Emmanuel Erskine provoque un incident diplomatique. Le 13 juin 1978, il affirme publiquement que le gouvernement libanais lui a fait savoir que le Liban-Sud a été remis à l’Etat libanais représenté par le commandant Saad Haddad qui hisse le drapeau libanais à la place du drapeau israélien sur ses positions après le retrait d’Israël de certaines zones frontalières. Le Premier ministre Sélim el-Hoss dément aussitôt l’information et le gouvernement proteste contre cette déclaration. En relatant ces faits, le ministre Fouad Boutros déclare : « Le soir du 13 juin, je câblai à l’ambassadeur Tuéni lui demandant de faire part au secrétariat général des Nations Unies de mon mécontentement, ajoutant qu’il était impératif que le général Silasvuo vienne dans les plus brefs délais pour clarifier les choses et mettre fin à la confusion actuelle, d’autant que le général Erskine a fait des déclarations à la presse qui ne s’accordent nullement avec ce dont nous sommes convenus à Beyrouth, niaec les instructions données. Le commandant en question n’est habilité à faire aucune demande, ni à prendre aucune initiative dans les relations avec la FINUL. Ces deux questions sortent du cadre des ordres clairs qu’il a reçus du commandement de l’armée[84] ». Toujours le 13 juin, Haddad et Chidiac reçoivent comme mission la protection de la ceinture de sécurité qui leur est confiée par le chef d’état-major de l’armée israélienne. Mais le 20 juin 1978, les deux commandants réaffirment qu’ils reçoivent leurs ordres du commandement de l’armée et qu’ils ont pour mission de maintenir la souveraineté libanaise au Sud.

    A la mi-juin 1978, l’armée libanaise se prépare à se déployer au Liban-Sud de façon à ce qu’elle s’y installe avant le 20 juin à cause de nombreuses pressions internationales et surtout françaises. En effet, « le président français Giscard d’Estaing avait indirectement menacé de ne pas renouveler le mandat du contingent français au Liban-Sud si l’Etat libanais n’étendait pas son autorité sur la zone frontalière avant la fin du mois d’octobre[85] ». Pour assurer le déploiement dans les meilleures conditions possibles, l’Etat libanais qui soupçonne les commandants Saad Haddad et Sami Chidiac de ne pas obéir aux ordres du commandement de l’armée libanaise cherche à assurer des routes logistiques sécurisées afin que les unités déployées dans le Sud ne se trouvent pas isolées et en danger. Mais le 20 juin arrive sans que le gouvernement libanais se soit mis d’accord sur l’envoi de l’armée dans le Sud surtout après que le Premier ministre Sélim el-Hoss ait exprimé son refus catégorique d’un tel déploiement. Il faut dire ici que le commandant en chef de l’armée libanaise le général Victor Khoury est réticent à accomplir cette mission tant qu’il n’y a pas d’accord politique et tant que les voies de ravitaillement et de communication entre Beyrouth et le Sud ne sont pas assurées.

     

    La Guerre des Cent Jours, la participation symbolique de l’armée libanaise à la bataille et les répercutions de la guerre sur l’armée libanaise

     

    Le 28 juin 1978, 32 partisans du Front Libanais de quatre villages du Nord de la Békaa (Kaa, Ras-Baalbeck, Jdeidé et Fakiha) sont massacrés. Le jour même, un plan de sécurité est adopté par le gouvernement libanais afin de confier la sécurité d’une partie des régions Est à l’armée libanaise. En effet, en vertu de ce plan de sécurité, l’armée libanaise est en charge du maintien de la sécurité depuis le pont de Madfoun (la limite entre le mohafazat du Nord et le mohafazat du Mont-Liban) jusqu'à Beyrouth. L’armée syrienne quant à elle est chargée du maintien de la sécurité dans tout le mohafazat du Liban-Nord. C’est ainsi que tout au long de la guerre des Cent Jours, l’armée libanaise laisse passer sans difficultés les unités des Forces Libanaises aux barrages qu’elle tient dans la région du Mont-Liban à condition que ces dernières soient munies d’ordres de mission de leur commandement. Comme cela, les miliciens chrétiens n’ont jamais été totalement isolés de l’arrière-pays chrétien, à l’exception de ceux qui sont enfermés à l’intérieur d’Achrafieh par le blocus syrien.

    Le 1er juillet 1978, Bachir Gemayel est arrêté à un barrage syrien posté rue Adib Ishak à Achrafieh et est conduit avec son escorte au Quartier Général de la FAD basé à la Tour Rizk. Ce dernier est relâché une demi-heure plus tard, mais la nouvelle de son arrestation se propage rapidement dans les milieux des miliciens du Front Libanais qui se mobilisent. L’arrestation de Bachir Gemayel s’accompagne d’un embrasement du front de Aïn el-Remmaneh et de Furn el-Chebback où des affrontements et des bombardements violents sont dirigés sur les quartiers résidentiels. Rapidement, les combats s’étendent à Achrafieh et ses environs, et les bombardements syriens visent les différents quartiers de la localité. Le 2 juillet, la Maison Centrale des Kataëb est la cible de bombardements destructeurs suivis par un assaut syrien à partir de quatre axes de pénétration qui sont : le Regent Hotel, l’immeuble Lazariyé, le Gaumont Palace et l’ancien souk aux légumes. Des éléments syriens se postent sur les toits des immeubles avoisinants. Toujours le 2 juillet, les obus s’abattent sur Achrafieh et Aïn el-Remmaneh avec une intensité d’une rare violence. C’est ainsi que les différents quartiers d’Achrafieh vont recevoir leur lot d’obus : Akkaoui, Sassine, Hôtel-Dieu, Sioufi, Jeitawi, Karm el-Zeytoun, Mar Youhanna, Adib Ishak, el-Raï el-Saleh, … Les régions de Aïn el-Remmaneh, Tehwita, Sinn el-Fil, Beit-Mery, Hazmieh, le croisement de Furn el-Chebback, la zone Musée –Palais de Justice –Siyyar vont également être la cible de bombardements violents, qui vont notamment provoquer un incendie dans la nouvelle aile de l’hôpital de l’Hôtel-Dieu qui accueille au 2e jour des bombardements quelques 30 morts et 200 blessés. L’hôpital Jeitawi et l’hôpital orthodoxe seront également bombardés et accueilleront des dizaines de morts et de blessés. L’immeuble de la radio La Voix du Liban est également atteint, provoquant l’arrêt de l’émission pour une courte période. Le lendemain 3 juillet, des affrontements violents ont lieu à Saïfi, au Port de Beyrouth, à Aïn el-Remmaneh et Furn el-Chebback entre la FAD syrienne et les combattants des Kataëb et du PNL, pendant que les régions d’Achrafieh, Aïn el-Remmaneh et Furn el-Chebback sont la cible de bombardements démentiels. Pour la première fois depuis la guerre des Deux Ans, des régions de Beyrouth-Ouest sont également la cible de bombardements violents de la part des milices du Front Libanais.

     

    Le partage du front entre les différentes forces armées sur le terrain

     

    Quand la bataille commence, les forces militaires du Front Libanais sont désorganisées. Quelques jours après le début de la guerre les miliciens commencent à organiser le front et distribuent les postes militaires sur 360 degrés autour de Beyrouth-Est. « Le Tanzim d’Abou Roy prend en charge la défense de la région de Mar Youhanna près de la Tour Rizk. Les miliciens du PNL prennent en charge la défense de la région de Sioufi où se trouve le QG du parti, ainsi que des régions de Sodeco, du Cake House ainsi que de la montée de Saydé, et enfin la région de Karm el-Zeytoun. Le reste des positions militaires est entre les mains des jeunes d’Achrafieh, des unités commandos des Maghawir (Kataëb), de l’unité des Section Kataëb de Sécurité (SKS) ainsi que des unités qui dépendent directement du Conseil Militaire Kataëb. La Maison des Kataëb d’Achrafieh et la caserne d’Achrafieh sont chargées de la défense des régions de Berjaoui, Hôtel-Dieu et Baydoun, en plus de points de défense au sein même d’Achrafieh. Les jeunes de Rmeil se chargent de la défense du pont de fer. Les miliciens des Gardiens du Cèdre se déploient dans la zone du jardin de Sioufi sous les ordres de Keyrouz Barakat… Le groupe des Opérations Centrales qui compte notamment Poussy Achkar, Elie Hobeika, Fouad Abou Nader, Fady Frem, Elias el-Zayeck… possède également des unités d’intervention rapide qui peuvent intervenir en cas de besoin, dans le cas où la pression sur un front est trop forte ou dans le cas où un front est percé. Ces unités d’intervention rapide sont également chargées d’effectuer des opérations spéciales. Bachir Gemayel et Boutros Khawand restent en permanence dans la Chambre d’Opérations tout au long de la guerre. Dans le but d’appuyer le front de Beyrouth, le Conseil Militaire Kataëb demande aux SKS d’Adonis d’envoyer un groupe à Achrafieh. Ces derniers enverront un groupe de 32 éléments par voie de mer. Ce groupe prend position dans l’immeuble de béton, et la garde personnelle de Bachir Gemayel prend position dans deux immeubles avoisinants. La mission de ce groupe est d’interdire aux syriens d’étendre leurs positions vers Achrafieh.

    Sur le front de Aïn el-Remmaneh, le PNL prend en charge la défense des régions Red Shoe –Zaatar et Tehwita. Un groupe du Tanzim prend en charge la défense de la région située aux alentours de Notre-Dame de Lourdes. Les Kataëb se déploient à Aïn el-Remmaneh et Furn el-Chebback.

    Quand au front de Hadeth qui a été le théâtre de batailles féroces et de bombardements destructeurs, des éléments des Kataëb se déploient sur le front qui s’étend de la Galerie Semaan à l’Université Libanaise où se trouvent les forces syriennes. Les miliciens Kataëb prennent également position dans la rue de Hamra à Hadeth qui fait face aux positions syriennes. Un groupe de l’armée libanaise sous les ordres du capitaine Ghazi Ghattas est chargé de la défense de la rue des américains (Hayy el-Amercan). Les miliciens du PNL prennent position sur les fronts de la Pharmacie Matar et des Kafaat[86] ».

     

    Les affrontements et bombardements

     

    Le 4 juillet 1978, devant la violence des bombardements et l’acharnement des syriens à bombarder des zones résidentielles, le secrétaire général des Nations Unies lance un appel au cessez-le-feu qui est soutenu par les ministres des Affaires Etrangères américain et français qui appellent à leur tour à un cessez-le-feu immédiat. Quant au gouvernement israélien, il exprime sa « profonde inquiétude devant les attaques sur les chrétiens du Libanet des sources militaires israéliennes affirment que « les pertes subies par les chrétiens du Liban inquiètent Israël car l’affaiblissement de la force militaires des chrétiens aura certainement des répercussions au Liban-Sud et sur les régions qu’ils contrôlent[87] » ». Les tentatives d’obtenir un cessez-le-feu restent vaines et les accrochages ainsi que les bombardements syriens continuent le 5 juillet 1978. A ce moment là, le président Sarkis menace de démissionner si les syriens continuent à bombarder les zones résidentielles de la zone chrétienne. Le lendemain 6 juillet, « Fouad Boutros transmet au président Sarkis les conditions syriennes pour un cessez-le-feu, qui sont : l’armée syrienne se charge de dresser un plan de sécurité au Liban sans revenir à aucune personnalité politique ou militaire libanaise, la nécessité de dissoudre l’armée libanaise, et la liberté d’action pour la Syrie afin de construire la nouvelle armée libanaise[88] ». Le jour même, des avions de chasse israéliens survolent la région des combats. Suite à la décision du président Sarkis de démissionner et suite au survol des régions de combat par la chasse israélienne, la situation se calme sur le terrain et les bombardements deviennent intermittents. Mais les tirs des francs-tireurs continuent pour maintenir la tension, ainsi que le blocus de Beyrouth-Est où les produits alimentaires de première nécessité commencent à faire défaut. Ceci entraîne l’exode de nombreuses familles vers le Metn, le Kesrouane et Jbeil. Le 11 juillet 1978, le président Sarkis envoie les colonels Sami el-Khatib et Johnny Abdo à Damas pour dire aux syriens qu’il revient sur sa décision de démissionner et leur faire part du fait que leur déploiement actuel dans Beyrouth-Est doit être modifié pour empêcher toute explosion sécuritaire. Le fait que le président Sarkis revienne sur sa démission calme quelque peu la situation sécuritaire, et un calme précaire prévaut à Beyrouth-Est jusqu'au 23 juillet 1978, lorsque des combats violents font rage entre les forces syriennes et les milices du Front Libanais à Hadeth, faisant 6 morts et 50 blessés ainsi que des dégâts matériels immenses. Le lendemain 24 juillet, des obus s’abattent aux alentours du palais présidentiel de Baabda et provoquent des incendies dans les bois avoisinants. Le 29 juillet, Pierre Gemayel déclare que l’armée libanaise doit se déployer dans toutes les régions libanaises dont le Sud. Le 31 juillet 1978 les affrontements deviennent de plus en plus violents à Aïn el-Remmaneh entre les combattants des Kataëb et du PNL d’une part et la FAD syrienne d’autre part.

    Dès le 1er août 1978 les services de sécurité libanais reçoivent des informations selon lesquelles de nouvelles cargaisons d’armes sont parvenues aux milices du Front Libanais par voie maritime à travers les ports illégaux comportant notamment des missiles antichars MILAN et des chars Sherman fournis par Israël. Les affrontements violents continuent du 1er au 11 août 1978 à Chiyah, Aïn el-Remmaneh, Achrafieh, la Quarantaine, Furn el-Chebback, Badaro et Tehwita, faisant des dizaines de morts et des centaines de blessés. Le 10 août, des arrangements sécuritaires sont entrepris à Achrafieh. Les forces syriennes évacuent six immeubles dans trois quartiers d’Achrafieh qui sont : Karm el-Zeytoun, Saydé et Sassine. Les militaires syriens se rassemblent à la Tour Rizk qui est leur QG dans la région ainsi que dans les deux immeubles Abou Hamad et Habiss, ainsi que dans deux nouveaux immeubles dans la région qui sont l’immeuble Chaaya et l’immeuble de la SNA. Mais les arrangements sécuritaires prévus en ce qui concerne les deux ponts qui se trouvent à l’entrée Est de Beyrouth restent sans exécution. Les arrangements en ce qui concerne ces deux ponts consistent à remplacer la FAD syrienne par la FAD soudanaise.

    Entre le 19 et le 25 août, tous les fronts de Beyrouth restent relativement calmes, pendant que les combats entre les milices du Front Libanais et la FAD syrienne se déplacent au Nord, dans la région de Batroun, et notamment dans le village de Kour qui sera complètement détruit et qui sera évacué par ses habitants avant d’être occupé par les syriens. En effet, le 25 août 1978, les syriens commencent leur déploiement dans la région de Batroun. A l’entrée du village de Smar-Jbeil, la colonne syrienne tombe dans une embuscade des Kataëb qui se replient ensuite vers le Jurd de Batroun. Arrivés dans le village de Smar-Jbeil, le colonel Maurice Abou Raad de l’armée libanaise accompagné par le capitaine Mounir Saab et un certain nombre d’officiers libanais va à la rencontre du chef de la colonne syrienne le capitaine Wahib Haïdar et du lieutenant Ahmad Mousallem ainsi que des autres officiers syriens présents à Smar-Jbeil pour les informer que le village ainsi que le château fort et les hameaux avoisinants ont été abandonnés par les miliciens, et ils demandent aux syriens de se déployer tranquillement pour ne pas mettre en danger la sécurité des villageois. Mais les soldats syriens occupent la permanence des Kataëb ainsi que le dispensaire du village, et ils mettent en place un barrage fixe près de l’église de Smar-Jbeil. Le même jour, des miliciens Kataëb arrêtent un soldat syrien à Daraya et le remettent à l’armée libanaise. Il sera finalement remis à son commandement. Toujours le 25 août, un officier libanais transporte dans sa voiture vers la caserne de la Madina Kachfiyya un commandant et un soldat syriens paniqués après l’attaque de leur convoi dont ils sont les seuls survivants. Un porte-parole de l’armée libanaise dira en soirée que la caserne de la Madina Kachfiyya a essuyé des tirs qui ont fait un blessé léger parmi les militaires libanais. Le lendemain 26 août, la bataille de Kour commence par un incident. A l’aube, une grande colonne syrienne arrive dans la vallée de Aïn Ayya et prend comme QG une carrière de pierre. Pendant ce temps 4 soldats de l’armée libanaise affectés à la caserne de la Madina Kachfiyya s’apprêtent à quitter Kour pour se rendre à leur travail dans une jeep militaire non armée, comme ils l’ont toujours fait. Voyant que la situation sécuritaire est trouble, les habitants demandent aux militaires de renoncer à se rendre à leur travail ce jour-là, mais ces derniers refusent et disent qu’ils n’ont rien à craindre des syriens puisqu’ils font partie de l’armée libanaise et qu’ils sont sans armes. Ils hissent un drapeau libanais sur leur véhicule militaire et prennent la route de la vallée de Aïn Ayya, où ils rencontrent la colonne syrienne. Peut de temps après, les habitants de Kour entendent des rafales de mitraillettes et ne voient pas apparaître la voiture militaire sur l’autre versant de la montagne. Ils comprennent qu’il est arrivé malheur aux quatre militaires, et les préparatifs commencent dans le village afin de faire face à toute attaque syrienne. C’est ainsi que la bataille de Kour commence par un massacre de militaires. Le village de Kour sera finalement évacué par ses habitants avant d’être complètement détruit et occupé par les syriens. Dans la nuit du 26 au 27 août, les syriens bombardent la caserne de la Madina Kachfiyya en guise d’avertissement aux militaires libanais afin de leur faire comprendre qu’ils ne doivent intervenir en aucune façon dans les combats qui se déroulent dans les villages du Jurd de Batroun. Le 27 août, les syriens occupent la presque totalité des villages du Jurd de Batroun car le nombre des miliciens chrétiens est faible compte tenu du fait que la guerre des Cent Jours fait rage à Beyrouth et que nombre de combattants du Nord ont été réquisitionnés pour la défense de Beyrouth-Est. Une délégation des Forces de Sécurité Intérieure qui escorte un camion chargé d’aides alimentaires pour les habitants des villages conquis est arrêtée et fouillée aux barrages syriens, ainsi qu’une autre délégation menée par l’évêque Roland Abou Jaoudé qui reçoit le même traitement. Sur demande du Patriarche Khoreiche, l’évêque Roland Abou Jaoudé retourne dans le Nord le lendemain 28 août escorté par une patrouille de l’armée libanaise. Après la fin des combats dans le Jurd du Batroun, un officier de sécurité de l’armée libanaise accompagné de trois soldats, suivi par une jeep de la Police Militaire et par deux ambulances de la Croix-Rouge Libanaise prend le départ pour tenter de retrouver les quatre soldats ainsi que le véhicule militaire qui ont disparu deux jours plus tôt lors du déclenchement de la bataille de Kour. Les militaires libanais retrouvent la jeep militaire près de la carrière qui sert de QG à l’armée syrienne dans la région. Après un examen soigneux du véhicule, il s’avère que ce dernier n’est atteint d’aucune balle. Les militaires se mettent alors à la recherche de leurs quatre collègues, recherche qui les mène jusqu'à Kour où les éléments de la Police Militaire retrouvent parmi les décombres trois corps mutilés en état de décomposition et vêtus d’uniformes de l’armée libanaise. Les corps sont rapidement identifiés, mais il reste un disparu. Les trois corps sont envoyés à l’Hôpital Militaire à Badaro, et les responsables de la Police Militaire dressent un rapport selon lequel : «  La jeep militaire a été retrouvée garée au bord de la route sur la route menant à Tannourine sans avoir subi de tirs et la clef de contact à sa place. Trois[89] corps parmi les quatre militaires disparus ont été retrouvés dans les vergers qui bordent la route de Kour à près de 1500 mètres de la jeep[90] ». Le 28 août 1978, de graves incidents se déroulent à Aïn el-Remmaneh entre la FAD syrienne et les miliciens du Front Libanais. Le 29 août, les forces syriennes encerclent la caserne de la Madina Kachfiyya et interdit aux officiers et soldats d’y rentrer ou d’en sortir, sous le prétexte que des combattants Kataëb s’y sont réfugiés. L’encerclement syrien sera levé quelques heures plus tard après que les officiers de la caserne aient effectué des contacts en haut lieu. Toujours le 29 août, la situation se dégrade lorsque les soldats syriens commencent à se déployer aux Cèdres. Elles occupent de force la gendarmerie et en expulsent les trois gendarmes qui s’y trouvent après leur avoir confisqué leurs pistolets de fonction et l’armement qui s’y trouve. Ils encerclent la caserne de l’armée sous prétexte que des éléments Kataëb y sont cachés. La caserne des Cèdres est la cible de bombardements intensifs après que les officiers et soldats annoncent leur refus de se rendre et de remettre la caserne et l’armement qui s’y trouve aux syriens. Le bombardement dure une demi heure, puis un officier syrien demande aux deux sous-lieutenants Lahoud Gergès et Nabil Hassoun de lui remettre la caserne. Les deux officiers refusent et disent aux syriens que la caserne n’a pas l’intention de se rendre et qu’elle va combattre jusqu’au dernier homme car elle est le symbole de l’honneur de l’armée libanaise. Après de nombreux contacts avec le commandement de l’armée libanaise à Yarzé, les officiers et soldats libanais décident d’évacuer la caserne avec la tombée de la nuit et de se faufiler loin des lignes syriennes pour se rendre à pied à Bécharré. Entre-temps, les syriens enlèvent et assassinent six habitants de Bécharré qui se trouvaient dans les chalets des Cèdres. Le 30 août, les habitants de Bécharré demandent dans un communiqué que l’Etat libanais demande le retrait de la FAD syrienne du Nord du Liban et charge des forces de sécurité libanaises de la mission du maintien de l’ordre dans la région de Bécharré. Le 31 août 1978, la situation sécuritaire se dégrade dans le Nord suite à l’attaque d’un camion de la FAD syrienne dans le village de Breyssate à proximité de Hadad el-Jebbé vers 14h00. De violents combats ont lieu dans la région de Bécharré entre la FAD syrienne et des éléments Kataëb. Pendant ce temps, le capitaine Paul Farès commandant de la région militaire de Jbeil qui a installé son QG dans les locaux de la radio de Amchit décide après avoir consulté le commandant en chef de l’armée le général Victor Khoury de placer des points de contrôle tenus par l’armée libanaise sur toutes les routes qui permettent le passage du mohafazat du Nord vers le mohafazat du Mont-Liban, comme ça si les syriens tentent d’avancer en direction de Jbeil et du Mont-Liban, ces derniers seront stoppés par les points fortifiés tenus par l’armée libanaise. C’est ainsi que le barrage de l’armée sur le pont de Madfoun est renforcé, et des barrages appuyés par des transports de troupes blindés sont installés à Bcheelé, à Aïn Kfaa et à Mayfouk. L’armée libanaise dresse également un barrage fortifié sur la route Tannourine –Hadad el-Jebbé qui relie le Jurd de Batroun avec la région de Bécharré. C’est ainsi que les patrouilles syriennes arrivaient à proximité des barrages de l’armée libanaise avant de rebrousser chemin. Mais les forces syriennes dressent un barrage fortifié sur le pont de Madfoun face au barrage de l’armée libanaise qui va rester là pendant plusieurs années.

    A partir du 7 septembre, la situation sécuritaire se dégrade à nouveau à Beyrouth-Est. Les affrontements et les bombardements violents reprennent sur Aïn el-Remmaneh, Chiyah, Tayyouné, Tehwita, Furn el-Chebback, Horch Tabet et Sinn el-Fil. Le 8 septembre 1978, des miliciens enlèvent deux soldats syriens à Corniche el-Nahr. Une patrouille de l’armée libanaise est dépêchée sur les lieux de l’incident, mais trop tard. Les jours suivants la situation sécuritaire continue à se dégrader, notamment dans la région de Hadeth où de violents accrochages accompagnés de bombardements démentiels ont lieu. Les accrochages et bombardements vont ensuite englober la route de Hazmieh, les bois de la région de Baabda et de Yarzé, les régions de Saïfi et de l’Hôtel-Dieu, ainsi que Aïn el-Remmaneh –Chiyah. Le 12 septembre, le président Sarkis approuve le projet d’un plan de sécurité dans les zones contrôlées par le Front Libanais qui consiste à regrouper progressivement les forces syriennes dans certains points stratégiques et à les remplacer par l’armée libanaise aux points de contrôle et dans les relations avec la population. L’armée libanaise va donc assumer la sécurité des citoyens dans cette zone, pendant que l’armée syrienne se transforme en force d’intervention rapide à laquelle les militaires libanais peuvent faire appel en cas de besoin. En acceptant cet accord, le président Sarkis espère désamorcer la crise en retirant la FAD syrienne des régions chrétiennes. Mais les responsables syriens refusent. Le 17 septembre, des bombardements violents ont lieu à Aïn el-Remmaneh ainsi que des accrochages au cours desquels les belligérants vont faire usage de toute la panoplie d’armes légères, moyennes et lourdes en leur possession. Tout au long du mois de septembre 1978, le président Chamoun mène campagne contre le renouvellement du mandat de la FAD, et le 19 septembre le Front Libanais déclare son refus du renouvellement du mandat de la FAD. Suite à cette prise de position, les accrochages et bombardements reprennent le lendemain à Beyrouth-Est. La situation empire le 22 septembre. En effet, pendant que le président Sarkis adresse un discours aux libanais diffusé par la télévision et la radio officiels, des affrontements se déclenchent dans la région de Aïn el-Remmaneh –Chiyah et des obus tombent dans l’enceinte du palais de Baabda. Le lendemain 23 septembre, les combats se généralisent sur tous les fronts d’Achrafieh accompagnés d’un bombardement démentiel qui provoque de nombreux incendies ainsi que de nombreux morts et blessés. Puis les affrontements s’étendent aux fronts du Palais de Justice, Badaro, Chiyah et Aïn el-Remmaneh. Le 27 septembre, le palais de Baabda est atteint par trois obus alors que 400 autres obus tombent dans les parages. Le lendemain 28 septembre 1978, les accrochages et les duels d’artillerie se font plus violents. Les syriens dirigent toutes les bouches de leurs canons et de leurs lance-roquettes multiples vers les régions Est et déversent un déluge de fer et de feu sur chaque parcelle des régions contrôlées par le Front Libanais, n’épargnant même pas les hôpitaux et faisant usage de bombes au phosphore interdites par les conventions internationales à cause des dégâts qu’elles provoquent. Les obus vont atteindre Dbayé dans le Metn-Nord, Nahr el-Kalb et Zouk Mikhaël dans le Kesrouane, ainsi que le palais présidentiel de Baabda, le Sérail de Beyrouth ainsi que la Villa Mansour (siège provisoire du Parlement libanais) dans le secteur du Musée. Les 29 et 30 septembre 1978, le front s’étend de Aïn el-Remmaneh à Achrafieh et Hadeth pour arriver à Dbayé et aux abords de Jounié, et de Dhour Aley à Cornet Chehwane, Aïn Saadé et Broummana ainsi que d’autres villages du Metn. Le bilan des affrontements et des bombardements s’élève le 30 septembre à plus de 70 morts et 300 blessés en plus de pertes matérielles incalculables. Les bombardements vont provoquer la coupure des communications et télécommunications, de l’eau, de l’électricité et des voies de ravitaillement. Le même jour, la caserne de l’armée libanaise de Sarba est la cible des obus syriens qui s’abattent sur elle et sur le bâtiment de la coopérative de l’armée qui font deux blessés parmi les militaires. De plus, sept obus s’abattent sur le barrage de l’armée à Nahr el-Kalb. Fouad Boutros relate ces faits en disant dans ses Mémoires : « Je restai prisonnier de l’abri jusqu’au 3 octobre lorsque le commandement de l’armée envoya des véhicules militaires (Jeep) m’escorter jusqu’au palais présidentiel ; aucun véhicule civil ne pouvait circuler sur les routes défoncées par les obus et encombrées de débris[91] ». Le 30 septembre également a lieu la bataille de Berty à Achrafieh, au cours de laquelle les syriens vont parvenir à tenir pendant quelques heures des positions dans Achrafieh même, notamment dans l’immeuble de la Pharmacie Berty et dans les immeubles avoisinants dont celui de la Librairie Orientale. Voyant cela, Bachir Gemayel fait appel aux Maghawir (commandos Kataëb) pour pratiquer une contre-attaque et libérer les zones occupées plus tôt dans la journée par les syriens. La contre-offensive des Maghawir Kataëb se fait sous la direction du colonel Ibrahim Tannous, futur commandant en chef de l’armée libanaise. Lors de la contre-attaque Kataëb, les syriens lancent des grenades fumigènes pour pouvoir se déplacer et attaquer leurs assaillants sans grand danger. Mais quelques officiers de l’armée libanaise qui prennent part aux combats à titre personnel inventent une nouvelle technique afin de dissiper le nuage de fumée. Ils demandent aux miliciens de tirer sur le nuage de fumée avec des mortiers de petit calibre : si les syriens tentent d’avancer couverts par le nuage de fumée ils seront touchés, sinon les déflagrations produisent des courants d’air qui dissipent rapidement le nuage et annulent son écran protecteur. La bataille de Berty s’achève le 2 octobre avec le repli des forces syriennes sur la Tour Rizk et ses environs. Cette bataille est considérée comme étant la première victoire des Forces Libanaises. La riposte syrienne face à cette défaite ne se fait pas attendre, et les bombardements des régions Est dans leur ensemble reprennent de plus belle pendant deux jours. Un officier de l’armée libanaise qui participe aux combats aux côtés des milices chrétiennes à titre individuel décrit la situation militaire dans la localité d’Achrafieh vers la fin de septembre 1978 en ces termes : « L’occupation d’Achrafieh à travers la guerre des rues est une chose impossible à réaliser. Forcer Achrafieh à se rendre nécessite un blocus terrestre et maritime hermétique pendant trois mois au moins, accompagné de bombardements aériens intensifs. Occuper la région d’Achrafieh uniquement à l’aide d’unités d’infanterie qui sont confrontées à des miliciens qui connaissent bien le terrain et combattent dans leurs quartiers est très difficile, voire impossible à réaliser par une armée régulière[92] ».

    Le 2 octobre également, le président Sarkis adresse au peuple libanais un message télévisuel dans lequel il annonce sa décision de faire exécuter un nouveau plan de sécurité dont le but est de séparer les parties au conflit dans un délai de 10 jours, et critique les bombardements syriens sur les quartiers résidentiels. Les syriens ne tardent pas à montrer leur désaccord et leur mécontentement en incluant le palais présidentiel de Baabda dans leurs bombardements quotidiens, qui recevra lui aussi son lot d’obus de 130mm et 240 mm. Le jour même, les régions d’Achrafieh, Aïn el-Remmaneh, Hadeth, Baabda, Jdeidé, Dora, Zalka, Jal el-Dib, Antélias, Dbayé, Jounié, Bickfaya, Dhour el-Choueir, Beit-Méry, Broummana ainsi que d’autres villages du Metn sont soumises à un déluge d’obus. Le 3 octobre 1978, le président français propose au président Sarkis une solution afin d’assurer le redéploiement des forces syriennes et leur remplacement par des unités de l’armée libanaise et des Forces de Sécurité Intérieure. Le même jour, les obus syriens s’abattent sur la caserne de l’armée libanaise à Roumié, sur la position militaire de Deir el-Kalaa et sur la caserne de Mar Chaaya à Broummana.

    Les 4 et 5 octobre, la zone des accrochages entre les milices du Front Libanais et la FAD syrienne s’élargi aux fronts de Ouyoun el-Simane, Bickfaya, Dhour Choueir, en plus d’Achrafieh, Hadeth et Aïn el-Remmaneh. Le palais de Baabda est également atteint par 12 obus qui font 7 blessés parmi les militaires de la Brigade de la Garde Présidentielle, et détruisent une trentaine de voitures. Le 6 octobre, le président Sarkis décide de se rendre à Damas pour négocier directement avec le président Assad des modalités du cessez-le-feu et convaincre les syriens de la nécessité de mettre fin aux bombardements des zones résidentielles. Le 7 octobre 1978, le Conseil de Sécurité de l’ONU se réunit et promulgue la résolution 436 qui demande aux forces syriennes et aux milices du Front Libanais un cessez-le-feu immédiat. Le même jour, la Syrie accepte que l’armée libanaise déploie ses unités à Hadeth et Hazmieh et qu’elle prenne en charge la sécurisation de la route du palais présidentiel de Baabda.

    Du 15 au 17 octobre 1978 se tient une réunion des ministres des Affaires Etrangères arabes à Beiteddine. Cette réunion a pour but d’étudier la nécessité de remplacer les troupes syriennes par d’autres troupes arabes dans certaines zones sensibles de Beyrouth-est, sur certains ponts et dans certains endroits stratégiques comme la Tour Rizk à Achrafieh, ainsi que le déploiement de l’armée libanaise dans Aïn el-Remmaneh et ses environs. Réticent au début, Abdel-Halim Khaddam se laisse convaincre par le ministre saoudien des Affaires Etrangères Saoud el-Fayçal d’accepter le remplacement de la FAD syrienne par la FAD saoudienne et soudanaise dans Achrafieh. Le Conseil des ministres libanais se réuni en session extraordinaire le 21 octobre pour entériner les résolutions prises au cours de la réunion des ministres des Affaires Etrangères arabes, notamment celles qui concernent les arrangements sécuritaires et qui stipulent le remplacement de la FAD syrienne par la FAD soudanaise sur les ponts, et par la FAD saoudienne à la Tour Rizk ainsi que certains remaniements dans les zones de Furn el-Chebback et de Aïn el-Remmaneh dans le but de donner un rôle à l’armée libanaise et aux Forces de Sécurité Intérieure. Au cours du même Conseil des ministres, les ministres réunis prennent note du fait que le commandement de l’armée libanais a pris la décision de déférer les commandants Saad Haddad et Sami Chidiac devant le Tribunal Militaire pour intelligence avec l’ennemi en tant de guerre. Le 22 octobre 1978, la FAD saoudienne s’installe à la place de la FAD syrienne à Achrafieh et ses environs. L’armée syrienne quitte les régions chrétiennes tout en gardant certaines positions stratégiques à Baabda, au centre-ville, à Sinn el-Fil, à Sodeco et sur la route de Damas. Le lendemain 23 octobre, le commandement de l’armée défère devant le Tribunal Militaire des officiers qui se sont ralliés à l’Armée du Liban Arabe dont notamment le lieutenant Ahmad el-Khatib. Le 24 octobre 1978, le commandant en chef de l’armée accompagné par des officiers supérieurs de son état-major se rend à Paris pour discuter de contrats d’armement en suspens depuis le début des hostilités au Liban.

    En conclusion, nous pouvons dire qu’après la fin de la guerre des Cent Jours, les forces syriennes se retirent définitivement de l’intérieur des quartiers de Beyrouth-Est ainsi que des entrées Nord de la capitale. Elles vont également diminuer sensiblement leur présence dans toutes les banlieues chrétiennes de Beyrouth-Est.

     

    Les zones d’influence au Liban après la guerre des Cent Jours

     

    -Les forces syriennes ont mainmise sur le mohafazat du Nord à l’exception des villages du Jurd de Batroun. Elles ont également mainmise sur le mohafazat de la Békaa à l’exception de la ville de Zahlé. L’armée syrienne occupe aussi les hauteurs du Metn-Nord, de Baabda ainsi que la partie Sud du mohafazat du Mont-Liban qui se situe au Sud de la route de Damas. Elle occupe également Beyrouth-Ouest, Saïda, et les régions de Zahrani et de Jezzine. Début 1980, l’armée syrienne se retire de Saïda et de ses environs et de la route côtière jusqu'à Khaldé. Dans les régions sous contrôle syrien, nous constatons un déploiement d’éléments de différentes factions palestiniennes ainsi que de différents partis et organisations appartenant au Mouvement National libanais, du mouvement Amal, ainsi que de ce qui reste de l’Armée du Liban Arabe après que les syriens aient relâché son chef le lieutenant Ahmad el-Khatib de ses geôles le 4 octobre 1978, après deux ans de détention.

    -Le Front Libanais contrôle Beyrouth-Est, le Kesrouane, Jbeil, la côte du Metn-Nord ainsi que certains villages dans la région de Baabda et dans la région du Jurd du Batroun.

    -Les unités de l’armée libanaise sont déployées dans la banlieue Est de Beyrouth : Baabda, Hazmieh, Yarzé.

    -L’OLP contrôle la zone allant du Sud de Saïda jusqu’au Litani. Lorsque les syriens se retirent du Sud de Beyrouth en 1980, l’OLP contrôlera également la route côtière allant du Sud jusqu'à Beyrouth-Ouest.

    -La FINUL contrôle la région qui s’étend au Sud du fleuve Litani de la côte jusqu'à Chebaa, à l’exception de la région aux alentours du château de Beaufort.

    -Le commandant Saad Haddad contrôle la ceinture de sécurité qui s’étend le long de la frontière libano-israélienne de Nakoura à Marjeyoun sur une largeur de 7 à 15 Km, dans laquelle le commandant Haddad annonce la création de l’Etat du Liban Libre.

     

    Les circonstances de la mort du capitaine Samir Achkar et ses répercussions sur la relation armée libanaise –milices Kataëb puis armée libanaise-Forces Libanaises

     

    Le 1er novembre 1978, la Moukafaha organise une opération militaire contre le QG du capitaine Samir Achkar à Cornet Chehwane. Le bilan de l’assaut se présente comme suit : le capitaine Samir Achkar est tué, le soldat Michel Assaf est blessé, le sous-lieutenant Salim Khariyati et 12 soldats sont arrêtés.

    En effet, après une observation minutieuse nuit et jour du QG du capitaine Achkar de la part du Deuxième Bureau de l’armée libanaise, une opération militaire est décidée. Le 1er novembre, 300 militaires de la Moukafaha sous les ordres du capitaine Michel Harrouk et des lieutenants Maroun Khreich et Kozhayya Chamoun encerclent le domicile du capitaine Samir Achkar situé dans la région de Mtayleb et ferme toutes les routes menant au village, tandis que les soldats se déploient sur les toits. Vers 6h du matin, une force de la Moukafaha investi le QG du capitaine Samir Achkar qui s’y trouvait en compagnie d’une trentaine d’officiers et de soldats. En guise de sommation, la force de la Moukafaha tire trois roquettes RPG sur le bâtiment et met en garde les militaires qui s’y trouvent par haut-parleur de la nécessité de se rendre, tandis qu’une autre force continue à tirer aux roquettes et aux mitrailleuses sur les côtés Nord et Ouest du bâtiment. Voyant la situation se dégrader, le capitaine Achkar ordonne à ses hommes de se replier en direction de la forêt et de la vallée proches de la façade Nord du bâtiment. Les soldats sautent du balcon du 2e étage à part six d’entre eux qui sont faits prisonniers et un 7e qui est blessé à l’épaule et au poumon. Le capitaine Achkar est le dernier à quitter le QG, et il est blessé à la cuisse pendant qu’il bat en retraite. Après avoir parcouru 120 mètres, il ordonne vers 7h du matin à son escorte de se replier et de le laisser sur place. Certaines informations affirment qu’une ambulance a transporté le capitaine Achkar à l’hôpital Abou-Jaoudé à Jal el-Dib où le médecin de garde ne peut rien faire à part constater le décès, avant que la dépouille ne soit transportée à l’Hôpital Militaire. Des sources militaires affirment que l’opération a été ordonnée par le commandant en chef de l’armée le général Victor Khoury suite à la traduction du capitaine Achkar, le sous-lieutenant Khariyati et de trois autres officiers devant le Tribunal Militaire après avoir été accusés d’avoir attaqué une position de l’armée à Nahr el-Mott. Au cours de l’attaque, les officiers auraient pris possession d’armes et auraient retenu prisonniers les militaires en charge de la position. Ils sont accusés également de désertion et de complot. Dans une première étape, le commandement de l’armée laisse une chance au capitaine Achkar et aux officiers qui dépendent de lui de se rendre auprès des services compétents afin d’être jugés. Mais ces derniers ne voient pas les choses comme ça, et ils continuent à publier des communiqués au nom du Commandement révolutionnaire de l’armée libanaise. Dans le dernier communiqué daté du 27 octobre 1978, les officiers critiquent leur traduction devant le Tribunal Militaire et critiquent le fait qu’ils sont traités comme les officiers membres de l’Armée du Liban Arabe.

    Un communiqué militaire relate l’opération comme suit : « le QG du capitaine Achkar est encerclé à 06h55. Ensuite, la force de la Moukafaha chargée de l’opération fait les sommation d’usage et demande au capitaine Achkar et aux militaires qui le suivent de se rendre, sauf que ces derniers n’obéissent pas aux injonctions. Le soldat Michel Assaf ouvre le feu sur les éléments de la Moukafaha appuyés par des engins blindés, poussant ces derniers à riposter aux sources de tirs. Le soldat Michel Assaf est touché à l’épaule.

    Après cet incident une nouvelle sommation est faite au capitaine Achkar et à ses hommes. A ce moment-là, un certain nombre de militaires se rendent à la Moukafaha. Quant au capitaine Achkar, il ouvre le feu et tente de s’enfuir. Les éléments de la Moukafaha lui tirent dessus et investissent son QG. Le capitaine Achkar reçoit une blessure grave et est arrêté. L’opération s’achève vers 07h15. Les éléments de la Moukafaha tentent d’arrêter l’hémorragie du capitaine Achkar au cours de son transfert vers l’Hôpital Militaire, mais ce dernier décède des suites de ses blessures.

    La Moukafaha récupère les armes saisies à Nahr el-Mott qui se composent d’armement individuel léger, d’armement moyen composé de mitrailleuses de 12.7 mm et de lance-roquettes antichars RPG, ainsi que quelques véhicules ».

    Rentrant d’un voyage à Paris, le commandant en chef de l’armée le général Victor Khoury est mis au courant de l’issue de l’opération. Ce dernier exige un rapport détaillé de l’opération et des circonstances qui ont entraîné la mort du capitaine Achkar.

    Le Bureau de l’Orientation de l’armée (5e Bureau) publie le communiqué suivant : « Conformément aux ordres donnés par le commandant en chef de l’armée le général Victor Khoury, le 5e Bureau de l’armée a achevé le 31/10/1978 de collecter toutes les informations relatives au Commandement révolutionnaire de l’armée libanaise qui s’est emparé par la force de véhicules militaires et a enlevé des militaires.

    Une force de la Moukafaha s’est dirigée à l’aube du 01/11/1978 vers le QG du Commandement révolutionnaire de l’armée libanaise afin de l’encercler. Ensuite, une sommation appelant les militaires réfractaires à se rendre sont faites, mais le capitaine Achkar ouvre le feu sur les éléments de la Moukafaha tout en donnant l’ordre à ses hommes de faire feu de toutes les armes disponibles. A ce moment-là, la Moukafaha fait une deuxième sommation, mais les militaires réfractaires continuent à tirer. Ce comportement va obliger la Moukafaha à investir les lieux par la force et à occuper le QG en un temps record.

    Le capitaine Achkar et le soldat Michel Assaf sont grièvement blessés et conduits à l’Hôpital Militaire. La Moukafaha met la main sur tous les équipements militaires (véhicules, armes) qu’elle trouve dans le QG et arrête le sous-lieutenant déserteur Salim Khariyati ainsi que 12 soldats.

    Il n’y a aucune perte dans les rangs de la Moukafaha.

    Le commandant en chef de l’armée, dans sa volonté de sauvegarder la sécurité de l’armée, rappelle que toute tentative visant de rébellion au sein de l’armée sera étouffée dans l’œuf ».

     

    Biographie du capitaine Samir Achkar

     

    Le capitaine commando Samir Achkar a épousé Marcelle Haddad peut avant sa rébellion. Il entre à l’Ecole Militaire en 1962 après avoir requis l’appui de certains hommes politiques influents car il est fils unique et par là, il n’a pas le droit de s’engager dans l’armée. Premier de promotion à l’Ecole Militaire. Il choisit l’infanterie comme spécialisation.

    Il poursuit des études universitaires et obtient une maîtrise en sciences économiques et un diplôme de sciences politiques auprès de l’Université Saint-Joseph.

    Après être sorti de l’Ecole Militaire, il est rattaché à une unité de commandos (Maghawir) et dirige une bataille face aux palestiniens à Wadi Slouki dans le Sud en 1969, au cours de laquelle il obtient la Médaille de Guerre.

    Il suit une session commando en Egypte, et quand il rentre au Liban il est chargé de l’entraînement des unités de commandos de l’armée libanaise.

    En 1973, il est chargé à la tête d’une compagnie de Maghawir de faire sortir les palestiniens du périmètre de la Cité Sportive. Il en prendra le contrôle en moins d’une heure, faisant 90 blessés parmi les palestiniens tandis que sa compagnie n’a à déplorer qu’un seul blessé. Le commandement de l’armée lui remet sa deuxième Médaille de Guerre.

    En 1975-1976, le capitaine Achkar participe aux batailles du Holiday Inn et des Souks face aux palestiniens, et il est atteint gravement à la poitrine dans l’immeuble Fattal. Suite à sa blessure, il passe 40 jours à l’hôpital. Ensuite, le Front Libanais fait appel à lui afin d’investir Tallet el-Mir, l’un des fortins les plus renforcés du camp de Tall el-Zaatar.

    En 1977, le commandement de l’armée lui confie le commandement du camp d’entraînement des jeunes recrues commandos. La bataille de Fayadiyé en février 1978 représente un point de transformation et une rébellion face à la présence syrienne au Liban que le capitaine Samir Achkar commande avec brio.

    Après la bataille de Fayadiyé, le capitaine Achkar ainsi que d’autres officiers comparaissent devant le Tribunal Militaire créé pour enquêter sur l’affaire.

     

    Les répercussions de l’assassinat du capitaine Achkar sur la relation armée libanaise –milices Kataëb

     

    Le matin du 2 novembre 1978, le convoi du ministre de la Défense et des Affaires Etrangères Fouad Boutros qui se rend à Aéroport International de Beyrouth pour se rendre en Irak aux côtés du président Sarkis est attaqué au niveau du croisement de l’église Saint-Nicolas. Il est pris sous un feu nourri provenant d’une embuscade tendue par les Kataëb. Quatre soldats de la Moukafaha chargés de l’escorter sont blessés tandis que les autres sont faits prisonniers dont le lieutenant Kozhaya Chamoun responsable de l’escorte. Fouad Boutros dit que « tout s’était passé très vite, en quelques minutes. Je retournai en voiture à mon domicile qui fut rapidement encerclé par des miliciens armés des Forces Libanaises. Je contactai le ministère de la Défense et les informai de l’incident. Un détachement arriva rapidement sur les lieux et fit lever le siège de la maison[93] ». Il s’avère que l’opération ne visait pas le ministre Boutros mais le lieutenant Kozhaya Chamoun qui a participé la veille à l’opération contre le capitaine Samir Achkar. L’opération, comme nous l’avons vu précédemment, a causé la mort du capitaine Achkar dans des circonstances obscures qui ont provoqué la colère de Bachir Gemayel dont le capitaine était proche. Ce dernier a voulu ainsi se venger. Les Kataëb vont libérer plus tard tous les militaires de l’escorte à l’exception du lieutenant Kozhaya Chamoun qui a été  liquidé de façon barbare et dont le corps n’a jamais été retrouvé.

    Cet incident marque le début d’une confrontation violente entre l’armée et les Kataëb qui va faire plusieurs morts. La résidence secondaire du commandant en chef de l’armée est dynamitée, et des accrochages éclatent dans plusieurs endroits dont notamment celui du 8 décembre 1978 qui couvre toute la région de Jounié.

     

    3-3 :Le fiasco de Kawkaba et la controverse sur la Loi sur l’Armée

     

    La tentative d’envoi de l’armée libanaise à Kawkaba

     

    Lors d’une réunion entre le ministre de la Défense Fouad Boutros, le commandant en chef de l’armée Victor Khoury, le chef d’état-major Mounir Torbey, le chef du Deuxième Bureau Johnny Abdo et d’autres officiers supérieurs qui a lieu le 28 juillet, les officiers affirment au ministre de la Défense que le détachement de l’armée censé se déployer au Liban-Sud est prêt.

    Fouad Boutros relate dans ses Mémoires les exigences israéliennes afin que le déploiement de l’armée libanaise au Liban-Sud se fasse dans de bonnes conditions comme suit : « Le soir du 30 juillet, Israël nous adressa un message direct avec le lieutenant Adnane Homsi qui, à cette époque, se chargeait de faire parvenir tous les mois leur solde aux soldats affiliés à Saad Haddad dans la zone frontalière. Le commandant israélien du front Nord, le général Yanoush, lui avait demandé, en présence de Haddad et du lieutenant Zaatar, de transmettre tout ce qu’il allait lui dire « au gouvernement et à l’armée afin qu’ils sachent auprès de qui porter plainte ultérieurement », et il énonça les points suivants :

                            -Israël s’oppose définitivement à l’entrée de l’armée par l’axe Kfarchouba –Kawkaba.

                            -La seule route autorisée à l’heure actuelle est celle de Nabatiyeh –Kaakaiyé-el-Jisr ou alors la voie côtière.

                            -Les commandants Chidiac et Haddad sont les seuls autorisés dans la région.

                            -Si la troupe entrant par la route de Kfarmichki, dans la zone du commandant Haddad, décidait de poursuivre son chemin, la responsabilité en incomberait à elle et à son commandement.

                            -Le lieutenant Homsi doit quitter Marjeyoun avant 10h du matin le lundi 31 juillet 1978[94] ».

    Ces informations n’étaient pas encore parvenues aux autorités libanaises lorsqu’un groupe de soldats appartenant au 1er Régiment d’Infanterie quitte à 07h30 un camp de l’armée libanaise situé dans le Mont-Liban pour prendre la route du Sud. Le détachement de l’armée libanaise stoppe sa progression lorsque le capitaine Adib Saad commandant du contingent libanais est informé par les officiers népalais de la FINUL que les miliciens de Saad Haddad ont installé un barrage sur la route d’Ibl Saqui –Khiam. Le capitaine Adib Saad contacte alors le commandement de l’armée à Yarzé qui lui ordonne de prendre position à Kawkaba, qui est soumise à des bombardements qui blessent un soldat libanais. Après cela, le gouvernement libanais se trouve dans une situation difficile et il a le choix entre deux alternatives : soit l’armée libanaise recule et se replie sur Beyrouth, soit elle frappe les milices chrétiennes au Sud. Pour commencer, le gouvernement libanais démet le commandant Saad Haddad de ses fonctions et le met à la disposition du commandant en chef de l’armée car il a ordonné à ses hommes de bombarder un  contingent de l’armée libanaise à laquelle il est censé appartenir.

    Le 9 août 1978, le chef du Deuxième Bureau Johnny Abdo est à Damas pour discuter du déploiement de l’armée libanaise au Liban-Sud avec le chef d’état-major syrien Hikmat Chéhabi. Il revient avec l’impression que les syriens ne sont pas prêts à s’engager à aider l’armée libanaise à se déployer dans le Sud. L’ambassadeur américain au Liban M. Richard Parker fait parvenir aux autorités libanaises les exigences d’Israël pour permettre le déploiement de l’armée libanaise dans la zone frontalière, qui sont essentiellement que le commandant Saad Haddad soit désigné commandant du secteur oriental du mohafazat du Liban-Sud. A ce propos, le ministre Fouad Boutros affirme dans ses Mémoires qu’il rencontre l’ambassadeur des Etats-Unis M. Parker le 14 août 1978 au palais présidentiel où il lui remet un mémorandum en huit points qui résume les pourparlers que son collègue en Israël a eus avec le ministre israélien de la Défense Ezer Weizmann et le chef d’état-major sur la situation au Liban. Voici le texte du mémorandum tel que reproduit par le ministre Boutros :

                            « 1-Israël ne s’oppose pas en principe au déploiement de l’armée libanaise dans tout le Liban-Sud.

                            2-Le gouvernement israélien ne peut pas s’engager à obliger les milices chrétiennes à observer un cessez-le-feu. Il ne peut pas leur interdire de se défendre. Il peut, tout au plus, intervenir auprès d’elles pour qu’elles cessent de tirer sur le détachement libanais bloqué à Kawkaba.

                            3-L’état-major israélien ne conseille pas à l’armée libanaise de progresser vers l’enclave chrétienne. Les milices sont décidées à lui interdire toute activité et même le simple accès à l’enclave.

                            4-Dans le cas où le transport du contingent libanais aurait lieu par hélicoptères, les israéliens n’ouvriront pas le feu. Mais ils ne s’engagent pas à garantir que les troupes de Haddad s’en abstiendront.

                            5-Il ne suffit pas que Saad Haddad et ses officiers acceptent le déploiement de l’armée au Sud pour que l’opération se déroule sans accroc. En effet, ces officiers ne contrôlent pas entièrement la région ni tous les miliciens qui s’y trouvent.

                            6-L’état-major israélien attire l’attention sur le cas des villageois qui ont établi des relations avec Israël et coupé tous leurs liens avec les autorités libanaises. C’est à la collaboration avec Israël qu’ils doivent d’être encore en vie. Ils n’ont le choix qu’entre un combat pour la survie et le retrait en tant que réfugiés. Ces villageois, au nombre de 32000, passeront donc en Israël au moment même où l’armée libanaise pénétrera dans la région frontalière, de peur d’être arrêtés par les autorités libanaises.

                            7-L’armée libanaise se comporte de façon contradictoire : elle demande l’aide de l’armée israélienne pour faciliter le déploiement de ses unités au Sud, mais refuse, en même temps, que les deux chefs d’état-major se rencontrent.

                            8-Enfin, les responsables militaires israéliens rappellent aux Etats-Unis que leur pays a admis l’entrée de l’armée syrienne au Liban à la condition que les troupes de Damas ne franchissent pas la ligne rouge. Damas connaît avec précision son tracé et ne la franchira pas[95] ».

    Ceci nous fait comprendre qu’Israël s’oppose catégoriquement à l’entrée de l’armée libanaise au Liban-Sud.

    Le 16 août, le commandant de la FINUL le général Erskine fait parvenir aux autorités libanaises un message de la part des autorités israéliennes dans lequel ces dernières affirment accepter l’entrée de l’armée libanaise à Ghandouriyé et ses environs à condition qu’elle ne soit équipée que l’armes légères. Mais le gouvernement libanais décide de suggérer au Conseil de Sécurité de maintenir l’armée libanaise à Kawkaba jusqu'à ce que les obstacles soient levés pour son entrée dans la région frontalière.

    L’échec de l’envoi de l’armée libanaise au Sud est un échec international en général et américain en particulier, car les Etats-Unis qui sont la grande puissance par excellence se sont révélés incapables d’influer sur Israël afin que cette dernière permette l’entrée des troupes libanaises dans la zone frontalière.

    Entre fin janvier et début février 1979, les combats se poursuivent dans le Sud. Les ambassadeurs du Koweït, d’Arabie Saoudite et d’Irak sont convoqués par le ministre des Affaires Etrangères qui leur demande d’aider l’Etat libanais à sécuriser la route côtière allant de Beyrouth vers le Sud pour permettre à l’armée libanaise de gagner la zone de déploiement de la FINUL sans risquer d’être confrontée à des oppositions ou des obstacles de la part des organisations palestiniennes qui contrôlent les routes qui mènent au Sud.

    Le 4 février 1979, le commandant Saad Haddad menace d’attaquer sans hésiter l’unité de l’armée basée à Kawkaba et la FINUL déployée dans la zone frontalière si le commandement de l’armée suspend le paiement de la solde des soldats sous ses ordres. A ce moment-là, l’Etat libanais réitère la demande faite aux ambassadeurs arabes d’assurer la sécurisation de la route côtière pour assurer une voie de ravitaillement pour l’armée libanaise. L’Etat libanais se trouve ainsi entre le marteau (les israéliens et Saad Haddad) et l’enclume (les palestiniens et le Mouvement National). En effet, le Mouvement National souhaite voir l’armée dans le Sud pour enfoncer les enclaves chrétiennes et chiites et combattre Israël, alors que Saad Haddad et les israéliens veulent que l’armée entre dans le Sud pour combattre les organisations palestiniennes.

    Le 13 février 1979, la FINUL et l’armée libanaise s’entendent sur un programme en quatre étapes jusqu'à la mi-avril 1979 qui consiste à ce que la FINUL renforce son contrôle sur le périmètre de Nakoura et certains points de passage, et que l’armée libanaise complète son déploiement dans la région. Les responsables de l’ONU assurent qu’Israël ne s’oppose pas à l’entrée de l’armée libanaise au Sud, à condition qu’elle reste dans la zone de déploiement de la FINUL et qu’elle emprunte la route de Marjeyoun pour se rendre au Sud.

    Au cours du mois d’avril 1979, les responsables libanais travaillent d’arrache-pied afin d’assurer l’entrée de l’armée au Sud dans le cadre d’un plan exhaustif qui fixe toutes les étapes à accomplir en vue d’appliquer les résolutions 425 et 426 du Conseil de Sécurité de l’ONU. Les ambassadeurs des pays participant à la FINUL ainsi que l’ambassadeur des Etats-Unis sont chargés par l’Etat libanais d’exercer des pressions sur Israël afin que la troupe ne rencontre aucune opposition de sa part durant son déplacement vers le Sud. Les responsables libanais décident que l’armée emprunte la route côtière pour gagner la zone de la FINUL, et le Premier ministre Salim el-Hoss effectue des contacts avec la Résistance palestinienne et le Mouvement National en vue de s’assurer que ces derniers n’opposeront aucune résistance au déploiement de l’armée libanaise dans la zone frontalière. Ils donnèrent leur accord, mais avec la ferme intention de ne pas tenir la parole donnée.

    Les officiers libanais décident après avoir reçu tous les feux verts des autorités politiques que le détachement libanais va s’ébranler le 17 avril 1979. Or le 16 avril, l’ambassadeur des Etats-Unis informe d’urgence le président Sarkis du refus d’Israël de voir l’armée libanaise se déployer à sa frontière et que le détachement libanais s’expose à des bombardements, et lui demande de retarder l’envoi de 24h. Mais le président Sarkis reste ferme et décide de ne pas retarder l’envoi de l’armée libanaise au Sud.

    Le 17 avril 1979, le détachement de l’armée libanaise quitte le ministère de la Défense à 16h00 et arrive à Saïda à 18h00. Le lendemain, il gagne les environs d’Arzoun à l’intérieur de la zone d’action des Casques Bleus sous un feu nourri provenant de l’artillerie du commandant Saad Haddad. Après la fin du pilonnage, ce dernier tient une conférence de presse au cours de laquelle il annonce la création de l’ « Etat du Liban Libre ». Ceci pousse le Conseil des ministres à dénoncer Saad Haddad et à le radier du corps des officiers de l’armée libanaise le 19 avril 1979.

    Aux mois de mars et d’octobre 1980, de nouvelles tentatives de déploiement de l’armée libanaise au Sud auront lieu sans plus de succès que les précédentes. Finalement, l’armée libanaise est forcée de se retirer entièrement du Sud le 25 octobre 1980.

     

    La controverse sur la Loi sur l’Armée

     

    Le 21 août 1978, une réunion du gouvernement libanais a lieu au Sérail afin de discuter le projet de la nouvelle loi sur la défense, ponctuée par de nombreuses altercations verbales entre les ministres et les députés des différents bords. Le 24 août, une réunion a lieu au Sérail entre le ministre de la Défense Fouad Boutros et la sous-commission parlementaire de la loi sur la Défense, dont le ministre nous donne le déroulement dans ses Mémoires comme suit : « Nous approuvâmes la création et la composition du Conseil Supérieur de la Défense, après que j’eus combattu pour que le commandant en chef de l’armée en fît partie à titre de conseiller. Il m’apparut que l’adoption de la Loi sur la Défense ne serait pas aisée en raison des divergences de vues concernant le Conseil Militaire et ses prérogatives, l’administration générale et les prérogatives du commandant en chef. Je fus très froissé ce jour-là  par l’attitude du président du Conseil, qui se contenta d’écouter comme s’il n’était pas concerné par la défense de l’armée libanaise bien qu’elle fût soumise à des accusations dépassant les limites[96] ». Puis le 24 septembre 1978, la sous-commission parlementaire de la Défense tient une réunion dédiée à étudier le projet de loi sur la Défense. Au cours de la réunion, certains députés membres de la sous-commission font des propositions qui ne laissent aucune prérogative au commandant en chef de l’armée au sein du Conseil Militaire, ce dernier n’étant qu’un membre du Conseil parmi les autres. Le ministre Boutros refuse cet état de fait, et dit qu’ « un débat houleux suivit dont le ton monta après que je me fus retiré de la réunion. Comme à l’accoutumée, la position du chef du gouvernement me contraria car elle allait contre l’armée. Il me sembla que telle était l’orientation des syriens et que nous nous acheminions de ce fait vers une vaste crise[97] ».

    Au cours du mois de novembre 1978, la loi sur la Défense est de nouveau discutée, notamment les prérogatives du commandant en chef dont les musulmans réclament la réduction au profit du Conseil Militaire tandis que le président Sarkis s’oppose à cette réduction. En fait, les musulmans liaient le processus de l’entente nationale à l’adoption de la loi sur la Défense qui réduit considérablement les prérogatives du commandant en chef de l’armée.

    Le 20 décembre 1978, le président Sarkis accepte la démission de Fouad Boutros du ministère de la Défense et nomme à sa place le commandant en chef de l’armée le général Victor Khoury.

    Le 13 janvier 1979, le Premier ministre Sélim el-Hoss revient d’une visite à Damas porteur d’un message selon lequel les syriens lient toute amélioration sur le plan sécuritaire à l’adoption de la loi sur l’armée et à la prise de sanctions strictes contre les commandant Saad Haddad et Sami Chidiac ainsi que leurs soldats.

    Le 27 janvier, en ce qui concerne la loi sur la Défense, il apparait aux responsables concernés qu’ils doivent être conciliants pour désamorcer les arguments des détracteurs de l’armée qui prétendent que cette dernière ne peut assumer une mission de sécurité avant qu’elle ne soit équilibrée, et cela pour empêcher l’armée libanaise d’étendre la souveraineté de l’Etat libanais sur l’ensemble du territoire national.

    Ce n’est que le 22 janvier 1980 que le Conseil des ministres adopte le décret d’application de la nouvelle Loi sur la Défense, et maintien le général Victor Khoury à son poste de commandant en chef de l’armée. En le 13 mars 1980, le Parlement vote la nouvelle Loi sur la Défense.

     

    3-4 :L’armée paralysée (1979-1981)

     

    Début mars 1979, les saoudiens informent l’Etat libanais qu’ils sont dans l’impossibilité de maintenir au Liban leur contingent qui participe à la FAD pour des raisons internes. Les militaires saoudiens et libanais se mettent d’accord pour que le retrait s’effectue les 24 et 25 mars 1979 selon un programme précis dans le but d’éviter le vide sécuritaire. Les responsables libanais contactent les militaires syriens pour les informer que des unités de l’armée libanaise vont remplacer les saoudiens. Or, subitement, le commandant du contingent saoudien contacte le commandant de la FAD Sami Khatib dans la nuit du 17 mars pour lui dire que ses troupes vont se retirer au cours des 48h suivantes, donc avant même que l’armée et les Forces de Sécurité Intérieure ne prennent les mesures nécessaires pour éviter le vide sécuritaire. Ainsi, « suite au retrait des contingents non syriens de la FAD, l’armée libanaise récupère leurs positions notamment celles qu’ils tenaient aux abords du quartier chrétien d’Achrafieh et sur les voies d’accès y conduisant[98] ». En effet, quelques 600 soldats libanais prennent position le 23 mars dans le quartier de Sodeco et son accueillis avec enthousiasme par la population civile. Le 2 mai 1979, au cours d’une visite du ministre syrien des Affaires Etrangères Abdel-Halim Khaddam au président Sarkis, ce dernier souligne la nécessité de recourir de plus en plus souvent à l’armée libanaise pour les missions de maintien de l’ordre, et précise le fait qu’il voit dans la FAD une force d’intervention en cas de besoin. C’est pourquoi les forces constituant la FAD doivent être massées dans des secteurs précis hors de Beyrouth-Est. Enfin, il ajoute qu’il n’est plus permis à qui que ce soit de douter de l’armée libanaise après l’adoption de la loi sur la Défense.

     

    La bataille d’unification du fusil chrétien entre les Kataëb et le PNL et ses répercussions sur les relations entre l’armée libanaise et les milices des Forces Libanaises

     

    Le 14 mai 1979, la situation s’embrase dans le Kesrouane, à Aïn el-Remmaneh et à Furn el-Chebback entre les Kataëb et le PNL, ce qui entraîne des dizaines de morts et de blessés. Puis du 14 au 17 juin, des affrontements violents ont lieu entre Aïn el-Remmaneh et Furn el-Chebback où quatre jours plus tard, deux bataillons de l’armée libanaise soit 1250 soldats s’interposent pour ramener le calme. Le PNL confie ses postes et permanences dans la région à l’armée libanaise, qui est accueillie chaleureusement par la population lassée par les combats fratricides. C’est à partir de ce moment que l’armée libanaise commence à se constituer une zone d’influence et d’intervention puisque les deux quartiers de Aïn el-Remmaneh et de Furn el-Chebback sont en continuité avec le périmètre de la présidence de la République et du ministère de la Défense[99]. L’élargissement de la zone d’action de l’armée n’empiète pas sur le territoire des Forces Libanaises, et il n’y a qu’un seul affrontement violent à noter entre l’armée libanaise et les Forces Libanaises qui a lieu du 13 au 15 août 1979 à l’entrée Nord de Beyrouth et autour du Port ainsi que dans la zone des crêtes de Ouyoun el-Simane.

    Fin janvier 1980, des combats éclatent entre les milices Kataëb et celles du PNL. Les accrochages les plus violents ont lieu dans la région de Jbeil sur les hauteurs de Annaya. Ils vont entraîner un grand nombre de tués et de blessés des deux bords. Lorsque l’armée libanaise tente de s’interposer, les miliciens Kataëb l’en empêchent, blessant trois militaires. Les accrochages entre Kataëb et PNL sèment la confusion dans les régions Est.

    Au début du mois de juillet 1980, la tension monte entre les Kataëb et le PNL lorsque les miliciens du PNL dynamitent la permanence Kataëb de Wadi-Chahrour, faisant de nombreux morts et blessés parmi les Kataëb. La riposte ne se fait pas attendre, et le 7 juillet une offensive générale des Kataëb est lancée contre tous les postes et toutes les permanences du PNL dans les régions Est, et il y aura notamment des massacres à Safra. Il est à noter ici que l’armée profite des combats PNL –Kataëb pour élargir son périmètre d’action en prenant position à Wadi Chahrour qui est dans le prolongement de Baabda. Les 8 et 9 juillet, des pourparlers ont lieu entre les chefs militaires des deux milices tandis que les combats continuent. Ainsi à Hadeth, quartier chrétien situé au Sud de Beyrouth, les miliciens du PNL livrent leurs permanences à l’armée libanaise, ce qui provoque de violents accrochages entre les militaires libanais et les miliciens Kataëb. La population, excédée par ces combats fratricides, demande le retrait des miliciens et demandent que la sécurité dans la région soit confiée exclusivement à l’armée libanaise. Le conflit entre armée libanaise et Forces Libanaises s’exacerbe. Des affrontements éclatent entre l’armée libanaise et les Forces Libanaises du 10 au 13 septembre 1980 dans la région de Hadath. Malgré l’écrasante victoire des Kataëb et la dissolution de la milice du PNL, de nouveaux combats ont lieu en novembre 1980 à Aïn el-Remmaneh. En effet, début novembre, un accrochage armé oppose les miliciens Kataëb et les hommes d’Elias Hanache qui commande ce qui reste de la milice du PNL. Les miliciens se déchaînent à l’arme lourde dans des duels d’artillerie violents sans pour autant que l’armée libanaise, pourtant déployée à Aïn el-Remmaneh, n’intervienne pour mettre fin aux combats en dépit de la violence de ces derniers. Le ministre des Affaires Etrangères Fouad Boutros relate cet épisode de la guerre du Liban dans ses Mémoires en disant : « Il me sembla à l’époque que le commandement de l’armée et la direction des renseignements avaient délibérément laissé le champ libre aux éléments Kataëb pour procéder à cette liquidation…L’armée n’était pas intervenue parce qu’un appel téléphonique avait suggéré qu’il existait une relation entre Hanache et les organisations palestiniennes. Le commandant en chef Victor Khoury aurait contacté Bachir Gemayel pour lui annoncer « qu’il avait carte blanche pour éliminer les poches des gens de Hanache à Aïn el-Remmaneh ». Ce renseignement parut d’autant plus crédible que l’artillerie des organisations palestiniennes avait soutenu Hanache pendant les combats et que ce dernier et Dany Chamoun s’étaient réfugiés à Beyrouth-Ouest après la bataille[100] ». Les syriens et le Mouvement National voient que l’armée libanaise et les Kataëb coordonnent leurs efforts militaires afin que ces derniers puissent mettre la main sur toute les régions Est. Le Premier ministre Wazzan qui a remplacé Sélim el-Hoss exige que les officiers qui n’ont pas fait leur devoir soient sanctionnés et que les positions que les miliciens Kataëb ont prises aux hommes de Hanache soient remises entre les mains de l’armée libanaise. Ensuite, des accrochages ont lieu entre les Kataëb et l’armée libanaise à Aïn el-Remmaneh le 31 octobre, et les militaires sont contraints de battre en retraite vers les lignes de démarcation. En novembre 1980, suite aux combats de Aïn el-Remmaneh, Camille Chamoun réprouve ces combats et insiste auprès des responsables politiques libanais sur la nécessité d’équiper l’armée pour lui permettre d’accomplir ses missions avec succès.

     

    L’accrochage de Akoura entre la FAD syrienne et l’armée libanaise

     

    La bataille du Jurd de Akoura commence entre l’armée libanaise et la FAD syrienne à la suite de la décision de cette dernière de tracer une nouvelle route pour relier la région de Baalbeck avec Afqa et Lassa ainsi que les autres villages chiites du caza de Jbeil. En effet, les syriens ont besoin d’une route qui leur permet de se déplacer sans contraintes vers le Jurd de Jbeil et le Kesrouane sans passer par la route de Ouyoun el-Simane tenue en ce temps par les Forces Libanaises. Certains officiers affirment que la décision de tracer cette route a été prise par l’Etat libanais suite au souhait des syriens après que le commandant en chef de l’armée et ministre de la Défense Victor Khoury ait donné son accord.

    Le 18 juillet 1979 suite à l’apparition des tracteurs syriens qui se dirigent de la Békaa vers les hauteurs de Jbeil pour commencer à tracer la nouvelle route, le commandant Paul Farès commandant du 5e Bataillon de l’armée libanaise chargé de défendre la région militaire de Jbeil envoie un rapport général Georges Raad commandant de la caserne de Sarba dans lequel il rapporte que l’armée syrienne a commencé à avancer de la région de la Békaa vers le Jurd de Jbeil. Selon la hiérarchie militaire, ce rapport doit être envoyé par le général Georges Raad au général Kallas commandant de la région militaire du Mont-Liban qui doit à son tour l’envoyer au commandant en chef de l’armée. Ce rapport reste sans réponse. Le lendemain 19 juillet, le commandant Farès envoie un deuxième rapport dans lequel il dit que les tracteurs syriens sont arrivés à la limite du secteur qui tombe sous le contrôle de ses hommes. Le commandement de l’armée ne réponds pas non plus à ce rapport. Quelques temps plus tard, le commandant Farès envoie un 3e rapport qu’il désigne comme « urgent » dans lequel il dit qu’un tracteur syrien a dépassé la limite du caza de la Békaa et est entré dans le caza de Jbeil, sans que le commandement de l’armée ne réponde à son message. A ce moment-là, le commandant Farès décide de prendre l’initiative et de s’opposer aux syriens pour arrêter l’avancée du tracteur.

    Le commandant Paul Farès déploie le 5e Bataillon[101] dans le Jurd de Jbeil et demande à Camille Chamoun un appui de l’artillerie de la milice du PNL qui a une batterie[102] postée à Laklouk en cas d’affrontement avec la FAD syrienne. Dany Chamoun est mis au courant et donne ses ordres à la caserne PNL de Laklouk afin qu’elle coordonne les tirs avec le commandant Paul Farès en cas d’affrontements avec la FAD syrienne. Après cela, le commandant Farès entre en contact avec Samir Geagea commandant de la région Kataëb du Nord, qui se rend à Jbeil à la tête de 30 éléments équipés de canons de 120 mm pour compléter le dispositif de défense de la région de Jbeil. Enfin, un groupement tactique des Forces Libanaises composé des Unités de Défense d’Adonis se rend à Jbeil équipé de chars Sherman et de canons sans recul de 106 mm ainsi que d’armes de moyen calibre. Après avoir préparé le front et réparti les missions de chaque groupe sur le terrain, le commandant Paul Farès emprunte une jeep militaire et se rend auprès du tracteur syrien où il est reçu par le commandant de l’escorte syrienne du tracteur le commandant Sleimane Mohsen, héro de la bataille du Golan en 1973. « Après les saluts et les honneurs militaires, la discussion suivante a lieu entre les deux hommes :

                -Farès : J’ai des ordres pour vous empêcher de poursuivre les travaux sur cette route.

                -Mohsen : C’est impossible, j’ai des ordres qui me disent d’arriver jusqu'à Afqa.

                -Farès : Assurez-vous de cela auprès de votre commandement car mes ordres disent qu’il faut que vous vous arrêtiez car vous êtes rentrés dans le secteur qui tombe sous mon commandement.

                -Mohsen : Je vais demander à mon commandement, et vous faites de même.

    Le commandant Paul Farès se met alors de côté et feint de contacter le commandement de l’armée libanaise, pendant que le commandant Mohsen contacte son commandement et revient auprès de Farès pour lui dire que « Nous avons l’ordre de continuer à tracer la route[103] ».

    Après une rencontre infructueuse avec le commandant de la FAD dans la Békaa, le commandant Paul Farès demande au commandant Mohsen de coordonner ses actions avec lui et se retire. Sur le chemin du retour, il contacte par radio son second, le capitaine Mousallem et lui demande d’ordonner aux officiers du 5e Bataillon de prendre leurs positions de combat et de commencer à exécuter le plan de confrontation mis au point. Le commandant Farès inspecte les positions des soldats et des blindés pendant que les responsables miliciens revêtent l’uniforme de l’armée libanaise pour inspecter le front en compagnie des officiers du bataillon.

    Samir Geagea fait installer des canons de 120 mm à Majdel Akoura tandis que la caserne PNL de Laklouk se met en état d’alerte. Pendant que le 5e Bataillon de l’armée continue ses préparatifs, Geagea décide d’ouvrir le feu après avoir remarqué des mouvements suspects du côté syrien. Le commandant Farès adresse alors un ultimatum au commandant Mohsen de la FAD, mais ce dernier refuse d’arrêter les travaux. A ce moment-là, le commandant Farès donne l’ordre à ses hommes d’arrêter le tracteur. Un char AMX-13 s’avance alors et atteint par un tir direct de son canon le tracteur qui s’arrête, alors que son chauffeur est blessé. Les accrochages commencent entre l’armée libanaise et la FAD syrienne. Les syriens qui sont en hauteur parviennent à atteindre un véhicule de transport de troupes M113 par un tir direct de missile antichars faisant un mort et trois blessés parmi les militaires libanais, alors que les syriens dénombrent plusieurs morts et blessés dans leurs rangs. Après cinq heures d’affrontements, les syriens demandent au commandement de l’armée libanaise un cessez-le-feu qui entre en vigueur le soir même. Profitant de la tombée de la nuit, le commandant Paul Farès décide de déplacer toutes les positions de déploiement de ses hommes ainsi que des transports de troupes et des chars de peur que les syriens ne profitent de l’obscurité pour lancer une opération commando ou d’un bombardement-surprise matinal. Il décide de déployer les autos blindées Panhard dans les champs, de placer derrière elles les transports de troupes M113 et de changer les positions de combat des soldats. Cette précaution va être utile car avec les premières heures de l’aube du 20 juillet, les syriens vont déclencher un bombardement violent sur les anciennes positions des véhicules et des soldats de l’armée libanaise. La batterie d’artillerie de la caserne PNL de Laklouk parvient à atteindre une colonne syrienne qui se dirige de la Békaa vers le Jurd de Akoura pour prêter main forte à l’unité syrienne qui s’accroche avec le 5e Bataillon de l’armée libanaise, faisant de nombreux morts et blessés syriens. Les Forces Libanaises-Unités de Défense d’Adonis participent également au bombardement avec les canons de leurs chars Sherman et leurs canons sans recul de 106 mm ainsi qu’avec la batterie de canons de 120 mm  installée par les miliciens de Geagea à Majdel Akoura. Les affrontements durent jusqu'à la tombée de la nuit. Ensuite, un avion syrien effectue un vol de reconnaissance au-dessus de la zone des combats puis les syriens demandent un cessez-le-feu. Durant la journée, les syriens tentent une opération de contournement des positions du 5e Bataillon dans la région de Aïn el-Kattara –Wadi Abou Chakra où une colonne de la FAD s’avance sur la route de Marj qui se situe au début de la route d’Afqa. Elle est la cible d’un bombardement intensif de la part de l’armée libanaise qui la pousse à se replier vers 19h00. De 20h00 à 21h00, les bombardements s’arrêtent et sont remplacés par des accrochages aux armes légères et moyennes, avant de s’arrêter complètement après qu’une réunion réunissant des officiers libanais et syriens ait commencé à Chtaura. Dans la nuit, en prévision d’un nouveau bombardement matinal, le commandant Paul Farès dresse un nouveau plan de confrontation. Il envoie les chars AMX-13 au début du Jurd pour surprendre les syriens par les tirs directs de leurs canons dans le cas où ces derniers tentent de violer le cessez-le-feu. Le soir même, une réunion de crise a lieu au palais de Baabda à laquelle participent le directeur général des Forces de Sécurité Intérieure le général Ahmad el-Hajj, le chef du Deuxième Bureau de l’armée le colonel Johnny Abdo et le commandant de la FAD le colonel Sami el-Khatib pour discuter de l’affaire de Akoura. A l’issue de la réunion, Sami el-Khatib est envoyé à Damas pour informer Abdel-Halim Khaddam que le président Sarkis ne peut accepter que l’armée libanaise soit humiliée. Le 21 juillet 1979 les combats vont reprendre entre les unités de l’armée libanaise et celles de la FAD syrienne dans le Jurd de Akoura. Des affrontements violents ont lieu, au cours desquels les canons des chars et l’artillerie lourde sont utilisés par les syriens contre les positions de l’armée libanaise qui riposte par le bombardement des positions syriennes avec l’artillerie et les canons des chars à sa disposition. Les combats font un mort et 10 blessés dans les rangs de l’armée libanaise, alors que les pertes syriennes ne sont pas connues. Le 22 juillet une réunion a lieu à Chtaura entre une délégation d’officiers libanais et une autre d’officiers syriens, au cours de laquelle les officiers se mettent d’accord pour consolider le cessez-le-feu et se mettre d’accord sur un plan de coordination entre les deux armées libanaise et syrienne dans le Jurd de Jbeil qui consiste à installer deux compagnies de l’armée libanaise dans la région située entre Afqa, Akoura et la route tracée nouvellement qui a connu les accrochages violents ; l’armée libanaise continue à tracer la route par ses propres moyens ; la FAD se retire de la zone vers le Nord ; l’exécution de l’accord débute à l’aube du 22 juillet sous la supervision de commissions des Commandements militaires des régions militaires de la Békaa et du Mont-Liban ainsi que d’une commission de la FAD syrienne. Il est à noter que durant la bataille de Akoura le commandant en chef de l’armée le général Victor Khoury se trouve en France en visite officielle, et c’est le chef d’état-major de l’armée le général Mounir Torbey qui a couvert le commandant Paul Farès ainsi que le chef du Deuxième Bureau le colonel Johnny Abdo.

     

    Toujours en juillet 1979, un nouveau gouvernement est formé dont les deux objectifs majeurs sont de progresser sur le plan de la sécurité au Liban-Sud pour éviter un retrait de la FINUL et de persuader la FAD de transférer progressivement ses responsabilités à l’armée libanaise. Pour tenter de calmer les choses au Sud, des contacts et des pourparlers ont lieu avec la Résistance palestinienne mais sans grand succès. En effet, la Résistance palestinienne agit comme si elle était sur son propre territoire et ne tient compte de personne. De plus, les Kataëb et les milices du Front Libanais en général ne tiennent pas compte de l’armée libanaise avec laquelle ils sont en conflit permanent. Ainsi, chaque fois que l’armée arrête quelques-uns de leurs hommes, les milices chrétiennes enlèvent des officiers et des soldats qui habitent dans les régions sous leur contrôle.

    En janvier 1980, l’Etat libanais fait savoir aux syriens qu’il attache une grande importance à l’élargissement des responsabilités de l’armée afin qu’elle remplace progressivement la FAD dans les régions Est. Afin de donner une leçon aux libanais et aux responsables arabes pressés de la voir évacuer le Liban et les avertir de ce que le Liban risquerait si les troupes syriennes se retiraient, la FAD syrienne se retire dans la nuit du 22 janvier 1980 sans concertation préalable avec l’armée libanaise de la ville de Saïda et de ses environs ainsi que de certains secteurs du Haut-Metn et du Nord. A Saïda, des éléments palestiniens prennent rapidement leur place et des accrochages ont lieu avec l’armée libanaise à la caserne de Saïda après que les palestiniens aient tenté de l’investir. A la suite de ces combats, « les palestiniens déclarèrent que la Résistance n’accepterait pas plus de 120 soldats libanais dans la zone de Tyr et ne tolérerait aucune présence militaire libanaise le long de la route côtière de Beyrouth à Tyr[104] ».

    Le 3 février 1980, le chef du Deuxième Bureau le colonel Johnny Abdo reçoit des informations selon lesquelles les forces syriennes vont se retirer de Beyrouth et de sa banlieue. Cette information est enregistrée pendant le Conseil des ministres du 6 février. C’est ainsi que « le Conseil des ministres libanais annonce officiellement le retrait de la FAD de l’ensemble de Beyrouth et le remplacement des troupes syriennes par l’armée libanaise ce qui entraîne inévitablement une montée de la tension[105] ». Un voyage du commandant en chef de l’armée Victor Khoury est prévu à Damas pour mettre en place les modalités de la coordination du retrait syrien pour le 9 février 1980. Mais le matin du 7 février, les troupe syriennes de la FAD se retirent sans coordination préalable avec l’armée libanaise de Sinn el-Fil, Jisr el-Bacha, Hazmieh et du secteur de la Galerie Semaan. Heureusement, le commandement de l’armée conforté par les informations obtenues par le Deuxième Bureau avait prévu cette réaction syrienne et l’armée libanaise est prête à faire face à ce retrait pour remplir le vide sécuritaire laissé par le départ de la FAD syrienne. Elle parvient à occuper toutes les positions évacuées par les syriens avant que les milices ne parviennent à les investir. Le retrait syrien est bien accueilli dans le pays, et dans les régions Est « l’armée libanaise est accueillie sous les acclamations[106] » de la population. Toujours début février 1980, les chiites manifestent leur mécontentement des abus palestiniens dans le Sud et des opérations contre Israël dont eux seuls subissent les représailles en apportant leur soutien actif aux militaires libanais de la caserne Henri Chéhab à Bir-Hassan lorsque cette dernière est attaquée par des unités palestiniennes les 13 et 23 février 1980.

     

    La course aux sommets dans les hauteurs du Metn et du Kesrouane entre les Forces Libanaises et la FAD syrienne et le rôle de l’armée libanaise

     

    Le 11 mai 1980, les syriens attaquent les positions des Forces Libanaises dans les régions de Zaarour –Baskinta –Jurd de Akoura qui permettent à celui qui les tient d’avoir une vue d’ensemble sur la totalité des régions Est. Le lendemain 12 mai les combats s’arrêtent vers 19h00 après des contacts intensifs au plus haut points des hiérarchies militaires et politiques, qui décident que les deux parties doivent se retirer des positions qu’elles occupent dans la région des Massateb à Sannine afin que l’armée libanaise s’y installe. Au cours  d’une réunion entre le président Sarkis et le général Ahmad el-Khatib, les deux hommes se mettent d’accord sur une solution qui préserve l’honneur des combattants : les miliciens du PNSS doivent se retirer des positions qu’ils occupent afin d’y être remplacés par des forces de la FAD syrienne, alors que les miliciens des Forces Libanaises doivent être remplacés par des unités de l’armée libanaise positionnées dans le village de Kfar Okab en attendant de pouvoir se rendre sur les lieux de leur déploiement. Mais les Kataëb demandent que l’armée libanaise occupe l’ensemble des positions du front situées en zone montagneuse. Le 13 mai 1980, le PNSS évacue ses positions dans lesquelles s’installe la FAD syrienne alors que les unités de l’armée libanaise envoyées pour se déployer dans le Jurd de Sannine restent cantonnées dans leur position à l’Ecole des Frères de Baskinta. Le lendemain, les unités militaires libanaises reçoivent la visite du commandant de la région militaire du Metn-Nord le commandant Ezzeddine Naffaa qui inspecte les troupes et vient donner des ordres afin qu’elles se déploient dans la région des cafés de Sannine afin de s’installer dans les positions des Forces Libanaises, sauf que la situation météorologique ne leur permet pas d’arriver à Sannine et les force à passer la nuit à mi-chemin entre Baskinta et Sannine avant de reprendre leur avancée le lendemain dans le cas où la météo le permet. Le 15 mai 1980, les unités de l’armée libanaise arrivent vers 18h00 devant l’église de Deir Tamich à Sannine où les Unités de Défense d’Adonis ont pris position. Des contacts ont lieu entre Amine Gemayel et des officiers supérieurs de l’armée libanaise qui aboutissent au retrait des unités des Forces Libanaises de leurs positions. A ce moment-là, les unités de l’armée libanaise commencent à bouger afin de se déployer sur la route de Sannine –de la région des cafés jusqu'à Tarchiche –. A 16h00, quatre camions et deux chars de l’armée arrivent à Baskinta où ils reçoivent un accueil chaleureux sur la place du village où ils se rassemblent avant de se diriger vers Sannine. Mais la FAD syrienne berne les combattants des Forces Libanaises et les militaires de l’armée libanaise en ne respectant pas l’accord passé. En effet, une fois que les Forces Libanaises se retirent de leurs positions afin que l’armée libanaise puisse s’y déployer, la FAD devance cette dernière et occupe les positions qui lui reviennent. L’armée libanaise n’a plus le choix que de s’installer uniquement à Deir Tamich.

    Bachir Gemayel crée un Comité d’Etudes Stratégiques destiné à dresser des plans politiques et militaires destinés à l’aider à prendre les bonnes décisions. C’est ainsi que le 27 septembre 1980, les seize hommes composant ce comité dont font notamment partie le commissaire à la Sûreté Générale Zahi Boustany (Anwar) et le lieutenant-colonel Michel Aoun de l’armée libanaise (Gebrayel) se réunissent pour mettre au point un plan destiné à la prise du pouvoir par Bachir[107].

    Le 25 octobre 1980, le commandant des Forces Libanaise Bachir Gemayel cherche à faire collaborer sa milice avec l’armée libanaise dans le but de faciliter l’accès de ses unités au front tout en évitant des frictions avec le commandement de l’armée. « Johnny Abdo proposa à Zahi Boustany de nommer un officier proche des Forces Libanaises au commandement de tout le secteur comprenant la ligne de démarcation qui coupait Beyrouth en deux, c’est-à-dire du Port à Kfarchima[108] ». Ce dernier accepte la proposition du chef du Deuxième Bureau tout en insistant pour que cet officier « détienne réellement toutes les prérogatives et surtout tous les  moyens nécessaires pour réaliser les objectifs de la résistance libanaise. Le soir même, le lieutenant-colonel Michel Aoun (Gebrayel), qui avait assisté à la réunion du couvent de Saydet el-Bir, se rendit chez Antoine Najm en compagnie d’Elie Hobeika le tout nouveau chef du Jihaz el-Amen, le service de renseignement des Forces Libanaises. Les trois hommes dressèrent la liste des officiers qui devaient seconder le lieutenant-colonel dans la mesure où il serait désigné. Ils écartèrent d’emblée ceux qui leur paraissaient peu fiables[109] ». Cette nomination se fera en décembre 1980.

     

    La première bataille de Zahlé ou « bataille de Noël » et ses conséquences

     

    La première bataille de Zahlé commence par des tensions entre les Kataëb de Zahlé et les membres de l’ancienne milice du PNL sous les ordres d’Elias Hanache qui sont « passés à l’ennemi » et collaborent maintenant avec la Syrie et ses alliés locaux au Liban. Les prémices de la bataille ont lieu lorsque les miliciens de Hanache lancent une campagne d’assassinat des cadres du parti Kataëb dans la ville de Zahlé et ses environs. Cet état de choses va entraîner une riposte de la part des Kataëb et des Forces Libanaises qui lancent une chasse à l’homme dans les régions Est et dans la région de Zahlé à la poursuite des commanditaires des assassinats. Le 14 décembre 1980 Elias Hanache se rend à Zahlé à la tête de 50 miliciens qui prennent des positions de combat près de la statue de la Vierge à Hoch el-Oumara, ce qui entraîne une mobilisation dans les rangs des Kataëb qui prennent à leur tour des positions de combat pour faire face à l’agression. Suite à la tension une réunion a lieu à l’évêché maronite à laquelle participent les ministres Joseph Skaff et Elias Hraoui ainsi que le député Salim Maalouf, les évêques Augustinos Farah et Georges Iskandar, le colonel Mohammad Ghanem de la FAD syrienne et quelques représentants des partis pour voir ce qui peut être fait pour ramener le calme rapidement. Les contacts reprennent l’avant-midi du 15 décembre au cours desquels des tentatives ont lieu pour obtenir le retrait des miliciens de Hanache des positions qu’ils occupent. Une réunion a lieu à laquelle participe le mohafez de la Békaa Henri Lahoud, l’évêque Augustinos Farah et le colonel Mohammad Ghanem, au cours de laquelle les participants décident de confier aux Forces de Sécurité Intérieure et à la FAD syrienne la mission de ramener le calme à Hoch el-Oumara. Dans l’après-midi du 15 décembre des combats ont lieu entre Kataëb et miliciens de Hanache, et l’armée syrienne renforce ses positions dans la ville de Zahlé par l’envoi d’hommes et de 8 chars. Les Kataëb sont convaincus que l’armée syrienne cherche à occuper totalement la ville de Zahlé. Les contacts s’intensifient pour tenter d’éviter une conflagration généralisée, et Camille Chamoun nomme un nouveau responsable du PNL à Zahlé qui entre en contact avec le commandant de la Compagnie de Gendarmerie de Zahlé le colonel Rafic Feghali pour l’informer que le PNL désire remettre sa permanence de Hoch el-Oumara aux Forces de Sécurité Intérieure. Vers 18h30 le même jour, le colonel Abdo de la FAD syrienne informe le colonel Feghali qu’il  compte faire circuler des patrouilles blindées à Hoch el-Oumara qui auront des ordres stricts afin de bombarder les sources de tirs des belligérants. Vers 20h00, les responsables Kataëb décident de lancer une vaste offensive contre les positions de Hanache. A 22h00, une unité de 50 éléments Kataëb monte à l’assaut de la permanence PNL de Hoch el-Oumara occupée par Hanache et ses hommes. Pendant plus d’une heure des combats violents ont lieu et Hanache est contraint de quitter ses positions avec ses hommes pour se réfugier derrière les lignes syriennes.

    Le 16 décembre 1980, une force de la FAD syrienne occupe la permanence PNL de Hoch el-Oumara et le commandement de la FAD syrienne adresse des avertissements aux partis présents à Zahlé afin que ces derniers ferment leurs permanences. Cette démarche entraîne la fermeture des magasins et les habitants de Zahlé se barricadent chez eux dans l’attente de combats qu’ils sentent proches. Après des contacts rapides entre les notables de la ville et le commandement de la FAD syrienne un arrangement est rapidement trouvé : les Kataëb doivent abandonner leur permanence de Hoch el-Oumara et les apparences armées doivent cesser dans les rues de Zahlé. Le 17 décembre, le calme revient à Zahlé et à Hoch el-Oumara où la FAD syrienne continue à faire circuler des patrouilles dans les quartiers et les rues de la ville. La FAD syrienne en coopération avec les Forces de Sécurité Intérieure dressent des barrages fixes et d’autres mobiles. Les 19 et 20 décembre 1980 une nouvelle dégradation de la situation sécuritaire commence avec le retour de Hanache à la tête de 40 miliciens dans la ville de Zahlé sur ordre de la FAD syrienne pour y provoquer des troubles. Mais les Kataëb de la ville leur font face ainsi qu’aux syriens de la FAD venus les soutenir. Pour venger les 6 morts et les nombreux blessés syriens, l’artillerie de la FAD syrienne s’acharne sur la ville de Zahlé. Les ministres, députés et religieux de la région tentent d’établir des contacts avec les responsables syriens dans le but de rétablir le calme au plus vite. Le bombardement de Zahlé provoque des réactions et une levée de boucliers dans la presse locale et internationale qui dénoncent le crime syrien. La diplomatie française intervient immédiatement auprès de la Syrie et publie un communiqué dans lequel elle dénonce l’attaque contre Zahlé. Les Etats-Unis font de même. Les accrochages et bombardements avec les syriens durent jusqu’au 23 décembre 1980. Dans l’après-midi, une réunion a lieu au Sérail de Zahlé à laquelle participent le ministre Elias Hraoui, le mohafez de la Békaa Henri Lahoud, le chef des services de renseignements syriens au Liban Mohammad Ghanem, les deux évêques Augustinos Farah et Georges Iskandar ainsi que le commandant de la Compagnie de Gendarmerie de Zahlé le colonel Rafic Feghali et le colonel-aviateur Mahmoud Matar. Au cours de la réunion, il est décidé de confier aux Forces de Sécurité Intérieure la mission du maintien de la sécurité dans la ville de Zahlé. Mais cela n’arrange pas les choses et loin de se calmer, la situation s’aggrave lorsque les bombardements syriens s’étendent à Beyrouth et englobent le centre-ville, le périmètre de Sodeco, Achrafieh ainsi que d’autres quartiers de Beyrouth-Est. Le 24 décembre 1980 le Conseil des ministres tient une réunion entièrement consacrée aux événements de Zahlé, mais les ministres n’arrivent pas à se mettre d’accord sur les moyens à mettre en place pour mettre fin aux combats. Le lendemain 25 décembre, les combats reprennent pendant que les tentatives d’obtenir un cessez-le-feu se succèdent sans grand succès. Ensuite, les bombardements se calment à Zahlé pour se concentrer sur Beyrouth. Le 27 décembre 1980 le président Sarkis qui voit que la situation ne fait qu’empirer et que les bombardements s’intensifient sur Zahlé et sur Beyrouth-Est, charge le commandant de la FAD le général Sami el-Khatib de se rendre à Damas pour demander aux responsables syriens un arrêt immédiat des bombardements sur les populations civiles et les quartiers résidentiels, mais sans succès. Le 25 février 1981, le général Sami el-Khatib est convoqué à nouveau par le président Sarkis qui lui donne pour mission d’informer les responsables syriens que l’Etat libanais ne peut plus accepter qu’Achrafieh demeure la cible des bombardements de l’ALP d’obédience syrienne toujours déployée dans le centre-ville de Beyrouth.Le lendemain 26 février, le ministre des Affaires Etrangères syrien Abdel-Halim Khaddam se rend à Chtaura pour y rencontre son homologue libanais. C’est ainsi que Fouad Boutros rapporte dans ses Mémoires les détails de cette rencontre en ces termes : « Il se mit à expliquer le point de vue des dirigeants du Mouvement National qui n’approuvaient aucune des mesures de sécurité dont se chargeait l’armée libanaise et que nous avions discutées [ lors d’une précédente rencontre]. Ils avaient été voir le président du Conseil Chafic Wazzan et l’avaient entraîné à promettre qu’il n’approuverait pas que l’armée se charge d’aucune mission supplémentaire. Il ajouta que Walid Joumblatt était mécontent des récentes promotions au sein de l’armée, d’où ses objections à tout ce qui la concernait. Au sujet des mesures de sécurité, mon homologue dit que les syriens se sentaient embarrassés et perplexes car, s’ils répondaient favorablement à nos demandes, le Mouvement National se considérerait perdant, ce qu’ils ne sauraient admettre. On parla ensuite de la situation sur le terrain ; je soulignai qu’il était inacceptable qu’Achrafieh soit bombardée par l’ALP pour quelque motif que ce soit et insistai que cette faction palestinienne soit éloignée de la capitale. Je lui rappelai ce que le président syrien Hafez el-Assad avait répondu à Yasser Arafat lorsque ce dernier, en 1976, avait proposé que l’OLP fasse partie de la FAD : « Ce n’est pas le moment de plaisanter ». Khaddam prétendit n’en rien savoir, mais promit de traiter cette affaire avec les militaires[110] ».

    Le 10 mars 1981, la situation sur le terrain est précaire, particulièrement dans le périmètre de Sodeco. Une délégation dirigée par le président Sarkis se rend à Damas pour trouver une solution à la crise, mais sans grand succès. C’est ainsi qu’à partir du 15 mars 1981 de violents combats éclatent sur les lignes de démarcation à Sodeco et dans le centre-ville.

     

    La guerre de Zahlé (avril –juillet 1981) et ses conséquences sur l’armée libanaise

     

    Tout au long du mois de mars 1981 la FAD syrienne et ses alliés locaux provoquent des incidents et pratiquent des enlèvements de partisans des Forces Libanaises et tentent à plusieurs reprises de se déployer à l’intérieur de la ville de Zahlé ce qui fait monter peu à peu la tension. Le 31 mars, des accrochages opposent les Forces Libanaises de Zahlé aux forces de la FAD syrienne et Zahlé subit des bombardements violents après trois mois de répit. Le 1er avril, la situation sécuritaire se dégrade et le lendemain Zahlé et les quartiers résidentiels de Beyrouth-Est sont la cible des tirs nourris de l’artillerie syrienne de gros calibre qui font 70 morts et plus de 350 blessés parmi la population. Dans l’après-midi du 2 avril, bien que sachant parfaitement que la FAD échappe à son contrôle, le président Sarkis ordonne à cette dernière un cessez-le-feu sur les villes et les zones résidentielles de Zahlé et Beyrouth-Est.

    Le 4 avril 1981 le Patriarche et les évêques maronites demandent l’entrée de l’armée libanaise à Zahlé, chose qui sera refusée par le président Hafez el-Assad qui considère que l’armée syrienne ne doit pas plier devant une poignée de miliciens. La réponse à cette requête ne se fait pas attendre et va se traduire sur le plan sécuritaire et dans la nuit du 4 avril tous les fronts s’embrasent à Zahlé et à Beyrouth-Est. C’est ainsi que vers 03h00 du matin, le cessez-le-feu est violé sur les lignes de démarcation de Beyrouth dans les zones de Berjaoui –rue de Damas, Musée –Tayyouné et Hadeth, avant de s’étendre sur les fronts du centre-ville de Sodeco jusqu’au Port. Quelques temps plus tard un camion de la FAD syrienne est détruit par une roquette antichars de type RPG sur la route de Jamhour faisant 4 morts et 9 blessés parmi ses occupants. Cet incident provoque un élargissement de la zone d’accrochages, qui va englober également les fronts de la Galerie Semaan –Chiyah –Aïn el-Remmaneh et la route Mar Mikhaël –Boulevard Camille Chamoun –Hadeth. En riposte à la pluie d’obus qui s’abattent sur ses positions l’armée libanaise va bombarder violemment les positions de l’ALP. Pendant ce temps, d’autres accrochages ont lieu dans la région de Kfarchima. En effet, un accrochage a lieu entre la FAD syrienne positionnée sur le pont de Kfarchima et à proximité de l’Hôtel Sannine et des unités de l’armée libanaise déployées à l’intérieur du village. Dans la nuit du 4 au 5 avril, les positions de l’armée libanaise à Badaro, Tayyouné, caserne des Masaleh sont la cible de tirs d’armes automatiques, de mitrailleuses, d’obus et de missiles provenant des abords de la caserne Traboulsi où l’ALP est installée dans une partie des bâtiments de la caserne et dans quelques immeubles proches de la ligne de démarcation. Le 5 avril vers 10h00, une unité de l’armée libanaise attaque la partie de la caserne Traboulsi occupée par l’ALP dans le but de l’expulser de son périmètre. Une bataille violente a lieu au cours de laquelle les belligérants utilisent toute la panoplie de l’armement à leur disposition. Suite à cette bataille, l’unité de l’armée libanaise parvient à se déployer à l’intérieur de la caserne et aux environs de quelques immeubles avoisinants qui sont évacués par les éléments de l’ALP. Après divers contacts en haut lieu, les unités de l’armée libanaise reçoivent l’ordre d’évacuer la caserne Traboulsi. Pendant que les unités de l’armée libanaise commencent leur retrait, elles sont la cible de tirs de mitrailleuses et d’un bombardement qui entraîne nombre de morts et de blessés dans leurs rangs. Suite à cette attaque, de violents affrontements se renouvellent et s’étendent tout le long de la ligne de démarcation. Dans la nuit, le Sérail de Baabda, l’Hôpital gouvernemental et la route du Palais présidentiel sont la cible d’intenses bombardements qui font nombre de morts et de blessés dans les rangs de l’armée libanaise lorsque leur barrage situé sur la corniche du Palais de Justice est la cible d’un tir d’artillerie direct. Les belligérants parviennent à un cessez-le-feu sur les lignes de démarcation dans l’après-midi du 5 avril mais ce dernier sera de courte durée. Le 6 avril 1981, les combats entre l’armée libanaise et l’ALP commencent sur les fronts de Hadeth –Laylaki et de la Galerie Semaan –Chiyah –Mar Mikhaël avant de s’étendre pour englober toute la longueur de la ligne de démarcation de Tayyouné au Musée en descendant vers Berjaoui –Sodeco. Les alentours du Palais présidentiel de Baabda et du camp palestinien de Bourj-Brajné sont la cible de bombardements qui provoquent des incendies dans les bois. Depuis 09h00 le front de Hadeth –Laylaki –Faculté des Sciences est le théâtre d’affrontements violents au cours desquels les belligérants utilisent toutes les armes de leur arsenal dont les armes lourdes. A Hadeth, des accrochages violents ont lieu autour des immeubles Matar et Sainte Thérèse et l’armée libanaise parvient à s’en emparer et à s’y déployer. Les soldats libanais y trouvent des quantités de munitions et de roquettes RPG ainsi qu’un grand nombre d’équipements de la FAD syrienne. Mais comme cela s’est passé à la caserne Traboulsi, les soldats reçoivent l’ordre du commandement de l’armée de se retirer des immeubles occupés et la FAD revient s’y installer. Le même processus arrive à Tayyouné où une unité de l’armée libanaise parvient à occuper un immeuble avant de recevoir l’ordre de s’en retirer. Dans l’après-midi du 6 avril, les combats commencent à baisser d’intensité à Beyrouth et les commandements de l’armée libanaise et de la FAD syrienne ordonnent à leurs hommes d’arrêter les accrochages et les bombardements réciproques après l’annonce d’un contact téléphonique entre les présidents Sarkis et Assad. Fouad Boutros rapporte dans ses Mémoires ce qui suit à propos de cette conversation : « La conversation entre les deux présidents fut un échange de reproches au sujet des accrochages entre les deux armées. Le président syrien accusa l’armée libanaise d’avoir lancé une offensive flagrante contre l’armée syrienne. Le président Sarkis affirma le contraire sur la foi de communications syriennes interceptées par l’armée libanaise et donnant des ordres précis pour procéder à un embrasement généralisé et déclarer un cessez-le-feu selon un timing précis[111] ». Le 7 avril, le siège de la Place Militaire de Beyrouth et l’Hôpital Militaire à Badaro sont la cible de bombardements, et des dégâts matériels importants sont à déplorer à l’Hôpital Militaire où des obus de 120 mm s’abattent sur les chambres d’opérations, sur l’aile spécialisée en maladies cardiaques et sur celle des soins intensifs, et deux ambulances ainsi qu’une voiture de pompiers sont incendiées. Dans le périmètre du siège de la Place Militaire de Beyrouth, les bombardements font un mort et cinq blessés. Ces quelques jours de combats seront la seule participation de l’armée libanaise aux combats issus de la crise de Zahlé. Le 7 avril également, le ministre des Affaires Etrangères syrien Abdel-Halim Khaddam se rend au Palais de Baabda pour négocier un cessez-le-feu à Zahlé et dans les régions Est avec le président Sarkis car la Syrie est la cible de fortes pressions internationales. Le président libanais exige un cessez-le-feu immédiat, le retrait de l’ALP de la ligne de démarcation à Beyrouth et l’envoi de l’armée libanaise à Zahlé. Quant à Khaddam, il exige le retrait des combattants des Forces Libanaises de la ville de Zahlé. Les responsables libanais et syrien finissent par se mettre d’accord sur un cessez-le-feu qui doit englober la région de Zahlé et les hauteurs qui la surplombent. Mais cet accord n’est pas respecté puisque « le commandement militaire syrien fit savoir que cet accord ne concernait ni ces hauteurs ni la route Karak –Zahlé[112] ». Le 13 avril 1981, Zahlé et les autres fronts sont bombardés sauvagement. Le lendemain, le Palais de Baabda est bombardé. Le 16 avril, les syriens resserrent l’étau sur Zahlé et leur artillerie s’acharne sur la ville avec une violence jusque-là inégalée. Le ministre des Affaires Etrangères syrien ajoute comme exigence afin d’accepter un éventuel cessez-le-feu la condition que les Forces Libanaises mettent officiellement fin à leur collaboration avec Israël. Le 25 avril 1981 à l’aube, la FAD syrienne lance une offensive héliportée à Sannine et sur les crêtes qui surplombent Baskinta. Les hélicoptères syriens débarquent des Forces Spéciales qui prennent d’assaut et occupent la position stratégique de la « Chambre des Français » qui permet d’observer la plus grande partie des régions Est. Le 26 avril, une délégation libanaise se rend à Damas pour essayer de négocier un cessez-le-feu. Les syriens sont plus disposés au dialogue car ils ont peur que Washington ne permette aux israéliens de bombarder les troupes syriennes au Liban afin d’appuyer les Forces Libanaises en difficulté à Zahlé. Et ils n’ont pas tort, car une l’aviation israélienne intervient à Sannine et abat deux avions syriens. Et le 28 avril, les avions israéliens abattent deux hélicoptères qui participent à l’héliportage des Forces Spéciales syriennes au-dessus de la Békaa pendant que les responsables israéliens déclarent « qu’ils ne laisseraient pas la Syrie annihiler les chrétiens du Liban et que les syriens avaient dépassé les bornes et considérablement modifié l’équation existante[113] ». Suite à cette intervention israélienne directe, la Syrie fait entrer dans la Békaa le 29 avril des missiles SAM-6 antiaériens et termine l’occupation des crêtes autour de Sannine. C’est ainsi que la bataille de Zahlé se transforme en menace de guerre régionale et en crise des missiles. « Persuadés de l’imminence d’une attaque israélienne de grande envergure, certains officiers de l’armée libanaise, proches des FL, pressèrent Bachir de se préparer à agir. Au cours de deux longues réunions avec les lieutenants-colonels Nassib Eid et Amer Chéhab, les 6 et 11 mai 1981 à l’Académie Militaire de Fayadiyé, Antoine Najm étudia quelles pouvaient être les modalités d’une coordination entre l’armée et les Forces Libanaises en cas de conflit, et dans la perspective d’un retrait total des syriens du Liban et de la destruction de l’appareil militaire palestinien. Après avoir estimé qu’aucune action de leur part n’était envisageable avant la fin de l’opération israélienne, ils mirent au point, dans le détail, l’organisation d’un coup d’Etat militaire que devaient entreprendre les FL et quelques unités de l’armée avec le soutien du président Elias Sarkis[114] ». Suite à cette nouvelle conjoncture, les pressions sur la Syrie se poursuivent et s’accentuent. L’Algérie, l’OLP et la Syrie demandent une réunion urgente du Conseil de la Ligue des Etats Arabes pour étudier la menace israélienne et les moyens d’éviter un nouveau conflit régional. La réunion a lieu le 22 mai 1981 à Tunis. Après l’échec de la FAD syrienne qui ne parvient pas à entrer dans Zahlé suite à la résistance que lui opposent les Forces Libanaises, plusieurs tentatives sont faites auprès des responsables syriens afin que ces derniers acceptent de remplacer la FAD syrienne par des contingents de l’armée libanaise et des Forces de Sécurité Intérieure autour de la ville de Zahlé. Mais sans succès, car Abdel-Halim Khaddam pose des conditions qui enlèvent toute efficacité à cette intervention, qui sont : l’unité de l’armée libanaise qui doit se déployer dans la ville de Zahlé ne peut être que celle de la caserne d’Ablah[115] qui est complètement inféodée aux syriens, et une fois déployée cette brigade doit passer sous le commandement direct de la FAD syrienne. La FAD syrienne doit contrôler toutes les crêtes entourant la ville de Zahlé ainsi que la route internationale Beyrouth –Damas. Enfin, il exige que les miliciens des Forces Libanaises sortent de la ville. Les Forces Libanaises refusent toutes ces conditions et les bombardements continuent de plus belle sur la capitale de la Békaa.Le 24 juin 1981, les responsables libanais et syriens se mettent d’accord sur trois points : la mise en place d’un calendrier pour la reconstruction de l’armée libanaise sur des bases nationales, l’acceptation par la Syrie de l’introduction d’autres contingents arabes au sein de la FAD et enfin l’élaboration d’un calendrier pour le redéploiement de la FAD au Liban. Ce n’est que le 30 juin 1981, trois mois après le début du siège de Zahlé, les syriens acceptent le déploiement de 350 éléments des Forces de Sécurité Intérieure et le retrait des combattants des Forces Libanaises avec leurs armes individuelles à bord de cars des FSI.

     

    Depuis la fin de la bataille de Zahlé et jusqu'à l’invasion israélienne de juin 1982, la situation sécuritaire reste précaire au Liban où des accrochages ont lieu de temps en temps sur la ligne de démarcation pour maintenir la tension. Il y aura également des attaques terroristes à la voiture piégée dirigés contre des concentrations de civils aux heures de pointe et aucune région libanaise n’échappera à ce cycle de violence.

    Entre-temps, au Liban-Sud, la situation longtemps instable se calme pour quelques mois. Et de petites unités de l’armée libanaise parviennent à prendre position et à se déployer dans deux localités du Sud, à Fardis le 27 octobre 1981 et à Hebbariyyé le 30 octobre, sans pour autant déclencher des bombardements de la part de la milice de Saad Haddad.

     

    IV-L’armée libanaise de l’invasion de 1982 au retrait partiel de 1983

     

    Le 4 mars 1982, des responsables militaires des Forces Libanais dressent un plan M militaire[116] qui doit être exécuté dès que les israéliens commencent leur invasion du Liban. Le projet prévoit neuf objectifs à atteindre par les Forces Libanaises en coopération avec certaines unités de l’armée libanaise et le support de l’armée israélienne. Il consiste en :

                « -La mise en place d’un bouchon à Khaldé pour couper toute possibilité de repli palestinien venant du Sud vers Beyrouth.

                -Le contrôle de Beyrouth, de préférence par l’armée libanaise.

                -Le contrôle de la région de Baabda où se trouvaient le ministère de la Défense et le palais présidentiel.

                -La prise des collines du Metn où était déployée la 62e Brigade syrienne qui menaçait la route Beyrouth –Damas.

                -La reconquête des cimes du mont Sannine, la reprise de la ville de Zahlé et de la « Chambre des Français ».

                -Le contrôle, dans un premier temps, de tout le versant Est du Mont-Liban puis, dans une seconde phase, du Nord Liban.

                -La libération des régions Nord occupées par les syriens depuis l’été 1978 (Bécharré, Zghorta, Koura) jusqu’aux limites du Jabal Terbol.

                -Une offensive vers le Akkar en cas de conflit israélo-syrien ou si des difficultés internes éclataient en Syrie à la suite de revers militaires au Liban.

                -Le contrôle des régions à dominante chrétienne dans la Békaa, cette opération dépendant directement des résultats de l’offensive israélienne dans la vallée[117] ».

     

    Puis le 15 avril 1982, des responsables militaires des Forces Libanaises se rendent en Israël pour établir un plan détaillé pour l’occupation de Beyrouth-Ouest. Ils prévoient de donner un rôle majeur à l’armée libanaise dans cette opération. « Fadi Frem avait eu une réunion avec le lieutenant-colonel Michel Aoun pour en étudier toutes les éventualités. Ils étaient convenus que les quelque 2500 hommes sous les ordres de Aoun et les 500 éléments de la Moukafaha, l’unité spéciale du 2e Bureau de Johnny Abdo, pénétreraient dans Beyrouth-Ouest immédiatement après une préparation d’artillerie ou un important raid aérien sur les camps palestiniens et la banlieue Sud de la ville, sous couvert de « protéger » la population[118] ».

     

    4-1 :L’armée libanaise durant l’invasion israélienne

     

    Le 3 juin 1982 l’ambassadeur d’Israël à Londres Shlomo Argov est la cible d’un attentat, et avant de connaître l’identité des assaillants Israël lance des raids aériens violents contre les positions de la Résistance palestinienne et des milices alliées. Le Liban saisit le Conseil de Sécurité d’une plainte urgente et se réserve le droit de demander une réunion du Conseil ultérieurement si jamais la situation sécuritaire continue à se dégrader. L’armée israélienne lance neuf raids au cours de la journée, et les opérations militaires se poursuivent le lendemain 5 juin. Suite à ces développements, le Liban demande que le Conseil de Sécurité se réunisse pour examiner la situation. Le Conseil de Sécurité de l’ONU vote à l’issue de sa réunion la résolution 508 qui engage toutes les parties au conflit à cesser immédiatement et simultanément toute activité militaire au Liban et de part et d’autre de la frontière libano-israélienne, et au plus tard le dimanche 6 juin 1982 à 06h00 heure locale. Entre-temps, Israël continue ses raids destructeurs et meurtriers et commence à masser de nombreuses troupes à la frontière. Ne tenant pas compte de la résolution 508 du Conseil de Sécurité, Israël poursuit son avance militaire sur le terrain et lance une offensive diplomatique tous azimuts à l’ONU où l’ambassadeur israélien accrédité auprès de l’organisation internationale tente de retarder ou de faire échouer le vote d’une nouvelle résolution du Conseil de Sécurité. Mais sans succès, et le 6 juin 1982 ce dernier adopte la résolution 509 qui demande à Israël de retirer ses troupes immédiatement et inconditionnellement jusqu’aux frontières internationalement reconnues du Liban. Toujours le 6 juin, Israël lance une attaque généralisée des ses forces terrestres, navales et aériennes et pénètre au Liban afin de « placer l’ensemble de la population civile de la Galilée hors de portée des tirs des terroristes qui ont concentré leurs bases et leurs quartiers généraux au Liban. Durant cette opération, l’armée syrienne ne sera pas attaquée, sauf si elle attaque nos forces[119] ». L’offensive israélienne est rapide et se fait à partir de trois axes de pénétration qui sont : « l’axe côtier en direction de Tyr, des ponts de Saïda et Kasmiyé ; l’axe central depuis la région des kibboutz de Manara et de Misgav Am, vers le pont d’Akieh (un pont passant au-dessus du Litani et situé au centre de ce secteur), et de là vers l’arrière du plateau de Nabatiyeh, et la zone de Beaufort jusqu’au Zahrani dans un rayon de quarante kilomètres au Nord de la frontière internationale. Le troisième axe, à l’Est, passerait par les routes du mont Hermon. Les forces israéliennes devraient progresser jusqu'à quatre kilomètres au Sud des premiers postes syriens ; les palestiniens avaient déployé de l’artillerie et des mortiers lourds sur ces positions. On avait décidé non pas d’affronter les syriens mais de les menacer sur leurs flancs[120] ». et en trois jours du 6 au 9 juin l’armée israélienne parvient aux abords de Damour au Sud de Beyrouth. Le 7 juin les israéliens remettent le château de Beaufort à la milice du commandant Saad Haddad, avant d’occuper Tyr et Nabatiyeh. Du côté libanais, un Conseil des ministres exceptionnel se réunit le même jour au Palais de Baabda pour voir ce qui peut être fait pour faire face à cette invasion israélienne. Fouad Boutros note dans ses Mémoires le fait suivant : « Je décidai de placer le chef du gouvernement devant ses responsabilités et lui dis : « Il est temps, Monsieur le Président du Conseil, que les sunnites du Liban prennent une positions historique : soit l’armée pénètre maintenant dans la zone Ouest, soit les forces de Béchir Gemayel y pénétreront pour combler le vide qui s’y révélera rapidement[121] ». L’Etat libanais demande sans succès un cessez-le-feu. Le 8 juin, après de violents échanges d’artillerie l’armée israélienne s’empare de Saïda, tandis que toute la région du Chouf tombe sous la coupe israélienne sans combattre. Pendant ce temps, l’Etat libanais poursuit ses efforts auprès du Conseil de Sécurité de l’ONU pour parvenir à une résolution ferme qui demande un cessez-le-feu et le retrait immédiat des israéliens. Le 9 juin, Israël détruit en quelques minutes les rampes de missiles antiaériens SAM-6 syriens qui ont été introduites dans la Békaa en 1981 comme nous l’avons vu précédemment grâce à des avions téléguidés sans pilotes bourrés d’explosifs. Pour la première fois du conflit, Israël accepte un cessez-le-feu imposé par les Etats-Unis mais ce dernier ne durera pas longtemps. Par rapport au recours à l’armée libanaise dans cette situation, Fouad Boutros rapporte cette conversation entre lui et l’ancien Premier ministre Saëb Salam : « Le président Saëb Salam arriva sur ces entrefaites. Je lui demandai immédiatement s’il était logique de recourir à l’armée libanaise dans notre situation, il répondit par l’affirmative[122] ». Toujours le 9 juin 1982, Walid Joumblatt tient une réunion avec les responsables israéliens au domicile de l’ancien chef d’état-major de l’armée libanaise le général à la retraite Saïd Nasrallah. Les 9 et 10 juin, les bombardements israéliens se font entendre dans la capitale et visent les limites Sud de la ville de Beyrouth. Ils sont essentiellement dirigés vers les zones de l’Université Arabe, Bourj-Brajné, Ouzaï et Khaldé. Le 10 juin, le Premier ministre israélien Menahem Begin demande aux troupes syriennes présentes à Beyrouth de se retirer pour éviter de les combattre. Le 11 juin, les troupes israéliennes sont aux abords de Beyrouth. A ce moment, Israël propose un cessez-le-feu à la Syrie et aux palestiniens qui l’acceptent avec soulagement. Fouad Boutros raconte dans ses Mémoires les faits suivants : « L’ambassadeur américain porta cet accord au Palais présidentiel où le président Sarkis l’approuva. Lorsque ce dernier me rapporta, en présence de Johnny Abdo, la conversation qui s’était déroulée avec le diplomate américain, je lui fis remarquer que le Liban, malgré l’agression d’Israël, n’était pas stricto sensu en guerre avec ce pays pour approuver un accord de cessez-le-feu et qu’il devait s’attacher à l’accord d’Armistice conclu en 1949 et en demander l’application. Le soir, je convoquai l’ambassadeur américain et lui dis : « Le Liban est attaché à l’accord d’armistice et à l’évacuation des troupes israéliennes de son territoire. Il n’a pas à accepter ou refuser un cessez-le-feu bien qu’il accueille avec satisfaction l’arrêt des combats entre les adversaires[123] ». Durant cette période, les Forces Libanaises commencent à envoyer des unités militaires dans le Chouf. Du 12 au 15 juin, l’armée israélienne encercle Beyrouth-Ouest. Cette dernière contourne Beyrouth-Ouest en empruntant la route du Chouf et effectue le 13 juin sa jonction avec les Forces Libanaises à Baabda, dans une zone sous contrôle de l’armée libanaise. Selon Boutros qui se trouve ce jour-là au Palais de Baabda pour suivre la progression des unités israéliennes en compagnie du président Sarkis, l’ambassadeur américain Robert Dillon lui donne des assurances que les israéliens n’ont pas l’intention d’entrer au Palais présidentiel, tout en promettant d’agir afin que l’armée israélienne se retire du périmètre du palais le plus rapidement possible. Boutros dira aussi à ce sujet : « Alors que nous étions au summum de l’inquiétude, le procureur général du Mont-Liban, le juge Maurice Khawam, appela le président Sarkis et lui apprit que le ministre israélien de la Défense Ariel Sharon venait de faire son entrée au Sérail de Baabda et lui avait fait savoir, par l’intermédiaire d’un officier des FSI, qu’il voulait le rencontrer. Le magistrat ajouta qu’il avait refusé de rencontrer Sharon[124] ». C’est ainsi que les israéliens ne sont plus qu’à quelques mètres du Palais de Baabda. A ce moment là, certains des conseillers du président Sarkis lui proposent d’abandonner le siège de la légalité à Baabda et d’aller installer ses bureaux ailleurs afin de ne pas être contraint par la force de rencontrer des responsables israéliens. Le président refuse de quitter son palais et ordonne à la Garde Présidentielle de garer ses véhicules militaires au milieu de la route et « d’y faire coucher des soldats de la garde et ses les israéliens passent quand même, d’envoyer Johnny Abdo dire à Sharon que je ne veux pas le recevoir. Je ne peux opposer qu’une résistance passive. S’ils veulent entrer, ils devront nous passer sur le corps[125] ». C’est la première fois dans l’histoire du conflit israélo-arabe que l’armée israélienne parvient à encercler une capitale arabe. Elle impose le retrait de tous les combattants palestiniens et syriens de Beyrouth comme prélude à la levée du siège de la capitale libanaise. Entre-temps, le cessez-le-feu est violé à plusieurs reprises et fini par tomber. Les opérations militaires israéliennes peuvent donc se poursuivre. Le 15 juin 1982, le camp palestinien de Aïn el-Héloué près de Saïda qui constitue une poche de résistance se rend. Le même jour, Khaldé est prise par Tsahal. Toujours le 15 juin, le président Sarkis dépêche le commandant de la FAD le général Sami el-Khatib à Damas pour prévenir les autorités syriennes que l’Etat libanais « pourrait leur demander, dans les jours à venir, de rassembler leurs forces dans Beyrouth et sa banlieue en prévision de leur retrait[126] ». Les 16 et 17 juin, Beyrouth-Ouest subi des bombardements intensifs. Le 18 juin Yasser Arafat qui est bloqué et encerclé à Beyrouth-Ouest est déterminé à continuer la lutte jusqu’au bout. Il déclare notamment : « Nous ferons de Beyrouth un Stalingrad arabe[127] ». Deux cessez-le-feu éphémères se succèdent les 18 et 20 juin 1982. Des pourparlers ont lieu entre israéliens et palestiniens pour parvenir à un cessez-le-feu définitif, au cours desquels « Israël rejette les propositions palestiniennes de désengagement simultané avec déploiement de l’armée libanaise et retrait des combattants palestiniens dans quatre camps[128] ». Durant la même époque vers la fin de juin 1982, Israël resserre son étau sur Beyrouth-Ouest ce qui alimente les craintes libanaises, arabes et internationales d’un bombardement intense de la ville destiné à pousser les palestiniens à en sortir. L’ambassadeur américain Philip Habib qui tient des concertations avec le gouvernement libanais et avec l’OLP par le biais du Premier ministre Chafic el-Wazzan débouchent sur un plan sécuritaire en trois points : d’abord un cessez-le-feu total sur tous les fronts ; ensuite un retrait israélien de 5 Km destiné à permettre à une Force Multinationale ou à des unités de l’armée libanaise de se déployer de façon à constituer un cordon de sécurité ; enfin terminer les pourparlers avec l’OLP de façon à la convaincre de se retirer de Beyrouth.

    Le gouvernement américain fixe le 24 juin 1982 comme date d’évacuation des ressortissants américains de Beyrouth. Le soir du même jour, le président français François Mitterrand appelle les parties au combat à des négociations et annonce un projet de plan français qui doit être présenté dans la nuit au Conseil de Sécurité. Ce plan français appelle à un cessez-le-feu et au retrait de l’armée israélienne à une distance raisonnable qui reste à déterminer par les militaires pour permettre à l’armée libanaise de se déployer ainsi que l’envoi d’observateurs internationaux qui ont pour mission de superviser le cessez-le-feu. Le 25 juin, Beyrouth subit des bombardements extrêmement violents à la suite desquels un quatrième cessez-le-feu est conclu. Suite à ces bombardements également, le Premier ministre Chafic el-Wazzan ainsi que six ministres musulmans présentent leur démission du gouvernement, et Walid Joumblatt se retire du Comité de Salut National constitué quelques temps auparavant. Le 27 juin, Israël présente ses conditions pour un cessez-le-feu total et définitif : « 15 organisations palestiniennes devront remettre leurs armes à l’armée libanaise, les combattants partiront en Syrie par convoi spécial du CICR (Comité International de la Croix-Rouge)[129] ». Le matin du 28 juin 1982, Chafic el-Wazzan propose la solution suivante pour sauver la face à l’OLP : en échange d’un retrait de tous les combattants palestiniens, l’Etat libanais autorise le maintien d’une présence militaire palestinienne symbolique sous contrôle de l’armée libanaise. Mais le lendemain 29 juin, les Etats-Unis refusent cette proposition et insistent pour que le retrait des fedayin soit complet et que leur désarmement total. Fin juin, Israël lance une offensive contre les positions syriennes dans le Haut-Metn et sur la route Beyrouth –Damas, et parvient à refouler les syriens à 20 Km à l’Est de Beyrouth. L’encerclement de Beyrouth-Ouest se resserre de plus en plus. Le 30 juin, ce sont les israéliens qui annoncent leur refus du maintien de combattants palestiniens au Liban. Toujours à la fin de juin 1982, Israël lance une offensive contre les positions syriennes dans le Haut-Metn et sur la route Beyrouth –Damas. Les syriens sont obligés de reculer de 20 Km. L’encerclement de Beyrouth-Ouest se resserre de plus en plus.

    Début juillet, la discussion sur les pays qui doivent accueillir les combattants palestiniens et ceux qui doivent participer à la Force Multinationale se fait plus précise. Le 2 juillet, le général Sharon ministre israélien de la Défense affirme qu’ « Israël n’a pas l’intention de garder un pouce du territoire libanais[130] ». Les 3 et 4 juillet, des manifestations monstres orchestrées par le mouvement pacifiste « La paix maintenant » ont lieu à Tel-Aviv. Le 4 juillet également, Menahem Begin fait une déclaration dans laquelle il dit notamment qu’Israël ne se retirera du Liban qu’après avoir conclu des arrangements de sécurité afin de garantir la tranquillité des villages frontaliers israéliens. Toujours le 4 juillet, sur le plan militaire cette fois-ci, Israël resserre son encerclement de Beyrouth-Ouest et Tsahal se déploie au point de passage du Musée, à la Galerie Semaan et au Port. L’artillerie et l’aviation israélienne bombardent le camp palestinien de Borj-Brajné ainsi que l’Aéroport International de Beyrouth où les palestiniens ont installé des positions militaires. Il faut ajouter qu’à partir du 4 juillet, les israéliens interdisent l’alimentation de Beyrouth-Ouest en eau et en électricité ainsi que l’entrée des camions chargés de denrées alimentaires. Le 5 juillet 1982, trois obus de mortier de 120 mm s’abattent aux environs du Palais de Baabda. En soirée un cinquième cessez-le-feu est conclu. Du 9 au 11 juillet les combats reprennent avec violence avant la conclusion d’un sixième cessez-le-feu le 11 juillet. Ce dernier est violé à nouveau du 23 au 27 juillet où des affrontements très durs et violents ont lieu à Beyrouth-Ouest. Le 28 juillet, c’est le septième cessez-le-feu qui sera suivi le 30 par une reprise des bombardements sur Beyrouth-Ouest ainsi qu’un huitième cessez-le-feu. Le 1er août 1982, l’Aéroport International de Beyrouth est occupé par les troupes israéliennes avant qu’un neuvième cessez-le-feu soit conclu le lendemain 2 août. Pendant ce temps, le Conseil de Sécurité des Nations Unies adopte à l’unanimité la résolution 516 qui prévoit le déploiement immédiat à l’intérieur et autour de Beyrouth d’observateurs de l’ONU[131] qui sont immédiatement détachés par la FINUL. Le 4 août 1982, Tsahal lance une offensive d’envergure sur Beyrouth-Ouest. Entre-temps, des contacts ont lieu entre la diplomatie libanaise et celles des pays susceptibles de participer à la Force Multinationale qui doit être dépêchée à Beyrouth pour protéger le départ des combattants palestiniens. C’est dans ce contexte que le 7 août 1982, les autorités libanaise se mettent d’accord avec les autorités françaises afin « que les troupes françaises arrivent au Liban le jour même où débuterait l’évacuation des palestiniens[132] ». Finalement, ce seront les armées française, américaine et italienne qui formeront la Force Multinationale, dont la mission est d’ « assurer la sécurité physique des combattants palestiniens qui se retireront et celle des civils palestiniens qui demeureront dans les camps, et aider les forces armées libanaises à recouvrer la souveraineté du Liban et déployer l’autorité de l’Etat sur le territoire libanais. Si l’opération d’évacuation ne devait pas se réaliser de manière complète dans le délai précisé par le calendrier ci-joint, et pour quelque raison que ce soit, la mission des troupes internationales prendrait fin automatiquement et immédiatement[133] ». Le 10 août 1982, les israéliens progressent lentement à l’intérieur de Beyrouth-Ouest et les combats cessent le 12 à la suite d’un onzième cessez-le-feu. Le jour même, le Soudan, le Yémen du Nord, le Yémen du Sud, la Syrie, la Tunisie, la Jordanie, l’Irak et l’Algérie acceptent de recueillir des palestiniens évacués du Liban sur leurs territoires. Toujours le 12 août « une réunion se tint à Moukhtara qui regroupa le commandant israélien Abou Moussa, Anouar el-Fatayri, Chérif Fayad et Toufic Barakat. Au cours de cette réunion, les druzes protestèrent contre la présence des Forces Libanaises dans la région d’Aley et du Chouf. La réponse du commandant israélien fut que les druzes pouvaient frapper ces Forces si elles ne se retrouvaient pas à un barrage commun avec les israéliens[134] ».

    Les opérations d’évacuation des combattants palestiniens et de leurs familles débute le 21 août 1982 et prennent fin le 3 septembre. C’est ainsi que le 21 août au moment où commence l’embarquement des palestiniens sur les bateaux destinés à les emmenés dans les pays arabes cités plus haut, les troupes françaises arrivent au Port de Beyrouth pour sécuriser ce retrait. Le 23 août 1982 Béchir Gemayel est élu président de la République. Sitôt élu, Béchir Gemayel décide de créer une nouvelle armée libanaise qui « doit compter entre 100000 et 150000 hommes et femmes, basée essentiellement sur la conscription obligatoire[135] ». Les troupes françaises sont suivies par les contingents américain le 25 août et italien le 27. Dans le même temps, 3000 soldats libanais se déploient dans Beyrouth-Ouest. Du 28 au 30 août, les brigades Hittine et Qadisiya de l’OLP empruntent la route de Damas alors que 2700 soldats de la FAD syrienne quittent Beyrouth pour se redéployer dans la Békaa. Le 30 août 1982, Yasser Arafat quitte le Liban en direction de la Grèce, et enfin le 3 septembre le dernier contingent de palestiniens quitte le Liban. C’est ainsi que s’achève totalement l’opération d’évacuation des combattants palestiniens. Début septembre 1982, suite à l’évacuation des combattants palestiniens, l’armée libanaise et les Forces de Sécurité Intérieure rentrent à Beyrouth-Ouest. Ils ont pour mission de désarmer les milices, de récupérer les stocks d’armes abandonnées par les palestiniens et de prendre le contrôle des camps. Le 9 septembre, des unités de l’armée libanaise entrent dans le camp de Bourj-Brajné[136], tandis que les contingents de la Force Multinationale qui ont accompli leur mission commencent à se retirer progressivement. C’est ainsi que les américains partent le 10 septembre, les italiens le 11 et les français le 13. Entre-temps, le 12 septembre, pendant que l’armée libanaise et les Forces de Sécurité Intérieure poursuivent leur déploiement à l’intérieur de Beyrouth-Ouest, des affrontements éclatent entre une patrouille de l’armée libanaise et quelques miliciens appartenant au Mouvement des Partisans de la Révolution à Ras el-Nabeh qui entraînent de nombreux morts et blessés des deux côtés. Suite à ces affrontements, l’armée libanaise intervient en force et parvient à prendre le contrôle de la situation. Le 14 septembre 1982, le président-élu Béchir Gemayel est assassiné dans un attentat à l’explosif au siège du parti Kataëb d’Achrafieh qui est soufflé par une terrible explosion. L’attentat fait 40 morts et 60 blessés. Le jour même prenant prétexte de cet assassinat Tsahal investit Beyrouth-Ouest et effectue des opérations de ratissage et de perquisitions qui entraînent l’arrestation de plusieurs personnes et la saisie de tonnes de matériel militaire abandonnées par les palestiniens aux mains des milices alliées avant leur départ. Le 17 septembre 1982, le Conseil de Sécurité de l’ONU adopte la résolution 520 qui exige le retour immédiat aux positions occupées par les troupes israéliennes avant l’assassinat de Béchir Gemayel et demande le déploiement d’observateurs. Le même jour, des responsables politiques et religieux musulmans demandent au gouvernement libanais de déployer l’armée libanaise dans Beyrouth-Ouest qui est investie depuis deux jours par les troupes israéliennes. Le 18 septembre 1982, les massacres perpétrés contre les habitants des camps palestiniens de Sabra et Chatila les 16 et 17 septembre sont découverts. Ils font plusieurs centaines de victimes et sont condamnés par toutes les parties. Certains accusent les Forces Libanaises de Béchir Gemayel d’avoir voulu se venger de la mort de leur chef, d’autres affirment que ce sont des unités de Tsahal accompagnées par d’autres de l’Armée du Liban-Sud qui ont perpétré ces massacres. Le Conseil de Sécurité se réuni le 19 septembre en urgence et adopte la résolution 521 qui condamne le massacre, réaffirme ses résolutions précédentes qui demandent que les droits des populations civiles soient respectés, demande le déploiement immédiat de 50 observateurs de l’ONU à Beyrouth et demande au secrétaire général d’engager des consultations avec le gouvernement libanais sur les mesures à prendre pour assurer l’entière sécurité des civils. Le lendemain 20 septembre, le Conseil des ministres libanais demande aux Etats-Unis, à la France et à l’Italie de fournir des contingents qui doivent participer à une Force Multinationale dont le but est d’aider l’armée libanaise à rétablir la souveraineté de l’Etat et d’assurer la stabilité et la sécurité de tous les civils.

     

    4-2 :L’élection d’Amine Gemayel et le pari sur l’armée libanaise (aides américaine et occidentale)

     

    Fouad Boutros dis qu’il « fus frappé de constater que l’OLP et ses alliés musulmans libanais minimisaient la responsabilité des Kataëb et des Forces Libanaises dans les massacres de Sabra et Chatila[137] ». Cette attitude facilite l’élection d’Amine Gemayel le 21 septembre qui est accueillie favorablement par les libanais, les syriens, les israéliens et les palestiniens. Les 22 et 23 septembre 1982 les Etats-Unis, la France et l’Italie déclarent être d’accord pour envoyer des troupes au Liban pour participer à la Force Multinationale de Sécurité de Beyrouth (FMSB).Entre-temps, les israéliens qui sont la proie d’une crise interne depuis la découverte des massacres des camps de Sabra et Chatila allègent entre le 20 et le 26 septembre leur dispositif à Beyrouth. Le 24 septembre, le premier contingent de la Force Multinationale arrive au Liban. Le lendemain, la France transfert des soldats affectés initialement à la FINUL à la Force Multinationale à Beyrouth. Le 26 septembre Tsahal se retire de Beyrouth-Ouest, le 28 du Port de Beyrouth et le 29 de l’Aéroport International de Beyrouth.

     

    Le pari sur l’armée : restructuration et réarmement

     

    Toujours le 26 septembre, les premiers éléments de la Force Multinationale commencent à revenir au Liban et se déploient à Beyrouth-Ouest aux côtés de l’armée libanaise afin d’exécuter des missions communes. Le 1er octobre, le président Amine Gemayel se rend à l’Aéroport International de Beyrouth pour annoncer sa réouverture officielle. Des soldats de l’armée libanaise appuyés par les hommes de la Force Multinationale s’emparent des lieux pour en assurer la sécurité. Suite au retrait israélien, du 2 au 15 octobre 1982 l’armée libanaise et les Forces de Sécurité Intérieure se déploient dans Beyrouth-Ouest. Leur mission consiste à pacifier cette région de la capitale où les fedayin faisaient la loi. De grandes opérations de police y sont menées avec l’appui des contingents italien et français de la Force Multinationale. Le 12 octobre 1982, le président Amine Gemayel déclare lors d’une visite au Commandement de la Place Militaire de Beyrouth que « nous avons besoin aujourd’hui d’une armée libanaise forte qui accompli tous ses devoirs afin que l’on soit débarrassés du désordre milicien[138] ». Le 14 octobre, l’armée libanaise prend position à Hadeth, Hazmieh et Baabda. Mais les contingents de l’armée libanaise rencontrent des difficultés et leur entrée dans les camps palestiniens n’est pas facile. En effet, ils sont en face d’une population hostile qui les considère comme des forces ennemies. Les miliciens d’Amal qui vivent dans le voisinage des camps insultent copieusement les militaires libanais tout en les menaçant. Les perquisitions révèlent un arsenal impressionnant. Les soldats libanais découvrent dans les sous-sols de Beyrouth-Ouest des tonnes de munitions, des armes de tout genre et de tous calibres ainsi qu’un réseau de tunnels souterrains. L’armée confisque le matériel de guerre. Le lendemain, un porte-parole de l’armée déclare que les Forces de Sécurité Intérieure ont arrêté 1441 suspects libanais et palestiniens ainsi que des hors-la-loi recherchés par la justice libanaise et réfugiés dans les camps palestiniens. Finalement, le procureur général militaire Assaad Germanos annonce qu’après enquête, seules 972 personnes sont inculpées. Le même jour, l’armée libanaise épaulée par la Force Multinationale entame son déploiement dans Beyrouth-Est et des patrouilles communes sont mises en place afin de surveiller la zone. Du 17 au 22 octobre, le président Amine Gemayel se rend aux Etats-Unis, en France et en Italie puis au début du mois de novembre au Maroc et en Arabie Saoudite afin de demander des aides destinées à la reconstruction du pays et de l’armée libanaise. C’est ainsi que les américains et les français fournissent une aide en matériel militaire[139].  Le 21 octobre, l’Université Américaine de Beyrouth est rouverte. Fin 1982 –début 1983, la mission de l’armée libanaise appuyée par la Force Multinationale est de pacifier toute la capitale, retirer leurs armes lourdes aux diverses milices, arrêter les fauteurs de troubles, imposer l’ordre de la loi. Dans Beyrouth-Ouest ainsi que dans la banlieue Sud, l’armée effectue sa mission partiellement après avoir rencontré nombre de difficultés. Ceci provoque la colère des chiites qui poussera le mouvement Amal à lancer sa rébellion l’année suivante, comme nous le verrons plus loin. Quant à Beyrouth-Est, la pacification n’y sera jamais appliquée. En effet, les Forces Libanaises qui contrôlent la zone depuis 1980 n’ont pas l’intention de livrer leurs armes lourdes à l’armée libanaise dans laquelle elles n’ont aucune confiance. Fin 1982 également, nous constatons le début d’une campagne d’attentats dirigés contre l’armée occupante israélienne. En effet, le 12 novembre 1982, le Quartier Général israélien de Tyr explose entraînant 86 morts. A partir de ce moment-là les attentats contre les israéliens vont se multiplier et ne cesseront qu’avec le retrait total de l’armée israélienne du Liban-Sud le 25 mai 2000. Suite à la décision politique de restructurer et réarmer l’armée libanaise, les Etats-Unis envoient au Liban au cours du mois de novembre 1982 une délégation militaire qui a pour mission d’étudier les besoins de l’armée libanaise en entraînements et en matériels divers. Cette délégation en coordination avec des officiers libanais dresse un plan de reconstruction et de modernisation de l’armée libanaise. Ce plan se base essentiellement sur le fait que toutes les armées étrangères présentes au Liban (Tsahal, l’armée syrienne) sont appelées à se retirer du Liban selon un calendrier en deux temps : premièrement, un désengagement immédiat des armées israélienne et syrienne et la création d’une zone de séparation entre elles d’une largeur de 30 à 50 Km ; deuxièmement, le retrait total des armées israélienne et syrienne du Liban qui doit être achevé en janvier 1983. Le 22 novembre 1982, le jour de la Fête de l’Indépendance, le Commandement de l’armée organise un défilé militaire dans la région de Barbir –Musée. Il est à noter que c’est le premier défilé de l’armée libanaise depuis 10 ans. A cette occasion, le commandant en chef de l’armée adresse un ordre du jour à ses troupes dans lequel il dit notamment que « la responsabilité de la défense du Liban incombe uniquement à l’armée libanaise et personne n’en sera chargé ». Il assure que « le succès de l’armée libanaise à Beyrouth doit continuer et se renforcer, afin de faire de Beyrouth une ville sûre et stable. C’est à partir de Beyrouth que l’armée libanaise va se diriger vers les autres régions libanaises dans le but de transformer le Liban dans son ensemble en un pays sûr, stable et débarrassé de toute armée étrangère[140] ».

    Après la mise en place du plan de reconstruction et restructuration de l’armée libanaise par la délégation militaire conjointe libano-américaine, le Conseil des ministres tient une réunion le 8 décembre 1982 au cours de laquelle il accepte la démission du commandant en chef de l’armée le général Victor Khoury et il désigne le général Ibrahim Tannous pour le remplacer. Le Conseil des ministres décide aussi de donner un délai de deux mois aux officiers désireux de présenter leur retraite du service actif. Le gouvernement s’octroi le droit de renvoyer du service actif ou de mettre à la retraite les vieux officiers dans le but de purger l’armée. Le 11 décembre 1982 a lieu la cérémonie de passation de pouvoirs entre les deux commandants en chef de l’armée.

     

    Exécution du plan de reconstruction de l’armée

     

    Le 12 décembre 1982, un organisme de coopération militaire qui prend le nom de Office of Military Coopération (OMC) est créé . L’OMC est composé d’officiers et de soldats américains à la tête desquels se trouve le colonel Arthur Thomas Fintel, alors que l’équipe représentant l’armée libanaise est formée d’officiers de l’état-major à la tête desquels se trouve le colonel Fouad Aoun. Les chefs des délégations ont pour mission de coordonner les activités du COM avec les unités libanaises. Dans le but de rendre plus efficace l’activité du COM, le Commandement de l’armée libanaise relie directement les bureaux de l’organisme au bureau du commandant en chef de l’armée, et le colonel Fouad Aoun est nommé président du bureau du commandant en chef dans le but de rendre la coordination et la prise de décisions plus rapides, et de superviser l’exécution des ordres de près.

    Dans le but d’éviter les répercussions négatives de la Loi sur la Défense de 1979 qui crée un Conseil Militaire qui pourrait entraver la reconstruction de l’armée avec vitesse et efficacité, les autorités politiques publient le décret-loi numéro 10 daté du 14 février 1983. Ce décret-loi précise les procédures nécessaires pour confier à l’armée des missions sécuritaires exceptionnelles, et transfert les pouvoirs du Conseil Militaire au commandant en chef de l’armée durant la période où l’armée libanaise se voit confier le maintien de l’ordre. Ceci donne au commandant en chef de l’armée des pouvoirs élargis dans les domaines opérationnel, logistique et administratif.

    En ce qui concerne l’engagement de nouveaux personnels, le commandement de l’armée engage une large campagne de recrutement dans toutes les régions libanaises. Cette campagne est accompagnée par la publication de lois et d’arrangements dont le but est de rehausser le niveau de vie des militaires afin d’encourager les jeunes gens libanais de différentes confessions à s’engager dans l’armée. La loi concernant le service militaire est mise en application, et un camp d’entraînement pour le service du drapeau est dressé dans la région de Yarzé à proximité du ministère de la Défense. Ce camp reçoit début février 1983 un premier contingent de 3000 jeunes appelés au service du drapeau. Le service du drapeau entraîne des réactions positives dans les rangs de l’armée ainsi que dans ceux de la population civile, car il parvient à rassembler les anciens belligérants pour le service du Liban sous un seul uniforme, celui de l’armée libanaise.

    Quant à la fourniture de matériel, le commandement de l’armée libanaise accélère le transport des matériels militaires américains et français ainsi que sa réception et sa répartition entre les différentes unités militaires libanaises. Avant la réception par les unités du nouveau matériel, les soldats sont formés à son utilisation afin que ce dernier soit opérationnel dès sa réception.

    En ce qui concerne l’entraînement des hommes, le commandement de l’armée libanaise organise deux camps d’entraînement. Le premier camp se situe à Raml el-Ali près de l’Aéroport International de Beyrouth, et le second camp est basé à Wata el-Joz près de Mayrouba dans le Kesrouane. Le commandement de l’armée prend la décision de soumettre toutes les unités combattantes de l’armée libanaise à l’entraînement. Pour ce faire, trois équipes d’instructeurs américains des Marines sont dépêchées sur place. Le programme mis en place permet l’entraînement d’un bataillon opérationnel chaque semaine. En effet, trois divisions se trouvent en permanence à l’entraînement dans le camp de Raml el-Ali. Elles sont soumises à un entraînement poussé pendant trois semaines, puis elles sont envoyées au camp de Wata el-Joz pour une semaine afin de mettre en pratique les enseignements reçus. C’est ainsi qu’en août 1983, pendant sept semaines et malgré les nombreux incidents sécuritaires dirigés contre l’armée libanaise, ainsi que les difficultés politiques, l’armée libanaise parvient à créer, entraîner et équiper l’équivalent de 6 brigades opérationnelles à 75% aux niveaux du personnel et du matériel.

     

    4-3 : La guerre de la Montagne et les opérations de l’armée libanaise en 1982-1983

     

    Il est à noter qu’à partir du mois d’octobre 1982, alors que les relations entre chrétiens et israéliens s’enveniment, à l’image des relations entre Amine Gemayel et Ariel Sharon, les israéliens commencent à distribuer des armes aux druzes et notamment aux membres du PSP. Ghassan Tuéni dira à ce propos que « d’autres rapports faisaient état d’un armement accru des milices druzes, qui leur parvenait des zones contrôlées par les syriens, certes, mais à travers les lignes israéliennes où les barrages de sécurité devenaient particulièrement tolérants, ou volontairement laxistes[141] ». Le 11 octobre 1982, de violents combats ont lieu dans la Montagne entre miliciens du PSP et des Forces Libanaises. Des duels d’artillerie lourde ont lieu du 11 au 13 octobre à Aley, Dakoun, Kfarmatta. Le 13, le général Drori qui commande les troupes israéliennes sépare les combattants. Le 15 octobre 1982, dans le but de mettre fin à la présence des miliciens des Forces Libanaises dans la zone, des notables druzes demandent le déploiement de l’armée libanaise. Dès le 17 octobre 1982, dans le but de mettre fin au cycle de violence qui s’est instauré dans la Montagne, un comité de coordination regroupant les représentants des parties au conflit (Forces Libanaises, PSP, Forces de Sécurité Intérieure, religieux, gouverneur du Mont-Liban) est formé. A la fin du mois d’octobre 1982, l’armée israélienne procède à des retraits partiels du Chouf pour permettre à l’armée libanaise de s’y déployer. Mais ce déploiement de l’armée libanaise n’empêche pas la reprise des incidents le 30 octobre à Aley et à Keyfoun. L’armée israélienne est obligée d’intervenir pour mettre fin aux combats. Du 1er au 3 novembre 1982, les combats dans le Chouf font 13 morts et 20 personnes sont enlevées à Bhamdoun et Aïn-Zhalta. Le 8 novembre, on compte 8 tués et 120 personnes enlevées dans le village maronite de Kfarnabrakh. Il est à noter ici que l’armée israélienne empêche l’armée libanaise d’intervenir pour mettre fin au massacre. Le 13 novembre, les Forces Libanaises lancent une attaque sur Kfaradouk, et une voiture piégée à Choueifate provoque la mort de huit personnes ainsi que 20 blessés. Les 14 et 15 novembre 1982, des escarmouches font 10 tués à Aramoun et Aley. Au mois de décembre 1982, les combats continuent à se déplacer dans la Montagne. C’est ainsi que le 3 décembre 1982, on peut compter trois morts à Barouk, le 11 décembre 3 tués et 8 blessés à Aley, le 12 décembre 15 tués à Bhamdoun, le 13 et le 15 décembre 25 morts dans le Haut-Metn. Le 13 décembre voit l’apparition de commissions mixtes PSP –Forces Libanaises –armée israélienne qui concluent que ce sont les armées israélienne et libanaise qui doivent s’occuper de la sécurité dans la région. Le 17 décembre 1982, le comité de coordination pour la Montagne se réuni à Baabda afin de réclamer le déploiement de l’armée libanaise dans la zone des combats pour y mettre fin.

    Le 11 janvier 1983, les affrontements reprennent dans le Chouf et à Aley. A Kfarchima, plusieurs morts sont dénombrés. Hadeth et Baabda sont bombardés par le PSP, qui parvient à prendre le contrôle des quartiers Ouest de Aley. Début 1983, les israéliens tentent d’activer les choses avec le président Amine Gemayel afin d’aboutir rapidement à un traité de paix israélo-libanais comme cela avait été convenu précédemment entre son frère Béchir et le ministre de la Défense israélien Ariel Sharon. Amine cherche à gagner du temps et ne cesse de trouver des prétextes afin de retarder la conclusion de cet accord. La période qui accompagne les négociations de paix entre libanais et israéliens se caractérise par une ambiance d’indécisions et d’imprécisions, de manque de sincérité et de transparence, qui va faire rater l’accord. En effet, le Premier ministre israélien Menahem Begin et son ministre de la Défense Ariel Sharon s’empressent de divulguer l’intégralité de cet accord qui devait à la base rester secret. Les autorités libanaises sur conseil des Etats-Unis publient un communiqué qui dément le fait que le président Amine Gemayel a signé l’accord de paix, et annule automatiquement l’accord dans son contenu et dans sa forme. Cette démarche rend Sharon furieux et ce dernier menace d’envahir le Palais présidentiel avec ses chars, puis il profère des menaces à l’encontre du président Gemayel : « Bientôt, le président libanais, s’il refuse d’accéder aux désirs d’Israël d’engager un dialogue tendant à la normalisation, ne contrôlerait plus que son propre palais, quelques quartiers de Beyrouth-Est et Jounié. Cette menace commença à prendre forme. A l’état-major général, un comité, dirigé par l’adjoint au chef d’état-major, Moshe Levy, prépara un projet de négociations sur la question de sécurité au Liban, qui reposait sur la présence constante, libre et active de Tsahal au Sud. Le major Haddad commanderait cette région[142] ». Entre-temps, le 5 mars 1983, conformément à sa décision de mettre fin à la mission de la FAD, le gouvernement libanais prend la décision de dissoudre son commandement à partir du 31 mars 1983 à minuit. Il confie simultanément à l’armée libanaise la mission de s’emparer des équipements et des locaux qui avaient été mis à la disposition de la FAD. Le 27 avril 1983, le Parlement libanais se réunit pour demander le retrait de toutes les forces non libanaises. A ce propos, Amine Gemayel dit dans un entretien à la revue Al-Majalla du 20 juin 1983 : « Le Liban a demandé officiellement aux rois et chefs d’Etats réunis à Fès le départ des troupes syriennes, et ce dans un mémoire qu’il leur avait présenté à cette époque. Sur cette base, tenant compte des résolutions du sommet de Fès, des résolutions du Conseil de Sécurité numéro 508 et 509 et surtout la résolution numéro 520 également adoptée par le Conseil de Sécurité et qui stipule le retrait de toutes les armées étrangères du Liban, j’ai déchargé le brigadier Sami el-Khatib de ses fonctions de commandant de la Force Arabe de Dissuasion et j’ai dissous le commandement de cette force conformément à la note libanaise présentée au sommet de Fès et à la disposition du pouvoir au Liban[143] ». Le 28 avril 1983, les combats reprennent au Chouf, dans le Metn-Nord ainsi que dans la banlieue de Beyrouth. Les quartiers résidentiels de Beyrouth-Est sont bombardés à partir de Dhour el-Choueir, Arbaniyé, Salima et Maaroufiyé. « Une des attaques druzes dans le centre-ville (le quartier occidental, Al-Hay el-Gharbi) contre la milice chrétienne devait porter les marques de la complicité des services de l’armée israélienne. Le camp chrétien pressentit cet incident comme une annonce d’un prochain retournement hostile de la politique israélienne sur le terrain libanais chrétien[144] ». En effet, selon Shimon Shiffer qui relate les faits de cet incident, « les chrétiens subirent une attaque de l’artillerie druze et les victimes restèrent prisonnières. Les phalangistes adressèrent un message urgent au ministre israélien de la Défense pour qu’il vînt aider leurs hommes en pilonnant les positions druzes qui les bombardaient depuis le territoire libanais sous contrôle syrien. Sharon ne tarda pas à répondre : « Si vous avez des problèmes, faites appel au président Amine Gemayel ![145] ».

    Finalement, les efforts fournis par l’administration américaine auprès des négociateurs libanais et israéliens aboutissent à un accord[146] qui est signé le 17 mai 1983. En effet, cet accord est accepté par le gouvernement libanais et voté au Parlement, et il ne reste plus que la signature du président Gemayel pour qu’il devienne légal et que les deux parties commencent à œuvrer à son application. Mais le président libanais hésite longtemps avant de refuser de signer l’accord. Le gouvernement Begin opte alors pour une alternative à sa politique d’alliance avec les chrétiens libanais. En effet, Begin « refusait qu’Amine Gemayel récolte les conséquences positives pour le Liban de l’invasion israélienne. Ce qui aurait pu promouvoir le démarrage de la réédification de l’Etat libanais ainsi que la relance d’un consensus national indispensable à toute reconstruction. Cette alternative de l’Etat hébreu n’était autre que la politique de la terre brûlée qu’Israël appliqua à la région du Chouf. Ses troupes devaient amorcer un repli vers le Sud. Elles devaient se retirer de cette montagne où elles avaient bien aiguisé les hostilités entre Forces Libanaises et joumblattistes[147] ». Le 27 juin 1982, on dénombre déjà 492 morts, 582 blessés et 695 otages depuis le déclenchement de la Bataille de la Montagne.

    Début juillet 1983, un plan de redéploiement des forces israéliennes est mis au point par le nouveau ministre de la Défense israélien Moshe Arens qui affirme que l’opération va se faire en coordination avec l’armée libanaise pour ne pas laisser un vide sécuritaire s’installer dans la région. Le 12 juillet 1983, Moshe Arens effectue une tournée dans le Chouf, et le 13 juillet interviennent les premiers retraits limités de la région. A partir du 14 juillet 1983, de violents affrontements ont lieu dans le Chouf. Le 8 août 1983, une réunion se tient au Palais de Baabda en présence du commandant en chef de l’armée au cours de laquelle le président Gemayel affirme aux personnes présentes que l’armée va rentrer à la Montagne après le retrait israélien. L’armée libanaise a deux options de déploiement : soit elle se déploie dans la Montagne avec l’accord de l’armée israélienne ; soit elle se déploie après le départ des israéliens, après un vide sécuritaire et des combats entre les Forces Libanaises et le PSP. Suite aux combats, l’armée libanaise se déploie dans la Montagne en tant que force de dissuasion entre les belligérants.  Du 10 au 22 août 1983, des affrontements ont lieu entre l’armée libanaise et le PSP. L’Aéroport International de Beyrouth, les positions de l’armée à Kfarmatta et Obey, le ministère de la Défense et la mission israélienne de Yarzé sont bombardés à partir du Chouf. Suite à ces bombardements, l’AIB est obligé de fermer ses portes au trafic aérien. Le 25 août 1983, le président Amine Gemayel annonce que l’armée libanaise va se déployer progressivement dans le Chouf après le retrait des miliciens des Forces Libanaises. Les 26 et 27 août, le PSP annonce son refus de voir l’armée libanaise entrer dans le Chouf. Du 28 août au 1er septembre, les positions du contingent américain de la Force Multinationale sont bombardées depuis Aley et le Haut-Metn. L’Aéroport International de Beyrouth ainsi que les points de passage entre Beyrouth-Est et Beyrouth-Ouest sont fermés. L’ambassade de France est également bombardée ce qui pousse la France à envoyer plusieurs bâtiments de la Marine pour étoffer son dispositif et être en mesure d’appuyer son contingent présent au Liban dans le cadre de la Force Multinationale. Durant la même période, la situation devient explosive entre Amal et l’armée libanaise dans la banlieue Sud de Beyrouth, et des combats ont lieu auxquels participent les Marines américains. Ces combats font 15 morts de l’armée libanaise, 2 morts parmi les Marines et 20 morts civils ainsi que 130 blessés. Suite aux combats, Amal occupe les locaux de la Télévision du Liban à Tallet el-Khayyat. Vers la fin du mois d’août 1983, au Chouf l’impasse est totale. En effet, les Forces Libanaises ne peuvent pas se permettre de se retirer de la région avant que l’armée libanaise ne s’y déploie afin d’y protéger les populations civiles chrétiennes. Or Israël ne cesse de mettre des bâtons dans les roues de ce déploiement. Le ministre de la Défense israélien Moshe Arens informe les responsables chrétiens de son intention de retirer Tsahal du Chouf dans un délai très bref. Suite à des contacts intensifs de l’Administration américaine, le retrait israélien est repoussé d’une semaine. Mais les israéliens n’ont pas l’intention de tenir parole. Dans les faits, aucune coordination n’est assurée entre Tsahal et l’armée libanaise afin que cette dernière puisse combler le vide sécuritaire dans le Chouf. Le 31 août 1983, le président Gemayel lance un appel adressé aux milices du PSP et des Forces Libanaises dans lequel il leur demande de tenter d’aboutir à un accord entre eux. Le colonel Michel Aoun est chargé d’une mission de reconnaissance dans la région du Chouf par l’état-major de l’armée libanaise. Ce dernier s’engage dans la région à la tête d’une patrouille afin de procéder à des repérages. Mais « sur l’instigation des israéliens, les habitants de la région leur tendirent une embuscade à l’entrée de la ville d’Aley, de laquelle le futur commandant en chef de l’armée échappa par miracle avec une blessure à la jambe. Un officier de l’armée israélienne avait tenu à accompagner le colonel Aoun sous prétexte qu’il traversait une zone dangereuse pour sa sécurité. L’officier abandonna Aoun au milieu de la route. Ce dernier poursuivit son itinéraire accompagné du député druze de la région, Fadlallah Talhouk. Le député descendit de la voiture lors de l’embuscade et fut pris à partie et molesté par des éléments druzes. Une façon claire de dire que l’Etat hébreu ne voulait pas l’armée libanaise dans la région après le départ de ses troupes. On ne pouvait mieux préparer les conditions d’une explosion générale dans la montagne[148] ». Amine Gemayel relate également cet événement en disant qu’ « une mission militaire de reconnaissance, dirigée par le colonel Michel Aoun, se rend à Aley avec l’aval des israéliens. Elle tombe dans un guet-apens préparé par les officiers de Tsahal en charge de la région. Michel Aoun a échappé par miracle à cette embuscade. Lui et ses officiers ont été obligés de laisser leurs voitures sur place, puis de prendre la fuite à travers les champs pour descendre à Yarzé[149] ». Le 2 septembre 1983, Shamir succède à Begin au poste de Premier ministre en Israël, et les deux jours qui suivent Tsahal entame son retrait de ses positions dans le Chouf ainsi que dans la banlieue Sud de Beyrouth et se replie sur la rivière Awali[150]. Ce retrait israélien laisse face à face les miliciens du PSP et des Forces Libanaises. Le 3 septembre, les affrontements reprennent avec violence à Aley et Souk el-Gharb, à Bhamdoun et à Deir el-Kamar. Il s’avèrera plus tard que les syriens et l’ensemble des milices qui lui sont inféodées participent aux combats aux côtés du PSP. Le 4 septembre, Moshe Arens visite Deir el-Kamar et au cours d’une conférence de presse il rejette la faute des événements de la veille sur les autorités libanaises qui n’ont pas négocié avec les druzes. Le 6 septembre 1983, la ville de Bhamdoun ainsi que 26 villages tenus par les Forces Libanaises tombent aux mains du PSP et des massacres sont perpétrés contre les populations civiles chrétiennes. Ceux qui parviennent à s’enfuir cherchent à quitter le Chouf pour échapper aux massacres. Voyant les villages chrétiens céder les uns après les autres, l’armée libanaise intervient et utilise l’artillerie lourde. Le même jour les positions des Marines américains près de l’Aéroport International de Beyrouth sont bombardées et ces derniers déplorent deux morts dans leurs rangs. Le lendemain 7 septembre, c’est au tour des positions françaises de subir les bombardements syriens qui font deux morts dans leurs rangs. En représailles les avions français effectuent des vols de reconnaissance. Le 8 septembre, la flotte américaine bombarde les positions druzes dans la Montagne et 20000 Marines supplémentaires sont envoyés en renfort à bord de trois navires de guerre au large de Beyrouth. Le 9 septembre 1983, les Forces Libanaises parviennent à stabiliser le front en formant un arc-de-cercle de Damour et Kfarchmoun à Souk el-Gharb. Quant à l’armée libanaise, elle se déploie sur la route côtière et tout au long de l’axe Beyrouth –Damas jusqu'à Aley. Toujours le 9 septembre, le PSP entame son avancée sur Chartoun et Rechmayya. Le 12 septembre, devant la violence des combats et les massacres qui sont commis contre la communauté chrétienne de la Montagne, les ministres des Affaires Etrangères de la Communauté Economique Européenne appellent à un cessez-le-feu immédiat et au respect de l’autorité du président libanais. Le 13 septembre 1983, les forces américaines engagées dans la Force Multinationale reçoivent l’autorisation de riposter à toute agression et à demander l’appui de l’artillerie navale et de l’aviation embarquée sur les porte-avions au large du Liban. Le même jour, un accord syro-saoudien est adopté à Damas. Cet accord prévoit « un cessez-le-feu sous le contrôle d’observateurs neutres, le retour des réfugiés dans la Montagne, le remplacement de l’armée libanaise par les Forces de Sécurité Intérieure, et la tenue d’une réunion de réconciliation nationale à laquelle participeraient la Syrie et l’Arabie Saoudite. Amine Gemayel refusa ces propositions et notamment exigea le maintien de l’armée dans la Montagne[151] ». Dans le même temps, sur le terrain, le PSP et les milices alliées appuyés par l’artillerie syrienne lancent une offensive générale qui oblige les Forces Libanaises commandées par Samir Geagea et ce qui reste de population civile chrétienne dans la Montagne à se replier précipitamment sur Deir el-Kamar. C’est ainsi que 25000 chrétiens se retrouvent pris au piège dans Deir el-Kamar, encerclés de toutes parts.

     

    La bataille de Souk el-Gharb (15 au 25 septembre 1983)

     

    Il est à noter que la plupart des officiers, sous-officiers et soldats druzes de l’armée libanaise dont le chef d’état-major le général Nadim el-Hakim quittent leurs postes et se rallient au PSP dans la Montagne où ils participent aux combats dans le Chouf. Début septembre 1983, voyant la situation se dégrader et le péril approcher du Palais présidentiel et des régions Est après la défaite des Forces Libanaises à la Montagne, le commandant en chef de l’armée libanaise le général Ibrahim Tannous est pris de court et a tout juste le temps d’envoyer la 8e Brigade relever les Forces Libanaises au point stratégique de Souk el-Gharb et sur la ligne de front qui va de la route Beyrouth –Damas jusqu'à l’Aéroport International de Beyrouth face aux miliciens du PSP et des milices alliées. Du 15 au 25 septembre 1983, c’est la célèbre bataille de Souk el-Gharb. Devant la violence des combats, le commandant en chef de l’armée libanaise demande au président Gemayel d’évacuer le Palais de Baabda et d’installer le siège de la Présidence dans un endroit moins exposé où la sécurité du président et de son personnel peut être mieux assurée par les forces de l’ordre. Le président Gemayel refuse d’envisager cette option après avoir reçu un appel du commandant de la 8e Brigade qui tient le front de Souk el-Gharb « lui demandant de demeurer en place tant que l’armée libanaise tenait bien la ligne de front ».  Ce commandant de la 8e Brigade n’est autre que le colonel Michel Aoun. Il parvient au cours des combats à stabiliser le front en modifiant les plans d’attaque et de déploiement qui lui ont été communiqués par le Commandement de l’armée libanaise tandis que la flotte américaine bombarde la Montagne dans le but d’appuyer l’armée libanaise et de détruire les batteries adverses. C’est ainsi que les hommes sous ses ordres parviennent à tenir ce front difficile et à stopper l’offensive du PSP appuyé par l’artillerie de l’armée syrienne. Le 24 septembre, les milices chiite d’Amal et druze du PSP font leur jonction à Mreijé dans la banlieue Sud de Beyrouth, et le lendemain le cessez-le-feu de la guerre de la Montagne est annoncé à partir de Damas. Mais malgré l’annonce de ce cessez-le-feu des bombardements violents se poursuivent sur l’Aéroport International de Beyrouth et sur la banlieue Est de la capitale, et il faudra attendre quatre jours pour que le cessez-le-feu entre en vigueur et devienne effectif. Entre-temps, le 26 septembre 1983 un Comité de surveillance du cessez-le-feu qui comprend des représentants des parties au conflit est créé. Ce Comité prend la décision de rouvrir l’Aéroport International de Beyrouth au trafic le 29 septembre 1983. Début octobre 1983, le chef d’état-major de l’armée libanaise le général Hakim rejoint la caserne de Hammana avec les officiers, sous-officiers et soldats druzes et annonce sa décision de rester dans la Montagne. Entre-temps, au début de novembre 1983, de violents combats ont lieu entre Amal et l’armée libanaise dans la banlieue Sud de Beyrouth. Le 23 octobre 1983, deux attentats simultanés au camion piégé ont lieu contre les contingents français et américain de la Force Multinationale. L’attentat contre le poste français Drakkar fait 60 morts et 10 blessés. Celui dirigé contre e poste américain cause la mort de 230 soldats et 80 blessés. Les deux attentats sont revendiqués par le Jihad Islamique, première appellation du Hezbollah à ses débuts. Toutefois, le cessez-le-feu dans la Montagne ne met pas fin au long siège de Deir el-Kamar qui va durer trois mois et se terminer fin novembre-début décembre 1983. C’est ainsi que fin novembre Walid Joumblatt donne son accord pour que la ville soit évacuée de ses réfugiés en provenance des diverses régions du Chouf par la Croix-Rouge. Le 15 décembre 1983, 200 réfugiés protégés par les Forces de Sécurité Intérieure partent pour Saïda et Beyrouth alors que 1500 miliciens des Forces Libanaises sont évacués sur Jezzine sous la protection de l’armée israélienne.  A la mi-décembre, les affrontements reprennent entre Amal et l’armée libanaise à Chiyah et Bourj-Brajné. Au 24 décembre 1983, la plupart des 5000 réfugiés civils quittent Deir el-Kamar. La fin du siège de Deir el-Kamar met un terme à la Guerre de la Montagne. Toujours le 24 décembre, les postes français de Sabra et Chatila situés sur la route de l’Aéroport International de Beyrouth sont fermés. Cette décision d’abandonner ces deux postes stratégiques entraîne une hausse de tension entre l’armée libanaise et le mouvement Amal qui tente de prendre le contrôle de la route de l’AIB libérée de toute présence militaire française. Les combats font 55 morts et 200 blessés. Au même moment, alors que l’armée libanaise commence à se préparer pour tenter de prendre la place de Tsahal dans le Chouf, un plan préparé par Damas et devant être exécuté par la milice d’Amal est mis en place afin de déclencher une insurrection à Beyrouth-Ouest et dans la banlieue Sud contre l’armée. L’objectif de ce plan est de diviser à nouveau Beyrouth afin de pouvoir mieux disloquer l’armée libanaise et la paralyser à nouveau, ce qui entraînera une paralysie de l’Etat libanais. « Les syriens, en association avec les palestiniens qui leur étaient inféodés, devaient aider les joumblattistes à rejoindre la banlieue Sud et de nouveau encercler le Grand-Beyrouth et le réduire. Dans toutes ces opérations prévues pour être exécutées en l’espace de quelques jours et qui auraient pu l’être, la Force Multinationale et les forces américaines en particulier auraient été prises de court et isolées dans les régions de leur déploiement, principalement autour de l’aéroport de Beyrouth et sur la côte longeant Beyrouth-Ouest[152] ». Heureusement, le Deuxième Bureau de l’armée libanaise évente le complot avant sa réalisation et le gouvernement libanais décide de faire capoter les plans syriens. En effet, l’armée libanaise provoque le déclenchement de l’insurrection plusieurs jours avant la date prévue, et cherche à s’imposer à Beyrouth et à prendre le contrôle de la capitale avant la fin des retraits israéliens de la Montagne. L’armée libanaise bombarde la banlieue Sud entrée en rébellion ouverte contre le Pouvoir libanais. Amal s’active à Beyrouth-Ouest et cherche à en prendre le contrôle, chose qui n’arrivera pas avant février 1984. L’entrée en force de l’armée libanaise à Beyrouth-Ouest est facilitée par l’attitude courageuse de Saëb Salam qui permet à cette dernière d’isoler rapidement le réseau de provocateurs et de le démanteler en évitant de donner à l’opération militaire une coloration confessionnelle. Enfin, il est à noter que vers la fin de 1983 et sous la pression syrienne, la 1e Brigade basée dans la Békaa annonce qu’elle ne reçoit plus ses ordres du commandement de l’armée libanaise à Yarzé et crée un commandement indépendant sous les ordres du général Ibrahim Chahine et de l’officier responsable du Deuxième Bureau de l’armée le capitaine Jamil el-Sayyed.

     

    Partir V- L’armée libanaise de 1984 à 1990

     

    Dans cette partie, nous allons aborder les événements qui vont aboutir à la nomination du général Michel Aoun comme commandant en chef de l’armée. Puis, nous aborderons la période de commandement du général Michel Aoun depuis son entrée en fonction au commandement de l’armée le 23 juin 1984, jusqu’au 13 octobre 1990, où il sera obligé d’abandonner son commandement et de se réfugier à l’ambassade de France après l’entrée de l’armée syrienne dans les régions jusque-là sous le contrôle de l’armée libanaise.

     

    5-1 : La chute de Beyrouth-Ouest aux mains des milices le 6 février 1984

     

    1e) Composition de l’armée libanaise au mois de février 1984

     

    En février 1984, l’armée libanaise se compose comme suit :

    a) Le Commandement Général, composé du commandant en chef de l’armée, le général Ibrahim Tannous, de l’état-major général de l’armée basés à Yarzé, dans l’enceinte du Ministère de la Défense. Il faut y ajouter les commandements des cinq régions militaires (Beyrouth, Mont-Liban, Nord, Sud, Békaa).

     

    b) L’armée libanaise se compose de :

    -10 Brigades d’Infanterie Motorisée : 1e, 2e, 3e, 4e, 5e, 6e, 7e, 8e, 9e, et 10e Brigade Aéroportée.

    -1 Brigade de la Garde Républicaine

    -1 Brigade chargée de la garde du Quartier Général de l’armée à Yarzé

    -1 Brigade de soutien

    -1 Brigade Médicale

    -1 Brigade Logistique

     

    2e) Situation militaire à l’aube des événements

     

    Depuis le début de 1984, Walid Joumblatt (PSP) et Nabih Berri (Amal) demandent le retour de l’armée dans les casernes et refusent qu’on la mêle aux conflits internes. Ils demandent également l’abrogation de l’Accord du 17 mai avec Israël. Ces demandes sont accompagnées par un réchauffement des fronts s’étendant sur l’axe Souk el-Gharb, Dahr el-Wahch, Keyfoun, Kabreshmoun, Aramoun, Khaldé jusqu'à la banlieue Sud. Les unités de l’armée stationnées à l’Ouest de Beyrouth réussissent jusqu’en février 1984 à interdire l’accès de la région Ouest aux milices du Mouvement National. Cette action de l’armée a pour but de garder la capitale réunifiée, et d’empêcher qu’elle ne soit de nouveau divisée entre Est et Ouest. Or, tel est le dessein des opposants au régime d’Amine Gemayel. La capitale et les positions de l’armée libanaise localisées dans sa partie Ouest sont la cible de bombardements intensifs. L’ordre du jour du général Ibrahim Tannous aux militaires de janvier 1984[153] décrit la situation militaire désastreuse dans laquelle se trouvent le Liban et son armée. Il évoque le « complot qui vise l’armée », et accuse les détracteurs du pouvoir de se « faire aider par des étrangers (les palestiniens prosyriens) pour parvenir à faire plier l’armée ». Il termine son ordre du jour en mettant l’accent sur le fait que l’armée est unie et le restera malgré les difficultés.

     

    3e) La bataille de Beyrouth-Ouest (février 1984)

     

    Au début du mois de février 1984, la situation est grave dans le pays. Des bombardements continus ont lieu entre les régions Est à majorité chrétiennes, et les régions Ouest et la Békaa où se sont installées les forces militaires dépendant du Mouvement National, à la tête desquelles on trouve le PSP et Amal, appuyés par l’armée syrienne basée à Beyrouth-Ouest, au Chouf, dans la Békaa et au Nord. Dans les régions Est, ce sont les soldats de l’armée libanaise qui se déploient le long des lignes de démarcation, épaulés dans certains endroits par les miliciens des Forces Libanaises. Malgré cette situation peu avantageuse, le Commandement de l’armée libanaise décide de tenter quand même de réunifier Beyrouth, à travers l’application d’un plan de sécurité qui consiste à déployer l’armée libanaise dans le Grand-Beyrouth sous les ordres du général Zouheir Tannir. Les brigades suivantes vont être employées comme suit pour appliquer ce plan de sécurité :

    -La 3e Brigade, sous le commandement du colonel Nizar Abdelkader, se déploie sur le front Hadeth –Faculté des Sciences en direction de la banlieue Sud.

    -La 4e Brigade, sous le commandement du colonel Nayef Kallas, se déploie dans la région de Khaldé –Aramoun –Kabreshmoun, avec pour mission de défendre Beyrouth par le Sud.

    -La 5e Brigade, sous le commandement du colonel Khalil Kanaan, se déploie dans la région de Sinn el-Fil, formant une force de réserve destinée à appuyer les brigades déployées dans le Grand-Beyrouth.

    -La 6e Brigade, sous le commandement du colonel Loutfi Jaber, a pour mission le maintien de l’ordre et de la sécurité à l’intérieur de Beyrouth-Ouest.

    -La 7e Brigade, sous le commandement du colonel Issam Abou Jamra, se positionne dans la région d’Achrafieh jusqu'à la ligne de démarcation, à l’exception du Bataillon 71 qui se déploie dans la zone de Hadeth, et du Bataillon 72 qui se déploie dans la région de Dahr el-Wahch face à la ville de Aley où sont déployés les combattants du PSP.

    -La 8e Brigade, sous le commandement du colonel Michel Aoun, se déploie dans la région de Souk el-Gharb –Keyfoun –Bsouss avec pour mission la défense des régions Est et de Baabda du côté Est.

    -La 9e Brigade (en cours de formation), sous le commandement du colonel Mounir Merhi, se déploie dans la zone Hazmieh –Sinn el-Fil.

    -La 10e Brigade Aéroportée ainsi qu’un Bataillon de commandos sous le commandement du colonel Nassib Eid sont là pour appuyer les forces sur le terrain.

     

    L’étincelle

     

    Dans une atmosphère lourde, le Commandement de la région militaire du Grand-Beyrouth décide, le 6 février 1984, de confier au Bataillon 52, appuyé par un Escadron de chars M-48, une mission de patrouille de routine sur les axes Dora –Musée –Barbir –Pont du Cola –Raouché, à l’aller et au retour. Or ce jour-là, le commandement militaire de la milice d’Amal considère que cette force est anormalement renforcée pour une mission de routine, et craint qu’elle n’ait pour mission d’entrer en force dans la banlieue Sud de Beyrouth afin de l’occuper. La mobilisation générale est déclarée dans les rangs de la milice. Lors de l’arrivée des premiers chars de la patrouille sur le pont Fouad Chéhab près de l’hôpital Barbir, ces derniers sont la cible de dizaines de roquettes antichars RPG. Les premiers chars sont atteints et forcés de s’arrêter sur place. C’est le début des durs affrontements qui vont aboutir à l’abandon de Beyrouth-Ouest par les unités de l’armée libanaise fidèles au régime d’Amine Gemayel.

     

    Les milices contrôlent Beyrouth-Ouest et la 6e Brigade fait scission

     

    Devant la gravité de la situation sur le terrain, le Commandement de l’armée libanaise décide un nouveau déploiement de l’armée dans la région de Beyrouth, ainsi que la création d’une ligne de démarcation entre les deux zones Est et Ouest de Beyrouth, allant du Port à Kfarchima, afin de ne pas laisser l’occasion aux milices des deux bords d’occuper la place et de se battre de part et d’autre de Beyrouth. C’est ainsi que les forces militaires présentes à Beyrouth sont renforcées par les Bataillon 91 et Bataillon 94 (blindés) de la 9e Brigade, sous le commandement du colonel Sami Rihana, chef d’état-major adjoint de la 9e Brigade. Ces deux bataillons sont mis à la disposition de la 7e Brigade et se déploient entre le Port et Sodeco.

    C’est alors que les affrontements commencent dans la région du Musée entre les deux côtés Est et Ouest de la capitale, et s’étendent à tout Beyrouth-Ouest, où un grand nombre de miliciens se déploie dans les rues, équipés de mitrailleuses et de lance-roquettes antichars RPG. Ces derniers vont attaquer tous les postes de l’armée déployée dans la région. Suite à la chute de tous les postes militaires de la 6e Brigade, et à l’encerclement de la caserne Henri Chéhab par les miliciens, cette dernière est évacuée par les officiers et soldats qui désirent la quitter. Ces derniers vont être escortés par les miliciens d’Amal jusqu’au Musée, où le Commandement de l’armée leur a organisé un point de regroupement dans l’immeuble Baïda à Aïn el-Remmaneh, avant de les muter dans d’autres unités. La ligne de démarcation séparant Beyrouth et le Liban a été redessinée, allant du Port à Kfarchima, en passant par le Musée, la Galerie Semaan et Mar Mikhaël. Le 6 février 1984 en fin de journée, le mouvement Amal contrôle les bâtiments de la télévision et de la radio situés à l’Ouest, et on parle d’une participation active aux événements de la journée des éléments de la 6e Brigade qui est restée dans Beyrouth-Ouest. Suite aux événements, le commandant de la 6e Brigade rassemble ses hommes avec armes individuelles et blindés, et déclare qu’il ne participera pas à des combats interlibanais. De nombreux membres musulmans d’autres brigades se rallient à la 6e Brigade (notamment le Bataillon 97 qui coupe ses liens avec la 7e Brigade dont il est issu).

     

    5-2 : Défaite au Chahhar-Ouest en février-mars 1984

     

    La situation de la 4e Brigade qui se déploie sur l’axe Khaldé –Aramoun –Kabreshmoun devient dangereuse après la chute de Beyrouth-Ouest aux mains des milices du Mouvement National (Amal et PSP notamment), car les axes d’approvisionnement terrestres sont coupés. L’approvisionnement de la 4e Brigade ne se fait plus que par mer. Or, les voies de communication maritimes sont contrôlées par Israël, qui peut ainsi couper son approvisionnement lorsqu’elle le désire, selon son bon vouloir. Plusieurs solutions sont évoquées au Commandement de l’armée libanaise de Yarzé pour régler le problème de l’approvisionnement de cette brigade, mais aucune ordre ne lui est donné, car la chaîne de décision militaire est paralysée par l’évolution rapide et dramatique de la situation. L’armée, attaquée de toutes parts, est constamment en position de défense, et ne peut donc pas avoir l’initiative de l’offensive. L’armée libanaise, organisée rapidement sous le commandement du général Ibrahim Tannous avec le concours d’une équipe d’instructeurs américains qui se sont occupés de l’entraînement de toutes les brigades et unités, n’est pas prête d’une part à faire face à la Syrie, et d’autre part à faire face à une fractions des libanais durant une longue période, ceci devant conduire à son éclatement en diverses fractions, comme en 1976, selon les analyses des experts militaires occidentaux de l’époque. L’armée libanaise est par contre capable de se battre avec détermination et force, comme à Souk el-Gharb, si elle est chargée de combattre un ennemi (en l’occurrence ici les palestiniens) perçu comme tel par presque toutes les fractions libanaises (sauf le PSP).

    Au milieu du mois de février 1984, après avoir occupé Beyrouth-Ouest et s’être assurés de la neutralité de la 6e Brigade, les milices du Mouvement National décident de s’occuper de la 4e Brigade. Les postes de la 4e Brigade situés dans le Chahhar-Ouest (à Obeï, Kfarmatta, Aïn Ksour, al-Beniyeh) sont attaqués, et une partie d’entre eux est occupée. Le Bataillon Aéroporté 101 est envoyé sur place et réussit à reprendre le contrôle de la région. Mais les fréquences de communication de l’armée sont brouillées, et des ordres sont donnés aux unités de la 4e Brigade afin qu’elles se replient des postes situés dans la montagne. D’autres ordres sont simultanément donnés à l’artillerie, afin qu’elle bombarde les postes de l’armée libanaise dans la montagne, ce qui va créer une situation de confusion extrême au sein des unités de la 4e Brigade, qui vont se replier en désordre sous un feu ami nourri vers la côte. Ceci va permettre aux miliciens du Mouvement National de s’emparer de quantités énormes d’armes, de munitions et de blindés abandonnés dans la précipitation de la retraite. Des nouvelles parviennent également relatant la trahison de certains officiers et hommes de troupe de la 4e Brigade. Ce qui reste de la 4e Brigade se rassemble dans la région de Damour –Saadiyate, avec son armement (parmi lequel on peut noter la présence de 23 chars M48 A5) pour être évacué par mer à l’aide d’embarcations appartenant à la Marine libanaise. Mais ces dernières ne pouvant pas transporter les chars M48 A5, ces derniers vont se diriger, accompagnés d’une partie des transports de troupe blindés de la 4e Brigade, vers le couvent du Saint-Sauveur, d’où ils seront évacués ainsi que leurs équipages quelques temps plus tard.

     

    La situation militaire après la chute de Beyrouth-Ouest et du Chahhar-Ouest aux mains des  milices du Mouvement National

     

    Suite à la neutralisation de la 6e Brigade à Beyrouth-Ouest et à la débâcle de la 4e Brigade dans le Chahhar-Ouest, les milieux de l’opposition se rencontrent et décident d’exiger que l’armée libanaise retourne dans ses casernes, et que le maintien de l’ordre et de la sécurité soient confiés aux Forces de Sécurité Intérieure. Nabih Berri invite les officiers et soldats « nationalistes » de l’armée et des Forces de Sécurité Intérieure à se regrouper dans les casernes Henri Chéhab et Emile Hélou situées à Beyrouth-Ouest. Et le 25 mars 1984, les chefs militaires de l’Ouest décident que les Forces de Sécurité Intérieure vont se déployer dans Beyrouth-Ouest dans les anciens postes militaires. Ces forces seront secondées et appuyées par la 6e Brigade de l’armée libanaise cantonnée dans la caserne Henri Chéhab. Le PSP accepte également de retirer ses milices de Beyrouth-Ouest, qui tombe sous la coupe du mouvement Amal. L’armée libanaise et son commandant Ibrahim Tannous ne sont plus acceptés par les forces islamo-progressistes, ces dernières accusant le général Tannous d’avoir utilisé l’armée pour les combattre et occuper Beyrouth-Ouest et la banlieue Sud. C’est également au cours du mois de mars 1984 que pour la première fois depuis 1976, les soldes des militaires ne sont pas payées le 1er du mois. Les raisons évoquées sont la fuite de près de 50% du contingent, dont les éléments se sont soit enrôlés auprès de la 6e Brigade, qui n’est pas leur brigade d’affectation, soit dans certaines milices de l’Ouest, alors que d’autres sont restés chez eux. Pendant ce temps, les combats entre l’armée et les milices continuent à Beyrouth et dans la montagne, les combattants utilisant tous les types d’armes en leur possession (armes légères, missiles, roquettes, artillerie, chars).

    Le 20 mars 1984, le procès-verbal de la séance de clôture de la Conférence de paix interlibanaise de Lausanne est publié. Il demande notamment un cessez-le-feu général sur tous les fronts, la séparation des forces en conflits, le retrait des armes lourdes, le retrait de l’armée libanaise des quartiers résidentiels. Il demande aussi que la sécurité de ces quartiers résidentiels soit confiée aux Forces de Sécurité Intérieure. Enfin, il demande la mise en place d’un plan prévoyant le retour de l’armée dans ses casernes. Dès la publication du procès-verbal de la Conférence de Lausanne, les fronts de Beyrouth et de la banlieue Sud se sont enflammés, les combats durant toute la nuit du 20 au 21 mars. Le 22 mars 1984, le président du Conseil, Chafic Wazzan, demande au ministre de la Défense Issam Khoury et au commandant en chef de l’armée le général Ibrahim Tannous à travers un ordre écrit, de stopper les recrutements au sein de l’armée et de ne plus approvisionner les unités sur le terrain en armes et en munitions, quelle que soit la situation. A l’aube du même jour, Amal et le PSP attaquent les positions des Mourabitoun et des petites milices de quartier de Beyrouth-Ouest, et occupent toutes les permanences de ces partis et organisations, ainsi que l’immeuble de la radio « La Voix du Liban Arabe » qui est vidée de tout son matériel. Les miliciens d’Amal et du PSP entrent également dans les camps palestiniens de Sabra et Chatila, où ils confisquent 10 camions remplis de munitions diverses, qui allaient être livrées aux Mourabitoun et milices sunnites pour faire face à la situation. Cette opération militaire a pour but d’unifier le fusil du côté Ouest, entre les mains des deux milices les plus fortes sur le terrain, Amal et le PSP. Le lendemain, vendredi 23 mars, les Mourabitoun effectuent une contre-offensive sur les deux axes Barbir –Abou Chaker et Cola –Cité Sportive. Ils récupèrent leur Quartier Général ainsi que quelques positions, car Amal reste neutre, de peur de transformer le conflit en conflit sunnites-chiites. Au même moment, les lignes de démarcation à Beyrouth et en montagne s’enflamment. La situation reste tendue jusqu'à une heure tardive de la soirée, malgré les efforts de la Commission de Sécurité chargée de maintenir les fronts froids, conjugués à ceux de la Chambre des Opérations Militaires du palais présidentiel et du Commandement de l’armée libanaise afin d’arrêter les combats. La situation à Beyrouth est d’autant plus inquiétante que le contingent français de la Force Multinationale de Sécurité à Beyrouth qui compte 1250 hommes sous le commandement du général François Cane, a reçu l’ordre de se retirer du Liban avant le 1er avril 1984. Lors d’une réunion de concertation de la Commission de Sécurité, qui se tient le 25 mars entre les représentants des parties au conflit (le colonel Jean Nassif représentant l’armée libanaise, le Dr. Jean Ghanem représentant les Forces Libanaises, le Dr. Ayoub Hemayed représentant Amal, et Wehbé Abou Faour représentant le PSP), ces derniers décident que ce sont les Forces de Sécurité Intérieure qui devront se déployer dans les positions abandonnées par le contingent français. Le 26 mars 1984, l’ambassadeur de France, Fernand Wibaud, annonce que la France a décidé l’envoi d’observateurs français neutres au Liban puisés au sein de la gendarmerie française, et que ces derniers vont arriver sur place le mercredi 28 mars. Préparant l’arrivée des observateurs, les FSI se déploient le 27 mars dans les régions limitrophes de Beyrouth, et notamment dans l’immeuble de la Croix-Rouge, de « La Voix du Liban Arabe » ainsi que le Quartier Général des Mourabitoun. Les affrontements se poursuivent avec violence à Beyrouth et dans la montagne, le 1er et le 2 avril. Le 1er avril 1984, le général à la retraite Antoine Lahad prend le commandement de l’Armée du Liban-Sud (ALS) lors d’une cérémonie militaire qui a lieu à Bint-Jbeil. L’Armée du Liban-Sud succède à l’Armée du Liban Libre du commandant Saad Haddad. Le Mouvement National lance une campagne de presse contre l’Etat et contre l’armée libanaise qu’il accuse d’être en collusion avec le général Lahad. C’est ainsi que début avril 1984, l’armée libanaise paraît affaiblie et minée de l’intérieur. Un changement à la tête de l’armée se fait de plus en plus pressant. Le 5 avril, les représentants des partis au sein du Comité de Sécurité s’opposent à propos du retrait de l’armée libanaise sur le front de Souk el-Gharb, tenu par les hommes de la 8e Brigade sous les ordres du colonel Michel Aoun. L’armée refuse de quitter ses positions dans cette région stratégique, en disant qu’il n’y a pas de profondeur tactique qui lui permette de créer une deuxième ligne de défense efficace, en cas de retrait des positions actuelles. Le 6 avril, les fronts de Beyrouth et de la montagne se réchauffent, avec des bombardements aveugles de part et d’autre des lignes de démarcation. Devant la gravité de la situation militaire, le président Amine Gemayel se rend à Damas pour un sommet avec son homologue syrien, Hafez el-Assad le 19 avril 1984. Le sommet libano-syrien décide la mise en place d’un Cabinet d’Union Nationale. Le même jour, les observateurs français et libanais commencent à prendre en charge leurs positions et leurs postes d’observation à Beyrouth et en montagne (85 postes dans lesquels se positionnent un officier de réserve accompagné de quelques soldats observateurs et d’un véhicule équipé de matériel d’observation et de communication militaire). L’action des observateurs dans la montagne est efficace, et ces derniers réussissent à régler la plupart des problèmes en intervenant directement, mais à Beyrouth ils sont paralysés par les bombardements, obligés de se réfugier dans les bas étages des immeubles, ce qui les empêche de travailler et d’observer efficacement. Le 30 avril, Rachid Karamé est chargé de former un gouvernement d’Union Nationale. Le nouveau Cabinet tient sa première réunion à Bickfaya, le 10 mai 1984, avec comme ordre du jour la question de l’armée et du Sud. Lors de la 3e réunion du Conseil des ministres le 11 mai, Berri et Joumblatt demandent l’annulation du décret numéro 10 qui annule le Conseil Militaire et transfert ses attributions au seul commandant en chef de l’armée, et l’amendement du décret numéro 102 afin de faire du ministre de la Défense le président du Conseil Militaire alors que ce décret octroi cette présidence au commandant en chef de l’armée libanaise. Finalement, après de longues discussions, le décret numéro 10 est annulé, mais le décret numéro 102 reste tel quel. Le Comité de Sécurité décide le même jour de séparer les miliciens des deux bords plus efficacement à Beyrouth, étant donné que la proximité des positions des miliciens entraîne des accrochages aux armes légères et moyennes, qui font le samedi 22 mai 20 morts. Le même jour, le Comité de Sécurité décide d’ouvrir de nouvelles voies de passage entre l’Est et l’Ouest de la capitale, qui sont le passage du Port de Beyrouth et celui de la Galerie Semaan –Mar Mikhaël, et demande aux forces en présence de prendre les dispositions nécessaires afin d’assurer la sécurité de ceux qui voudraient emprunter ces deux nouvelles voies de passage. De plus, le 24 mai, l’école de l’Annonciation des grecs-orthodoxes située à Achrafieh est bombardée pendant la récréation de 10h, provoquant la mort d’un élève et 23 autres blessés. Suite à cet incident, les Forces Libanaises menacent, à travers leur représentant au sein du Comité de Sécurité le Dr. Jean Ghanem, Beyrouth-Ouest d’un bombardement similaire, sans toutefois appliquer cette menace. Au cours de cette réunion du Comité de Sécurité, les représentants des parties décident également l’ouverture de la voie de passage du Musée entre l’Est et l’Ouest, ainsi que le démantèlement des barricades sur ce passage à partir du 25mai à 19h. Lorsque les équipes d’ouvriers chargés de démanteler les barricades arrivent sur les lieux, la situation se détériore, surtout dans la banlieue Sud, et des obus s’abattent sur Hadeth, Furn el-Chebback et Verdun. Malgré ces bombardements, l’opération de démantèlement est menée à son terme, sous la supervision des membres du Comité de Sécurité qui ne quittent les lieux qu’à 2h du matin. Ils décident de reprendre leurs travaux le lendemain, en vue d’ouvrir la voie de passage le 27 mai. Le 12 juin 1984, le gouvernement d’Union Nationale obtient la confiance du Parlement, avec l’autorisation de bénéficier de pouvoirs exceptionnels pendant neuf mois. A ce moment-là, le canon se tait, et Beyrouth reprend une vie normale.

     

    Le général Michel Aoun, commandant en chef de l’armée libanaise (24 juin 1984-13 octobre 1990)

     

    Lors d’une séance exceptionnelle du Conseil des ministres à Bickfaya le 23 juin 1984, après des discussions qui vont durer 6h, ce dernier décide d’accepter la démission du général Ibrahim Tannous du commandement de l’armée, et de désigner pour lui succéder le général Michel Aoun. Les autres décisions que ce Conseil des ministres prend sont les suivantes :

    -Création d’un Conseil Militaire composé du commandant en chef de l’armée le général Michel Aoun, du chef d’état-major le général Nadim Hakim, de l’inspecteur général de l’armée le colonel Issam Abou Jamra, du directeur administratif de l’armée le colonel Loutfi Jaber et d’un membre émérite, le général Edgard Maalouf.

    -Le secrétaire général du Conseil Supérieur de la Défense est le général Nabil Koraytem.

    -Les institutions militaires qui doivent dépendre du ministre de la Défense et non du commandant en chef de l’armée sont les suivantes : le secrétariat général du Conseil Supérieur de la Défense qui est occupé par un sunnite, la Direction Générale de l’Administration qui est occupée par un chiite, l’Inspection Générale de la Défense qui est occupée par un orthodoxe, le membre émérite qui est catholique. Quant à la confession druze, elle est représentée par le chef d’état-major de l’armée.

    -Publication d’une nouvelle loi sur la Défense.

    -Création d’une Direction Générale du Renseignement et de la Sécurité de l’Etat qui a pour mission de collecter les informations qui concernent la sécurité de l’Etat et le contre-espionnage, d’effectuer les interrogatoires préliminaires avec les suspects d’espionnage, et enfin d’observer les activités des étrangers et nomination du colonel des Forces de Sécurité Intérieure Moustapha Nasser à la tête de cette Direction.

    -Publication d’une nouvelle loi sur l’armée, portant le numéro 1/84 composée de 15 articles.

    -Adoption d’un nouveau Plan de sécurité qui sera étudié par le Conseil Militaire qui a pour but l’ouverture des points de passage, du Port et de l’aéroport, ainsi que le retour de la sécurité dans la capitale et la montagne comme première étape faisant partie d’un plan plus large visant à démanteler les barrages et les barricades entre les deux zones de Beyrouth.

    Le Conseil Militaire peut, selon la nouvelle loi sur l’armée, décider de faire monter en grade les officiers à partir du grade de capitaine, décider de muter ou de détacher les officiers (sans toutefois que la mission pour laquelle l’officier est détaché ne dépasse un mois), et de mettre à pied les soldats. Le chef d’état-major a le droit de présenter une plainte devant le Conseil des ministres au cas où le commandant en chef de l’armée prend des décisions unilatérales. Le Conseil Militaire ne se réunit qu’en la présence de cinq membres au moins. En cas d’égalité dans une prise de décision, c’est la voix du commandant en chef qui compte double.

     

     

     

    Brève biographie du nouveau commandant en chef de l’armée et cérémonie d’entrée en fonction

     

    Michel Aoun est né à Haret Hreik –banlieue Sud de Beyrouth en 1935. Il a suivi ses études complémentaires et secondaires à l’école des Frères de Gemmayzé. Il connaît cinq langues à la perfection : l’arabe, le français, l’anglais, l’espagnol et l’italien. Il entre à l’Ecole Militaire à 20 ans, le 1er octobre 1955. Il se marie le 30 novembre 1968 avec Linda el-Chami de Zahlé, avec laquelle il a trois filles. Il tiendra plusieurs postes de responsabilité au sein de l’armée avant d’être nommé commandant en chef. Il a pris en charge le secteur Aïn el-Remmaneh –Baabda depuis la fin de 1980 jusqu'à la fin de 1982. Fin 1982, il commence à mettre sur pied la 8e Brigade et à l’entraîner. Il est blessé plus d’une fois au combat. En août 1983, il prend en charge le secteur de Souk el-Gharb et de Aley où ont lieu de violentes batailles. Il résiste sur place 8 mois. Le 25 juin 1984, une cérémonie de passation des pouvoirs est organisée dans l’enceinte du ministère de la Défense à Yarzé entre le nouveau commandant en chef de l’armée le général Michel Aoun et le commandant sortant, Ibrahim Tannous, en présence du président de la République, du ministre de la Défense, des anciens commandants en chef de l’armée, ainsi que des officiers.

     

    5-3 : Plans de Sécurité dans toutes les régions libanaises

     

    Plan de Sécurité pour le Grand-Beyrouth

     

    Au cours de la réunion du Conseil Militaire du 28 juin 1984, tous les membres donnent leur accord à propos des détails du Plan de Sécurité pour le Grand-Beyrouth. Pour avoir les moyens de mettre en œuvre ce plan, le nouveau commandement de l’armée va mettre en place un vaste plan de réorganisation de l’armée. Tout d’abord, le Conseil Militaire étudie les moyens de rendre l’appareil militaire plus efficace, et dont voici les points les plus importants : pratiquer un vaste chantier de mutation des officiers, désigner de nouveaux commandants pour les 6e, 7e et 8e brigades, transformer les brigades confessionnelles en brigades multiconfessionnelles, renforcer les 9e et 10e brigades mixtes, reformer la 4e Brigade qui a été décimée au Chahhar-Ouest, séparer la politique de la sécurité et empêcher les hommes politiques d’intervenir auprès des soldats pour les pousser à ne pas obéir aux ordres de leur commandement, rechercher de nouvelles sources d’armement et convaincre les Etats-Unis afin qu’ils réarment l’armée libanaise dans le but de pourvoir à ses besoins et remplacer le matériel détruit au cours des combats. Début juillet 1984, Walis Joumblatt, ministre des Travaux Publics et leader du PSP, ordonne à sa milice de commencer à regrouper les armes lourdes présentes à Beyrouth-Ouest pour les déplacer vers la montagne. Cette décision est prise avec le total accord d’Amal.

     

    Détails du Plan de Sécurité pour le Grand-Beyrouth

     

    Le 2 juillet 1984, le général Aoun commandant en chef de l’armée libanaise, tient une réunion dans la petite salle de conférence du Commandement de l’armée, à laquelle assistent les membres du Conseil Militaire et les membres du Comité de Sécurité, ainsi que le commandant de l’équipe d’observateurs français, le colonel ………………... Au cours de cette conférence, le général Aoun expose les détails du Plan de Sécurité qui doit commencer à être appliqué le lendemain, 3 juillet, dans la zone du Grand-Beyrouth qui s’étend de Nahr el-Mott jusqu'au rond-point de Mkallès, Jamhour, Wadi Chahrour, Amrousieh, puis la limite Sud de l’Aéroport de Beyrouth. Les dispositions les plus importantes de ce Plan de Sécurité se résument comme suit :

                1-Toutes les parties s’engagent à respecter le cessez-le-feu.

                2-Retrait de tous les miliciens du Grand-Beyrouth et regroupement des armes lourdes (mitrailleuse lourdes, mortiers, lance-roquettes RPG,…).

                3-Interdire l’infiltration d’armes, de munitions et de combattants vers le Grand-Beyrouth.

                4-Ouverture du Port et de l’Aéroport et fermeture des ports illégaux situés dans la zone de Grand-Beyrouth.

                5-Raviver l’action de la justice.

                6-Campagne de presse qui appuie le Plan de Sécurité.

                7-L’armée devra, après que la sécurité dans le Grand-Beyrouth lui soit confiée, effectuer les démarches suivantes : ouvrir les points de passage et démanteler les barrages, démanteler les barricades dans les rues de la ville, interdire la circulation en uniforme des miliciens, interdire la circulation de véhicules portant des insignes ou des slogans partisans, confier aux barrages et patrouilles de l’armée libanaise la mission d’arrêter les contrevenants aux dispositions précédentes et de les remettre aux mains de la justice.

     

    Les unités de l’armée chargées d’assurer la sécurité

     

    1-Les unités chargées d’assurer la sécurité dans le Grand-Beyrouth sont les suivantes :

    -La 6e Brigade ainsi que tous les soldats d’autres brigades qui se sont ralliés à elle, ainsi que le Bataillon 61 posté à la caserne Traboulsi à Badaro.

    -La 5e Brigade, renforcée de deux bataillons de la 7e Brigade, qui se déploie entre le Port de Beyrouth et la Galerie Semaan, sur la ligne de démarcation.

    -La 3e Brigade qui se déploie de la Galerie Semaan jusqu’aux limites Sud du Grand-Beyrouth de part et d’autre de la ligne de démarcation.

     

    2-L’unité chargée d’assurer la sécurité du Port de Beyrouth est le Bataillon 92 de la 9e Brigade.

     

    3-L’unité chargée d’assurer la sécurité de l’Aéroport International de Beyrouth est un bataillon d’infanterie de la 6e Brigade.

     

    4-Les unités de réserve à la disposition du Commandement de l’armée sont : les 7e et 8e brigades, un régiment de commandos, la Moukafaha, les Forces Aériennes, les Forces Navales, la brigade de commandement et d’appui (composée du génie et de la logistique), et l’artillerie chargée de la couverture de la zone du Grand-Beyrouth composée des bataillons 55-75-85-95 et 105.

    La mission des unités militaires déployées dans Beyrouth est d’imposer la sécurité, renforcer l’autorité de l’Etat, interdire les actions qui menacent la paix, interdire toute présence milicienne dans les rues, protéger les libertés et contrer toute tentative d’avance de l’une ou l’autre milice de part et d’autre de la capitale (Est et Ouest).

     

    La manœuvre militaire de déploiement telle qu’elle a été imaginée et appliquée

     

    Le général Aoun a décidé d’appliquer la manœuvre de déploiement suivante : le Grand-Beyrouth est divisé en deux secteurs Est et Ouest, qui sont séparés par la ligne de démarcation, et en deux zone d’activité (la zone du Port et la zone de l’Aéroport). Il décide de demander la participation des Forces de Sécurité Intérieure dans certaines missions de garde. Pour ce faire, il faut :

    -dans une première étape, assurer la sécurité et interdire les apparitions de miliciens dans les rues et interdire les infiltrations de miliciens et d’armes à l’intérieur des deux secteurs, ouvrir et sécuriser les points de passage suivant : Port –Musée –Tayyouné –Mar Mikhaël, ouvrir et assurer la défense et la sécurité du Port et de l’Aéroport, conserver des unités de réserve pour les employer là où le besoin se fait sentir, rassembler les armes lourdes.

    -dans une deuxième étape, ouvrir et sécuriser les points de passage restants dans le Grand-Beyrouth, en vue de réunifier la capitale sous la protection de l’armée libanaise.

     

    Les armements qu’il faut retirer du Grand-Beyrouth et la procédure à suivre

     

    Les armes lourdes (mitrailleuses de 7.12 mm, RPG, mortiers) doivent être retirées de la zone du Grand-Beyrouth. Ces armements doivent être rassemblés les 3 et 4 juillet dans les endroits qui seront désignés par le Comité de Sécurité et confiés à la garde des observateurs français et libanais. Les armements sont placés dans des dépôt cadenassés par deux cadenas. La clef d’un cadenas est confiée au représentant de la milice à laquelle reviennent les armes, et l’autre est confiée au Comité de Sécurité. Une liste complète des armements entreposés est dressée, afin que le Comité de Sécurité puisse constater au cours d’inspections surprise si des armes ont été retirées des dépôts.

     

    Les procédures militaires à appliquer

     

    1-Lorsque la sécurité de la force armée est menacée, c’est le Comité de Sécurité qui effectue les contacts nécessaires, et c’est le Commandement de l’armée qui décide de la riposte appropriée sur les sources de feu.

    2-Dans le cas où les militaires sont empêchés d’effectuer leurs missions, des contacts politiques sont entrepris par l’entremise du Commandement de l’armée, sous la supervision du commandant en chef, le général Michel Aoun.

    3-En ce qui concerne les bureaux et les permanences partisanes situées dans la zone d’action de l’armée, les partis peuvent conserver les bureaux politiques, quant aux casernes et aux permanences, elles sont fermées et gardées par l’armée.

    4-A l’aube du jour J, le 4 juillet 1984 :

    -les brigades de l’armée se déploient dans le Grand-Beyrouth et interdisent toute présence milicienne au sein de sa zone d’action.

    -Le jour J+1, l’armée ouvre les routes du Port, de Tayyouné et de Mar Mikhaël.

    -Le jour J+2, l’armée ouvre l’Aéroport International de Beyrouth et y déploie un bataillon, ainsi qu’elle ouvre le Port et y déploie également un bataillon.

    5-Les Forces de Sécurité Intérieure dressent des barrages fixes, pendant que l’armée fait circuler les patrouilles mobiles et monte des barrages volants afin d’arrêter les contrevenants.

     

    Evaluation et modifications du Plan de Sécurité pour Beyrouth

     

    De nombreuses petites milices qui ne sont pas représentées au sein du Comité Central de Sécurité (organisme qui comporte un représentant de l’armée, un d’Amal, un du PSP et un des Forces Libanaises, qui a pour mission de régler à l’amiable les différends qui pourraient survenir entre les groupes représentés) vont exercer une pression militaire dans certaines régions du pays. Par exemple, le 11 juillet 1984, des affrontements au cours desquels tous les types d’armes légères et lourdes sont utilisées, ont lieu entre les Marada et le Parti Populaire National Syrien dans le Nord. A l’issue de ces affrontements, les Marada assurent leur domination sur les villages de Kousba –Kfar Akka –Bsarma et Dahr el-Aïn ainsi que d’autres régions dans le Koura.

    Le 16 juillet 1984, le commandant en chef de l’armée, le général Michel Aoun, convoque ses officiers à une réunion destinée à évaluer les résultats de l’application du Plan de Sécurité, à laquelle assistent le chef d’état-major, le directeur de la Chambre des Opérations et les commandants des brigades concernées (3e, 5e, 6e et 9e brigades) ainsi que le président du Comité de Sécurité et l’officier détaché auprès du Comité. Au cours de cette réunion, l’ensemble des présents vont évoquer leur satisfaction en ce qui concerne l’exécution du Plan, malgré quelques difficultés qui sont : la réticence des miliciens à retirer certaines barricades, le dressage de nouvelles barricades, la présence de miliciens en tenue civile de part et d’autre de la ligne de démarcation, la présence de slogans et drapeaux partisans qui n’ont pas encore été retirés, des tirs sporadiques de francs-tireurs, le fait que certaines milices montent des barrages derrière ceux de l’armée sur les points de passage et arrêtent des militaires, la présence de civils armés d’armes légères et individuelles aux barrages de l’armée, la poursuite de mesures de fortifications de certains édifices et immeubles, le lancement d’insultes de part et d’autre de la ligne de démarcation, quelques opérations d’enlèvement de civils hors des zones d’activité de l’armée, les relations tendues entre les soldats des diverses brigades qui se font face et surtout entre ceux des 5e (chrétienne) et 6e (musulmane) brigades ce qui montre que la confiance n’est pas totalement revenue entre eux, la lenteur des opérations de fouille aux barrages de l’armée provoque une lenteur du trafic entre les deux secteurs de la capitale, la présence de vides dans le déploiement des unités militaires des deux côtés de la ligne de démarcation laisse toujours présent à l’esprit le danger que les miliciens en profitent pour s’y installer. A la fin de la réunion, le général Aoun donne ses directives aux commandants des brigades, au Comité de Sécurité et au chef de la Chambre des Opérations de l’armée afin d’empêcher et d’interdire les irrégularités. Il insiste pour que les commandants des brigades soient sur place au moment où leurs hommes procèdent au démantèlement des barricades. De plus, il exige que les officiers soient relevés régulièrement et qu’ils activent les opérations de fouille aux points de passage. Il interdit également la présence de civils en armes aux barrages de l’armée et exige le retrait des drapeaux miliciens de sur les barrages de l’armée. Il demande aussi aux soldats de prendre soin de leurs uniformes et de leur matériel, et de coopérer entre eux de part et d’autre de la ligne de démarcation afin de ramener la confiance entre eux dans le but de les fusionner et de ressouder les unités de l’armée. Ces directives vont porter leurs fruits, et les résultats ne vont pas tarder à se faire voir, surtout en ce qui concerne la relation entre les soldats des différentes brigades qui se font face sur la ligne de démarcation. Le 18 juillet 1984, suite à une proposition du Conseil Militaire, le ministre de la Défense Adel Osseirane décide de « retirer les soldats libanais du Bureau de liaison israélien de Dbayé, qui a été créé suite à l’invasion israélienne de 1982[154] ». Suite à cette décision, Israël décide également de retirer ses représentants du Bureau le 24 juillet 1984. Le Conseil des ministres confie également au commandant en chef de l’armée le général Michel Aoun la mission de préparer un Plan de Sécurité pour la Montagne à l’instar du Plan de Sécurité pour le Grand-Beyrouth. Le 25 juillet, le général Aoun décide d’apporter quelques modifications au Plan de Sécurité pour le Grand-Beyrouth. « Il découpe Beyrouth en trois régions militaires, l’une à l’Est, l’autre à l’Ouest et la 3e appelée zone tampon, dont le commandement est confié au colonel Sami Rihana et qui s’étend entre la zone du Musée et la zone de Sodeco. Le Commandement de l’armée place à la disposition du colonel Rihana les unités suivantes afin de lui permettre de mener à bien sa mission : la Division 97 moins une Compagnie+ une Compagnie du Bataillon 53 ; le Bataillon 53 moins une Compagnie+une Compagnie du Bataillon 97 ; le Bataillon 61+une Compagnie de la 6e Brigade ; le Bataillon 31 de la 3e Brigade ; le Bataillon 32 de la 3e Brigade. A partir du 28 juillet 1984, les lignes de démarcation n’existent plus, et le démantèlement des barricades et des blockhaus peut s’achever. En août 1984, Walid Joumblatt refuse que l’armée se déploie dans la Montagne (le Chouf) et sur la route côtière qui lui fait face, malgré la tentative de cette dernière d’appliquer un Plan de Sécurité pour la Montagne. En plus de cela, il demande que la 11e Brigade (à majorité druze et cantonnée dans le Chouf) créée récemment soit équipée de chars, d’artillerie et d’armes lourdes. Le 29 septembre 1984, à 13h30, des miliciens du PSP tentent d’enlever deux soldats de l’armée libanaise postés devant l’Hôpital Barbir. Ces derniers parviennent à s’échapper en direction du barrage d’Ojjeh[155] qui dépend de la zone tampon, poursuivis par les miliciens qui se déplacent dans un véhicule civil. Les préposés au barrage d’Ojjeh ouvrent le feu au-dessus de la voiture, afin de permettre aux deux soldats d’échapper aux miliciens qui font demi-tour. Suite à cet incident, des échanges de tirs ont lieu entre le barrage d’Ojjeh et les miliciens déployés aux alentours de l’Hôpital Barbir. Etant donné que l’Hôpital Barbir ne fait pas partie de la zone d’action des unités déployées au barrage d’Ojjeh, la Chambre des Opérations de la zone militaire du Grand-Beyrouth envoie une patrouille de la 6e Brigade pour contrôler la situation et interdire aux miliciens postés aux alentours de l’Hôpital Barbir de poursuivre leurs tirs contre le barrage d’Ojjeh. La patrouille essuie des tirs de la part des miliciens et riposte aux sources de tirs, entraînant la mort des responsables militaires du PSP et d’Amal pour la région de Ras el-Nabeh. A 14h30, des informations parviennent au commandant de la zone tampon comme quoi des tirs de mitraillettes sont entendus provenant de Ras el-Nabeh, et que tous les miliciens de la région se sont déployés dans les rues dans un état de rage à cause de la mort de leurs chefs militaires. Le commandant de la zone tampon, le colonel Sami Rihana –accompagné des représentants d’Amal et du PSP au sein du Comité de Sécurité, ainsi que du commandant Talal al-Laziki chef d’état-major adjoint de la 6e Brigade et du capitaine Abbas Nasrallah commandant le Bataillon 87, et des officiers des Renseignements de Beyrouth –va se rendre sur place, et des ordres sont donnés pour retirer les miliciens des rues. « A 14h45, des tirs nourris de roquettes RPG et de mitrailleuses sont dirigés par les miliciens de Ras el-Nabeh en direction des postes de la Compagnie 531 dépendant de la 5e Brigade et déployée entre la Faculté Française de Médecine et Sodeco, et contre les postes de la Compagnie 532 déployée à Ras el-Nabeh. Les soldats reçoivent l’ordre de ne pas riposter aux tirs, sauf en cas de légitime défense, pour empêcher les miliciens d’occuper leurs positions. A 17h30, tous les miliciens sont retirés des rues de Ras el-Nabeh, et le calme revient progressivement à partir de 18h[156] ». Le 29 octobre 1984, les unités déployées dans la zone tampon se redéployent aux alentours du Parlement, Place de l’Etoile, afin de sécuriser l’endroit et permettre aux députés de se réunir à nouveau dans leur siège. Les tracteurs appartenant à la société Oger-Liban se dirigent vers la Place Riad el-Solh pour commencer à déblayer les rues et à retirer les barricades de sable sous la protection d’unités de l’armée libanaise et en présence des représentants du Comité de Sécurité. Dès le début de leurs travaux, les tracteurs sont la cible de tirs de roquettes antichars RPG, tirées par les miliciens de toutes parts. Les miliciens d’Amal, du PSP et des Forces Libanaises se déploient de part et d’autre de l’ancienne ligne de démarcation et des accrochages aux armes légères et moyennes ont lieu durant toute la journée du 29 octobre, malgré les tentatives infructueuses de l’armée pour y mettre fin. En ce qui concerne les ports illégaux, conformément aux décisions du Conseil des ministres, le commandant en chef de l’armée le général Michel Aoun ordonne à l’armée libanaise d’en prendre possession. Dès le 1er novembre 1984, les Forces Libanaises cèdent le 5e Bassin du Port de Beyrouth à une section du Bataillon 91 chargée d’assurer sa garde. L’armée prend également possession des ports de Jounié et de Tripoli. Les mesures décidées afin d’accroître la présence de l’armée sur la route et à l’intérieur de l’Aéroport International de Beyrouth restent sans suite. Le 8 novembre 1984, suite à l’arrestation par l’armée israélienne de trois responsables du mouvement Amal au Sud, à partir de 15h, les positions de l’armée situées à Sodeco sont la cible de tirs de francs-tireurs et d’obus en provenance de Beyrouth-Ouest. Un quart d’heure plus tard, les tirs des francs-tireurs et les bombardements s’étendent pour englober les positions de l’armée situées  au centre-ville de Beyrouth. Un déploiement important de miliciens a lieu du côté Ouest de la capitale, et notamment à Ras el-Nabeh. Les affrontements vont se poursuivre durant toute la journée du 9 novembre. Le 10 novembre, le commandement de l’armée met à la disposition du commandant de la zone tampon 40 soldats des 5e et 6e Brigades dans le but de renforcer ses positions. Ces éléments vont être déployés dans les immeubles qui permettent de contrôler l’ancienne zone de démarcation, et les miliciens vont se retirer des rues et mettre fin aux affrontements.  Le 22 novembre 1984, un défilé militaire a lieu dans l’enceinte du ministère de la Défense à Yarzé, auquel assistent le président de la République, les président du Conseil et du Parlement, les ministres, les députés et les ambassadeurs étrangers. Participent au défilé des unités de l’Ecole de Guerre, de l’Ecole des sous-officiers, des Forces de Sécurité Intérieure, de la Douane, ainsi que des Compagnies représentant les brigades suivantes : la 1e Brigade (Békaa), la 2e Brigade (Nord), les 3e, 5e, 6e,7e, 9e et 10e brigades, le régiment de commandos. Aucune compagnie n’est envoyée pour représenter la 11e Brigade du Chouf. Participe également au défilé une escadrille d’hélicoptères et une autre de Hawker Hunter. La réaction à ce défilé ne se fait pas attendre, et les miliciens, se sentant nargués par cet étalage de force, vont attaquer le soir même les positions de l’armée au Port et à Sodeco par des tirs de francs-tireurs et de roquettes antichars RPG. Le Commandement de l’armée libanaise donne des ordres pour que les unités dépendant du Commandement militaire du Grand-Beyrouth prennent les mesures nécessaires à partir de la nuit du 25 au 26 novembre 1984 afin de démanteler les dernières barricades et de réprimer les contrevenants avec fermeté. Le 27 novembre à midi, la zone tampon est annulée par décision du Commandement militaire, étant donné que les tentatives de rapprochement entre les 5e Brigade (chrétienne) et 6e Brigade (musulmane) ont réussi et que la sécurité de Beyrouth peut leur être confiée sans besoin qu’une zone tampon sépare les soldats des deux brigades  déployées de part et d’autre des anciennes lignes de démarcation.

    Au cours des mois allant d’octobre à décembre 1984, des négociations militaires libano-israéliennes vont avoir lieu à Nakoura, dans le but d’étudier un éventuel retrait militaire israélien du Liban-Sud en coordination avec l’armée libanaise, afin que l’autorité de l’Etat s’étende sur toute parcelle du territoire libanais. Il y aura neuf séances de discussions et de pourparlers, sans pour autant que les deux bords arrivent à se mettre d’accord. En effet, Israël considère l’ALS comme représentante de l’armée libanaise dans le Sud du pays, alors que le Commandement de l’armée la considère comme une milice inféodée à l’ennemi sioniste et son commandant Antoine Lahad comme traître. C’est ainsi que fin décembre 1984-début 1985, l’armée israélienne va se retirer unilatéralement d’une partie du Sud, sans avertir l’armée libanaise de cela, ce qui va permettre aux milices du Mouvement National de prendre possession des territoires libérés de l’occupation. Mais le plus grave, c’est qu’Israël va remettre la sécurité de la zone frontalière entièrement entre les mains de l’Armée du Liban-Sud, créant ainsi un fait accompli dangereux.

    Sur le plan organisationnel et logistique, le Commandement de l’armée libanaise va prendre certaines mesures destinées à la rendre plus opérationnelle. Parmi ces mesures, le Commandement décide d’annuler la 3e Brigade et le Bataillon 97, et de créer la 12e Brigade, ainsi que la création d’une brigade logistique. Ainsi, le général Aoun fait paraître une note de service disant que la 3e Brigade et le Bataillon 97 vont être annuler, et la 12e Brigade va être créée, comprenant les Bataillons 121, 122, 123, 124 et 127, et les Compagnies 1201 et 1262, ainsi qu’une section d’approvisionnement. La 12e Brigade est à la disposition entière du commandant en chef de l’armée. La 12e Brigade doit se déployer au Sud. Le Commandement de l’armée libanaise effectue des mutations et des changements à la tête des différentes unités qui la composent, comme suit :

    - La 2e Brigade a pour commandant le colonel Yehiya Raad (sunnite) et pour chef d’état-major le major Ramez Mansour (orthodoxe).

    -La 3e Brigade a pour commandant le colonel Adnan el-Khatib (sunnite) et pour chef d’état-major le lieutenant-colonel Albert Khoury (maronite).

    -La 5e Brigade a pour commandant le colonel Khalil Kanaan.

    -La 6e Brigade a pour commandant le colonel Abdel-Halim Kanj (chiite) et pour chef d’état-major le colonel Makhoul Hakmeh (maronite).

    -La 7e Brigade a pour commandant le colonel Nohra Chalouhi (maronite) et pour chef d’état-major le lieutenant-colonel Amine Ayass (druze).

    -La 8e Brigade a pour commandant le colonel Salim Kallas (grec-catholique) et pour chef d’état-major le lieutenant-colonel Rafic Hajjar (sunnite).

    -La 9e Brigade a pour commandant le colonel Ghassan Gedd (orthodoxe) et pour chef d’état-major le lieutenant-colonel Mohammad Halal (chiite).

    -La 10e Brigade a pour commandant le colonel Nassib Eid (maronite) et pour chef d’état-major le lieutenant-colonel Fayez Kalakech (chiite).

    -La 11e Brigade a pour commandant le lieutenant-colonel Amine al-Kadi (druze) et pour chef d’état-major le major Edmond Ghanem (maronite).

     

    Début janvier 1985, des éléments armés entreprennent de placer de nouvelles barricades du côté Ouest de la capitale, entre le cinéma Gaumont Palace et le point de passage de Sodeco, ainsi que près du cinéma Empire et du Grand Théâtre. A partir du 18 janvier, les forces militaires dépendant du Commandement militaire du Grand-Beyrouth vont entreprendre de démanteler ces barricades.

     

    Plan de Sécurité pour la Montagne

     

    Suite au succès du Plan de Sécurité pour le Grand-Beyrouth, le Commandement militaire de l’armée libanaise, à la demande du Conseil des ministres, va entreprendre l’étude d’une série de Plans de Sécurité pour les différentes régions libanaises. Il décide de mettre en application le Plan de Sécurité pour la Montagne, qui lui permet de renforcer la paix à Beyrouth et qui lui ouvre la route du Liban-Sud, entre juillet et septembre 1984. Walid Joumblatt refuse que l’armée libanaise se déploie dans le Chouf, et présente comme arguments que la guerre n’est pas encore finie, et qu’il veut garder une marge de manœuvre dans les régions du Chouf. Le Plan de Sécurité pour la Montagne a pour but d’arriver à : ouvrir la route côtière de Khaldé au fleuve Awali, ouvrir la route Beyrouth –Sofar, séparer les belligérants qui se combattent dans la Montagne, et enfin déployer les forces armées libanaises en profondeur dans la montagne libanaise afin de permettre le retour les réfugiés.

    Le 10 novembre 1984, de violents affrontements ont lieu dans la Montagne et l’Iklim el-Kharroub, visant des villages et des quartiers résidentiels. Les fronts de Souk el-Gharb –Aïtate –Chemlane –Keyfoun –Baysour se rallument, avec des bombardements sur les zones résidentielles. Les affrontements vont reprendre le 10 décembre 1984 dans la Montagne. Les zones résidentielles vont être bombardées les 10 et 11 décembre, en Montagne et à Beyrouth. Le 12 décembre, après un court répit, les bombardements reprennent sur les villages de l’Iklim el-Kharroub et de la Montagne. Malgré les tentatives pour ramener le calme, les affrontements sont quotidiens entre l’Iklim el-Kharroub et la Montagne, et entre la Montagne et Beyrouth-Est. Le 21 décembre, des affrontements violents ont lieu en Montagne et dans l’Iklim el-Kharroub entre le PSP et les Forces Libanaises, avec des bombardements intensifs des zones résidentielles. Les fronts de Aïtate –Souk el-Gharb, Chemlane –Keyfoun –Baysour, Dahr el-Wahch –Aley, Kfarchima –Choueifat et Bsaba –Maaroufiya s’embrasent. A 18h, un cessez-le-feu est déclaré, et la situation commence à revenir à la normale. L’exécution du Plan est ajournée pour une période plus propice.

     

    Plan de Sécurité pour l’Iklim el-Kharroub et la route côtière Sud

     

    En préparation de l’application du Plan de Sécurité pour l’Iklim el-Kharroub et la route côtière Sud, le Conseil Militaire se réunit et désigne les représentants de l’armée libanaise au sein du Comité de Sécurité chargé de superviser l’application de ce Plan. Les représentants des différentes parties représentées dans ce Comité de Sécurité sont : le général Jean Nassif, le colonel Sami Rihana et le commandant Raja Zeytoun pour l’armée, Toufic Barakat et Alaa Terro pour le PSP, le Dr Jean Ghanem et Massoud Achkar pour les Forces Libanaises, le Dr Ayoub Hemayyed, Akl Hamiyeh et Ahmad Baalbacki pour le mouvement Amal. Le 24 décembre 1984, tous les représentants font leurs contacts dans le but d’arrêter les combats dans l’Iklim el-Kharroub. Le Comité de Sécurité doit obtenir :

    -un cessez-le-feu qui doit permettre aux membres du Comité de se rendre dans l’Iklim el-Kharroub pour se réunir dans son Quartier Général basé à Sibline.

    -consolider le cessez-le-feu de façon à le rendre total et définitif.

    -étudier le terrain afin de repérer les mesures à prendre concrètement, dont :

                *le déminage de la région

                *l’ouverture et la sécurisation des routes

                *retirer les armes lourdes de la région, et veiller au retrait des combattants qui n’appartiennent pas à l’Iklim.

                *fixer les barrages et les positions de déploiement des observateurs et des militaires libanais qui ont pour charge de s’assurer du bon déroulement du Plan et de dénoncer les contrevenants.

                *prendre les mesures adéquates afin de faire fonctionner le Port de Jiyé de façon provisoire afin de permettre le déplacement des citoyens de Jiyé vers Beyrouth et vice-versa.

    Le 28 décembre 1984, le Comité de Sécurité se réunit et décide que son travail consiste en l’application des trois points suivants : retrait des armes lourdes, ouverture des routes et démantèlement des barricades, et enfin retrait des miliciens et déploiement des Forces de Sécurité Intérieure et de l’armée. Les armes lourdes doivent être stockées comme suit : pour les Forces Libanaises à Jiyé et pour le PSP à Daraya. Le 31 décembre 1984, les membres du Comité de Sécurité et du Conseil Militaire se réunissent à Yarzé au ministère de la Défense dans une séance marathon qui dure de 11h à 18h30, afin de mettre au point les derniers détails du Plan de Sécurité pour l’Iklim el-Kharroub et la route côtière.

    Le plan de déploiement doit se dérouler comme suit :

                1-Le matin du mercredi 2 janvier 1985, les Forces de Sécurité Intérieure se déploient dans l’Iklim el-Kharroub, et le Conseil des ministres tient une réunion destinée à suivre de près le déploiement.

                2-Les FSI se déploient dans une première étape à Damour.

                3-Les barricades sur la route côtière doivent être démantelées pour permettre aux citoyens de l’emprunter, après avoir rassemblé les armes lourdes à Jiyé et Daraya.

                4-L’armée commence son déploiement le matin du lundi 6 janvier 1985.

                5-Après le déploiement des FSI, chaque parti prend à sa charge le déminage du tronçon de route qu’elle occupe, avant de poursuivre l’ouverture de la route.

                6-La veille du déploiement de l’armée, les miliciens doivent se retirer des routes.

                7-Arrêt des bombardements sur le Port de Jiyé et sur la route Damour –Kfarhim. Le Port de Jiyé sera rouvert dans un prochain temps.

    Le 1er janvier 1985, le Comité de Sécurité de l’Iklim el-Kharroub se réunit pour étudier les possibilités d’utilisation du Port de Jiyé pour faciliter les communications et les déplacements entre la région et Beyrouth.

     

    Exécution du Plan de Sécurité pour l’Iklim el-Kharroub et la route côtière

     

    L’exécution du Plan de Sécurité pour l’Iklim el-Kharroub et la route côtière commence comme prévu le 2 janvier 1985, par le démantèlement des barricades sur le Pont de Damour et sur la route de Saadiyate. Le jour-même, les miliciens des Forces Libanaises et du Parti Socialiste Populaire entament les préparatifs pour déminer les routes et rassembler les armes lourdes présentes dans la région en prévision de leur stockage. Le 3 janvier, un différend a lieu entre les Forces Libanaises, le PSP et les FSI sur le déploiement de ces dernières dans l’Iklim el-Kharroub. En effet, les Forces Libanaises insistent pour que les FSI se postent de façon à séparer les villages qui connaissent des troubles, notamment Aïn el-Hor, Daraya, Debbiyeh, Barja, Moutellé et Bsaba. Le PSP refuse de son côté que les FSI forment un cordon de sécurité entre les belligérants, et demande que ces dernières se postent dans les villages évacués par les Forces Libanaises. Enfin, de son côté, le commandant des Forces de Sécurité Intérieures chargées de se déployer dans la région, le colonel Abdel-Karim Ibrahim, refuse que les parties au conflit se mêlent et fixent les points de déploiement de ses troupes. Le 4 janvier, le Comité de Sécurité se réunit de nouveau. Le but de la réunion est d’écouter le plan de déploiement établi par le colonel Ibrahim et le commandement des FSI. Le colonel Ibrahim a reçu l’ordre de déployer ses 175 hommes de la façon suivante :

    -Les FSI ne se déploieront pas à l’Est de Debbiyeh.

    -Il n’y aura pas de postes des FSI dans les points chauds suivants :

                *entre Aïn el-Hor et Daraya.

                *entre Barja et Bourjeyn.

                *entre Moutellé et Bsaba.

    -Les FSI se déploieront comme suit :

                1-Le PC des FSI dans la région est basé à Anout.

                2-Une section de FSI se poste entre Barja, Baasir, Haret Baasir, et une autre section se poste entre el-Meghayriyé et Majdalouna.

                3-Deux sections des FSI se postent à Debbiyeh et font circuler des patrouilles entre Barja et Bourjeyn, et entre Daraya et Aïn el-Hor.

                4-Deux sections des FSI se postent à Jlayliyeh et font circuler des patrouilles entre Bsaba et Moutellé et entre Moutellé et Hasroun.

                5-Les forces de réserve se postent au Couvent du Saint-Sauveur et font circuler des patrouilles sur l’axe qui s’étend de Mazraat el-Dahr à Almane.

                6-Les FSI font circuler des patrouilles sur la route côtière en attendant que l’armée reçoive l’ordre de se déployer dans la zone.

    Les représentants des différentes parties acceptent les points 1, 2 et 6 de ce plan, mais le représentant des Forces Libanaises s’oppose aux points 3, 4 et 5 et réitère la demande de son parti consistant à déployer les FSI entre Bourjeyn et Barja, Aïn el-Hor et Daraya, Bsaba et Moutellé, et s’interroge sur le fait de poster des FSI au Couvent du Saint-Sauveur. La réunion s’achève sans que les parties aient réussi à se mettre d’accord sur un plan de déploiement.

    Le 8 janvier, les représentants des différentes parties au sein du Comité de Sécurité se mettent enfin d’accord sur un plan de déploiement, qui doit se dérouler comme suit :

    -Un poste des FSI est installé entre Moutellé et Bsaba, un autre entre Baasir et Haret Baasir, un autre à l’Ecole de Bourjeyn, un autre à el-Meghayriyé, un autre entre à Majdalouneh. Ces postes doivent faire circuler des patrouilles dans toutes les directions afin de couvrir toute la région.

    Après la réunion, tous les présents, accompagnés du colonel Rihana, du général Nassif et du capitaine Zeitoun, se rendent avec les FSI à Damour afin que ces dernières commencent leur déploiement. Le convoi emprunte la route Ouzaï –Khaldé –Damour. Le colonel Rihana avance accompagné d’un tractopelle et de deux sections des FSI sur le Pont de Damour, dans la zone qui sépare les Forces Libanaises et le PSP. Le chef des Forces Libanaises dans la région, le « capitaine Youssef », accepte le démantèlement de deux tranchées antichars et de deux barricades énormes, que le tractopelle mettra 3h30 à déblayer. A 19h30, un poste provisoire des FSI est installé sur le Pont de Damour, en attendant l’arrivée de l’armée libanaise. Le reste des postes des FSI s’installera entre les 8 et 9 janvier 1985 dans les positions susmentionnées.

     

    Déploiement de la 12e Brigade sur la route côtière de l’Iklim el-Kharroub

     

    En exécution de l’ordre d’opération du Commandement de l’armée daté du 9 janvier 1985, la 12e Brigade entame le samedi 12 janvier son déploiement sur la route côtière de l’Iklim el-Kharroub. La 12e Brigade emprunte la route qui va de la caserne Henri Chéhab –Khaldé –Damour –Jiyé. A ce propos, le colonel Rihana relate ce déploiement comme suit dans ses notes : « Le samedi 12 janvier 1985, nous nous mettons en mouvement à la tête de la 12e Brigade de la caserne Henri Chéhab vers Khaldé. En tête du convoi se trouve le Bataillon 127 sous le commandement du capitaine Hassan Beaïni qui fixe un barrage à Khaldé, un autre entre Khaldé et Damour, et un 3e sur le Pont de Damour, alors qu’une Compagnie s’installe à Saadiyate.

    Un accord préalable consistait à détacher une Compagnie du Bataillon 22 et de la placer à la disposition du Bataillon 127 afin qu’elle se déploie à Saadiyate, mais le capitaine Hassen Beaïni poste la Compagnie du Bataillon 22 à Damour et déploie une de ses Compagnies à Saadiyate. Je retourne donc sur les lieux en compagnie du commandant de la 12e Brigade, le colonel Hassan Tawt, afin de faire comprendre au capitaine Beaïni les dispositions de l’accord, et ceci avec beaucoup de difficultés. Le capitaine Beaïni demande alors de rentrer en contact avec les politiques, et je l’informe que son devoir est d’obéir aux ordres du commandant de la 12e Brigade, et que c’était le travail du Commandement de l’armée de s’occuper des contacts avec les politiques.

    Le Bataillon 122 se rassemble à Jiyé, et notamment autour de la raffinerie de gaz, où s’installe le commandement de la 12e Brigade ainsi qu’une Compagnie de chars AMX-10 équipés d’un canon de 105 mm.

    Le Bataillon 123 installe une Compagnie à Chehim, et le reste du Bataillon se déploie entre el-Ramliyeh et Basri, avec pour mission de se diriger vers Saïda et Jezzine une fois que les israéliens se seront retirés de ces régions[157] ».

     

    Evaluation et problèmes rencontrés lors du déploiement des FSI et de l’armée dans l’Iklim el-Kharroub et sur la route côtière

     

    Beaucoup de failles et beaucoup de problèmes ont accompagné l’exécution du Plan de Sécurité pour l’Iklim el-Kharroub et la route côtière, que le Comité de Sécurité et le Commandement de l’armée libanaise vont tenter de régler, dont les plus importants sont que :

    -l’armée n’arrive pas à compléter son déploiement sur la route de Amlane et à Basri parce que les israéliens se trouvent encore dans ces régions.

    -l’armée ne contrôle pas la route allant de Khaldé jusqu'au Pont de Damour, sachant que cette route est la seule voie de ravitaillement de la 12e Brigade déployée dans l’Iklim el-Kharroub.

    -des tirs de francs-tireurs sont enregistrés sur la route côtière.

    -les belligérants conservent leurs armes légères et une partie de leurs armes lourdes.

    -l’absence de communications radio entre la 12e Brigade et les membres des FSI déployés dans la région.

    -le déminage n’a pas été effectué dans toutes les régions de l’Iklim el-Kharroub par les milices, qui affirment que ceux qui les ont plantées ne peuvent pas les renseigner, puisqu’ils ont été tués durant les durs combats qui ont eu lieu quelques temps plus tôt. Etant donné que ce sont des miliciens qui ont installé ces mines dans le feu de l’action, aucune carte n’a été dessinée afin de délimiter les zones infestées afin de faciliter le travail des démineurs de l’armée et des FSI.

    -la vétusté du matériel mis à la disposition de la 12e Brigade, et qui lui permet tout juste de faire circuler quelques patrouilles.

    -certains partis montent des barrages armés sur certaines routes.

     

    L’armée complète son déploiement dans l’Iklim el-Kharroub et sur la route côtière Sud

     

    Voyant que le déploiement de l’armée dans la région de l’Iklim el-Kharroub et sur la route côtière piétine, le Comité de Sécurité prend les décisions suivantes, en accord avec le Commandement de l’armée :

    -retrait des éléments armés étrangers à l’Iklim el-Kharroub et patrouilles de l’armée et des FSI pour vérifier que cette condition a été exécutée.

    -retrait de toutes les armes lourdes de la région.

    -les miliciens doivent se retirer de leurs positions, et les apparences armées doivent cesser.

    -toutes les routes doivent être rouvertes à la circulation avant le 24 janvier 1985 après avoir été déminées et sécurisées.

    Le Comité s’est également penché sur le problème de trouver une autre route que celle Almane pour que l’armée libanaise puisse accéder aux régions de Bserry et de Joun, surtout si l’armée israélienne reste positionnée sur cette route. Il décide l’ouverture d’une nouvelle route militaire pour accéder à la région.

    Le 22 janvier, les décisions du Comité de Sécurité commencent à être appliquées. Au cours d’une patrouille de vérification, le général Nassif remarque qu’une Compagnie de la 11e Brigade est toujours déployée dans le village de Barja, contrairement à l’ordre d’opération dressé pour exécuter le Plan de Sécurité pour l’Iklim el-Kharroub et la route côtière. Il dresse immédiatement un rapport au Commandement de l’armée libanaise, et demande que cette Compagnie soit retirée de l’Iklim el-Kharroub.

     

    Après que l’armée ait terminé son déploiement dans l’Iklim el-Kharroub et sur la route côtière, la situation sur le terrain se présente ainsi :

    -l’armée et les FSI sont déployés dans l’Iklim el-Kharroub et sur la route côtière de Khaldé au fleuve Awali avec pour mission d’interdire les combats entre miliciens adverses et de se préparer à entrer au Liban-Sud dès que l’armée israélienne commencera son retrait, afin de ne pas réitérer les fautes qui ont entraîné le désastre dans le Chouf après le retrait israélien, et remplir le vide avant que les milices ne s’emparent des positions israéliennes.

    -l’armée israélienne occupe toujours le Liban-Sud dans sa totalité, du fleuve Awali à la frontière israélienne, et des informations laissent entendre que son retrait du caza de Saïda et du caza du Zahrani est imminent.

    Le Commandement de l’armée libanaise fait paraître un ordre d’opérations destiné à la 12e Brigade et à la 8e Brigade consistant à leur ordonner de se tenir prêts à se déployer au Sud du fleuve Awali dès que les israéliens entament leur retrait de la zone. Suite à cet ordre d’opérations, le Bataillon 121 entame son redéploiement de ses positions initiales situées à la Base Militaire de Beyrouth vers le Sud à 6h30, emportant avec elle trois camions chargés de 750 fusils C3 et de leurs munitions qui ont été envoyés par la 6e Brigade dans la région Sud. Le Comité de Sécurité suit de prêt le déploiement du Bataillon 121 qui a pour commandant le commandant Ibrahim Hajj. L’effectif du Bataillon est de 170 hommes équipés de véhicules AMX. Le déplacement du Bataillon 121 a lieu le 5 février 1985. Ce dernier arrive à la raffinerie de gaz de Jiyé, où il se positionne en attendant de pouvoir se déployer au Liban-Sud. A partir du 12 février 1985 à minuit, le Bataillon 98 et une Compagnie du Bataillon 124 commencent leur transfert de Beyrouth-Ouest vers Jiyé dans le but de se préparer à entrer à Saïda en compagnie de la 12e Brigade, après le retrait israélien de la ville. Ainsi, les forces destinées par le Commandement de l’armée libanaise à se déployer au Liban-Sud à la place des israéliens comprend les Bataillons 121, 122, 123, 98, 124, et plus du Bataillon 13 qui est resté à Beyrouth-Ouest le temps de recevoir l’ordre de se diriger vers le Liban-Sud.

     

    Plan de Sécurité pour Tripoli et le Nord

     

    Mi-décembre 1984, le Commandement de l’armée émet un ordre d’opération qui consiste à déployer l’armée dans la ville de Tripoli. Le 20 décembre 1984, la 2e Brigade se déploie dans la ville de Tripoli depuis le Bain Militaire au Nord jusqu'à Bohsas au Sud. L’armée fait circuler des patrouilles dans la ville, et dresse des barrages fixes dans les points sensibles de la ville afin de fouiller les voitures et les passants. Une source militaire affirme le 21 décembre que le plan de déploiement de l’armée à Tripoli est terminé sans encombres. Les tractopelles commencent à démanteler les barricades à Tebbané et Jabal Mohsen sous la protection de l’armée et des Forces de Sécurité Intérieure. Les miliciens se retirent des rues, et les armes lourdes et moyennes sont stockées dans des dépôts confiés à la garde de l’armée libanaise et des FSI. L’armée se déploie ainsi sans encombres au Port de Tripoli, au Stade municipal, à Abou Samra, à Kobbé. Les postes militaires s’installent comme suit :

    -Le poste militaire du Bain Militaire, PC : école al-Loukmane.

    -Les postes de la raffinerie de Tripoli, Maloula, rond-point Abou Ali, croisement de la route de Miatein, Bohsas, Marana, al-Hareicha, Baal Mohsen, Kobbé, Abou Samra.

    Après quelques jours de ce déploiement des forces de sécurité libanaises dans la capitale du Liban-Nord, la situation revient à la normale, et la vie reprend son cours normal, dans un calme presque total. La vie économique reprend dans la ville, et les tripolitains d’attellent à construire et reconstruire les bâtiments et les routes qui ont été détruits durant les combats. Il n’y aura que quelques incidents au cours du déploiement de l’armée à Tripoli. « Le 23 décembre 1984, un milicien du Mouvement de l’Unification Islamique (MUI) accompagné d’autres membres du Mouvement tente de planter des drapeaux du MUI près d’un barrage de l’armée posté au rond-point Abou Ali. Les soldats de faction au barrage interdisent aux miliciens de hisser leurs drapeaux, et s’ensuit un affrontement au cours duquel deux miliciens du MUI sont tués et un autre blessé, alors que l’armée libanaise compte trois blessés légers dans ses rangs[158] ». Le deuxième incident aura lieu quelques temps plus tard, le 19 juin 1985, lorsqu’une voiture piégée explose dans la région de Mina, devant la pâtisserie al-Balha, autour de laquelle se pressait un grand nombre de personnes, faisant 75 morts et 150 blessés.

     

    Plan de sécurisation du Parlement

     

    Après que la présidence du Parlement décide de déménager et de revenir à ses locaux initiaux Place de l’Etoile, dans le centre-ville de Beyrouth, le Commandement de l’armée fait publier le 5 février 1985 un ordre d’opération qui a pour but d’assurer l’ouverture de toutes les routes menant au siège du Parlement la sécurisation de l’édifice à travers le déploiement de l’armée à la Place de l’Etoile et dans ses alentours. Le général Aoun décide de confier cette mission au Bataillon 61, demandant au Commandement de la région militaire de Beyrouth d’appliquer ses directives et de se faire aider par la 10e Brigade Aéroportée  pour remplir de vide qui va être laissé par le Bataillon 61 qui va appliquer sa nouvelle mission. Suite aux ordres du général Aoun, le général Mohammad Hajj convoque une réunion du Comité Central de Sécurité pour assurer l’accord de toutes les parties pour l’application du plan. La première réunion se tient le 6 février, et les participants demandent au général Jean Nassif, président du Comité, un délai pour étudier le plan avec les chefs de leurs partis respectifs. Lors de la 2e réunion du Comité, le 7 février 1985, l’officier chargé de l’opération sur le terrain, le général Ibrahim Bahsoun, déclare que le Bataillon 61 va se déployer aux alentours du siège du Parlement pour le sécuriser ainsi que les routes qui y mènent. Les autres unités de l’armée déployées dans la zone de travail du Bataillon 61 sont : le Bataillon 102 de la 10e Brigade, les Bataillons 63 et 112 de la 6e Brigade. Le général Bahsoun confirme que le Plan de sécurisation du Parlement fait partie du Plan de Sécurité pour le Grand-Beyrouth. Le 10 février 1985, le Comité Central de Sécurité tient une réunion au cours de laquelle tous les participants approuvent l’application du Plan de sécurisation du Parlement, avec le déploiement du Bataillon 61 le jour-même afin d’ouvrir les routes et d’enlever les barricades à partir du 11 février.

    Le Plan de sécurisation du Parlement va se faire comme suit :

    1-Le Bataillon 61 se déploie dans sa zone de travail à partir du 10 février 1985.

    2-Interdiction de la présence de miliciens dans la zone de travail du Bataillon 61, de quelque bord qu’ils fussent.

    3-Fermeture des bureaux et des permanences politiques dans la zone de travail du Bataillon 61.

    4-Démantèlement des barricades dans la zone de travail du Bataillon 61.

    5-L’ouverture des routes et le démantèlement des barricades commencent à partir du 11 février 1985.

    En effet, le Plan de sécurisation va être appliqué selon la procédure développée plus haut. Le Bataillon 61 sous le commandement du capitaine Nader Farjallah va se déployer autour de la Place de l’Etoile et du bâtiment du Parlement après le retrait des miliciens de la région, sans aucun problème. Avant de se déployer, le Bataillon 61 s’est attelé à nettoyer les routes de sa zone de déploiement afin que les routes menant à la Place de l’Etoile soient praticables. Ainsi, les avenues Foch et Allenby sont rouvertes. Les soldats du Bataillon 61 hissent un drapeau libanais sur l’édifice du Parlement. Durant la première réunion du Parlement dans ses locaux d’avant-guerre, le président de ce dernier Hussein Husseini va faire la louage de l’armée libanaise et de son commandant en chef, déclarant également que l’armée libanaise « est totalement prête à assumer ses responsabilités dans le Liban-Sud après le retrait israélien[159] ».

    Les 22, 23 et 24 mars 1985, les tirs des francs-tireurs et la construction de nouvelles barricades ont lieu sur les anciennes lignes de démarcation, surtout à Ras el-Nabeh, Tayyouné et Mar-Mikhaël. Le 24 mars, les postes de l’armée basés à Sodeco et Berjaoui sont la cible des tirs des francs-tireurs, sans pour autant que les soldats reçoivent l’ordre de riposter. L’après-midi du même jour, les postes de l’armée sont la cible de bombardements intensifs, ce qui provoque une riposte ferme et violente, qui nécessite la réunion du Comité de Sécurité pour aboutir à un cessez-le-feu. Suite au retrait unilatéral israélien de la Békaa-Ouest, Rachaya et la montagne du Barouk les 23 et 24 avril 1985, le général Aoun ordonne à la 1e Brigade commandée par le général Ibrahim Chahine et cantonnée dans la caserne d’Ablah de se diriger vers les régions libérées par l’occupant israélien. C’est ainsi que la 1e Brigade se déploie dans la Békaa-Ouest et à Rachaya, où la population lui réserve un accueil chaleureux. Les israéliens se retirent à 10 Km de leurs positions initiales et forment une nouvelle ligne de déploiement qui s’étend du Sud de Jezzine jusqu’au Mont Hermon, à quelques 200 Km des positions syriennes. En se retirant, les israéliens remettent leurs positions situées dans le Barouk aux milices du PSP, conservant une petite positions au sommet du Mont Barouk près de l’antenne d’émission de Télé Liban, ainsi qu’un poste d’observation à Jabal Niha. Au cours du mois d’avril 1985, les forces israéliennes continuent leur retrait du Liban, et quittent la région de Tyr. Le général Aoun ordonne alors à l’armée de prendre possession des territoires libérés. Des unités de l’armée prennent position dans la ville et ses alentours dans des postes fixes, et effectuent des patrouilles mobiles. La population accueille l’armée chaleureusement, après une absence qui remonte à 1975.

     

    Déploiement de l’armée libanaise dans le Liban-Sud

     

    Contrairement à ce qu’Israël avait annoncé, l’armée israélienne se retire des cazas de Saïda et du Zahrani le 16 février 1985 au lieu du 18, soit deux jours avant la date fixée initialement. Par cette démarche, Israël veut réitérer ce qu’elle avait fait dans le Chouf, en se retirant unilatéralement. Elle veut laisser le vide derrière elle, de façon à ce que les milices occupent ses anciennes positions et commencent à s’entretuer. Sauf que cette fois-ci, l’armée libanaise a pris toutes les mesures nécessaires afin de remplir le vide sécuritaire laissé par Israël, empêchant les milices d’occuper le terrain. C’est ainsi que les unités de l’armée se déploient immédiatement à la place des forces israéliennes. Nous allons voir un peu ces événements dans le détail. Les forces israéliennes achèvent leur retrait de Saïda et du Zahrani le 16 février 1985 à 13h30. Immédiatement, les unités de l’armée libanaise chargées d’entrer au Liban-Sud afin de remplir le vide sécuritaire laissé par l’armée occupante se mettent en mouvement.

    Quelles sont ces unités ?

    -La 12e Brigade sous le commandement du colonel Hassan Tawt.

    -Les deux Bataillons 32 et 37 de la région militaire Sud.

    -les Bataillons 121, 122, 123 et deux Compagnies du Bataillon 124, tous ces Bataillons appartenant à la 12e Brigade.

    -Le 17 février, ces forces seront renforcées par le reste du Bataillon 124, ainsi que par le Bataillon 13.

    Du Pont du fleuve Awali jusqu'à l’entrée de Saïda, des milliers de citoyens vont se masser sur les routes afin de faire un accueil triomphal à l’armée nationale. L’armée dresse des positions fixes sur les deux ponts du fleuve Awali et de Almane, et dans le château de Saïda, au Bain Militaire, à la Place de l’Etoile, à Kanaya, sur le pont Sinik, à Aïn el-Héloué, sur les collines Charhabil, à Mar Elias, à Miyé-Miyé et au croisement de Zahrani.

     

    Résultats du déploiement de l’armée libanaise au Liban-sud

     

    Le déploiement de l’armée libanaise au Liban-Sud a eu de nombreux effets positifs sur le pays et les citoyens :

                1-La légalité libanaise contrôle les régions de Saïda et du Zahrani.

                2-La route côtière est ouverte de Beyrouth à Kasmiyé.

                3-Les laissez-passer que l’occupant israélien donnait aux libanais pour leur permettre de traverser le Pont du fleuve Awali n’ont plus aucune valeur.

                4-Israël se retire d’une région dont la population fait 1/3 des habitants du Sud, et qui a fait subir aux forces occupantes de très lourdes pertes en vie humaines et en matériel suite aux attaques de la Résistance Nationale Libanaise. Les journaux font état de la mort de 666 soldats israéliens dans la région de Saïda depuis l’invasion de 1982 et jusqu’au retrait du 16 février 1985.

                5-La sécurité va reculer dans l’Iklim el-Kharroub, après le départ de la 12e Brigade vers le Liban-Sud. Il reste dans la région une Compagnie dans le village de Chehim et une Compagnie dans le Port de Jiyé, ainsi que quelques postes de garde qui n’ont pas les moyens d’intervenir hors de leurs bases ni de faire circuler des patrouilles. En effet, des tirs d’armes légères et de roquettes sont enregistrés dans la région après le retrait de la 12e Brigade.

    48h après le déploiement de l’armée libanaise dans Saïda et au Zahrani, le 18 février 1985, des groupes d’éléments armés appartenant aux organisations suivantes se dirigent vers Saïda (le Rassemblement des Ulémas Musulmans, la Jamaa Islamiya, et le Hezbollah). Ces groupes armés vont emprunter la route côtière jusqu'à Saïda, où ils organisent une manifestation armée géante qui se transforme en meeting contre le Pouvoir en place et contre l’armée. Les manifestants brûlent le drapeau libanais et hissent à sa place le drapeau iranien. Ils arrachent les photos du président Gemayel et les posters glorifiant l’armée nationale, et accrochent à leur place des citations coraniques et des photos de l’Imam Khomeiny et de ses aides. Certains manifestants brisent les vitrines des magasins afin de les piller, et menacent les vendeuses en leur ordonnant de porter le voile.

    Le 10 mars 1985, un attentat suicide est dirigé contre un convoi de l’armée israélienne qui se déplace entre Marjeyoun et Khiam, faisant 14 morts et un nombre indéterminé de blessés. En riposte, Israël lance le 11 mars la plus grande et la plus violente attaque depuis l’invasion de 1982 sur le village de Zrariyeh, où se situent les bases avancées de l’armée libanaise. Israël utilise dans cette attaque quelques 120 véhicules, tentant de prendre d’assaut le village de Zrariyeh après avoir effectué une préparation d’artillerie d’une rare violence. Une section de l’armée libanaise déployée à Zrariyeh contient l’assaut, avec l’aide des habitants du village et de la Résistance Nationale. L’ennemi israélien sera ainsi empêché d’arriver à son but pour un certain temps. Constatant qu’il est mis en échec par une poignée de soldats et de combattants, l’ennemi israélien fait venir de nouveaux renforts en soldats et en blindés, et commence une nouvelle préparation d’artillerie qui est destinée à lui permettre de s’emparer du village. Les soldats israéliens réussissent à entrer dans le village, où de violents combats ont lieu, faisant 18 morts dans les rangs de l’armée libanaise et de la population, et 29 blessés. 40 habitations et magasins sont dynamités, ainsi que le poste des FSI. Les israéliens font 150 prisonniers. Pendant ce temps, un navire de guerre israélien et son escorte sont repérés au large de Ras-Beyrouth, provoquant une mobilisation générale dans les rangs de la 6e Brigade et des milices de Beyrouth-Ouest, qui vont tirer des salves de canons de DCA en direction des bateaux ennemis qui font demi-tour et se dirigent vers le Sud, hors des eaux territoriales libanaises.

     

    Défilé militaire de la Fête de l’Indépendance le 22 novembre 1985 et réactions

     

    Le général Michel Aoun demande l’organisation d’un défilé militaire à Yarzé pour la Fête de l’Indépendance le 22 novembre 1985, auquel doit participer une compagnie de chaque brigade. Les préparatifs commencent, lorsque soudain Walid Joumblatt décide de refuser que sa région participe à ce défilé, et ordonne à ses miliciens d’arracher les drapeaux libanais dans le Chouf et de les remplacer par des drapeaux du PSP. De plus, les membres musulmans du Conseil Militaire refusent de participer à ce défilé, et ordonnent aux 1e, 2e, 6e, 11e et 12e brigades de ne pas y prendre part. Finalement, la 2e Brigade (Tripoli) participe au défilé après que le général Naïm Farah, commandant militaire de la région Nord, ait pratiqué des pressions sur elle. C’est ainsi que le défilé a lieu sans la participation des 1e, 6e, 11e et 12e brigades, ainsi que de la moitié des membres du Conseil Militaire. Au cours du défilé, des missiles sol-air sont tirés par les miliciens de Beyrouth-Ouest sur les avions Hawker Hunter qui participent au défilé. Deux avions israéliens sont également aperçus survolant le défilé. Ces derniers vont crever le mur du son au-dessus du défilé. Mais ce qui attire l’attention, c’est que tous les attachés militaires assistent au défilé.

     

    Les conflits inter-miliciens dans la régions Est et l’action modératrice de l’armée

     

    Les Forces Libanaises à cette période sont sous le commandement de Fouad Abou Nader, fidèle au président Gemayel. Or, certains cadres des Forces Libanaises, dont les plus puissants et les plus influents sont Samir Geagea et Elie Hobeika, sont contre cet état des choses. Samir Geagea est le chef militaire de la région de Jbeil. Des unités de miliciens dépendant de lui se déploient sur le barrage de Barbara qui rapporte beaucoup d’argent à cause des impôts sur les marchandises qui circulent sur la route côtière vers le Nord et vice-versa. Quant à Elie Hobeika, c’est le chef du Service de Renseignements des Forces Libanaises. Ses unités se déploient notamment dans les régions de la Quarantaine et d’Achrafieh. Durant les réunions du Conseil des ministres tenues à Bickfaya, la décision de démanteler le barrage de Barbara est prise avec l’accord des responsables chrétiens qui y assistent, notamment le président Amine Gemayel. Ce dernier confie à l’armée le démantèlement du barrage dans le cadre du Plan de Sécurité pour la route du Nord. Le barrage de Barbara génère des rentrées d’argent qui permettent aux Forces Libanaises de payer les salaires et les pensions de 1200 familles réfugiées du Nord. Le Dr Samir Geagea exerce à travers ce barrage une pression politique sur les Kataëb et les Forces Libanaises d’une part, et sur le président Sleimane Frangié d’autre part. C’est pour cela que le barrage de Barbara est une question de vie ou de mort pour Samir Geagea. Après l’étude par le commandement de l’armée de tous les détails concernant cette affaire et des ripostes possibles à la tentative de démantèlement du barrage, ce dernier prend la décision de ne rien tenter contre le barrage de Barbara. En réponse à une conférence de presse donnée par le Dr Samir Geagea le 11 mars 1985, dans laquelle il attaque le président Amine Gemayel et les dirigeants du parti Kataëb, ces derniers décident le 12 mars de renvoyer Samir Geagea du parti, sans toutefois prévoir la réaction de ce chef militaire qui a sous ses ordres 4000 combattants et qui est appuyé par un autre chef militaire, Elie Hobeika, qui a sous ses ordres 3000 combattants et qui est le chef du service de sécurité des Forces Libanaises. La réaction à cette décision ne se fait pas attendre, et dès le 13 mars, les régions chrétiennes allant de Beyrouth à Barbara sont en effervescence, et les Forces Libanaises sont en état de mobilisation générale ainsi que la police Kataëb et les miliciens de l’Iklim Kataëb du Metn qui sont fidèles au président Gemayel. Des combats localisés ont lieu à Sioufi, au quartier Syriaque, sur la voie de chemin de fer, à Nahr el-Kaleb. C’est au cours de la journée du 13 mars également que les Forces Libanaises décident de prendre leur indépendance politique et militaire face au parti Kataëb. Cela revient à dire que Geagea et ses partisans vont faire main basse sur le commandement des Forces Libanaises. Cela signifie également le refus des décisions de Bickfaya et le refus du démantèlement du barrage de Barbara, ainsi que la naissance de dissensions importantes entre les rangs des Kataëb et ceux des Forces Libanaises. Durant toute cette période, l’armée libanaise cantonnée dans les régions Est est en position d’observation en attendant de voir comment la situation va évoluer. Le 14 mars 1985, l’armée va couper la route du Nord au niveau de Nahr el-Kalb, et fermer la voie de passage du pont du Madfoun, de peur que les civils qui le traversent ne soient pris au milieu des tirs si jamais la situation venait à s’envenimer entre Kataëb et Forces Libanaises. De même, l’armée coupe les routes entre le Metn et le Kesrouane,  et entre Batroun et Jbeil, également pour des raisons de sécurité. Des accrochages aux armes légères et aux roquettes RPG ont lieu les 14 et 15 mars dans les régions de Bourj-Hammoud –Dora jusqu'à Jounié entre les Forces Libanaises et les Kataëb de l’Iklim du Metn. Les Forces Libanaises prennent le contrôle des organes de presse situés à Beyrouth-Est : la Voix du Liban et la Voix du Liban Libre. Le commandement de l’Intifada des Forces Libanaises se demande quelles sont les raisons qui ont poussé l’armée libanaise à couper la route Beyrouth –Tripoli au niveau de Nahr el-Kalb et de Madfoun, et invite le commandement de l’armée à faire attention à la gravité de la situation, menaçant de recourir à des mesures militaires pour rouvrir les routes. Suite au conflit interchrétien, deux forces militaires chrétiennes s’opposent dans les régions Est :

    1-Les forces du président Amine Gemayel formées par les Kataëb de l’Iklim du Metn et le Bataillon 75 (formé de miliciens dépendant directement du président Gemayel, qui les forme en bataillon et leur fournit des armes de l’armée libanaise. Ce bataillon se déploie dans la région du Mouaskar el-Tedrib –Jamhour).

    2-Les forces de Samir Geagea et ses alliés des Forces Libanaises, notamment Elie Hobeika. Il dispose de 7000 hommes au total (4000 avec lui, et 3000 avec Hobeika).

    Cet état de choses fait apparaître de nouvelles lignes de démarcation à l’intérieur de la zone Est, qui passe par Jisr el-Wati –Sinn el-Fil –Quarantaine –Nahr el-Mott –Nahr el-Kalb, jusqu’aux frontières des deux cazas du Kesrouane et du Metn. Les Forces Libanaises sous les ordres de Samir Geagea se déploient depuis le 13 mars 1985 dans la région du Christ-Roi en grand nombre, et s’étendent vers le Nord. Les forces adverses de l’Iklim Kataëb du Metn se déploient dans la région Mar Youssef, où ils coupent l’autoroute avec des monticules de sable. Le 15 mars, après des contacts intensifs avec le Commandement de l’armée, les forces en présence tombent d’accord pour confier à l’armée la mission de démanteler les nouvelles lignes de démarcation. Le général Aoun ordonne alors au Bataillon 83 de se mettre en mouvement pour exécuter cette mission. Le Bataillon 83 va se déployer sur l’axe Jisr el-Bacha –Sinn el-Fil –Quarantaine –Nahr el-Mott –Nahr el-Kalb –Sarba. En arrivant à Sinn el-Fil, le Bataillon 83 essuie des tirs nourris, ce qui entraîne la mort d’un de ses soldats. Le Bataillon force le passage et se dirige vers la Quarantaine, où se déploie une de ses compagnies pour sécuriser la route, pendant que le reste du bataillon continue la mission. Enfin, le Bataillon 83 arrive à se déployer à Nahr el-Kalb et ses environs, pour sécuriser l’autoroute allant vers le Nord. A 17h30, la route de Madfoun est rouverte, et le passage des voitures est autorisé.

     

    L’Accord tripartite et la 2e Intifada

     

    L’Intifada de mars 1985 va être la cible de beaucoup de critiques de la part de certains politiciens libanais, ainsi que de la part des ambassadeurs étrangers et arabes qui sont contre tout ce qui pourrait mettre en danger le régime du président Amine Gemayel. Michel Samaha, PDG de la Télévision du Liban, réussit à ouvrir des voies de communication entre Hobeika, président du Comité Exécutif des Forces Libanaises et le régime syrien, qui aboutissent à une première visite gardée secrète de Hobeika en Syrie au printemps 1985. La relation entre Hobeika et la Syrie va se développer à travers Abdel-Halim Khaddam, mais Samir Geagea et Karim Pakradouni soupçonnent que quelque chose est en train d’être préparé derrière leur dos en cachette, car Hobeika ne leur fait pas parvenir toutes les informations lors de ses déplacements en Syrie. Ceci avait pour but de préparer un accord de paix interlibanais dont les chefs des trois milices dominantes sur le terrain seraient les auteurs, d’où son nom d’accord tripartite. En riposte aux nouvelles positions prosyriennes d’Elie Hobeika, Samir Geagea va ouvrir des voies de communication avec Amine Gemayel étant donné qu’ils se retrouvent face au même danger, qui est de voir Hobeika signer au nom des Forces Libanaises un accord désavantageux pour ces derniers avec les milices adverses. Le 28 décembre 1985, une cérémonie a lieu à Damas au cours de laquelle les chefs des trois milices (Elie Hobeika pour les Forces Libanaises, Nabih Berri pour Amal et Walid Joumblatt pour le Parti Socialiste Progressiste) vont signer l’accord Tripartite. Cet accord se compose de deux grandes parties :

    1-Une partie militaire qui consiste à mettre fin à l’état de guerre et à effectuer des changements dans les organes sécuritaires libanais.

    2-Une partie politique qui consiste à effectuer des changements politiques dans le pays, et à collaborer avec la Syrie.

    Quant au commandant en chef de l’armée, le général Michel Aoun, que chaque partie a tenté de rallier à son avis, il ne s’est pas occupé de l’aspect politique de l’accord, considérant que cela ne le regarde pas en tant que militaire. Il a par contre exprimé sa désapprobation à propos du point de l’accord qui dit qu’il faut rendre l’armée opérationnelle, en affirmant que l’armée libanaise est opérationnelle mais qu’il lui manque la décision politique.

    Suite à la signature de l’accord Tripartite, la situation est tendue dans les régions Est. Le convoi d’Elie Hobeika est la cible de tirs sur la route de Nahr el-Mott, au cours desquels son bras droit, Elie Chaftari, est atteint. Puis Elie Hobeika ordonne à ses hommes de réquisitionner tous les numéros de la revue Al-Massira, organe de presse des Forces Libanaises, car ces derniers contenaient des articles critiquant l’accord Tripartite. Les prémices de la bataille sont là. Dès le 13 janvier 1986 à l’aube, des affrontements violents ont lieu, au cours desquels sont utilisés tous les types d’armements. La zone des affrontements s’étend de Jisr el-Bacha à Sinn el-Fil, Quarantaine, Dora, Nahr el-Mott, Nahr el-Kalb. La route Beyrouth –Jounié est coupée à la circulation par une grande barricade de sable dans la région de Nahr el-Kalb, ainsi que la route Bickfaya –Koleiaat est coupée au niveau du village de Koleiaat. Durant ces affrontements, suite aux directives du commandement de l’armée libanaise, cette dernière reste neutre, se bornant à défendre ses positions et la ville de Bickfaya, où réside le président Gemayel en été. Pendant ce temps, une campagne de presse orchestrée par le PSP et Amal a lieu contre le président de la République, Amine Gemayel. Au Nord, le Parti National Socialiste Syrien (PNSS) et le Parti Communiste libanais (PCL) déclarent la mobilisation générale dans leurs rangs dans la région de Batroun, et leurs forces militaires prennent position dans les villages de Thoum et Jeblé. Dans la nuit du 13 janvier a lieu une réunion à Yarzé, au Commandement de l’armée, à laquelle assistent le général Michel Aoun et les ministres Joseph Hachem et Michel el-Murr, au cours de laquelle ils décident qu’à l’aube du 14 janvier, l’armée libanaise va se déployer dans les zones d’affrontements afin de dégager les routes et les rendre praticables aux automobilistes. La trêve est de courte durée. Le 15 janvier à l’aube, des affrontements généralisés ont lieu dans les régions Est entre les combattants des Forces Libanaises fidèles à Samir Geagea et les Kataëb de l’Iklim du Metn fidèles au président Gemayel d’une part, et les Forces Libanaises fidèles à Elie Hobeika d’autre part.

    Les forces de Samir Geagea lancent un assaut fulgurant sur le Quartier Général d’Elie Hobeika situé à la Quarantaine, en empruntant deux axes, au Nord et à l’Est. Les forces de Hobeika, encerclées et soumises à un feu nourri d’artillerie, reculent de toute part pendant que les forces de Samir Geagea et du président Gemayel avancent, occupant les positions abandonnées. A la fin de la journée du 15 janvier, les régions Est sont entièrement aux mains des Forces Libanaises de Samir Geagea et des Kataëb d’Amine Gemayel, tandis que les Forces Libanaises fidèles à Elie Hobeika sont encerclées avec leur chef dans leur Quartier Général de la Quarantaine. Pour éviter un massacre, les regards se tournent vers le commandement de l’armée pour trouver une issue à cette situation. Le général Aoun lance alors un avertissement aux combattants des Forces Libanaises de Samir Geagea et des Kataëb d’Amine Gemayel, leur donnant l’ordre d’arrêter les combats et de ne pas resserrer davantage le blocus autour du QG de la Quarantaine. Il confie également à des unités de l’armée libanaise la mission d’évacuer les combattants de Hobeika. A ce moment-là, des unités de l’armée se rendent à la Quarantaine et procèdent à l’évacuation d’Elie Hobeika et de ses hommes vers le ministère de la Défense à Yarzé, où leur protection sera assurée par l’armée libanaise. Pendant ce temps, certaines milices de gauche tentent de bousculer et de déborder les positions de l’armée sur les lignes de démarcation afin d’accéder à Beyrouth-Est et porter secours aux miliciens de leur allié Elie Hobeika, mais sans succès. C’est ainsi que le front de Madfoun défendu par la 7e Brigade sous le commandement du colonel Sami Rihana, et le front de Werwar défendu par la 9e Brigade sous le commandement du colonel Ghassan Gedd, tiennent bon. C’est ainsi que l’accord Tripartite devient inapplicable, après la chute de l’une des trois parties signataires (Elie Hobeika).

    Suite à l’échec de l’accord Tripartite, des groupes armés appuyés par la Syrie tentent d’enfoncer les fronts tenus par l’armée libanaise, notamment au Metn et au Nord, mais les unités de la 9e Brigade déployées à Douar, et les unités de la 7e Brigade déployées sur le front de Madfoun résistent vaillamment à ces tentative, réussissant à garder leurs positions et à tenir en échec les assaillants. La situation militaire se détériore dans le Haut-Metn, où des accrochages violents ont lieu sur les fronts de Aïn el-Touffaha et de Douar entre les milices antigouvernementales du Mouvement National et les unités de la 9e Brigade. La 9e Brigade, appuyée par des unités de la 8e Brigade, va occuper toute la région du Haut-Metn après avoir fait subir de lourdes pertes aux assaillants et après avoir renforcé ses positions dans la région. Au Nord, un grand regroupement de miliciens de gauche appuyés par l’armée syrienne se rassemble pour essayer d’enfoncer le front de Madfoun. Après une étude de la situation militaire sur le terrain, ils se rendent compte qu’ils ne font pas le poids face aux unités de la 7e Brigade qui tiennent le front du Madfoun. Ils tentent alors d’avancer vers les régions Est à travers la route du Batroun central, mais les Forces Libanaises sous les ordres de Samir Geagea repoussent l’attaque. Le quotidien de langue arabe al-Safir relate à ce propos que « des accrochages aux armes légères et aux missiles ont eu lieu le 17 janvier à 10h du matin entre les positions de la Brigade des Marada basées à Ibrine et celles des Forces Libanaises de Samir Geagea à Sghar. Les accrochages se sont poursuivis durant 20 minutes, entraînant la mort d’un chef de section des Forces Libanaises nommé Tony Adel Salloum, ainsi que de son frère Jean Adel Salloum[160] ». Les 18 et 19 janvier, le PSP réchauffe le front de Souk el-Gharb en utilisant les armes légères ainsi que les missiles. L’armé repousse aussi une tentative d’avance des miliciens druzes et de leurs alliés vers les villages de Bdadoun et de Komatiyé, leur faisant subir de lourdes pertes.

    Au cours des premiers mois de 1986, un détachement d’infanterie du Bataillon 72 dépendant de la 7e Brigade est déployé sur le front de Sannine –Baskinta notamment dans les cafés de Sannine et dans un poste avancé basé dans l’église Notre-Dame de Tamich, et une section se déploie à Kfar-Akab qui tient la route Bteghrine –Baskinta. Le 25 janvier 1986, des rumeurs circulent selon lesquelles Elie Hobeika, chef déchu des Forces Libanaises, va se rendre dans son village natal de Baskinta le 28 janvier. Effectivement, le 28 janvier, des éléments armés s’infiltrent de nuit de Bteghrine en empruntant la vallée vers les cafés de Sannine où est installé le commandement du détachement cité précédemment. Repérant des mouvements suspects, les soldats ouvrent le feu en direction des éléments armés, provoquant des accrochages entre les infiltrés et la 1e section du Bataillon 72. Des missiles et des tirs de DCA sont dirigés depuis la colline de Zaarour sur les positions de l’armée à Sannine, entraînant la riposte des militaires. La section accrochée demande un appui d’artillerie, et les artilleurs vont tirer au canon de 155 mm sur les sources de feu, obligeant les infiltrés à se retirer. Le front de Sannine –Baskinta –Zaarour va être renforcé par l’envoi d’une section de Commandos.L’armée va ainsi fixer ses unités sur tous les fronts, dans le Haut-Metn, le Nord, Souk el-Gharb, Sannine et Baskinta. Des unités de la 8e Brigade vont avancer sur le front de Douar jusqu'à arriver aux abords du village de Jouar, entraînant de grandes pertes dans les rangs des miliciens déployés sur ce front. Les unités de l’armée situées au Nord vont se réorganiser pour former deux bataillons d’infanterie et trois compagnies de chars équipées de mortiers, de lance-roquettes multiples et de DCA qui vont se déployer sur le front Batroun –Madfoun après que les forces des Marada se soient retirées de la régions. En face de ce regroupement, le général Aoun décide de renforcer le front de Madfoun avec une compagnie d’infanterie motorisée appuyée par des missiles et des lance-roquettes multiples et une compagnie d’artillerie équipée de canons de 155 mm issue de la 7e Brigade. Après avoir échoué à faire renoncer au Commandement de l’armée libanaise de continuer à défendre les accès aux régions Est militairement, les comploteurs vont tenter de miner l’armée de l’intérieur en invitant certains officiers supérieurs à tenir l’armée dans la neutralité. C’est ainsi que le 7 février 1986, un fait sans précédent au cours de l’histoire de l’armée libanaise a lieu. Le chef d’état-major de l’armée le général Mahmoud Tay Abou Dargham, les deux membres du Conseil Militaire le général Koraytem et le colonel Jaber, ainsi que d’autres officiers lancent un appel destiné à leurs frères d’armes, à la tête desquels ils placent le commandant en chef de l’armée le général Michel Aoun, ainsi que Conseil Militaire et l’état-major de l’armée, leur demandant de « neutraliser l’armée libanaise et de ne pas l’impliquer dans des conflits politiques, en la retirant des fronts internes[161] ». Dès la publication de ce communiqué, le général Sami Khatib annonce son appui aux revendications des officiers supérieurs musulmans. Quant aux Forces Libanaises, elles vont répondre à cette provocation à travers la publication d’un communiqué qui glorifie l’armée libanaise et son commandant en chef Michel Aoun, et qui invite ce dernier à poursuivre son action de défense des citoyens. Le 11 février 1986, le ministre de la Défense Adel Osseirane lance un appel visant à la « neutralisation de l’armée et ne pas l’impliquer dans les conflits internes[162] ».

     

    5-4 : Les différends dans les régions Est entre l’armée et les Forces Libanaises (1988-1990)

     

    Les différends qui précèdent l’élection d’un nouveau Président de la République libanaise

     

    A partir d’avril 1988, le conflit entre les Forces Libanaises et l’armée libanaise devient latent, avec l’approche de l’élection d’un nouveau président de la République. Les Forces Libanaises font courir des rumeurs dans leurs médias disant qu’Elie Hobeika va tenter de rentrer dans les régions Est grâce à la complicité de certains officiers de l’armée qui tiennent les différents fronts avec l’Ouest. Le 18 avril 1988, de façon soudaine, un ordre de mission est envoyé aux différentes brigades déployées dans la région Est. Cet ordre de mission demande aux brigades de dresser des barrages mobiles près de leurs postes et de leurs brigades de déploiement habituels, pour appuyer les barrages fixes, ainsi que les patrouilles de la Police Militaire et de la Moukafaha. La mission de ces barrages mobiles consiste à arrêter les voitures qui ne sont pas équipées de plaques de signalisation. Une note de la Direction de l’Orientation de l’armée libanaise justifie la mise en place de ce nouveau dispositif de sécurité en ces termes : « Il est apparu que dans la plupart des crimes, enlèvements et actes terroristes, des voitures sans plaques d’immatriculation sont utilisées afin de rendre difficile l’identification des contrevenants. Pour cela, et dans le but de protéger les citoyens et les installations militaires, le Commandement de l’armée déclare que des barrages fixes et d’autres mobiles seront installés sur les routes, et des patrouilles sillonneront les routes afin d’arrêter les voitures qui ne sont pas équipées de plaques d’immatriculation ou dont les propriétaires ne sont pas en possession de papiers en règle. L’armée libanaise invite les citoyens à coopérer avec elle afin de préserver leur sécurité personnelle ». Or les Forces Libanaises vont considérer que cette mesure est dirigée contre elles, ce qui va les pousser à renforcer leurs positions et à dresser des contre-barrages dans la zone Est, surtout dans la région de Akoura –Lassa où se trouvent des villages chiites, et vont enlever des militaires. Les Forces Libanaises vont également rallumer le front de Deir Bella –Bziza dans le Koura, qui était resté calme pendant trois ans, provoquant des affrontements début mai 1988 avec les Marada. Au cours d’une manifestation des déplacés de la Montagne organisée par le Bureau de la Montagne (Georges Adwan) des Forces Libanaises, les manifestants agressent l’armée, obligeant les soldats à tirer en l’air pour se dégager. Les Forces Libanaises, à travers leur organe de presse télévisuel, la LBC, accusent l’armée d’avoir dirigé son fusil sur les poitrines des libanais innocents au lieu de le diriger vers l’ennemi du Liban, provoquant une réponse violente du Commandement de l’armée. Cette dernière va arrêter quelques éléments des Forces Libanaises qui n’obéissent pas à ses injonctions, et qui va entraîner des enlèvements de militaires de la part des miliciens. Le 4 mai 1988, le général Aoun invite les commandants de brigades à une réunion au ministère de la Défense à Yarzé, et les Forces Libanaises considèrent que cette réunion est dirigée contre elles. Les miliciens dressent des barrages dans les régions Est, sans toutefois retenir les officiers de l’armée, afin de ne pas envenimer les choses. Le 7 mai, le Commandement des Forces Libanaises organise une cérémonie au QG de la Quarantaine au cours de laquelle 118 officiers des FL recevront leurs sabres des mains du Dr Samir Geagea. Les médias inféodés aux Forces Libanaises verront dans cette démarche un passage qualitatif des Forces Libanaises d’une situation de milice à une situation d’armée nationale chrétienne. Des la mi-mai 1988, le président Gemayel entame des tournées dans les différentes brigades déployées dans la région Est, insistant pour réunir les officiers et discuter avec eux. Les premières visites que le président va effectuer, il les consacre aux brigades et autres formations qui ont eu à faire face aux Forces Libanaises durant la crise de début mai, et qui sont : les Maghawir, la 8e Brigade, la 9e Brigade, la Police Militaire, la 10e Brigade, la 5e Brigade et la Brigade d’Appui.

    En préparation des élections présidentielles, et dans le but d’assurer la sécurité du siège du Parlement et de ses alentours à partir du 23 juillet et jusqu'au 23 septembre, le ministre de l’Intérieur, le Dr Abdallah el-Rassi, annonce un plan de sécurité qui doit être exécuté par l’armée dans le Grand-Beyrouth et dans les régions de résidence de la plupart des députés, qui s’étendent comme suit :

    -A l’Est : le Pont de Nahr el-Mott, le rond-point de Mkallès, Jamhour, Wadi Chahrour.

    -Au Sud : de Wadi Chahrour jusqu'à Amrousiyeh et jusqu’au Sud de l’Aéroport International de Beyrouth.

    -Au Nord et à l’Ouest : la mer.

    Le Dr Abdallah el-Rassi envoie par l’intermédiaire du ministre de la Défense au Commandement de l’armée une demande afin que cette dernière prenne les mesures adéquates dans la zone précédemment délimitée :

                1-Interdire l’apparition d’hommes armés autres que ceux faisant partie des forces de sécurité.

                2-Assurer la sécurité aux alentours et dans l’enceinte du Parlement provisoire.

                3-Assurer la protection des députés et de leurs convois durant leurs déplacements.

                4-Monter la garde devant les résidences des députés.

    Ce plan de sécurité est contesté par le Commandement de l’armée, car il ne définit pas les missions des FSI et de l’armée clairement, et ne fait pas mention de la responsabilité opérationnelle, sachant que la loi de Défense libanaise stipule que dans une opération conjointe armée –FSI, c’est l’armée qui a le commandement de l’opération.

     

    Dans les régions Est, depuis le 1er août 1988, les contradictions de vues apparaissent entre d’un côté le président sortant Amine Gemayel et les Forces Libanaises, et de l’autre côté le commandant en chef de l’armée le général Michel Aoun. Le président Amine Gemayel et les Forces Libanaises refusent tout Plan de Sécurité autour du Parlement avant le retrait total des forces syriennes de Beyrouth-Ouest. Le Commandement de l’armée, quant à lui, déclare « que les autorités politiques se mettent d’accord, et nous exécuterons les ordres[163] ». Le président du Parlement Hussein Husseini arrête la controverse autour des élections présidentielles en fixant le 18 août 1988 comme date des élections. Les polémiques vont augmenter avec l’approche de la date des élections. Les médias inféodés aux Forces Libanaises attaquent l’armée et l’accusent d’agir afin de faire accéder son chef, le général Michel Aoun, à la présidence de la République par la force. L’armée riposte à travers la presse et des mesures militaires. C’est ainsi que le Commandement de l’armée ordonne l’arrêt de l’octroi de permissions aux militaires, l’application des procédures de mobilisation numéro 3 sur l’ensemble des forces militaires et l’interdiction de circulation des soldats et des véhicules militaires. Nous voyons donc que les Forces Libanaises et l’armée libanaise sont en état de mobilisation générale dans les régions Est. Suite à cet état de choses, le plan de sécurité destiné à sécuriser le Parlement et ses environs est annulé, et les Forces de Sécurité Intérieure sont chargées seules d’assurer la sécurité du déroulement des élections.

     

    La première séance ratée des élections présidentielles (18 août 1988)

     

    Il est apparu au cours de cette séance que le président Sleimane Frangié est le seul candidat aux élections présidentielles, ce qui entraîne les Forces Libanaises à menacer de torpiller les élections présidentielles par tous les moyens. Les députés chrétiens vont en effet s’absenter de la séance, qui sera annulée faute de quorum. Nous remarquons que la plupart des députés absents appartiennent à la communauté maronite et vivent dans la zone Est sous le contrôle des Forces Libanaises. Les milieux proches du président Frangié vont alors prétendre que les miliciens des Forces Libanaises ont eu des comportements menaçants envers les députés vivant dans leur zone d’influence, ce qui a empêché ces derniers d’arriver au Parlement pour participer aux élections présidentielles. Tout le monde accuse l’armée libanaise de ne pas être intervenue pour mettre fin aux agissements des Forces Libanaises. C’est ainsi que la fille du président Frangié, Sonia Frangié Rassi, se rend à midi au Commandement de l’armée pour demander au général Aoun de faire intervenir la troupe afin de mettre fin aux agissements des miliciens, mais le général Aoun refuse de la recevoir. Dans le même sens, « Robert Frangié attaque le général Aoun au cours d’une conférence, et l’accuse d’empêcher l’arrivée des députés au Parlement par la force[164] ». Le 24 août 1988, le général Aoun organise une réunion d’information à laquelle sont conviés le sous-chef d’état-major, les commandants des régions militaires, les commandants de Brigades, ainsi que les commandants des unités de l’armée qui dépendent directement du Commandement de l’armée, au cours de laquelle il répond à ses détracteurs à propos des agissements de l’armée libanaise au cours de la première séance des élections présidentielles torpillée du 18 août 1988. « Le général Aoun dit notamment :

    -L’interdiction aux députés de se rendre au Parlement pour participer à la séance électorale s’est produit en-dehors des régions sous le contrôle de l’armée.

    -Nous voulons un président qui compte uniquement sur l’armée libanaise, un président qui n’a pas de milice sous ses ordres. Malgré cela, nous respectons la volonté du Parlement.

    -Nous avons contacté tous les députés et il s’est avéré qu’ils ne souhaitaient pas se rendre au Parlement.

    -L’armée libanaise est attaquée de toutes parts parce qu’elle représente un danger pour les organismes militaires illégaux qui sont nés pendant la guerre.

    -Hier, l’escalade militaire a commencé dans la Montagne vers 15h40, mettant fin brusquement à un mois de tranquillité dans la région. 30 à 40 obus de différents calibres se sont ainsi abattus sur la région de Kors el-Moudawar, et nous nous sommes vus obligés de répliquer localement, sur les postes militaires sources des tirs. Un obus s’est abattu sur Bdadoun et un autre sur Souk el-Gharb. Nous n’avons utilisé que les mortiers de 81 mm dans notre riposte.

    -La prochaine séance des élections présidentielles doit assurer un quorum, et doit s’achever avec comme résultat l’élection d’un nouveau président de la République[165] ».

    Au cours d’une autre réunion qui se tient le 5 septembre 1988, le général Aoun prend position en ce qui concerne la prochaine séance des élections présidentielles. Il déclare notamment :

    « -Il est possible que le Parlement soit appelé à se réunir pour élire un nouveau président de la République avant le 13 septembre, car après cette date, le Parlement devient un organe électoral permanent.

    -Il est attendu de l’armée qu’elle mette au point un plan afin de faciliter le déplacement et la venue de tous les députés pour qu’ils puissent exercer leur devoir électoral dans le cadre de leurs responsabilités nationales.

    -Il n’est pas permis de jouer avec le feu en ce qui concerne l’échéance constitutionnelle de l’élection d’un président, parce qu’il n’y a pas de décision d’annulation du pays.

    -L’armée est l’unique force légale apte et responsable de la sauvegarde du pays. L’Histoire ne pardonnera pas à l’armée si jamais elle ne fait rien pour empêcher le Liban de se démembrer.

    -Nous sommes avec la sauvegarde du pays en tant qu’entité unique, et nous devons faciliter le bon déroulement de l’échéance présidentielle afin d’assurer une continuité de la légalité.

    -L’étape qui viendra après le 23 septembre amènera une autre situation. Quelle que soit cette situation, l’armée libanaise ne restera pas dans une position d’observateur alors qu’on assassine le pays. L’armée assumera ses responsabilités et ne permettra à personne (que ce soient des acteurs internes ou externes), d’entraver le pouvoir et d’assassiner le Liban.

    -Lorsque l’armée sera chargée de la sécurité des séances électorales présidentielles, elle assurera la sécurité dans un cadre de liberté et d’égalité pour chaque député et pour chaque candidat. Dans le cas où la situation s’aggrave et que le pays est en danger, ceux qui sont aptes à secourir le Liban n’hésiterons pas à intervenir.

    -Notre devoir sera, surtout après l’échéance du 23 septembre, de faire face et de résister. Ce devoir est basé sur notre serment militaire. Celui qui hésite à accomplir son devoir ne respectera pas sa parole d’officier[166] ».

    « Le 13 septembre 1988, le ministre de la Défense l’émir Adel Osseirane est retenu à un barrage des Forces Libanaises pendant 3h dans la région de Buick –Sami el-Solh. Il s’est avéré que les préposés au barrage sont originaires de la région de Jezzine, et qu’ils ont agi de la sorte en réaction au fait que le député de la région Farid Serhal est retenu à Beyrouth-Ouest[167] ». Le ministre de la Défense est ensuite conduit au QG des Forces Libanaises où il se réunit avec leur chef Samir Geagea pendant 10 minutes, puis il est libéré. Au cours de cet incident, la situation sécuritaire se tend sensiblement, et quelques incidents entre l’armée et les Forces Libanaises sont enregistrés :

                1-Accrochages entre l’armée et les Forces Libanaises entre Sodeco et Achrafieh. « Le Commandement de l’armée donne des ordres à la 8e Brigade afin que cette dernière occupe le rond-point Chevrolet et Sayyad et démantèle les barrages miliciens au carrefour Buick –Barado. Le Régiment des Maghawir reçoit l’ordre de faire circuler les patrouilles et de monter des barrages dans Beyrouth-Est afin d’arrêter les miliciens. Le Bataillon de la Police Militaire reçoit l’ordre d’effectuer des patrouilles dans la région d’Achrafieh pour rechercher la voiture du ministre de la Défense. Les autres brigades reçoivent l’ordre de se tenir prêtes à intervenir en cas de coup dur[168] ». Ce déploiement de l’armée provoque des accrochages armée entre l’armée libanaise et les Forces Libanaises, au cours desquels les armes légères et les mortiers sont utilisés, qui se déplacent entre les régions de Jisr el-Wati, Jisr Fiat à Sinn el-Fil, Saat el-Abed et les abords du quartier syriaque et de l’Hôtel-Dieu, pour arriver enfin aux alentours du Palais de Justice. Une voiture militaire appartenant aux Forces Libanaises est atteinte durant ces accrochages, provoquant la mort d’un milicien.

                2-Des accrochages ont lieu sur les lignes de démarcation entre Sodeco et le Musée, provoquant la fermeture de la voie de passage du Musée. « Au cours de ces accrochages, le Docteur Samir Geagea donne des ordres stricts à ses miliciens afin qu’ils n’opposent pas de résistance face à l’armée libanaise[169] ».

    Le 18 septembre 1988, après 4 jours de pourparlers et de tractations entre l’émissaire américain Richard Murphy et les responsables syriens, les deux parties se mettent d’accord sur plusieurs points :

                1-Retrait de la candidature de Sleimane Frangié aux élections présidentielles libanaises.

                2-Les réformes constitutionnelles sont remises pour après les élections présidentielles.

                3-Le député Mickaël el-Daher est le seul candidat aux élections présidentielles, et il est interdit d’accepter d’autres candidatures.

                4-Formation d’un gouvernement large qui englobe toutes les parties au conflit.

    A la suite de ces accords, Murphy se rend au Liban et se réunit avec les responsables libanais à Beyrouth-Ouest, notamment les présidents Hoss et Husseini, le patriarche maronite et le président de la République. Il envoie son second afin de prévenir le commandant en chef de l’armée, le général Michel Aoun, de ces décisions. Une fois le général Aoun au courant de la décision américano-syrienne, il exprime son refus et son insistance pour organiser des élections démocratiques. Les Forces Libanaises ainsi que le patriarche Sfeir refusent également le principe de la désignation d’un chef de l’Etat par l’étranger. Le général Aoun convoque les commandants de brigades à une réunion à son domicile le dimanche 18 septembre à 18h. Après d’âpres discussions entre le commandant en chef de l’armée et ses commandants de brigades, ces derniers décident de se rendre à Bkerké afin de demander au Patriarche d’intercéder en faveur du Liban et de la Constitution libanaise. Les commandants de brigades se rendent à Bkerké, et demandent au Patriarche Sfeir d’intercéder auprès des députés maronites afin qu’ils acceptent de se réunir et de choisir un candidat unique parmi eux afin qu’il se présente en face du candidat syrien, et qu’en cas de non élection, ils acceptent de nommer un Cabinet de transition, car les militaires ne veulent pas d’un président faible qui ne saura pas comment les protéger et comment disposer d’une telle force militaire.

    Le 20 septembre 1988 avant l’échéance présidentielle, revenant à la charge, le général Michel Aoun déclare, que l’armée remplira le vide en cas de vacance constitutionnelle, disant : « L’armée remplira le vide institutionnel à partir du 23 septembre en cas de vacance du Pouvoir provoquée par l’absence d’élection d’un nouveau président de la République libanais[170] ». Le 21 septembre, le général Michel Aoun tient une réunion avec ses officiers à partir du grade de commandant dans la salle de conférences Général Noujaim au Ministère de la Défense afin de les mettre au courant de la situation politique dans le pays. Le commandant en chef de l’armée met deux conditions pour permettre au nouveau président d’arriver au Palais de Baabda, qui sont :

                « -La libération du Liban de toute occupation.

                   -Le retour de la souveraineté[171] ».

     

    Gouvernement militaire de transition sous la présidence du général Michel Aoun

     

    Le général Michel Aoun se réunit avec le docteur Samir Geagea chef des Forces Libanaises le 22 septembre 1988 en réponse à la visite d’Amine Gemayel en Syrie. Le chef des renseignements militaires le colonel Simon Kassis se joint à la réunion, ce qui fait que les deux présidents libanais et syrien n’arrivent pas à se mettre d’accord sur une solution aux présidentielles. Le soir même, le général Aoun se rend au Palais présidentiel de Baabda vers 23h, à un moment où toutes les combinaisons destinées à former un Cabinet de transition échouent les unes après les autres. A 23h45, le président Amine Gemayel se réunit en privé avec le général Michel Aoun et le charge officiellement de former le gouvernement de transition avec les membres du Conseil Militaire. Le gouvernement de transition a deux missions principales : assurer la sécurité dans le pays, et assurer l’élection d’un nouveau président de la République libanaise le plus rapidement possible. A ce moment-là, le général Aoun contacte au téléphone les membres du Conseil Militaire, tandis que les décrets officialisant la formation du Cabinet de transition sont préparés, et les portefeuilles ministériels distribués en respectant la répartition confessionnelle. A la suite de cette nomination, nous constatons plusieurs prises de positions, que nous aborderons succinctement. La première réaction vient des officiers musulmans membres du Conseil Militaire qui refusent cette désignation et annoncent leur opposition à participer à ce gouvernement. Nous pouvons expliquer cette réaction par le fait que ces derniers résident dans Beyrouth-Ouest contrôlé par l’armée syrienne et les milices qui lui sont inféodées, et que par conséquent leur sécurité et celle de leurs familles ne sera pas assurée en cas d’acceptation des portefeuilles qui leur sont consacrés. C’est ainsi que le général Mahmoud Tay Abou Dargham (ministre des Travaux Publics et des Transports, du Tourisme et du Travail), le général Nabil Koraytem (ministre des Affaires Etrangères, de l’Education Nationale et des Beaux-Arts, et de l’Intérieur) et le colonel Loutfi Jaber  (ministre des Ressources Hydrauliques et Electriques, de l’Agriculture et de la Justice) refusent de participer à ce gouvernement de transition. Après le refus de ces derniers de participer au gouvernement de transition, leurs portefeuilles sont répartis sur les trois officiers chrétiens du gouvernement, les généraux Michel Aoun, Edgard Maalouf et Issam Abou Jamra.

    Lors d’une réunion du général Michel Aoun avec les commandants de brigades le 23 septembre 1988, celui-ci leur explique les circonstances de la nomination du Conseil Militaire pour assumer les charges de gouvernement de transition :

    « -Nous avons prévenu le président Gemayel que nous participerions à toute tentative de sauvegarde du pays, quelle que soit la mission qui nous est assignée.

    -Le président Gemayel m’a demandé de contacter les officiers membres du Conseil Militaire avant de former le gouvernement de transition, mais j’ai refusé car ce sont des soldats qui doivent respecter les consignes et les ordres.

    -La démission des officiers-ministres musulmans était prévisible.

    -Il y a transformation dans les positions des Etats-Unis et de quelques pays arabes vis-à-vis du Liban.

    -La priorité va à la libération[172] ».

     

    Le rapprochement entre l’armée libanaise et les Forces Libanaises

     

    La visite du président Amine Gemayel à Damas le 21 septembre 1988 est considérée comme étant le point de rapprochement entre les Forces Libanaises et l’armée libanaise. En effet, en réponse à cette visite, et après une séparation qui dure depuis près de deux ans, le général Michel Aoun et le docteur Samir Geagea se réunissent afin de coordonner leurs points de vue. C’est ainsi que les positions commencent à s’unifier dans les régions Est, et que les Forces Libanaises vont appuyer l’armée libanaise surtout à travers leurs médias. « Le 30 septembre 1988, dans une émission de la radio La Voix du Liban, le docteur Geagea critique le président Gemayel et ses positions, et insiste sur les bonnes relations qui existent avec l’armée libanaise, et appuie le gouvernement militaire de transition[173] ». Sur le plan militaire, les chefs chrétiens prennent en compte la possibilité d’une action militaire furtive syrienne au Liban, profitant des hésitations américaines. Les responsables militaires dans la zone Est ne sont pas inquiets, étant donné que les Forces Libanaises et l’armée libanaise se sont réconciliés et qu’ils disposent, en cas d’attaque syrienne, d’une force militaire de 20000 hommes équipés d’armes défensives, et qui sont en état d’alerte permanent, car ils sont conscients que la prochaine bataille avec la Syrie sera une bataille de vie ou de mort, dans le but de défendre la dernière parcelle libre au Liban qui est la zone Est, ainsi que le gouvernement militaire.

     

    La guerre entre les deux gouvernements

     

    Depuis la formation du gouvernement militaire de transition le 22 septembre 1988, la guerre entre les deux gouvernements est déclarée. En réponse aux réunions du gouvernement militaire provisoire sous la présidence du général Michel Aoun qui se tiennent les mardi et vendredi de chaque semaine, le gouvernement démissionnaire du président Hoss recommence à se réunir et à éditer des décisions et des décrets qui contrent les décisions du gouvernement militaire. Les principales décisions que le gouvernement militaire prend visent à contrôler les services administratifs et arrêter la politique des pots-de-vin. Le colonel Issam Abou Jamra va ainsi faire un discours au Ministère des PTT dans lequel il accuse l’administration précédente d’avoir encaissé de l’argent en espèces étrangères afin d’installer des lignes téléphoniques aux citoyens, et il invite la nouvelle administration à n’encaisser que les sommes qui lui sont dues et en Livres Libanaises uniquement. Le général Nadim Lteif, nouveau directeur général de la Sûreté Générale, accuse l’administration précédente d’avoir accepté d’encaisser des pots-de-vin.

    Les dissensions entre les deux gouvernements commencent avec la nomination d’un nouveau directeur général de la Sûreté Générale par le gouvernement militaire provisoire. « La nomination du général Nadim Lteif à ce poste est contestée par le gouvernement Hoss dont le ministre de l’Intérieur le docteur Abdallah el-Rassi déclare qu’il y a déjà le docteur Jamil Nehmé à ce poste. En ce qui concerne les passeports et les formalités de voyage, le gouvernement militaire insiste pour que ce soit le général Lteif qui y appose sa signature, alors que le gouvernement Hoss insiste pour que ce soit l’inspecteur Takch (chiite) et l’inspecteur Chéhadé (sunnite) qui les signent[174] ».

    A partir d’octobre 1988, les deux ministres du Cabinet Hoss, Nabih Berri et Walid Joumblatt, demandent que le général Michel Aoun soit démis de ses fonctions de commandant en chef de l’armée libanaise à cause de « sa rébellion et sa pratique d’une activité politique », et la désignation d’un nouveau commandant en chef de l’armée tout en donnant des noms d’officiers dont le plus en vue est le nom du général Sami el-Khatib. Depuis le début du mois d’octobre également, les troupes syriennes commencent à renforcer ses fronts qui font face à la zone Est, chose que les analystes politiques ont traduit comme un réel danger d’escalade militaire qui se traduirait par des bombardements réciproques.

    Les principaux fronts renforcés et les unités de renfort sont les suivants :

                1-Le front Nord : un bataillon d’infanterie renforce l’armée syrienne dans la région de Batroun ; trois camions de miliciens de PNSS renforcent les forces syriennes dans la région du Koura ; une compagnie de chars ainsi que 6 lance-roquettes multiples, des canons de 122 mm et des mortiers de 120 mm renforcent les forces syriennes dans la région de Hadad el-Jebbé. Le Commandement de l’armée reçoit le 3 novembre des informations selon lesquelles 10 canons de 130 mm ont traversé la frontière libano-syrienne pour se rendre dans la région du Koura. Quant à la caserne de la Madina Kachfiya, l’armée syrienne achève son encerclement en dressant de nouveaux postes en plaçant une section dans la citadelle de Smar Jbeil, une autre section à Mrah Chdid, et une 3e section dans le village de Ghouma. Devant cet état de choses, les soldats présents dans la Madina Kachfiya préparent sérieusement la défense de leur caserne.

                2-Les fronts qui font face à Ouyoun el-Simane et Douar : un grand nombre de miliciens du PNSS est envoyé à Dhour el-Choueir le 1er octobre afin de renforcer les forces syriennes déjà présentes sur les lieux.

                3-Le front qui fait face à Akoura : La Chambre d’opérations de la 7e Brigade fait état de l’envoi le 3 octobre d’un bataillon d’infanterie et d’une compagnie de chars appartenant à l’Armée de Libération de la Palestine dans la région de Yammouné qui fait face à Akoura.

    Face à ce renforcement des positions syriennes qui font face à l’armée libanaise, le général Michel Aoun déclare à plusieurs reprises devant la presse que son armée est prête à faire face à toute offensive visant à enfoncer les fronts qui défendent les régions Est. Il ajoute que la riposte de l’armée libanaise se fera en profondeur dans les lignes ennemies.

    Le 2 novembre 1988, et suite aux pressions syriennes, le gouvernement Hoss décide de démettre le commandant en chef de l’armée le général Michel Aoun de son poste et de nommer un nouveau commandant en chef de l’armée. Le ministre de la Défense du gouvernement démissionnaire Adel Osseirane est chargé de prendre les mesures nécessaires pour réorganiser l’armée et lui désigner un nouveau commandant en chef. Après des tractations, le ministre de la Défense démissionnaire Adel Osseirane nomme le 31 octobre 1988 le général Sami Khatib commandant en chef de l’armée par intérim. Le ministre justifie sa démarche par le fait que le commandant en chef attitré de l’armée, le général Michel Aoun, ne peut pas cumuler les deux fonctions militaires et ministérielles qu’il occupe actuellement. Le général Khatib approuve cette nomination, affirmant qu’il « remettra le commandement de l’armée à un général maronite désigné par le gouvernement le moment venu[175] ». Le général Aoun décide dans un premier temps de ne pas répondre à la provocation, mais il change rapidement d’avis et traduit le général Sami Khatib deux jours après sa nomination comme commandant en chef de l’armée par intérim devant le Tribunal Militaire. Les forces islamiques vont approuver cette nomination, alors qu’à l’Est les Forces Libanaises, les Kataëb, le PNL, les Gardiens du Cèdre et le Front Libanais la contestent et expriment leur refus de cet état de choses. Quant aux militaires, nous allons détailler leurs réactions dans le paragraphe qui suit, en commençant par la réaction des officiers déployés dans la zone Est en prenant pour exemple ceux de la 7e Brigade[176], puis nous passerons ensuite aux officiers déployés dans la zone Ouest. Malgré le fait que la 7e Brigade a son Poste de Commandement situé dans la Madina Kachfiya et est déployée en-dehors des régions Est, le colonel Sami Rihana écrit que « suite à la désignation du général Sami Khatib commandant en chef de l’armée par intérim, j’ai immédiatement rassemblé les commandants des unités et les officiers placés sous mes ordres pour étudier la situation. La 7e Brigade est divisée en deux : une partie se déploie dans le Mont-Liban, et dépend donc du général Aoun, alors que l’autre partie se déploie dans le Nord du pays, et dépend donc du général Khatib. En ce qui me concerne, j’ai fais comprendre aux officiers que rien n’a changé par rapport à eux car ils recevaient leurs ordres et ils continuerons à les recevoir de moi. En tout cas, je leur est fait comprendre que quoi qu’il arrive, leur mission est de sauvegarder leurs honneur militaire et de protéger les casernes, les institutions, les postes de garde, les soldats, le matériel et les armes en leur possession. Quant à ma position, je leur dis que je considère que le commandement légal de l’armée est situé à Yarzé sous les ordres du général Michel Aoun[177] ». Du côté Ouest, le général Ibrahim Chahine, commandant de la 1e Brigade, se considère plus méritant que le général Khatib pour réorganiser ce qui est appelé « les brigades nationales ». Et le général Mohammad Hajj, commandant de la région militaire de Beyrouth, considère la nomination de Khatib comme une tentative d’affaiblir le commandement militaire de Beyrouth.

    Le colonel Sami Khatib tient sa première réunion d’état-major avec les officiers situés à l’Ouest dans l’immeuble Spinney’s situé à Beyrouth-Ouest. « Assistent à la réunion : le directeur du service administratif de l’armée le colonel Loutfi Jaber, les commandants des régions militaires du Sud (général Abdel-Raouf Kanj), de Beyrouth (général Mohammad Hajj) et de la Békaa (général Ibrahim Chahine) ainsi que les commandants des brigades de l’armée situées à l’Ouest, qui sont : la 1e Brigade (général Ibrahim Chahine), la 2e Brigade (colonel Yehiya Raad), la 6e Brigade (général Abdel-Rahim Kanj), la 11e Brigade (colonel Amine Abou Assi) et la 12e Brigade (colonel Mohammad Saad). Assistent aussi à la réunion le sous-chef d’état-major du matériel (général Saïd Kaakour), le sous-chef d’état-major des Opérations (général Ghassan Daher) ainsi que d’autres officiers. Le général Khatib déclare au cours de cette réunion qu’il dispose de 6 brigades sous ses ordres, et qu’il va débuter une série de visite de terrain pour se rendre compte des besoins en équipements et en armements de ces brigades[178] ». La presse déclare plus tard que le général Khatib effectue ses visites sans pour autant visiter la 7e Brigade qui dépend territorialement de son commandement, à cause du refus des officiers de cette brigade de le recevoir. Le commandant de la région militaire Nord le colonel Naïm Farah a présidé une réunion dans la demeure de Omar Karamé à Tripoli à laquelle ont assisté 15 officiers à partir du grade de commandant. Les officiers affirment qu’ils sont prêts à accueillir le général Sami Khatib en tant que collègue et non en tant que commandant en chef de l’armée par intérim. Ils déclarent également à l’avocat Omar Karamé qu’ils ont décidé de ne pas se joindre au commandement de Khatib, car ils sont toujours en contact et ils travaillent toujours de concert avec le commandement de l’armée de Yarzé. Le 22 novembre 1988, à l’occasion de la Fête de l’Indépendance, l’armée organise un défilé militaire symbolique au Commandement de l’armée à Yarzé comme chaque année, auquel assistent les ambassadeurs, les consuls et le corps diplomatique et consulaire. Au cours du défilé vont défiler une compagnie de l’Armée de l’Air, une compagnie des Forces Navales, une compagnie des Forces de Sécurité Intérieure, une compagnie des Douanes, une compagnie de la Police Militaire, une compagnie de commandos des Maghawir, une compagnie de la Moukafaha, des escadrilles d’avion de chasse Hawker Hunter et d’hélicoptères, ainsi que des unités des 5e, 7e, 8e, 9e et 10e Brigades. Le général Aoun va présider le défilé en tant que Premier ministre du gouvernement militaire provisoire, entouré de ses ministres les généraux Edgard Maalouf et Issam Abou Jamra. Du côté Ouest, a lieu un autre défilé au sein de la caserne Henri Chéhab, auquel assiste le général Sami Khatib en compagnie de 6 généraux syriens. Au cours du défilé, vont défiler des compagnies des 1e, 2e, 6e, 11e et 12e Brigades.

     

    Guerre économique de l’Ouest contre le gouvernement militaire provisoire du général Michel Aoun

     

    Vu que la Banque Centrale où sont accumulées les espèces de l’Etat libanais est située à Beyrouth-Ouest, le gouvernement démissionnaire du président Hoss prend des mesures visant à priver le gouvernement militaire du général Aoun de tous moyens financiers. Le gouverneur de la Banque Centrale Edmond Naïm est obligé d’exécuter les directives du gouvernement Hoss, surtout après que Walid Joumblatt l’ait mis en garde contre toute tentative de transférer des fonds à « l’armée de Yarzé[179] ». Sous la pression des milices de Beyrouth-Ouest, la Banque Centrale exécute la décision du Premier ministre démissionnaire Hoss de transférer tous les avantages financiers alloués au Commandement de l’armée pour l’année 1989 au Commandement du général Sami Khatib. « Ces avantages sont :

                -33 millions de LL pour meubler les bureaux du Commandement de l’armée.

                -400 millions de LL pour différents aménagements.

                -15 millions de LL pour assurer la papeterie des bureaux.

                -100 millions de LL pour l’entretien des locaux et des dépôts de carburants.

                -150 millions de LL pour assurer les salaires des soldats ralliés au Commandement de Khatib[180] ».

    Un appel est fait aux militaires vivant à l’Ouest de Beyrouth afin qu’ils se rallient au commandement du général Sami Khatib et quittent leurs postes d’affectation dans les zones Est. Ceci est très dangereux, car auparavant un appel a été lancé dans le même sens aux soldats afin qu’ils quittent leurs postes d’affectation et qu’ils se rallient aux unités dépendant d’Ahmad Khatib au Nord et au Akkar, chose que certains vont faire. Mais ils seront vite rappelés à l’ordre et regagneront leurs positions d’affectation initiales après que leurs soldes ne leur sont plus versées. La Banque Centrale refuse dans le même temps de verser au gouvernement du général Aoun d’autres sommes que celles qui vont servir à payer la solde et les pensions des militaires qui lui sont restés fidèles. Ces mesures financières vont pousser le général Aoun à lancer un avertissement au gouverneur de la Banque Centrale, et à ordonner aux unités de l’armée sous son contrôle de fermer le point de passage du Musée, surtout après que les soldats de la 6e Brigade ont empêché les militaires habitant à l’Ouest de se rendre à leurs lieux d’affectation dans les régions Est. Il interdit aux camions transportant le carburant, la farine et les denrées alimentaires de se rendre dans Beyrouth-Ouest.

     Le gouvernement légal sous la présidence du général Aoun se réunit le 6 décembre et déclare que « la situation est dangereuse et qu’elle menace les capacités de l’Etat à survivre[181] ». Au sujet de la fermeture du point de passage Musée-Barbir, le Conseil des ministres déclare que « le Commandement de l’armée a décidé de fermer ce passage à la suite de l’exposition des officiers et militaires qui sont obligés de l’emprunter pour se rendre à leur lieu d’affectation situé dans la zone Est, ainsi que quelques personnalités, grands fonctionnaires et citoyens, à des harcèlements de la part des préposés à la garde du point de passage du côté Ouest qui vont de l’interdiction de se rendre à l’Est aux menaces et aux insultes[182] ». Le général Aoun refuse d’accepter une solution proposée par le gouverneur de la Banque Centrale Edmond Naïm et qui consiste à libérer des fonds pour les dépenses de l’armée divisés en parts égales entre l’armée sous les ordres de Aoun et celle sous les ordres de Khatib. Il insiste pour que les crédits qu’il a demandés à la Banque Centrale soient entièrement versés, surtout en ce qui concerne les crédits dédiés à l’achat de carburant pour l’armée, sans oublier ceux consacrés à l’achat d’autres matériels militaires comme les uniformes,… Le général Aoun décide également la réactivation de la Chambre d’Opérations Aéro-Navale et lui donne pour instructions de commencer le travail immédiatement en assurant la protection de l’espace aérien national. « Le 12 décembre 1988, les points de passage entre l’Est et l’Ouest, et notamment celui du Musée –Barbir, a connu une situation confuse avec le début des examens d’entrée à l’Ecole Militaire de Fayadiyé. Une source militaire décrit la réouverture du point de passage Musée –Barbir après 11 jours de fermeture est un premier pas destiné à faire montre de bonne volonté dans le cadre des règlements en attendant des démarches similaires de l’autre côté[183] ». Une autre source militaire annonce que les soldats de la 6e Brigade préposés au point de passage Musée –Barbir « ont empêché les militaires de passer à partir de 10h30, et des coups de feu d’intimidation ont été entendus pour dissuader les personnes qui décident de passer malgré les consignes, et dans les deux sens[184] ». Les mêmes sources militaires affirment que des militaires syriens ont empêché les citoyens dont l’âge varie entre 18 et 23 ans de traverser les deux points de passage de Monteverde et du pont de Madfoun de rentrer en zone Est de peur de leur enrôlement en tant qu’élèves-officiers auprès de l’Ecole Militaire de Fayadiyé afin de présenter l’examen psychologique qui a débuté la veille. Une source de la 6e Brigade a assuré de son côté que le barrage d’Ojjeh n’a empêché aucun citoyen de traverser entre les deux zones de Beyrouth. L’envoyée spéciale du Diyar a cependant relevé que des miliciens sont présents au barrage d’Ojjeh, et que ce sont eux qui interdisent aux citoyens de traverser en direction de l’Est.

    Comme chaque année, le général Michel Aoun délivre des décrets de promotion équitables et justes pour l’ensemble des officiers de l’armée après que le Conseil Militaire les ait étudiés et les ait présentés au Conseil des ministres. Malgré le fait que les promotions de cette année n’ont pas été généreuses, le commandement du général Khatib les refuse et se met au travail pour décréter des promotions qui ne concernent pas les officiers restés fidèles au commandement de Yarzé. Début décembre également, le général Khatib publie les promotions au sein de son commandement qui concernent nombre d’officiers de confession musulmane. Le 20 décembre 1988, le gouvernement démissionnaire de Sélim Hoss décide d’appliquer les promotions des officiers de l’armée et des Forces de Sécurité Intérieure que le général Khatib a préparées. Les différences entre les deux listes de promotions sont :

                -Le colonel Issam Abou Jamra n’est pas promu général.

                -Les officiers dépendant du commandement du général Sami Khatib sont les seuls bénéficiaires des promotions.

    La compétition entre les deux commandements de l’armée dépasse la question militaire et économique pour atteindre la presse. Le commandement de Sami Khatib décide de faire paraître une autre revue de l’armée « Al-Jaych » qui lui est propre, et désigne le colonel Ali Harb directeur de l’Orientation.

     

    Accrochages limités entre l’armée et les Forces Libanaises

     

    Début 1989, des accrochages limités vont avoir lieu entre l’armée libanaise dirigée par le général Aoun et les Forces Libanaises dans la zone Est. En effet, l’armée cherche à asseoir son autorité totale sur les régions Est dans le but de stopper les impôts illégaux payés par la population aux Forces Libanaises, et qui font perdre des sommes énormes aux autorités légales. Ceci va entraîner des tensions qui vont se traduire par des accrochages limités géographiquement, en certains points sensibles des régions Est. Le 7 février 1989, tandis que des commandos du Régiment des Maghawir s’entraînent à opérer des missions spéciales dans une zone neigeuse à Ouyoun el-Simane, zone de déploiement du Bataillon 72 qui dépend de la 7e Brigade, ils sont pris à partie par des éléments des Forces Libanaises qui pratiquent la même activité. Ceci va entraîner une rixe à main nue, qui va se transformer en bataille rangée avec l’utilisation d’armes légères, entraînant de nombreux blessés. A la suite de cet accrochage, le commandant du front de Ouyoun el-Simane le commandant Charles Chikhani, va faire procéder à l’arrestation d’un certain nombre d’éléments des Forces Libanaises impliqués dans l’affaire qui sont remis à la Police Militaire. Le jeudi 9 février 1989, une colonne de voitures de la Police Militaire des Forces Libanaises se rend à Ouyoun el-Simane, et les éléments faisant partie de cette colonne se déploient sur les colline qui permettent le contrôle du front, et commencent à s’avancer en position d’attaque vers le commandement du front dépendant de l’armée. Voyant cela, les soldats présents dans la zone du commandement du front de Ouyoun el-Simane se mettent en état d’alerte ainsi que le Bataillon 72, et ordre leur est donné d’ouvrir le feu sur les éléments des Forces Libanaises s’ils continuent à avancer. A ce stade, des négociations ont lieu entre les Forces Libanaises et le commandant Michel el-Mir du Service de Renseignements de l’armée pour la zone du Mont-Liban, qui aboutissent au retrait des éléments de la Police Militaire des Forces Libanaises du front de Ouyoun el-Simane. Le 10 février, les accrochages se renouvellent entre des éléments des Forces Libanaises et des commandos du Régiment de Maghawir, cette fois-ci dans la région de Jdeidé. Ces accrochages vont s’étendre à la région de Nahr el-Mott et ses environs, provoquant la fermeture des routes et des coups de feu entre les belligérants. Les Commandements de l’armée et des Forces Libanaises vont s’employer à limiter les accrochages en prenant quelques mesures sécuritaires : les soldats de l’armée sont retenus, l’interdiction de circuler est décrétée et des dispositions de prudence et de défense sont prises dans les casernes et les postes militaires. Cette situation instable dans les régions Est va durer jusqu’au vendredi 10 février au soir, lorsque les deux commandements se mettent d’accord pour mettre fin à toute présence milicienne sur les routes. Malgré cela, les dispositions de prudence des forces armées libanaises restent en place jusqu’au dimanche 12 février. Après cet accord entre les deux commandements, les Forces Libanaises vont libérer quelque 30 militaires de différents grades parmi lesquels on peut compter 6 officiers, et la restitution de trois camions de type Rio, cinq 4x4 de type Land Rover, en plus des véhicules privés des militaires. Le commandement de l’armée organise une réunion avec tous ses officiers le 13 février 1989, au cours de laquelle le général Aoun déclare que la responsabilité des affrontements entre l’armée et les Forces Libanaises incombe exclusivement à ces dernières.

     

    La première guerre entre l’armée libanaise et les Forces Libanaises (14 au 20 février 1989)

     

    Après le 12 février 1989, la situation reste tendue entre l’armée et les Forces Libanaises, et les rapports de la Direction des Renseignements de l’armée font état de mouvements de troupes suspects entrepris par les Forces Libanaises. « Les barrages de l’armée du général Khatib empêchent toujours les militaires de traverser les points de passage entre les deux Beyrouth. De plus, la 2e Brigade agit de la sorte dans le Nord du pays, mais la 7e Brigade se charge de leur transport. Une calme accompagné de prudence règne dans les régions Est, accompagné d’une mobilisation générale dans toutes les casernes et tous les postes des Forces Libanaises. Le déplacement des militaires est interdit dans toutes les régions. Les Forces Libanaises agressent des commandos isolés du Régiment des Maghawir. Les Forces Libanaises installent un barrage au rond-point Salomé, mais leur commandement nie cela. Des éléments des Forces Libanaises entreprennent d’investir le domicile du commando Kehdi el-Masri appartenant au Régiment des Maghawir située à Bourj Hammoud, et l’enlèvent vers une destination inconnue où ils le battent avant de le remettre en liberté. La présence d’éléments armés est observée dans les régions suivantes : derrière la maison d’édition Dar el-Kitab à Tayyouné, près de l’immeuble Philips boulevard Sami el-Solh, à Aïn el-Remmaneh, à Furn el-Chebback, à Dora. Cette présence milicienne est accompagnée le plus souvent de tirs d’intimidation. De plus, deux voitures de types Range Rover et Renault à l’intérieur desquelles se trouvaient des miliciens sont passées devant les postes de garde de l’Ecole des Sous-Officiers, l’Ecole de formation des Maghawir et l’Ecole d’application d’Infanterie, ouvrant le feu sur les préposés à la garde des bâtiments et institutions précités[185] ».

    Le rapport de la Chambre d’Opérations du Commandement de l’armée relate les faits suivants pour le 13 février 1989 : « Un commando du Régiment de Maghawir préposé au poste de garde de l’Ecole des Sous-Officiers d’Adma a ouvert le feu sur deux voitures dans lesquelles se trouvaient des miliciens qui ont ouvert le feu sur le poste. Le barrage de la 6e Brigade situé au point de passage des Franciscaines à Badaro empêche les militaires de se rendre dans les régions Est. Au Nord, le barrage de la 2e Brigade permet aux soldats de la 7e Brigade de traverser vers les régions Est. Le barrage de Monteverde autorise aux militaires le passage vers les régions Est. A Sodeco, des éléments armés se sont postés près du cimetière juif. Des éléments armés à l’intérieur de deux voitures garées au rond-point Salomé vérifient les identités des passants[186] ». Le 14 février 1989, tous les rapports qui proviennent de la Chambre des Opérations du Commandement de l’armée à Yarzé font état des faits suivants :

    « -La route Tripoli –Beyrouth est ouverte aux militaires dans les deux sens.

    -Les Forces Libanaises gardent leurs forces mobilisées dans les régions de Beyrouth et du Mont-Liban.

    -Les miliciens préposés au barrage de Barbara ont agressé le commando Abdel Rahman al-Chami Abdallah du Régiment de Maghawir.

    -Des miliciens des Forces Libanaises tentent de confisquer et d’occuper une villa au lieu-dit Kafra –Mar Sassine dans la région de Monteverde. Cette villa donne sur une batterie de la 3e Compagnie qui dépend du Bataillon 85[187]. Les soldats de la 3e Compagnie arrêtent le groupe de miliciens composé d’officiers et de trois éléments armés qui appartiennent à la caserne Milad Habchi des Forces Libanaises située à Monteverde[188] ».

    Le 14 février 1989 voit également d’autres incidents qui vont déclencher une riposte de l’armée libanaise, ainsi :

    « -4 véhicules blindés sur roues des Forces Libanaises empruntent la route de Hadeth jusqu’aux postes du Bataillon 51 puis rebroussent chemin.

    -3 patrouilles des Forces Libanaises composées de 3 ou 4 véhicules blindés patrouillent de Jbeil vers le rond-point Salomé[189] ».

    -4 véhicules de transport de troupes blindés venant du Nord vers Beyrouth ouvrent le feu en l’air devant la caserne de Sarba.

    -Un barrage armé des Forces Libanaises est dressé dans la région de Nahr el-Kalb, et un autre barrage est dressé par les Forces Libanaises dans la région de Zalka –Amaret Chalhoub.

    -Les Forces Libanaises décrètent la mobilisation générale dans leurs rangs.

    -3 Jeeps des Forces Libanaises se postent au rond-point Hayek, et des miliciens se déploient près de la Banque Chiha et Pharaon ainsi que sur les toits des immeubles.

    -A 20h10, le barrage des Forces Libanaises près de l’Eglise Saint-Antoine de Jdeidé arrête une voiture civile et oblige un militaire libanais à en descendre, puis les miliciens conduisent ce dernier vers une destination inconnue.

    -Le barrage des Forces Libanaises dans la région de la Buick coupe la route au niveau du croisement de Sami el-Solh.

    -A 23h20, la 10e Brigade arrête le lieutenant Maurice Saghbini des Forces Libanaises avec en sa possession un fusil M16.

    -A 23h45, un déploiement de miliciens est enregistré à Wadi Chahrour et Houmal, accompagné d’une mobilisation dans le village de Boutchaï.

    -Une colonne de 7 véhicules de transport de troupes blindés appartenant aux Forces Libanaises se dirige de la région de Laklouk en direction de Jbeil[190] ».

    En riposte à ces déploiements et à ces actions militaires hostiles, le Commandement de l’armée décide de réagir, et le général Michel Aoun envoie une note d’opération à la Chambre des Opérations de l’armée à Yarzé, qui comporte les dispositions suivantes :

    « Suite aux ordres du commandant en chef de l’armée, nous vous demandons de prendre les dispositions suivantes :

                1-Dresser des barrages sur les axes principaux devant les entrées des casernes dans le but d’empêcher le passage des miliciens et de les arrêter, et d’empêcher la circulation des militaires.

                2-Le reste des forces armées libanaises se tient prêt à intervenir là où la situation l’exige.

                3-Il faut respecter les dispositions de cette note dès sa parution, et jusqu'à nouvel ordre.

                4-L’état-major de la Chambre des Opérations de l’armée est prévenu de l’exécution de la note[191] ».

    Cette décision du Commandement de l’armée va entraîner une réaction violente de la part des Forces Libanaises, qui va déclencher des accrochages violents contre l’armée libanaise dans toute la région Est. En plus de cette note, le général Aoun donne ses ordres à travers la Chambre des Opérations aux 8e et 10e Brigades, chacune dans le cadre de sa zone de déploiement, de monter des opérations offensives afin de nettoyer la zone Est dans la région du Metn-Nord, du Metn-Sud, de Baabda et de Beyrouth-Est de toute présence milicienne et d’encercler le Quartier Général des Forces Libanaises situé dans la région de la Quarantaine en préparation à des opérations futures. Selon le plan établi par la Chambre des Opérations de l’armée, la 8e Brigade doit dégarnir le front de Souk el-Gharb en envoyant une division d’infanterie et une compagnie de chars qui vont suivre la route Souk el-Gharb –Bdadoun –Wadi Chahrour –Hadeth –Furn el-Chebback, et une autre force qui doit suivre l’axe Dahr el-Wahch –Araya.  La 10e Brigade doit, quant à elle, prendre son départ du front de Douar en suivant les deux axes Bickfaya –Antélias et Broummana –Monteverde –Mkallès –Salomé –Nahr el-Mott. La Moukafaha, les Maghawir, la Police Militaire et les 5e, 7e et 9e Brigades sont chargées d’effectuer d’autres missions, dans le cadre de leurs zones de déploiement. En ce qui concerne les opérations sur le terrain qui vont débuter le 15 février 1989 dans la zone Est et qui vont se dérouler sous la direction du général Aoun en personne, elles vont être entreprises de la façon suivante :

                1-La 10e Brigade :

                            *Elle démantèle le barrage des Forces Libanaises de Delb et prend le contrôle de la caserne des Forces Libanaises située à Dahr el-Souan.

                            *Elle s’avance jusqu'à Antélias où elle prend le contrôle de la place de la ville à 17h15. Des accrochages vont avoir lieu sur la place d’Antélias lorsque les soldats vont tomber dans des embuscades tendues par les miliciens.

                            *Des accrochages violents vont éclater entre la 10e Brigade et les miliciens des Forces Libanaises à Monteverde.

                2-La 8e Brigade :

                            *Une embuscade est tendue à Bdadoun par les miliciens des Forces Libanaises contre la 8e Brigade qui va avoir pour bilan 3 soldats morts et 4 blessés dont le lieutenant Milad Halala, ce qui va déclencher des accrochages violents dans le village.

                            *La 8e Brigade réussit à avancer sur l’axe Bdadoun –Wadi Chahrour –Hadeth –Galerie Semaan –Chevrolet –Tahwita et à annuler toute apparence armée dans les rues.

                3-La 7e Brigade :

                            *La 7e Brigade prend le contrôle de la caserne des Forces Libanaise de Ouyoun el-Simane et arrête un officier et deux miliciens de cette milice.

    Les affrontements continuent dans la région Est, dont notamment :

    « -L’attaque des positions du Bataillon 52 de l’armée déployé autour des deux ministères de la Poste et des Finances.

    -Le point de ralliement des chars de la caserne de Asr Noura à Sinn el-Fil est encerclé par le Sud.

    -Des affrontements violents ont lieu aux ronds-points Salomé et Hayek.

    -Les Forces Libanaises coupent la route Aïn el-Remmaneh –Furn el-Chebback.

    -Les miliciens s’enfuient de la région de la Buick (Badaro) où une unité du Bataillon 127 se déploie.

    -Trois chars M48 des Forces Libanaises se dirigent de Dbayé vers Nahr el-Mott.

    -La 8e Brigade reçoit l’ordre d’envoyer deux compagnies de chars en direction du ministère de la Défense à Yarzé pour démanteler les barrages installés sur la route.

    -Une colonne de 10 transports de troupes blindés des Forces Libanaises se déplace de la région de Kaslik vers Beyrouth.

    -Des transports de troupes se des Forces Libanaises se déplacent de Dékouané vers Mar Roukoz, et d’autres de Ajaltoun et Koleïate vers Hemlaya.

    -Les miliciens des Forces Libanaises déployés sur les fronts de Ouyoun el-Simane et de Akoura s’apprêtent à se retirer de leurs positions en direction de Beyrouth.

    -Les miliciens des Forces Libanaises se rassemblent dans la région de Dbayé sur l’autoroute et dans les casernes de Dbayé, avant de se diriger vers Antélias.

    -La 8e Brigade détruit une Jeep des Forces Libanaises à Bdadoun.

    -Une unité de la 8e Brigade occupe la caserne de la Police Militaire des Forces Libanaises à Wadi Chahrour.

    -Les Forces Libanaises encerclent le Poste de Commandement du Bataillon 72 à Nahr Ibrahim, où se trouve un poste logistique servi par 15 militaires.

    -Une colonne des Forces Libanaises qui se déplace de Ghazir en direction de Beyrouth est prise à partie par les militaires de la caserne d’Adma (Maahad el-Taalim) qui ouvrent le feu sur elle, provoquant des pertes en hommes et en matériel et l’explosion des munitions que la colonne transportait.

    -L’armée occupe la caserne de Araya.

    -Les soldats du Bataillon 72 postés à Ouyoun el-Simane encerclent le poste des Forces Libanaises situé au niveau de la région des télésièges, et donnent le choix aux miliciens soit de renoncer à l’encerclement de leur Poste de Commandement à Nahr Ibrahim, soit de s’apprêter à subir une attaque qui pourrait complètement les détruire.

    -Le Bataillon 72 occupe la caserne des Forces Libanaises à Hrajel.

    -Chute de la caserne des Forces Libanaises de Bsouss aux mains des unités de la 8e Brigade.

    -Les Forces Libanaises proposent au commandant du Bataillon 72 de négocier avec elles, mais celui-ci refuse.

    -Le capitaine Fahmi Oueidate est tué à Hadeth.

    -La 8e Brigade prend le contrôle de la caserne de Karm à Haret el-Majadila.

    -La caserne Rachid Geagea de Hadeth n’est pas attaquée suite à la demande expresse du colonel Nadim Asmar des Services de Renseignements du Mont-Liban.

    -Le poste de Awkar de la 5e Brigade est renforcé après avoir subi des pressions militaires de trois côtés. En montant cette opération, les Forces Libanaises ont pour but de faire pression sur l’Ambassade des Etats-Unis située dans la région.

    -Une unité de la Moukafaha prend le contrôle de la caserne Pepsi Cola à Hazmieh.

    -L’artillerie des Forces Libanaises lance un terrible bombardement à partir de toutes ses batteries, auquel riposte l’armée par des tirs de contre-batterie.

    -8 transports de troupes blindés équipés de canons de DCA quittent le QG des Forces Libanaises à la Quarantaine et se dirigent vers le Palais de Justice, avant d’encercler la Compagnie d’Electricité.

    -La caserne de Monteverde des Forces Libanaises se rend à la 10e Brigade.

    -A 12h30, les Forces Libanaises occupent le poste de la Mazda sur la ligne de démarcation.

    -Une division d’infanterie de la 2e Brigade de Tripoli est mise à la disposition de la 7e Brigade pour se positionner au Nord du pont de Madfoun en préparation d’opérations futures en direction du barrage de Barbara.

    -Une compagnie de la 7e Brigade (8 transports de troupes blindés, 2 Jeep équipées de canons sans recul de 106 mm, deux systèmes de missiles antichars MILAN, ainsi que deux mortiers de 120 mm) prend position à Madfoun en direction du barrage de Barbara en préparation d’opérations ultérieures.

    -Les Forces Libanaises renforcent le barrage de Barbara avec deux chars et postent 8 chars dans la région de Maad –Aïn Kfaa. Elles bombardent également le barrage de la 7e Brigade à Madfoun sans pour autant enregistrer aucune riposte de la part de l’armée. Les Forces Libanaises vont aussi dresser des barricades et miner la route côtière allant de Madfoun vers Barbara.

    -A 13h10, des batailles violentes ont lieu à Antélias, engagées par la 10e Brigade qui contrôle la place de la ville.

    -A 13h55, la 8e Brigade prend position à Sinn el-Fil et contrôle par le feu l’axe Olivetti –Palais de Justice –caserne du Chemin de Fer –cimetières.

    -A 14h, le barrage de Awkar dépendant de la 5e Brigade et que défendent 20 militaires tombe au main des miliciens.

    -A 16h20, les belligérants décident de cesser-le-feu à 16h30.

    -Les miliciens investissent les positions de la compagnie d’artillerie 751 situées à Nahr el-Mott[192]».

    Le 16 février 1989, les Forces Libanaises affirment que les exigences du général Aoun en vue de l’acceptation d’un cessez-le-feu demandent que :

    « -Les Forces Libanaises doivent remettre le 5e Bassin du Port de Beyrouth au contrôle de l’armée.

    -Les Forces Libanaises doivent cesser de prélever des impôts dans les régions Est.

    -Les Forces Libanaises doivent dissoudre le Conseil National du Développement.

    -Le gouvernement doit contrôler les médias des Forces Libanaises[193] ».

    A ce moment-là, des sources proches du général Aoun déclarent que ses exigences réelles sont :

                1-Le retrait des Forces Libanaises de la zone du Beyrouth administratif.

                2-Les Forces Libanaises doivent remettre à l’armée tous les ports illégaux et arrêter de prélever des impôts.

                3-Les Forces Libanaises doivent dissoudre le Conseil National du Développement.

                4-La volonté des députés doit être libérée.

    Après un accord de principe de la part des Forces Libanaises afin de mettre en œuvre les exigences du général Aoun, le Commandement de l’armée décide un cessez-le-feu total sur tous les fronts. Le général Aoun demande dans une note adressée aux officiers de:

    « 1-respecter un cessez-le-feu total quelles que soient les circonstances car il a été décidé que les Forces Libanaises se retireront à 17h30 de toutes les positions qu’elles occupent à l’exception d’Antélias –Nahr el-Mott –Chevrolet –Salomé –Hayek.

    2-Sur ordre, et après s’être assurées du retrait des miliciens, l’armée se retire de toutes les positions qu’elle occupe pour se rendre dans ses positions de départ, pendant que les Forces Libanaises se retirent des 5 positions susmentionnées.

    3-Couvre-feu et interdiction de circuler quelles que soient les raisons à partir de 17h30.

    4-Cette disposition ne concerne pas les postes situés sur les lignes de démarcation traditionnelles[194] ».

    Au cours de la journée du 16 février 1989, des violations du cessez-le-feu sont enregistrées. Les miliciens des Forces Libanaises vont ainsi lancer des opérations de francs-tireurs qui vont entraîner des morts et des blessés dans les rangs de l’armée. Le 17 février 1989, le cessez-le-feu semble résister et les Forces Libanaises exécutent leurs retraits comme prévu. Mais les barrages et les patrouilles des Forces Libanaises continuent d’agresser les militaires et leurs familles, organisant leur enlèvement et leur poursuite. Au cours d’une conférence qui se tient au ministère de la Défense à Yarzé le 17 février à 11h30, le général Aoun accuse les Forces Libanaises d’avoir tenté d’accaparer le Pouvoir en se débarrassant du gouvernement légal et en mettant définitivement la main sur les régions Est sous le prétexte de quelques incidents sur le terrain. Suite à cette conférence de presse, une réunion a lieu à Bkerké entre le Patriarche et les personnalités maronites, en la présence du docteur Samir Geagea. Les personnalités réunies décident notamment de condamner toute utilisation de la violence à l’intérieur des régions Est, de s’assurer du respect du cessez-le-feu de façon définitive et de l’arrêt des accusations mutuelles à travers la presse, du retrait des miliciens des Forces Libanaises des rues et leur rassemblement dans les casernes, d’œuvrer à assurer un climat propice à l’élection d’un nouveau président de la République. Nous pouvons dire que l’offensive du général Aoun contre les Forces Libanaises qui dure du 14 au 17 février 1989 trouve un appui populaire et politique qui se traduit par des télégrammes d’encouragement envoyés du Nord, de la Békaa, du Sud et de Beyrouth-Ouest qui parviennent au ministère de la Défense. L’avocat Omar Karamé qui est devenu le plus fervent détracteur de l’armée après l’assassinat de son frère Rachid, déclare que « tout le Liban appuie l’armée qui fait face au complot » et autorise la 2e Brigade déployée à Kobbé –Tripoli de mettre un Bataillon à la disposition de la 7e Brigade qui devra se déployer au Nord du pont de Madfoun en vue d’opérations futures dans les régions Est contre les Forces Libanaises. Les Marada de Zghorta appuient également l’armée, et mettent leur milice ainsi que la radio et la télévision du parti à la disposition du Commandement de l’armée libanaise de Yarzé. Dans le village de Kobeyate, une manifestation d’appui à l’armée à laquelle participent 10000 personnes est organisée et se dirige vers la caserne de Andket. La revue Al-Massira, organe de presse des Forces Libanaises, lance quant à elle une campagne de dénigrement du général Michel Aoun, en précisant qu’il a collaboré avec les Forces Libanaises sous le nom de code « Raad ». Le 18 février 1989, le général Aoun organise une réunion avec les commandants de brigades, les chefs d’état-major et les commandants des unités rattachées au commandement de l’armée au cours de laquelle il précise ses exigences pour mettre fin à l’état de guerre avec les Forces Libanaises. De plus, cette réunion est consacrée à l’autocritique de l’opération qui a eu lieu. Le lundi 20 février 1989, une réunion surprise a lieu entre le général Michel Aoun et le docteur Samir Geagea à Yarzé pour analyser la situation dans les régions Est. Après la réunion, des sources proches des deux responsables affirment que cette dernière a été positive. Les points positifs de l’offensive de l’armée contre les Forces Libanaises sont :

    -l’armée prend en charge le Port de Beyrouth ainsi que le 5e Bassin.

    -les Forces Libanaises abolissent leurs impôts dans les régions Est.

    -le barrage des Forces Libanaises placé dans la région de Barbara est démantelé, privant ces dernières des impôts versés par les personnes venant du Nord ou partant vers le Nord.

    -le point de passage du Port est rouvert à la circulation le 27 février 1989.

    -la coopération entre le gouvernement militaire provisoire et le gouvernement sortant de Salim Hoss est mise en place, puisque Hoss donne l’ordre à l’armée de Khatib de prendre le contrôle des ports illégaux situés dans la partie Ouest de la capitale et approuve l’ouverture du point de passage du Port.

    -l’arrêt des campagnes de presse et de la guerre informationnelle entre les deux gouvernements libanais.

    -le gouvernement Hoss, afin d’occulter une partie des succès du général Aoun qui a réussi à prendre le contrôle militaire des régions Est, entreprend d’envoyer au Liban-Sud une force de l’armée de Khatib composée de 500 soldats des 6e et 12e Brigades accompagnés d’une compagnie de chars.

    -Robert Frangié annonce que les Marada sont disposés à remettre le port de Selaata entre les mains des autorités libanaises légales.

    -le docteur Samir Geagea chef des Forces Libanaises renouvelle son appui au gouvernement militaire de transition, et met sa milice à la disposition du général Aoun.

    -le général Aoun affirme que l’armée ouvre ses portes à toute personne qui veut résister à l’occupation étrangère.

     

    La guerre de Libération ( mars-septembre 1989)

     

    Début mars 1989, avec la réactivation de la Chambre d’Opérations Maritime à Yarzé et sa reprise des opérations le lundi 6 mars afin d’interdire aux navires à destination du Liban d’accoster dans les ports illégaux, et de les diriger vers le Port de Beyrouth afin de prendre l’autorisation d’emprunter les eaux territoriales libanaises avant d’être dirigés vers un des autres ports légaux (Saïda, Sour, Tripoli) ou de rester au Port de Beyrouth. Cette décision est considérée par Walid Joumblatt comme une forme de blocus sur la région du Chouf. Le général Khatib, quant à lui, donne des ordres aux unités sous son commandement qui consistent à fermer le point de passage du Port le 7 mars. Le 8 mars 1989, la tension sécuritaire commence violemment sur le front de Souk el-Gharb. Malgré cette tension, les Forces Aériennes et les Forces Navales libanaises continuent leur mission et empêchent les navires d’accoster dans les ports illégaux. Pendant ce temps, les forces syriennes présentes au Nord du pays préviennent le Commandement de l’armée du fait que les navires et les avions dépendant de lui ne doivent pas s’approcher de la région Nord. Le 11 mars 1989, faisant suite aux avertissements lancés par Walid Joumblatt, Nabih Berri et le général Khatib à propos de la crise des ports illégaux, et après la détérioration de la sécurité sur le front de Souk el-Gharb sur l’initiative du PSP après le refus du général Aoun de légaliser les ports de Khaldé et de Jiyé, le ministère de la Défense à Yarzé et les résidences des officiers à Haret el-Sett sont bombardés violemment.

    Le 14 mars 1989, les batteries d’artillerie de la Montagne commencent à l’aube le bombardement des régions Est, notamment la région du ministère de la Défense à Yarzé, où le bureau du commandant en chef est atteint de plein fouet par des tirs directs. Dès 6h du matin, les obus commencent à pleuvoir sur le Port de Beyrouth, sur les abords du Port de Jounié, avant d’atteindre toutes les régions Est. A 7h30, des obus s’abattent sur le croisement de l’UNESCO –Verdun faisant 13 morts et des dizaines de blessés. Suite à ces bombardements inattendus et violents, des accrochages violents ont lieu sur les fronts de la Montagne qui s’étendent de Souk el-Gharb –Aïtate à Ras el-Jabal, Aley, Dahr el-Wahch et Chouit. A 13h, des obus de 122 mm commencent soudain à s’abattre sans interruption sur le ministère de la Défense. Nombre de ces obus va s’abattre sur le bureau du commandant en chef de l’armée, entraînant sa destruction, tandis que d’autres vont finir leur course devant la cantine au moment du repas, provoquant la mort de 4 militaires. Il est à noter que le 14 mars 1989 toutes les batteries d’artillerie de l’armée syrienne ont participé activement aux côtés de leurs alliés locaux aux bombardement violents des régions Est. L’armée libanaise riposte sur les sources de tirs, détruisant plusieurs batteries et provoquant des morts et des blessés dans les rangs de l’armée syrienne. Au cours d’une conférence de presse l’après-midi même, le général Aoun déclare la guerre de Libération. Cette annonce n’empêche pas l’armée syrienne de continuer jusqu’au 21 mars le bombardement des ports de Beyrouth et de Jounié afin de provoquer leur fermeture, des régions Est et notamment la côte du Kesrouane et du Metn. En plus des bombardements, des attentats à la voiture piégée ont lieu dans les régions Est, et notamment l’attentat qui se produit devant la boulangerie Abou Habib sur l’autoroute de Zalka et qui provoque des dizaines de victimes entre morts et blessés. L’armée de l’air israélienne de son côté bombarde une base militaire palestinienne dans la Békaa. Suite aux demandes répétées de la Commission arabe quadripartite qui cherche à trouver une issue diplomatique à la crise, le général Aoun promet de ne pas répliquer aux bombardements. Mais cinq jours plus tard, voyant que les bombardements violents sur les régions Est perdurent et que personne ne fait rien pour les empêcher, le commandement de l’armée ordonne à l’artillerie libanaise de riposter sur les sources de tirs ennemies à partir du 19 mars 1989.

    A partir du 21 mars 1989, il est possible d’observer sur tous les fronts tenus par le Mouvement National, les palestiniens prosyriens et les syriens des mouvements de troupes comme suit :

                -Front de Beyrouth : le mouvement Amal, le PSP et le Hezbollah tiennent le front avec un appui de l’armée syrienne.

                -Front de la Montagne : les miliciens du PSP sont dirigés vers l’arrière du front, alors que les palestiniens prosyriens passent en première ligne.

                -Front de Douar : le front de Douar est tenu par le PNSS et le PCL.

                -Front de Madfoun : le front de Madfoun est tenu par l’armée syrienne qui renforce sa présence dans la région de Batroun et déploie de nouveaux renforts toute la nuit du 21 au 22 mars.

    Les renseignements disaient que le 21 mars 1989, la situation allait se détériorer sur tous les fronts, ce qui va pousser le commandement de l’armée libanaise à mobiliser ses unités et à renforcer tous les fronts. A la même date, l’armée de Khatib boucle tous les points de passage entre l’Est et l’Ouest. La nuit du 25 au 26 mars des bombardements qualifiés par des experts comme faisant partie des plus violents de la guerre du Liban ont lieu entre l’armée libanaise appuyée par les Forces Libanaises d’un côté, et l’armée syrienne appuyée par les milices du Mouvement National de l’autre. Ces bombardements vont englober la totalité des régions libanaises, de la Békaa au Mont-Liban, sur une surface d’une largeur de 100 Km et d’une longueur de 80 Km. Selon les sources de l’armée libanaise, l’artillerie de cette dernière a utilisé le tiers de ses capacités, alors que l’armée syrienne et ses alliés locaux disposent de pas moins de 300 pièces d’artillerie à leur disposition. Le 5 avril 1989, des bombardements aveugles de zones résidentielles ont lieu contre Beyrouth-Est, Beyrouth-Ouest, la banlieue Sud, le Metn-Nord, le Metn-Sud, Aley, Kesrouane, la Békaa et Jbeil. Certains obus vont même atteindre les maquis de Batroun au Nord pour la première fois depuis le déclenchement de la guerre de Libération. Les bombardements, plus ou moins violents, vont se répéter tout au long de la guerre de Libération, qui se fait à coups de canons, sans mouvements de troupes sur le terrain visant à conquérir de nouveaux territoires. Dès le début des affrontements, l’armée syrienne au Liban pousse les milices du Mouvement National et l’armée du général Khatib à monter sur les fronts, et se réserve la mission d’effectuer les bombardements depuis des zones sécurisées situées relativement loin des fronts. C’est ainsi que la 2e Brigade va déployer ses unités sur les fronts du Koura et du Haut-Batroun où se postent le Bataillon 21 et le Bataillon 23, entre Kour, Beksmaya, Abdelleh, el-Majdal et Khan Bziza. « Mais les unités de l’armée libanaise présentes au Nord n’avaient aucune envie de combattre leurs frères d’armes des unités dépendant du général Aoun. Malgré le déploiement des Bataillon 21 et Bataillon 23 qui totalisent 800 soldats dans le Koura et le Haut-Batroun, il ne reste sur le front que 90 d’entre eux. Les autres soldats quittent le front. Les derniers à quitter le front sont un officier et trois soldats qui vont rejoindre à pied la caserne de Amchit le 20 avril 1989, après avoir traversé les vallées et les forêts bordant le pont de Madfoun malgré le danger des mines qui infestent la zone[195] ». Le 27 avril, les chefs de gouvernements arabes réunis à Tunis décident d’adopter une série de mesures visant à ramener le calme et à faire adopter aux parties au conflit un cessez-le-feu total et définitif. Le gouvernement militaire provisoire du général Aoun adopte les décisions prises à Tunis, alors que le gouvernement démissionnaire de Hoss met en doute les intentions du général Aoun et de son gouvernement quant au fait de respecter les décisions de Tunis.

    Le Commandement de l’armée de Yarzé accepte la trêve et donne ses ordres afin que toutes les points de passage entre l’Est et l’Ouest soient rouverts à la circulation dans les deux sens. Mais le gouvernement de l’Ouest exige que les passages soient sujets à une autorisation préalable. En ce qui concerne la levée des blocus, le secrétaire général de la Ligue arabe adresse une lettre au général Aoun pour lui préciser que cette mesure englobe les ports légaux et illégaux, chose que le général Aoun va refuser. Le 3 mai 1989, suite à des pressions arabes et internationales, le général Aoun décide d’arrêter l’activité de la Chambre d’Opérations Maritime provisoirement et la levée du blocus des ports illégaux, à condition que cette mesure englobe également l’aéroport de Halate. Le cessez-le-feu annoncé par les ministres des Affaires Etrangères arabes à Tunis ne dure que trois jours. Dans la nuit du 1er au 2 mai 1989, à partir de minuit, la situation se détériore à nouveau avec violence sur tous les fronts traditionnels, notamment à la Montagne. Les bombardements violents atteignent diverses régions de Beyrouth-Est, Beyrouth-Ouest, le Metn-Nord, le Metn-Sud, la Montagne, Aley, Kesrouane jusqu'à Jbeil. La caserne de Fayadiyé est également la cible de tirs d’artillerie nourris qui détruisent de nombreux bâtiments. Le 7 mai, les régions Est sont atteintes par des milliers d’obus et de roquettes. Le but de cette flambée de violence déclenchée par les batteries d’artillerie syriennes postées à Beyrouth-Ouest et dans la Békaa est d’empêcher l’arrivée et le déploiement au Liban d’observateurs arabes du cessez-le-feu envoyés par la Ligue arabe. Pendant ce temps, Walid Joumblatt ajoute une exigence aux conditions de cessez-le-feu, et demande que les ports situés dans les régions Est soient contrôlés afin d’empêcher l’approvisionnement de l’armée libanaise en armes et munitions. Durant la même période, la Marine israélienne arraisonne un navire qui se dirige vers le Liban chargé d’armes et de munitions irakiennes destinées à l’armée du général Aoun. L’inventaire fait état de 34 chars T-55 à l’utilisation desquelles les soldats de la 7e Brigade et de la 9e Brigade s’étaient entraînés en vue de les utiliser dès leur réception, ainsi que des canons de 122 mm, des canons de 130 mm et des mortiers de 120 mm.

    Etant donné que les forces syriennes continuent à appliquer le blocus des régions Est par terre et par mer, le gouvernement militaire provisoire est confronté au problème de l’approvisionnement des régions sous son contrôle en denrées alimentaires de base, en essence et le mazout… Le blocus maritime instauré par l’armée syrienne était appliqué grâce à l’installation de deux radars modernes, l’un à Selaata et l’autre à Ras-Beyrouth, pour contrôler les va et viens des bateaux et pouvoir cibler leurs tirs sur les navires qui cherchent à forcer le blocus. En plus de cela, l’armée syrienne n’a pas cessé de bombarder continuellement les côtes du Kesrouane et de Jbeil à partir de leurs batteries d’artillerie postées à Selaata et Ras-Beyrouth. Le cessez-le-feu adopté suite aux décisions de la Ligue arabe n’englobe que les fronts terrestres selon les syriens, ce qui fait que le bombardement des côtes va continuer, notamment dans les régions de Kesrouane et de Jbeil, afin d’intercepter les navires qui cherchent à débarquer des denrées alimentaires de base, mazout, essence, fioul… dans les régions Est. Il est à constater que malgré les bombardements, les ports des régions Est vont continuer à recevoir les navires de moyen et petit tonnage, porteurs de produits d’approvisionnement de base. Le gouvernement militaire provisoire va charger l’armée de distribuer l’essence et le mazout aux stations d’essence sur tout le territoire qu’il contrôle.

    A la mi-mai 1989, pour la première fois depuis l’entrée de l’armée syrienne au Liban en 1976, l’aviation syrienne survole le territoire libanais, notamment au-dessus du front de Souk el-Gharb et de Dahr el-Wahch. Ce survol vient après que certaines agences de presse eurent évoqué le fait que les Forces Libanaises ont reçu en provenance d’Irak des missiles FROG d’une portée de 70 Km capables d’atteindre Damas s’ils étaient tirés à partir des limites de la zone Est. De plus, les agences de presse évoquent le fait qu’il est possible qu’un réseau défensif antiaérien composé de missiles SAM soit installé dans les régions Est, et notamment autour du palais présidentiel à Baabda, du ministère de la Défense à Yarzé, ainsi que sur les fronts. Les agences prétendent que ces missiles ont été prélevés sur les stocks d’armements abandonnés par les palestiniens et l’OLP en 1982, après leur retrait du Liban. Fin mai 1989, le mufti Hassan Khaled est assassiné par une voiture piégée placée auprès de son domicile, qui fait 20 morts et de nombreux blessés.

    Le 27 mai 1989, le général Aoun convoque les commandants de régions militaires, les commandant de brigade et les chefs d’état-major à une réunion qui se tient à l’Ecole de Guerre. Durant la réunion, le chef du gouvernement militaire provisoire évoque le Sommet des rois et chefs d’Etats arabes de Casablanca et ses décisions positives en ce qui concerne la guerre du Liban :

                a)Les Etats arabes affirment que le Liban est pluriel, et qu’il sert le monde arabe par ses apports intellectuels et culturels.

                b)La crise libanaise influe sur la sécurité de la Nation arabe, d’où les efforts continus déployés par les Etats arabes afin d’arriver à une solution qui ramènerait le Liban à une situation de sécurité et de stabilité.

                c)L’adoption d’un cessez-le-feu immédiat, total et définitif.

                d)Les chefs d’Etat arabes s’engagent à garder le Liban uni et à renforcer sa sécurité, son indépendance et sa souveraineté, et à refuser toute tentative de division du pays.

                e)Les Etats arabes soutiennent la reconstruction du Liban.

                f)Formation d’une Commission formée par les rois d’Arabie Saoudite et du Maghreb et par le président algérien avec pour mission d’accomplir les buts et les décisions du Sommet de Casablanca dans un délai maximum de six mois.

                g)Support des efforts libanais sur le plan international dans le but de mettre fin à l’occupation israélienne et des efforts de l’Etat libanais visant à étendre sa souveraineté sur tout le territoire libanais.

    Malgré le fait que le roi du Maghreb assure qu’il va annoncer le mardi 30 mai 1989 un plan de règlement de la crise libanaise, l’artillerie syrienne continue de bombarder les côtes de Jbeil et du Kesrouane afin d’empêcher l’approvisionnement des régions Est et de resserrer le blocus.

    Sur le plan militaire, plusieurs violations maritimes et terrestres du cessez-le-feu sont enregistrées, et les bombardements violents atteignent Jbeil où 30 obus tirés de Ras-Beyrouth, des côtes de Batroun et du Koura s’abattent sur ses côtes. Les positions de l’armée près du Tribunal Militaire sont également la cible de tirs de mitrailleuses et de roquettes, chose qui va entraîner la fermeture du point de passage du Musée.

    Depuis la déclaration de la guerre de Libération le 14 mars 1989, le général Aoun prend deux décisions importantes sur le plan militaire et qui vont le rendre encore plus populaire. Premièrement, il déclare que « tout le monde participe à la libération, chacun dans le cadre de sa spécialisation ». Il décide d’accepter les volontaires et de les intégrer dans l’armée dans les différentes brigades et unités. Cette décision va pousser nombre de médecins, d’ingénieurs, et d’experts dans les différents domaines à s’enrôler dans l’armée en tant que volontaires pour participer à libération de leur pays. Deuxièmement, il décide de créer une Brigade des Ansar, commandée par le colonel Michel Abi Ghanem qui se met de suite au travail afin de rassembler les volontaires, leurs assurer un entraînement militaire et les intégrer aux différentes brigades et unités de l’armée. Les conditions pour devenir membre de la Brigade des Ansar sont : avoir au minimum 17 ans et au maximum 25 ans. De plus, le volontaire doit signer un engagement d’un an renouvelable et il doit servir dans sa région d’origine. Un grand nombre de volontaires, pour la plupart des universitaires ou de jeunes diplômés, se présentent pour s’enrôler dans la Brigade des Ansar. Ils vont combler un grand vide dans les rangs des unités et brigades de l’armée sous les ordres du général Aoun.

    Tout au long des mois de juin et de juillet 1989, les opérations militaires ne vont pas être stoppées, malgré les tentatives arabes et internationales de règlement de la crise libanaise. Le mois de juillet verra l’armée libanaise exécuter deux actions commando à l’intérieur des lignes ennemies, l’une à Beyrouth-Ouest et l’autre sur le front de Souk el-Gharb. Dans la nuit du 21 au 22 juillet, l’armée libanaise exécute une opération audacieuse avec le concours des Forces Navales libanaises, qui débarquent des commandos chargés d’attaquer un poste militaire de l’armée syrienne, entraînant de nombreux morts et blessés. L’armée libanaise lance également un raid sur le village de Aïtate dans la zone de Souk el-Gharb tuant 12 soldats syriens. Toujours au cours du mois de juillet, de nombreux postes et positions de l’armée syrienne sont attaqués au Nord et à Beyrouth-Ouest.

    Le Commandement de l’armée à Yarzé confirme le fait que « pour la première fois, l’armée libanaise a riposté aux tirs provenant des batteries d’artillerie à longue portée syriennes postées à Selaata, Kfaraabida et sur la côte de Batroun. Une batterie d’artillerie postée à Selaata a été touchée de plein fouet entraînant de nombreux blessés parmi les soldats syriens qui sont dirigés vers l’hôpital de Batroun et l’hôpital de Haykaliyé à Tripoli ». Au milieu de la nuit du 31 juillet au 1er août 1989, la situation sécuritaire se dégrade, et les côtes du Kesrouane et de Jbeil ainsi que Aïn Mreïssé, la zone du Bain Militaire, Achrafieh et les abords du Port de Beyrouth sont la cible d’intenses bombardements. Après une brève interruption, les bombardements reprennent à l’aube. Vers 17h, les fronts s’embrasent et les bombardements visent les côtes de Jbeil, du Kesrouane, de Selaata et de Batroun. Le 4 août, la Commission tripartite arabe chargée de trouver une solution définitive à la crise libanaise annonce son échec et met en cause la Syrie. Pendant ce temps, les canons et les lance-roquettes multiples syriens continuent leurs bombardements aveugles sur les régions Est, entraînant des destructions, des morts et des blessés parmi la population civile. Ainsi, durant la nuit du 4 au 5 août, les tirs de mortiers de 240 mm syriens postés dans la Montagne sur la région de Fayadiyé atteignent un abri dans lequel s’entassent des civils, provoquant la mort de 11 d’entre eux ainsi que 60 blessés. Dans la nuit du 5 au 6 août, une famille entière est massacrée par un obus d’artillerie de 180 mm tombé sur leur abri. A partir du 11 août, l’armée libanaise déployée dans les régions Est et l’armée syrienne déployée dans les autres régions du pays vont entamer une nouvelle phase de la guerre de Libération qui va se caractériser par des bombardements réciproques intensifs et meurtriers qui vont atteindre les régions Est, Beyrouth-Ouest, le Chouf, le Haut-Metn, la Békaa et Baalbek. Du 11 au 13 août, le bombardement est ininterrompu de jour comme de nuit. L’armée syrienne va utiliser ses armes les plus lourdes et les plus destructrices durant cette période (mortiers de 240 mm, canons de 180 mm et 130 mm, lance-roquettes multiples) contre les régions Est, en concentrant ses tirs sur la zone du palais présidentiel, du ministère de la Défense et des régions environnantes. Les bombardements syriens vont cibler également les résidences des ambassadeurs américain et français, ce qui va pousser les Etats-Unis à intervenir et demander aux syriens d’arrêter les bombardements sur les populations civiles. Ce que l’on peut remarquer dans cette flambée de violence, c’est que pour la première fois depuis le déclenchement de la guerre de Libération les bombardements sont continus et ne s’arrêtent pas nuit et jour pendant trois jours. Ces bombardements ciblent essentiellement les casernes et les postes de l’armée libanaise, ainsi que la région qui s’étend de Hazmieh à Hadeth –Baabda –Fayadiyé et Yarzé. Il s’est avéré plus tard que ces bombardements avaient pour but de préparer le terrain en vue de lancer une offensive destinée à enfoncer le front de Souk el-Gharb.

     

    Bataille de Souk el-Gharb

     

    Le rapport ( numéro 60/L8/3S daté du 23 août 1989) du général Kallas commandant de la 8e Brigade relate les préparatifs de la bataille :

    « 1-Les faits :

                1-1)Le 1er août 1989 à 15h, la Compagnie 822+ du Bataillon 82 se positionne dans le secteur Kfarchima –Bsaba pour remplacer une unité du Bataillon 51, avec pour mission de défendre la zone qui s’étend du poste Nassar près de l’ancienne route de Saïda à Kfarchima jusqu’au poste Sakhra situé dans le village de Bsaba.

                1-2)Le 12 août 1989 à 10h, la 10e Brigade est renforcée par une Compagnie de chars du Bataillon 84 suite au bombardement ciblé des postes de la 10e Brigade à Dahr el-Wahch. Une section de chars s’installe sur les collines de Beit-Méry et une autre section de chars s’installe à Jamhour, d’où elles commencent à riposter aux tirs ennemis provenant du front de Aley –Dhour Abadiyé dans le but de transporter la bataille des premières lignes vers l’intérieur du front et obliger ainsi les forces adverses à éparpiller sa puissance de feu afin de soulager les postes avancés de l’infanterie.

                1-3)Le 13 août 1989 à 7h30, suite au bombardement intensif du front de Souk el-Gharb, qui ressemble à une préparation d’artillerie avant le lancement d’une offensive terrestre, le commandement de la 8e Brigade ordonne au Bataillon 83 et à la Compagnie 842 de se mobiliser et de se tenir prêts à intervenir en cas de besoin sur le front de Souk el-Gharb.

                1-4)Le 13 août 1989 à 9h15, le général Aoun contacte le commandant de la 8e Brigade le colonel Salim Kallas, et lui ordonne d’intervenir dans la zone de Souk el-Gharb, après que les milices alliées de Damas aient réussi à s’emparer de la Citadelle. Le colonel Kallas donne alors ses ordres aux unités de la 8e Brigade de s’équiper et d’être complètement mobilisées afin d’intervenir à Souk el-Gharb en vue d’appuyer la 10e Brigade. Un PC avancé est installé à Rihaniyé pour diriger les opérations, et la 8e Brigade est déployée dans une situation de combat comme suit :

                            -Le 1er Groupement Tactique composé du Bataillon 83 et de la Compagnie 843 sous les ordres du commandant du Bataillon 83.

                            -Le 2e Groupement Tactique composé du Bataillon 81 et de la Compagnie 841 sous les ordres du commandant du Bataillon 81.

                            -Le 3e Groupement Tactique composé du Bataillon 82 et de la Compagnie 842 sous les ordres du commandant du Bataillon 82 ».

    A 10h45,  les bombardements cessent complètement pour laisser place à une offensive qui sera l’une des plus meurtrières de la guerre du Liban, et qui sera connue sous le nom de « deuxième bataille de Souk el-Gharb ». En effet, les syriens vont lancer les miliciens du PSP et d’Amal ainsi que des palestiniens prosyriens à l’attaque du front de Souk el-Gharb. Ces derniers vont réussir à percer ponctuellement le front défendu par la 10e Brigade. Voyant cela, le commandement de l’armée renforce la 10e Brigade déployée à Souk el-Gharb avec deux compagnies de commandos des Maghawir et avec la 8e Brigade. Ces forces combinées parviennent à reconquérir le terrain pris par l’ennemi et à fixer le front.

    Les combats du 13 août 1989 ne se limitent pas au front de Souk el-Gharb. Ils vont englober les fronts du Haut-Metn et de Madfoun. Dans le Haut-Metn, sur le front de Douar et de Aïn el-Teffeha, des accrochages ont lieu entre l’armée syrienne et ses alliés locaux d’un côté, et la 5e Brigade de l’armée libanaise de l’autre. Au cours de ces accrochages, des postes de la 5e Brigade vont subir des assauts visant à les occuper, mais sans succès. La 5e Brigade résiste et parvient à tenir son front. Sur le front de Madfoun tenu par la 7e Brigade, des accrochages violents ont lieu au cours desquels les chars, l’artillerie, les mortiers, les canons de DCA, les roquettes et les mitrailleuses lourdes et moyennes vont être utilisés de part et d’autre. Ces affrontements durent également toute la nuit du 13 au 14 août, durant lesquels la 7e Brigade parvient à détruire 3 chars syriens à Kfaraabida, ainsi qu’à leur occasionner de nombreuses pertes en matériel et en vies humaines.

     

    Le 16 août, la situation sur les fronts traditionnels de Beyrouth, de la banlieue Sud et de la Montagne se dégrade. A l’aube, à partir de 4h du matin et jusqu'au matin, des accrochages ont lieu sur le front de Madfoun, entrecoupés par des tirs de mortiers et des tirs d’artillerie directe. Des sources des régions Est indiquent que l’armée syrienne a évacué son barrage sur le pont de Madfoun, laissant sur place des éléments du Service de Renseignements en tenue civile afin de masser ses troupes combattantes à l’entrée de Kfaraabida. L’agence Reuter de son côté rapporte les dires d’une source militaire qui annonce que la Syrie a massé ses troupes sur quatre fronts autour de la zone Est, et qu’elle a envoyé des renforts en chars et canons de campagne sur le front de Madfoun, ainsi qu’à Beyrouth et en Montagne. Après les bombardements aveugles dirigés sur Beyrouth et sa banlieue Sud ainsi que différentes régions de la zone Est à l’aube, des accrochages ont lieu l’avant-midi sur les fronts de Souk el-Gharb –Aïtate –Keyfoun en Montagne, et les francs-tireurs font leur apparition sur les fronts de Beyrouth et de la banlieue Sud. Les régions du palais présidentiel, Baabda, Fayadiyé et Yarzé sont soumises à des bombardements intermittents. A 12h, des obus s’abattent sur Ras el-Nabeh et la banlieue Sud, entraînant des blessés et des incendies. A 15h30, des accrochages violents ont lieu sur les fronts de Ras el-Nabeh, Musée –Barbir jusqu'à Tayyouné puis tout au long de l’ancienne route de Saïda jusqu'à arriver à Mar Mikhaël à Chiyah. Au cours de ces affrontements, les belligérants vont utiliser des chars et des roquettes de différents calibres. A 16h, les zones résidentielles situées de part et d’autre vont subir des bombardements aveugles, notamment les zones de Kaskas, Achrafieh, Palais de Justice, Tehwita et Furn el-Chebback. A 16h30, les accrochages s’intensifient et les obus s’abattent sur les quartiers de Tarik Jédidé, Mazraa, Mar Elias, Tallet el-Khayyat, Barbour, Noueiry, et les abords du camps palestinien de Sabra. Vers 17h, les bombardements visent le quartier de Mar Elias et les abords de la piste Ouest de l’Aéroport de Beyrouth. Dans le même temps, des accrochages violents ont lieu sur le front de Souk el-Gharb –Aïtate –Aley, Dahr el-Wahch –Araya –Chouit, entrecoupés par des bombardements réciproques qui atteignent les villes de Aley, Bayssour, Keyfoun, Baabda ainsi que quelques villages du Metn-Sud jusqu'à Kahalé, Khaldé et la route de Houmal. A partir de 18h, Khaldé et les abords de l’Aéroport International de Beyrouth sont la cible de bombardements, tandis que les accrochages violent continuent sur le front de Barbir –Musée et Kaskas. A 19h30, les affrontements reprennent avec violence sur les fronts de Souk el-Gharb Ras el-Jabal, Dahr el-Wahch –Aley, tandis que Aley ainsi que Bayssour et ses collines sont la cible de bombardements. Début septembre, la tension baisse sur tous les fronts ainsi que les bombardements aveugles, sans pour autant s’arrêter complètement. Mais les bombardements continuent contre les navires qui tentent de forcer le blocus des régions Est. Le général Aoun tient une conférence de presse le 3 septembre au cours de laquelle il attaque les Etats-Unis et leur fait porter la responsabilité du drame libanais. Suite à ce discours, le 5 septembre, le journaliste Gebrane Tuéni et ses supporters organisent le blocus de l’ambassade américaine à Awkar. Le lendemain, les autorités américaines procèdent à l’évacuation de l’ambassadeur et du personnel diplomatique par hélicoptère. A partir du 10 septembre 1989, un réchauffement des fronts se produit, accompagné de bombardements aveugles sur les quartiers résidentiels des régions Est qui vont entraîner de nouvelles destructions et de nouvelles victimes. Le 13 septembre, suite à un différend, un accrochage a lieu entre des éléments des Forces Libanaises postés à un barrage installé près de Afka et des habitants du village (majoritairement chiites, certains membres du Hezbollah et en relation avec l’armée syrienne postée à l’Est du village) au cours duquel des mitrailleuses lourdes seront utilisées. Ce qui attire l’attention, c’est que les forces syriennes vont riposter en tirant des obus de mortier sur les postes de la 7e Brigade positionnés dans le village de Mneytra. Ceci met en évidence le fait que les syriens essaient de créer des accrochages avec l’unité de la 7e Brigade postée dans Mneitra afin de donner une apparence confessionnelle au conflit et montrer que ce combat est un combat entre la 7e Brigade de l’armée libanaise (majoritairement chrétienne) et le Hezbollah chiite. Le 16 septembre, le Comité Tripartite arabe publie un communiqué qui demande un cessez-le-feu immédiat, total et définitif sur tout le territoire libanais ; la création d’un Comité de Sécurité libanais chargé de superviser le respect du cessez-le-feu et d’observer les navires suspectés de transporter des armes et des munitions ; la cessation du blocus maritime et l’ouverture de l’Aéroport International de Beyrouth ; pousser les Etats concernés à stopper tout support en armes et en munitions ; l’invitation des députés libanais à se réunir à Taëf afin de mettre au point du Document d’Entente Nationale le 30 septembre 1989, après la consolidation du cessez-le-feu, la cessation du blocus maritime et l’ouverture de l’Aéroport International de Beyrouth. Ce communiqué est accueilli favorablement par la Syrie et le Mouvement National, alors que les responsables politiques dans la zone Est sont sceptiques ainsi que le général Aoun. Le 22 septembre, le général Aoun déclare qu’il choisit le chemin de la paix, et donne au Comité Tripartite l’occasion de mettre fin à la crise libanaise. Le 23 septembre 1989, au cours d’une conférence de presse télévisée, le général Aoun déclare au peuple qu’il met un coup de frein à la guerre de Libération en attendant de voir les résultats des tractations arabes. Le Comité de Sécurité tient sa première réunion le 23 septembre 1989, et décide de décréter un cessez-le-feu immédiat sur tout le territoire libanais, l’ouverture des routes, des points de passage, de l’Aéroport International de Beyrouth et des ports. Le 21 octobre 1989, le général Aoun déclare son refus des accords de Taëf au cours d’une conférence de presse qui a lieu au palais présidentiel de Baabda. Le 23 octobre, les manifestations populaires dans les régions Est débutent. Elles appuient le général Aoun et rejettent l’accord de Taëf. Le lendemain, une grève générale est décrétée dans les régions Est et 150000 manifestants se dirigent vers Baabda pour affirmer leur appui au général Aoun. Le 26 octobre 1989, les habitants du Kesrouane sont surpris de voir que des tracts contre le général Aoun et signés « Alliance des Officiers Chrétiens Libanais » sont distribués à Jounié. Ces tracts invitent la population à ne pas suivre le général Aoun dans sa marche vers la libération qui n’a apporté jusque-là que souffrance, mort et destruction. Le général Aoun ne tarde pas à réagir, et il renvoie six officiers supérieurs devant le Conseil de Discipline car « ils ont contrevenu aux ordres du commandement de l’armée et ils ont distribué des tracts contre l’armée et ses efforts pour libérer le pays ». Le 3 novembre 1989, le général Aoun déclare que si le Parlement actuel procède à l’élection d’un président de la République, cette élection est anticonstitutionnelle, en mettant l’accent sur le fait que cette élection ne peut pas avoir lieu à la Base Militaire de Kleyaate au Liban-Nord, car cette dernière est occupée actuellement par l’armée syrienne. Il demande aux députés de l’Est de revenir dans les régions libres. Voyant que les députés se sont mis d’accord pour élire un nouveau président, le général Aoun décide le 4 novembre à 5h du matin de tenir un Conseil des ministres d’urgence qui décide d’émettre un décret dans lequel il annonce la dissolution du Parlement. Le lendemain, malgré la dissolution du Parlement, les députés se rendent à la Base Aérienne de Kleyaate sous contrôle syrien et élisent René Mouawad comme président de la République par 52 voix. En guise de réaction à cette élection, le général Aoun déclare que « ce qui se passe à Kleyaate ne nous intéresse pas, et nous agirons comme si rien ne s’était passé ». Suite à cette élection, des manifestations monstres de protestation ont lieu dans les régions Est, et les clochers des églises sonnent le tocsin. Les manifestants molestent le Patriarche maronite dans son siège de Bkerké, ce qui le pousse à se réfugier à Dimane, sa résidence d’été. L’élection du président Mouawad provoque des dissensions au sein des forces politiques dans les régions Est, car les Kataëb et les Forces Libanaises n’ont pas la même interprétation de cette élection que le général Aoun et son gouvernement militaire de transition. Le 22 novembre 1989, le président René Mouawad reçoit les félicitations pour la Fête de l’Indépendance en compagnie des présidents du Parlement Hussein Husseini et du Conseil Sélim Hoss. En quittant le siège du gouvernement de l’Ouest situé à Hamra après la cérémonie, René Mouawad est assassiné dans l’explosion d’une voiture piégée au passage de son convoi. Il s’est avéré que l’explosion est due à une charge de 250 Kg d’un produit fortement explosif qui a été mise à feu à distance par télécommande au passage du convoi. Le 24 novembre, le Parlement se réunit de nouveau à Chtaura et décide d’élire Elias Hraoui pour succéder à René Mouawad. Ce dernier demande à Sélim el-Hoss de former un nouveau gouvernement. A Beyrouth-Ouest, le général Ahmad el-Khatib publie un communiqué dans lequel il annonce mettre à la disposition du nouveau gouvernement les unités de l’armée libanaise sous son commandement. Le nouveau gouvernement Hoss se réunit et émet plusieurs décrets, parmi lesquels celui qui nomme le général Emile Lahoud commandant en chef de l’armée. Suite aux agissements et aux décisions du nouveau gouvernement de l’Ouest, et suite aux nouvelles qui parviennent dans les régions Est selon lesquelles la Syrie masse ses troupes afin d’enfoncer une fois pour toutes les fronts et d’occuper les régions restées libres du Liban, la population intensifie le phénomène des manifestations populaires autour du palais de Baabda, afin de servir de boucliers humains et d’empêcher tout bombardement et toute offensive des unités syriennes contre les régions Est. Le 29 novembre, « le commandant de l’aviation militaire israélienne met en garde la Syrie disant que toute tentative d’intervention de l’aviation syrienne dans l’espace aérien libanais pourrait entraîner une confrontation avec Israël[196] ».

    Fin novembre 1989, les services de renseignements de l’armée libanaise observent l’arrivée de 35000 soldats de la 4e Brigade syrienne qui viennent renforcer les fronts qui entourent la zone Est. Les Mig-19 de l’armée de l’air syrienne effectuent des vols de reconnaissance au-dessus des positions de l’armée qu’ils photographient. Pendant ce temps, l’armée libanaise déclare la mobilisation générale parmi ses troupes après que le président Hraoui ait menacé de lancer une offensive avec l’aide de la Syrie pour reprendre le palais de Baabda. Pour protéger le général Aoun, un sit-in immense est organisé par des manifestants autour du palais de Baabda afin que ces derniers servent de boucliers humains contre toute offensive qui pourrait être dirigée contre le général Aoun. Plusieurs facteurs vont pousser les Kataëb et les Forces Libanaises à rentrer dans la bataille aux côtés de l’armée. Le facteur le plus déterminant est la menace d’attaque syrienne contre les régions Est pour en déloger le général Aoun. Ensuite, nous pouvons évoquer le survol de la région de Jbeil par des hélicoptères syriens, ce qui va pousser la 7e Brigade à faire circuler des patrouilles dans toute la région de crainte que les syriens ne procèdent à des héliportages de troupes d’élites sur les arrières du front. Le 29 novembre 1989, au cours d’une conférence de presse, le Dr. Samir Geagea déclare que les Forces Libanaises participeront côte à côte avec l’armée à la défense des régions Est, suivi de près par une déclaration similaire du parti Kataëb. Le 4 décembre, des renseignements provenant du commandement de l’armée parviennent au commandement de la 7e Brigade, disant que « Dans la nuit du 4 au 5 décembre 1989 les Bataillon 71 et Bataillon 73 (bataillons d’infanterie motorisée) de la 7e Brigade et le Bataillon 24 de la 2e Brigade (bataillon de chars) vont lancer une attaque sur le front Nord, soit sur l’axe de Madfoun, soit sur l’axe Chebtin –Sghar. Dans le même cadre, les informations disent que le Bataillon 72 posté sur le pont de Madfoun va assurer le passage de cette force sans combat vers les régions Est. Il s’avérera que ces rumeurs étaient infondées et dénuées de sens. Malgré la fausseté de ces renseignements, le commandant de la 7e Brigade lance la mobilisation générale de ses troupes notamment sur le front de Madfoun, où le Bataillon 72 met deux compagnies d’infanterie motorisée et une compagnie de chars en alerte permanente. De même, la caserne de Amchit met en état d’alerte une compagnie de chars et deux sections d’infanterie motorisée, ainsi que le Bataillon 75 d’artillerie. Les informations qui proviennent du Nord disent que 4 chars T-54 du Bataillon 24 de la 2e Brigade ont pris position à Dhour Kfaraabida tandis que 4 autres chars du même type prennent position dans les collines de Eddé (Batroun). 3 chars de l’armée libanaise ont été vus en train d’être déplacés sur des portes-chars syriens de la région de Amioun vers Kousba. Il s’est avéré que le Bataillon 24 de la 2e Brigade équipé de chars T-54 a été dépêché à Batroun ainsi que le Bataillon 25 d’artillerie dépendant de la même brigade, entre le 7 et le 8 décembre 1989[197] ». Pour faire face à toutes ces rumeurs, le commandement de la 7e Brigade décide à partir du 6 décembre de monter des embuscades dans tous les vallons et toutes les vallées qui s’étendent de l’Est de Madfoun jusqu'à arriver dans les hauteurs de Fghal, de façon à pouvoir observer toute la région à partir de nombreux petits postes dans lesquels se trouvent au moins un officier.

    Une guerre psychologique fondée sur la propagation de fausses rumeurs qui ont pour but de déstabiliser les rangs de l’armée libanaise commence, surtout axée sur certains commandants de brigade, et notamment :

    « -Une fausse rumeur concernant le commandant du Régiment des Maghawir, le colonel Hicham Chahine, selon laquelle il a tenté de passer à l’Ouest et a été blessé au pied lorsqu’une unité de la Police Militaire l’en a empêché par les armes.

    -Une rumeur selon laquelle le commandant de la 8e Brigade le colonel Salim Kallas a quitté son poste et s’est dirigé vers la Békaa. Pour démentir cette rumeur, le général Aoun convoque le 13 décembre le colonel Kallas, et le fait apparaître derrière lui sur le balcon du palais présidentiel durant une manifestation.

    -Le 14 décembre, La Voix de la Montagne et La Voix du Peuple diffusent de fausses nouvelles selon lesquelles le général Sami Rihana commandant de la 7e Brigade a tenté de faciliter le passage de l’armée du Nord. Lorsque le plan a été découvert, la 8e Brigade a été envoyée à Jbeil pour tenir le front Nord et mettre aux arrêts de rigueur le général Rihana.

    Ces rumeurs poussent la Direction de l’Orientation au sein du Commandement de l’armée à publier un communiqué pour démentir toutes ces fausses rumeurs et rassurer la population civile.

    Durant la même période également, le ministre de la Défense du gouvernement Hoss, M. Albert Mansour, décide d’arrêter le payement des salaires des militaires sous les ordres du général Aoun.

    Le 9 décembre 1989, pour se démarquer de l’armée du général Aoun et mettre l’accent sur leur participation à la guerre de Libération, les Forces Libanaises et les Kataëb décident d’organiser la « Journée de la Résistance » (Yaoum al-Moukawama) dans l’enceinte du Quartier Général des Forces Libanaises à la Quarantaine. Pour assurer le bon déroulement de cette journée, les Forces Libanaises prennent les dispositions suivantes :

                1-Elles mobilisent tous ses services : presse, politique, militaire.

                2-Elle assurent le lien avec les citoyens libanais habitant les régions Est et les invite à assister aux activités de la journée.

                3-Elles tapissent à outrance les rues de drapeaux, d’images, de slogans partisans.

                4-Elles déchirent les photos du général Aoun, ses slogans ainsi que les calicots qui proclament le soutien de la population au général Aoun. Ceci va entraîner des problèmes notamment dans la région de Jbeil, où le chef d’état-major des Forces Libanaises le général Fouad Malek et le commandant de la 7e Brigade de l’armée le général Sami Rihana vont veiller à les régler pacifiquement.

                5-Les entraînements sportifs et les marches matinales des miliciens des Forces Libanaises vont se faire plus nombreux devant les casernes de l’armée.

    Mais le temps pluvieux et la tempête poussent les Forces Libanaises à repousser la date de l’événement au mardi 26 décembre. Dès le dimanche 24 les régions Est vivent dans une atmosphère lourde aggravée par les états d’alerte générale décrétés réciproquement dans les rangs de l’armée et des Forces Libanaises. Voyant qu’il n’avait pas réussi malgré la grande mobilisation de tous ses moyens, à attirer plus de 150000 personnes, le Dr. Geagea prononce un discours équilibré et dans lequel il appuie les décisions du général Aoun, sans pour autant le suivre dans tous ses choix stratégiques. Ceci va entraîner des tensions qui vont se traduire par des accrochages limités entre les militaires du général Aoun et les miliciens du Dr. Samir Geagea, qui vont aller en s’intensifiant jusqu’au déclenchement par le chef du gouvernement militaire provisoire de la guerre d’élimination des Forces Libanaises et d’unification du fusil chrétien. Dans la nuit du 2 au 3 janvier 1990, le domicile du colonel Adel Sassine commandant de la Police Militaire est la cible d’une attaque armée qui quatre morts parmi les soldats chargés de garder ce dernier. Un communiqué est publié par la Direction de l’Orientation de l’armée, qui dit que « dans la nuit de mardi 2 au mercredi 3 janvier 1990, une force ennemie s’infiltre de Kortada vers Beit-Méry et attaque le domicile du colonel Adel Sassine commandant de la Police Militaire dans le but de créer la panique dans les régions libres en faisant croire que l’opération a été organisée par un acteur interne de la région Est contre les responsables de l’armée. Les militaires chargés de la garde du domicile en question sont intervenus et ont empêché les assaillants d’arriver à leurs fins, entraînant des pertes parmi ces derniers ». Dans une conférence de presse le 3 janvier 1990, le général Aoun affirme que l’opération a été organisée et réalisée par des acteurs situés hors des régions Est.

    Suite à l’augmentation de l’insécurité dans les régions Est, le gouvernement militaire provisoire prend le 16 janvier 1990 deux décisions importantes qui visent à renforcer l’autorité de l’Etat et de l’armée dans les régions Est. La première décision consiste à faire circuler des patrouilles de nuit motorisées des 5e Brigade et 7e Brigade afin d’interdire les abus et les attaques des citoyens. La 5e Brigade effectue ces patrouilles dans la région de Bickfaya –Douar, et la 7e Brigade dans la région de Jbeil –Amchit –Nahr Ibrahim. Il est à noter que les unités des Forces Libanaises sont fortement déployées dans les régions de Bickfaya et de Jbeil. Un communiqué publié par la Direction de l’Orientation de l’armée dit que « 1-En application des ordres du Premier ministre le général Michel Aoun, et dans le but de mettre un terme aux exactions et aux vols qui ont fortement augmenté ces derniers temps, les responsables des organes sécuritaires qui englobent l’armée et les Forces de Sécurité Intérieure, il a été décidé de lancer des patrouilles et la mise en place de barrages dans les régions libres destinés à arrêter les suspects. 2-Les citoyens doivent contacter immédiatement le poste militaire le plus proche s’ils détiennent des informations pouvant aider les organes de sécurité à remplir leur mission ». La deuxième décision prise par le gouvernement Aoun est l’interdiction aux organes de presse libanais de donner leurs titres officiels aux responsables de l’Ouest, « car ces derniers ont usurpé leurs titres ».

     

    La guerre d’élimination des Forces Libanaises, ou guerre d’unification du fusil chrétien

     

    Le 30 janvier 1990, le général Aoun lance la guerre d’unification du fusil dans les régions Est contre les Forces Libanaises. Ces dernières donneront à cette guerre le nom de « guerre d’élimination ». A partir de ce moment, l’armée libanaise se retrouve dans une situation difficile, et obligée de combattre sur deux fronts : le front externe contre les syriens et leurs alliés locaux, et le front interne contre les Forces Libanaises. Le 31 janvier, suite à l’incident de l’école Amar à Furn el-Chebback, les accrochages violents commencent entre l’armée du général Aoun et les Forces Libanaises dans toute la zone Est.

    Les opérations offensives de l’armée libanaise vont se concentrer sur les axes suivants :

                -Dékouané –Jdeidé –Nahr el-Mott.

                -Sinn el-Fil –Achrafieh –Quarantaine.

                -Hazmieh –Aïn el-Remmaneh.

                -Antélias –Dbayé.

                -Daraya –Koleiyate –Achkout.

                -Salomé –Nabaa.

                -Galerie Semaan –Galerie Ittihad.

    Ceci dans le but de créer une zone que l’armée contrôle complètement entre Beyrouth, le Metn et Dbayé, afin de pouvoir compléter l’offensive en direction du Nord, et pouvoir faire leur jonction avec les forces de l’armée situées au Kesrouane et à Jbeil, ce qui lui permettra de contrôler totalement les régions Est. Les Forces Libanaises se trouvent déployées en grand nombre et bien armées de chars et d’artillerie dans les régions de Jbeil et du Kesrouane. Ceci va les pousser à lancer des attaques contre les positions de l’armée dans ces régions. Bien avant le déclenchement de la guerre d’élimination, les Forces Libanaises se sont posté de façon à encercler les postes et les casernes de l’armée situés à Jbeil et dans le Kesrouane. Cela va leur permettre de prendre possession de ces postes et casernes durant l’attaque qu’ils lancent le 2 février 1990. Toutes les casernes et tous les postes de la régions tombent aux mains des Forces Libanaises, à l’exception de la caserne d’Adma où se trouvent le Maahad el-Taalim et deux compagnies de commandos des Maghawir qui vont résister jusqu’au 17 février avant d’être évacués vers les zones contrôlées par le général Aoun. L’armée libanaise contrôle Beyrouth, Baabda, le Metn jusqu'à arriver à Dbayé, à l’exception d’Achrafieh, Nabaa, Dora et la Quarantaine. Des opérations offensives sont lancées par l’armée afin de prendre le contrôle total des régions Est, dont notamment :

                -la bataille de Dbayé qui tombe sous le contrôle de l’armée le 9 février.

                -l’attaque lancée par l’armée sur le front de Daraya –Koleiyate qui lui permet d’atteindre les abords de Achkout. Mais le commandement décide de s’installer à Koleyate jusqu'à l’hôtel Saint Roc, tandis que l’Est du village reste sous le contrôle des Forces Libanaises. Les observateurs et analystes militaires vont se poser la question de savoir pourquoi l’armée n’a pas continué sous sa lancée afin d’atteindre la région d’Adma et briser l’étau qui enserrait sa caserne, sans arriver à une réponse probante.

                -la bataille de Aïn el-Remmaneh qui tombe sous le contrôle de l’armée le 16 février 1990.

                -une attaque menée sur les deux fronts, celui de Sinn el-Fil –Quarantaine et celui de Salomé –Nabaa Jdeidé –Galerie Ittihad. Après l’arrivée des chars de l’armée aux ponts de la Quarantaine et à l’hôpital Saint-Joseph de Dora, le commandement de l’armée leur donne l’ordre de se replier. Au cours de cette dernière attaque, le Dr. Samir Geagea tient une conférence de presse dans laquelle il reconnaît comme seule légalité dans les régions Est celle du gouvernement militaire provisoire du général Aoun et donne son accord pour appliquer les six points présentés par le Comité de Sécurité afin de cesser les combats, dont le plus important stipule que les Forces Libanaises doivent se retirer au Nord de Dbayé.

    Le 17 février 1990, les Forces Libanaises lancent une offensive contre la caserne d’Adma qui va se traduire par de très durs et violents affrontements au cours desquels beaucoup de morts et de blessés vont tomber des deux côtés, sans toutefois que les Forces Libanaises ne parviennent à enfoncer la ligne de front de l’armée. Cependant, suite à la médiation du Comité de Sécurité, un accord est trouvé pour cesser le combat, qui consiste à retirer les éléments de l’armée ainsi que tout leur matériel d’Adma en direction des zones sous le contrôle du général Aoun le jour-même.

    Les accrochages entre l’armée et les Forces Libanaises vont se transformer en guerre d’usure accompagnée de bombardements réciproques. Les nouvelles lignes de démarcation internes se répartissent comme suit :

    -A Beyrouth : Musée –Palais de Justice –Jisr el-Wati –Salomé –Galerie Ittihad –usine de bière.

                -Au Metn : Dbayé –Koleiyate –Baskinta –Kfar Oukab.

    Le 30 mars 1990, des accrochages qui vont durer 4h30 ont lieu le matin sur les fronts internes du Kesrouane –Metn de la côte jusqu'à arriver à Aley et le Metn-Nord. Un cessez-le-feu intervient vers 9h, mais il ne sera pas respecté. Après une courte période de calme précaire vers 12h, les accrochages vont se renouveler sur les fronts du Kesrouane et de Beyrouth. Les bombardements réciproques vont atteindre les zones résidentielles dans le Metn-Nord, le Kesrouane et le Ftouh Kesrouane. De plus, le point de passage de la Galerie Ittihad est fermé à cause de l’activité des francs-tireurs qui commence à partir de 13h15, avant d’être rouvert à 14h20 selon des sources des Forces Libanaises. Une source militaire résume la situation sécuritaire comme suit : « Les bombardements ont commencé à 6h du matin, visant les régions du Metn-Nord, de sa côte ainsi que l’autoroute au niveau d’Antélias. Les positions de l’armée ainsi que les zones résidentielles dans le Haut-Metn et le Kesrouane sont aussi la cible de bombardements. Ces bombardements violents vont durer jusqu'à 10h30. Puis un calme précaire s’installe, qui va durer jusqu'à 12h.  De 12h à 14h, les positions de l’armée et les quartiers résidentiels de Bauchrieh, Dora et Jdeidé sont la cible de bombardements provenant des zones sous le contrôle des Forces Libanaises. De plus, des tirs de francs-tireurs sont enregistrés sur les positions de l’armée à Koleiyate. Tout au long de la journée, l’armée a adopté une stratégie de riposte qui s’est limitée à bombarder les positions des Forces Libanaises d’où provenaient les tirs d’artillerie qui ciblaient les quartiers et les zones résidentielles ». Avec l’approche de la nuit, la situation se dégrade de nouveau sur les axes de la côte du Metn, d’Achrafieh et du Palais de Justice où sont enregistrés des tirs de mitrailleuses légères, moyennes et lourdes ainsi que des tirs de DCA accompagnées de tirs d’obus de mortiers et de RPG. Des obus vont ainsi s’abattre sur des zones résidentielles à Achrafieh, dans la zone du Palais de Justice, à Badaro et sur la côte du Metn-Nord et provoquer de nombreux incendies, dont le plus important se déclare dans la région de Sami el-Solh. A partir de 19h, les accrochages et les bombardements baissent d’intensité sur les axes de la côte du Metn-Nord et de Beyrouth.

    Le 24 avril, la journée est relativement calme à l’exception de quelques tirs espacés sur les fronts internes. A partir de 18h, les accrochages s’intensifient sur les axes du Kesrouane et du Metn-Nord de Kanat Bakich et Sannine à Koleiyate, Feytroun, Daraya, Ajaltoun jusqu'à Dbayé et Jeita, et des obus s’abattent sur les abords de la ligne de démarcation. Puis tous les fronts vont s’embraser, et l’espace des affrontements va s’étendre pour englober les axes de la côte du Metn-Nord et de Beyrouth, à Bauchriyeh, Dora, Sinn el-Fil, Nabaa, Achrafieh et la zone du Palais de Justice. A partir de 20h, les bombardements s’intensifient et des obus s’abattent sur Bickfaya, Zabougha, Kfar Okab, Kornet Chehwane, Feytroun, Kfar Debiyan, Bekaatouta, Achkout, Reyfoun, Ballouné, Aïntoura, Daroun, Sehaylé, Zouk Mosbeh, Sahel Alma, Haret Sakher, Kaslik, Jounié, Beit-Mery, Mansouriyé, Aïn Saadé, Mkallès, Roumié, Fanar, Bsalim, Jal el-Dib, Antélias, Naccache, Nabaa, Dora, Quarantaine, ainsi qu’à Achrafieh et Gemmayzé. Vers 21h, des obus vont également s’abattre sur des quartiers résidentiels de Beyrouth-Ouest limitrophes des lignes de démarcation entre Beyrouth-Est et Beyrouth-Ouest, notamment Ras el-Nabeh, Khandak el-Ghamik, Zokak el-Blatt et Wadi Abou-Jmil. La situation sécuritaire continue à se détériorer jusqu'à 22h, après l’échec de plusieurs tentatives d’arriver à un cessez-le-feu, les obus atteignant Monteverde, Hazmieh, Baabda, Jamhour et Kahalé. Vers 22h15, les bombardements perdent progressivement en intensité avant de s’arrête complètement, laissant la place à des tirs sporadiques de mitrailleuses. Les bombardements vont provoquer un grand nombre de morts et de blessés.

    Le 16 mai 1990 dès le matin, les bombardements ciblent les régions d’Achrafieh et de Jounié, ainsi que des villages du Metn-Nord, du Kesrouane et du Metn-Sud faisant 4 morts et 23 blessés. Suite au bombardement matinal, des accrochages violents vont jalonner la journée et la soirée, qui vont s’intensifier vers 17h notamment sur les axes d’Achrafieh et ses environs ainsi que Daraya –Koleiyate. Les accrochages et les bombardements se sont poursuivis douze heures durant dans les régions Est. Le Père Boulos Naaman annonce un accord de cessez-le-feu total sur tous les fronts de la région Est, à Beyrouth, au Metn et dans le Kesrouane, qui entre en application à partir de 21h. L’Associated Press affirme que 400000 citoyens libanais ont fui les régions Est en direction des régions sous contrôle syrien ou vers l’étranger depuis le déclenchement de la guerre d’élimination, et que les pertes du secteur industriel atteignent un million de dollars. Une source de l’armée donne des informations sur les actes de guerre qui se sont déroulés durant cette journée en disant : « après le bombardement de Koleiyate à l’aube, les bombardements et les tirs de francs-tireurs vont atteindre au matin les zones résidentielles de Nahr el-Mott –Zalka –Sadd el-Bauchriyé –Salomé –Sinn el-Fil –Horch Tabet –Musée –Barado. A 9h, les miliciens reprennent leur bombardement sur les positions de l’armée à Koleiyate avant de les étendre sur les zones résidentielles de Broummana, Baabdate, Bickfaya et Kfar Okab. Les tirs des francs-tireurs sur Sinn el-Fil entraînent la mort d’un civil. Dans l’après-midi, des bombardements violents sont de nouveaux dirigés contre les régions de Bickfaya, Kfar Okab, Daraya, Tallet Tamraz, Broummana, Baabdate, Fanar et Mansouriyé. Ces derniers vont atteindre plus tard les régions de Nahr el-Mott, Jdeidé, Sinn el-Fil, le Metn, Jall el-Dib. Le soir, les bombardements sont dirigés sur Badaro et le Musée, ainsi que sur Aïn el-Remmaneh ».

    Le 22 mai 1990, la situation sécuritaire se détériore l’après-midi sur les fronts internes, les bombardements atteignant la quasi-totalité des régions Est, tandis que les points de passage restent fermés pour la 4e journée consécutive. En effet, à partir de 13h30, les obus vont s’abattre avec une intensité démente sur les régions résidentielles. Les bombardements vont atteindre le Metn-Nord et sa côte, Achrafieh, le Kesrouane ainsi que sa côte jusqu'à arriver à Jbeil. Les bombardements vont garder la même intensité jusqu'à 19h30, où ils commencent à prendre en intensité. Au cours des bombardements, les belligérants vont utiliser toute la panoplie d’armes destructrices en leur possession : canons de campagne, lance-roquettes multiples, ainsi que des obus incendiaires au phosphore. L’agence de presse Reuters affirme que les bombardements ont fait 8 morts et 30 blessés, et ont provoqué de nombreux incendies à Achrafieh, Sinn el-Fil, Nabaa et Aïn el-Remmaneh. Pendant les échanges d’artillerie, certains obus vont s’abattre sur Beyrouth-Ouest, notamment dans la région de Tayyouné. Les médias officiels indiquent que « les bombardements ont visé la région du Musée avant de s’étendre les régions de Buick –Badaro –Dékouané –Bauchriyé –Nahr el-Mott et Ras el-Nabeh. Puis les bombardements atteignent la côte du Metn-Nord, et les obus s’abattent sur Jdeidé –Fanar –Mansouriyé –Aïn Saadé –Broummana –Beit-Méry –Kfar Okab –Koleiyate –Roumié –Daraya. Des obus qui s’abattent sur les points de passage du Musée et des Franciscaines font trois blessés parmi les civils. Les tirs des francs-tireurs sur les quartiers de Zalka vont déclencher un incendie dans un bâtiment. Vers midi, le point de passage de Monteverde est fermé après que des obus se soient abattus dans ses environs. Devant la violence meurtrière de ces bombardements, l’armée prend la décision de riposter de façon ciblée sur les sources de tirs. Cette riposte de l’armée entraîne la destruction d’une Jeep équipée d’un canon sans recul de 106 mm et d’un Command Car dépendant des Forces Libanaises dans la région de Loueizé –Zouk, ainsi que la destruction d’une position des miliciens sur l’autoroute au niveau de Zouk Mosbeh près du Marché du Pont. Les Forces Libanaises vont également bombarder les locaux de la Télévision du Liban et de la Voix du Liban, sans toutefois entraîner leur fermeture ». Des sources sécuritaire annoncent que la guerre armée –Forces Libanaises a fait jusqu'à cette date 1050 morts et 3100 blessés.

    Le 5 juillet 1990, une institutrice et deux élèves d’une école de Dékouané sont blessés quand des accrochages soudains se produisent dans les régions Est entre l’armée et les Forces Libanaises. Les écoles situées dans la région du Metn-Nord et du Metn-Sud décident de stopper leurs cours durant une heure le 6 juillet en signe de protestation. Vers 9h30, la situation sécuritaire se détériore sur les fronts de Sinn el-Fil –Nabaa –Bauchriyé –Dora, et des accrochages violents ont lieu entre les positions des Forces Libanaises et celles de l’armée du général Aoun. Les affrontements durent jusqu'à 11h.

    Le 6 juillet 1990, des rumeurs sont colportées dans les régions Est selon lesquelles l’armée de l’Ouest, appuyée par l’armée syrienne, serait en train de préparer une opération militaire dans le but d’envahir et d’occuper les régions Est, qui poussent la Direction de l’Orientation de l’armée du général Aoun à publier un communiqué qui dit notamment que : « Le commandement de l’armée assure que tout ce qui a été publié ou dit jusqu'à maintenant en ce qui concerne des préparatifs syrien d’une opération militaire contre les régions Est est dénué de tout fondement. Il invite les organes de presse à s’assurer des nouvelles qu’ils reçoivent auprès de la Direction de l’Orientation avant de les publier, afin de ne pas propager de fausses nouvelles qui provoquent la panique parmi les civils[198] ». Au cours du mois de juillet 1990, un certain nombre d’officiers de Beyrouth-Ouest se rallient à l’armée du général Aoun et au commandement de Yarzé.

    Début août 1990, le Dr. Albert Mansour ministre de la Défense du gouvernement Hoss, demande au commandement de l’armée du général Lahoud d’agir afin de mettre fin à la rébellion du général Aoun, en faisant attention de ne pas viser les civils ou les Forces Libanaises pendant les opérations militaires. Le 11 septembre 1990, le général Aoun déclare au cours d’une conférence de presse qu’il tend la main à toutes les parties pour tenter d’arriver à une paix juste. Il affirme qu’il restera au palais présidentiel de Baabda, qu’il ne quittera que pour laisser la place à un président élu par la volonté du peuple libanais. Le 21 septembre, le président Hraoui signe le décret qui stipule l’application des amendements constitutionnels décidés à Taëf. Le 25 septembre, le président Hraoui et le gouvernement Hoss prennent une décision dont ils mettent au courant le général Lahoud le lendemain, et qui consiste à entamer un blocus des régions Est englobant les voitures et les personnes, et interdisant l’entrée des carburants ou des denrées alimentaires dans ces régions. Ils prennent aussi une autre décision qui consiste à demander aux Forces Libanaises d’abandonner leurs positions sur les points de passage au bénéfice de l’armée du général Lahoud. En effet, le 27 septembre 1990, les unités de l’armée du général Lahoud prennent possession des points de passage occupés précédemment par les Forces Libanaises et entament le blocus des régions Est. Cette mesure est critiquée par le Patriarche Sfeir, qui déplore le blocus des populations civiles des régions Est. Le 30 septembre, des manifestations dans le but d’appuyer le général Aoun sont organisées dans les régions Est, et notamment à Jdeidé, Sadd el-Bauchriyé et leurs environs jusqu'à Nahr el-Mott. Les manifestants brûlent des pneus pour protester contre le blocus et contre les positions du président Hraoui, alors que les églises sonnent le tocsin et organisent des messes. Mais les choses ne se passent pas comme prévu au niveau du point de passage de Nahr el-Mott. Une manifestation de quelques millier de citoyens portant des flambeaux, des drapeaux libanais et des photos du général Aoun se dirige vers le pont de Nahr el-Mott tout en entonnant des chants patriotiques. La foule des manifestants est essentiellement composée de femmes, d’enfants et de vieillards venus du Metn-Nord et du Metn-Sud. Après un court arrêt destiné à permettre aux manifestants de se rassembler, ces derniers décident de traverser le passage de Nahr el-Mott malgré les avertissements des éléments de l’armée postés sur le pont. A 21h, des tirs de mitrailleuse provenant du côté de Dora sont dirigés contre les manifestants, non pas en guise d’avertissement mais dans le but de tuer. Des obus s’abattent également sur les concentrations de manifestants. Ces tirs provoquent la panique parmi les manifestants qui se mettent à courir au milieu des hurlements des femmes et des enfants, à la recherche d’un endroit où se mettre à l’abri. Après le retour du calme, les transports de troupe de l’armée et les ambulances de la Croix-Rouge Libanaise vont se charger du transport des morts et des blessés vers les hôpitaux de la région. L’agence de presse Reuter rapporte de source sécuritaire que le nombre des victimes s’élève à 25 morts et 82 blessés, alors que l’Agence France Presse rapporte le nombre de 12 morts et 81 blessés. Les autorités organisent un enterrement populaire aux victimes du massacre à Antélias le 2 octobre 1990, auquel participent le Nonce apostolique ainsi que les hommes politiques des régions Est Les manifestations vont continuer autour du palais présidentiel de Baabda pour appuyer le général Aoun et son gouvernement militaire provisoire.

    L’intervention syrienne contre les région Est dans le but de déloger le général Aoun du palais de Baabda devient possible après que la Syrie ait obtenu le feu vert des américains qui lui assurent la neutralité d’Israël. Le 8 octobre 1990, le Nonce apostolique informe le général Aoun que cette fois-ci la menace d’intervention syrienne est sérieuse, et que l’attaque aura lieu dans les quelques jours qui suivent. Il lui conseille d’accepter un portefeuille dans le gouvernement de l’Ouest et de remettre le palais présidentiel au président Hraoui. Pendant ce temps, le gouvernement Hoss prend la décision d’avoir recours à l’intervention militaire avec l’appui de l’armée syrienne pour venir à bout de la résistance du général Aoun. A partir du 11 octobre, les forces syriennes commencent à renforcer sa présence sur les fronts qui font face aux forces du général Aoun. Ce dernier est informé par l’ambassadeur de France, René Ala, que l’offensive syrienne est imminente. En prévision de l’invasion, et afin de dissuader la Syrie, le général Aoun déclare à l’Agence France Presse le jour-même que : « Je suis prêt à me défendre, et je ne me rendrais pas facilement. Je vais mobiliser le peuple et l’armée. Je vais décréter la mobilisation de tous les villages, et tous les citoyens feront leur devoir ». Vers midi, des avions non identifiés survolent le palais de Baabda. Le 12 octobre, l’ambassadeur français tente de convaincre le général Aoun d’accepter les conditions de l’Ouest pour éviter l’hécatombe. Le même jour, un jeune homme de 18 ans tente d’assassiner le général Aoun en tirant plusieurs coups de feu sur lui, mais celui-ci le manque. Un des gardes du corps du général est mortellement atteint. Voyant que la menace est imminente, le général Aoun invite les manifestants massés autour du palais de Baabda à rentrer chez eux de peur de les exposer à des dangers dans le cas d’intervention syrienne contre les régions Est. Au cours de la nuit du 12 au 13 octobre 1990, les rapports commencent à pleuvoir dans la Chambre des Opérations du commandement de l’armée à Yarzé, faisant état de mouvements de troupes syriens sur tous les fronts.

     

    Les forces en présence sur le terrain à la veille de l’offensive du 13 octobre 1990

     

    Avant de détailler les événements de cette journée, nous allons commencer par étudier la situation des armées et des milices qui se font face sur la scène libanaise durant cette période.

    1-Les brigades et unités combattantes de l’armée qui dépendent du commandement du général Aoun :

    Il s’est avéré d’après les longues batailles qui ont eu lieu dans les régions Est de la guerre de Libération à la guerre d’élimination, que les brigades et unités combattantes sous les ordres du général Aoun sont efficaces et capables d’effectuer des opérations militaires d’attaque et de défense. Ces brigades et unités sont : la 5e Brigade, la 7e Brigade, la 8e Brigade, la 9e Brigade, la 10e Brigade, le Régiment des Maghawir, le Régiment de la Police Militaire, la Brigade de la Moukafaha, la Force de Frappe, le Régiment du génie et des transmissions. Il faut ajouter à cela les différentes unités d’appui feu, de logistique, du service de santé de l’armée, des Ansar et des volontaires venus des différentes régions qui viennent renforcer le dispositif de défense.

    2-Les brigades et unités de l’armée qui dépendent du commandement du général Lahoud :

    Elles sont formée du commandement de l’armée de l’Ouest, de la 1e Brigade (Békaa), de la 2e Brigade (Nord), d’une partie de la 7e Brigade (Nord), de la 6e Brigade (Beyrouth-Ouest), de la 11e Brigade (Chouf) et de la 12e Brigade (Sud). Le général Lahoud donne l’ordre de créer un Bataillon de Maghawir qui va s’entraîner au Nord dans la caserne de la Madina Kachfiya, et qui est composée d’éléments venus des différentes brigades.

    3-L’armée de la région du Kesrouane et de Jbeil :

    Créée par le colonel Paul Farès qui s’est rattaché au Commandement des Forces Libanaises. Cette armée est composée des soldats des casernes du Kesrouane et de Jbeil qui sont tombées sous le contrôle des Forces Libanaises. Le général Lahoud envoie plus tard le général Elie Hayek pour prendre le commandement de cette armée.

    4-Le reste des formations miliciennes :

    4-1 : L’Armée du Liban-Sud (ALS) qui est déployée dans la zone de sécurité au Liban-Sud sous les ordres du général Antoine Lahad.

    4-2 : Le Mouvement Amal (Bataillons de la Résistance Libanaise) de confession chiite qui a pour chef Nabih Berri et qui se déploie dans Beyrouth-Ouest et dans la Békaa.

    4-3 : Le Hezbollah chiite sous le commandement de Abbas Moussaoui, et qui se déploie dans les zones de déploiement du mouvement Amal.

    4-4 : Le mouvement Amal Islamique chiite sous les ordres de Hussein Moussaoui.

    4-5 : L’Organisation Populaire Nassérienne sunnite sous les ordres de Moustapha Maarouf Saad qui se déploie à Saïda et au Zahrani.

    4-6 : Le Parti Socialiste Progressiste druze qui a pour chef Walid Joumblatt, et qui se déploie dans le Chouf, à Aley, Beyrouth-Ouest et dans l’Iklim el-Kharroub.

    4-7 : Le Parti Populaire National Syrien laïc qui se déploie dans la Békaa, au Metn-Nord, dans le Koura, à Beyrouth-Ouest et au Akkar.

    4-8 : Les organisations palestiniennes armées qui sont déployées dans les camps palestiniens sur tout le territoire libanais à l’exception des régions Est.

    4-9 : Les Forces Libanaises déployées dans les régions Est sous le commandement du Dr Samir Geagea. Leur présence dans les régions Est se limite depuis la guerre d’élimination au Kesrouane, Jbeil, Achrafieh, Sinn el-Fil, Dora et la Quarantaine.

    4-10 : Les Forces Libanaises déployées dans la Békaa et dans une partie du Metn sous les ordres d’Elie Hobeika.

    4-11 : L’organisation des Marada déployée dans Zghorta, le Koura et Batroun sous le commandement de Sleimane Frangié.

    4-12 : Les diverses petites milices comme le Parti Communiste, le Parti Baath, les Gardiens de la Révolution iranienne,…

    Voilà en ce qui concerne les forces militaires en présence la veille de l’opération militaire syrienne du 13 octobre 1990 contre les régions Est.

     

    L’offensive du 13 octobre 1990

     

    Aux premières heures de l’aube du 13 octobre 1990, un avion de chasse syrien survole le palais de Baabda, signe que l’offensive syrienne contre les régions Est a débuté. L’opération militaire syrienne commence par un bombardement aérien effectué par des avions de chasse syriens de type Sukhoï du palais de Baabda, de Yarzé, de Fayadiyé et de Monteverde à partir de 6h54. Dans le même temps, les forces syriennes accompagnées par l’armée du général Lahoud et par des groupes de miliciens des milices alliées, notamment des miliciens des Forces Libanaises d’Elie Hobeika, commencent à traverser les lignes de front sur les axes de Beyrouth-Ouest, Souk el-Gharb, le Haut-Metn avec pour seul but d’obliger le général Aoun à capituler. Les régions Est sont soumises à un bombardement d’une violence rarement égalée, notamment sur Baabda –Fayadiyé –Hazmieh –Sinn el-Fil. Lorsque le général Aoun constate que l’aviation syrienne est intervenue, il comprend que les lignes rouges sont tombées. A partir de ce moment, son souci premier devient celui de limiter les dégâts, notamment en ce qui concerne les vies humaines. Il demande un cessez-le-feu par l’intermédiaire de l’ambassadeur de France, René Ala. Ce dernier contacte le président Hraoui, qui insiste pour que  le général Aoun demande ce cessez-le-feu après s’être rendu à l’ambassade de France. Devant l’insistance du président Hraoui, le général Aoun décide de se rendre à l’ambassade de France pour annoncer un cessez-le-feu, puis de revenir au palais de Baabda pour compléter les négociations. Le général quitte le palais présidentiel à bord d’un transport de troupes blindé de type M113 dépendant de la Garde Républicaine qui emprunte la route Rihaniyé –Mar Takla sous les bombes. Arrivé dans l’enceinte de l’ambassade de France, le général Aoun lance un appel à ses soldats, leur demandant d’arrêter le combat et de prendre leurs ordres de la part du général Lahoud. Malgré cet appel, les combats ne s’arrêtent que tard dans l’après-midi du 13 octobre, après avoir fait 200 morts parmi les soldats et les civils et environ 700 blessés. 10000 soldats vont participer à l’offensive contre les régions libres : 6000 soldats syriens et 4000 soldats libanais sous les ordres du général Lahoud. Après la fin des combats, l’armée syrienne va arrêter un certain nombre d’officiers proches du général Aoun, comme l’ancien directeur des renseignements de l’armée le colonel Amer Chéhab, le colonel Karam Mousawbaa directeur en second des renseignements de l’armée, le lieutenant-colonel Fouad Achkar chef de la Sûreté Militaire, le lieutenant-colonel Fayez Karam chef de la Moukafaha, le capitaine Hanna Kiwan aide de camp du général Aoun,… L’Agence France Presse donne un premier bilan de l’opération militaire, qui aurait entraîné 113 morts et 720 blessés militaires et civils confondus dans les régions Est, tandis que l’Agence Reuters annonce la mort de 200 personnes et 600 blessés, militaires et civils confondus.



    [1]L’Armée de Sauvegarde est formée de 3000 volontaires arabes de différentes nationalités qui ont pour mission d’attaquer les concentrations juives en Palestine et d’occuper les zones que le plan de partage de l’ONU reconnaît comme étant celles du futur Etat juif.

    [2]Le problème palestinien et le danger sioniste, publié par le Commandement de l’armée libanaise et l’Institut des Etudes Palestiniennes, Beyrouth, 1973, P.554.

    [3]Fouad Lahoud, Le drame de l’armée libanaise (Maassat al Jaysh el-Loubnani), Beyrouth, 1977, P.117 et 138.

    [4]Nicolas Nassif, Le Deuxième Bureau: gouverneur de l’ombre (Al Maktab al-thani : hakem fi al-zoll), ed. Mokhtarat, Beyrouth, P.41-42.

    [5]Camille Chamoun, Crise au Moyen-Orient, éd. Gallimard, 1963, P.400.

    [6]Camille Chamoun, Crise au Moyen-Orient, éd. Gallimard, 1963, P.400.

    [7]Selon certaines sources, l’armée était aidée par la gendarmerie et des éléments paramilitaires du Parti National Social Syrien. Le PNSS appuyait en 1958 la politique du président Chamoun, qui était dirigée contre Nasser et qui s’était alliée au Pacte de Bagdad.

    [8]Nicolas Nassif, Le Deuxième Bureau: gouverneur de l’ombre (Al Maktab al-thani : hakem fi al-zoll), ed. Mokhtarat, Beyrouth, P.41 à 43.

    [9]Colonel BEM Joseph Bitar, Armée de métier et service militaire au Liban, Imprimerie Catholique, 1973, P,120.

    [10]Magazine du 3-5 mai 1973, « Le president Fouad Chéhab, ecce homo », interview faire par Denise Ammoun.

    [11]D’autres sources affirment que le bataillon de l’ancien capitaine Fouad Awad était composé de 18 véhicules blindés, alors que le premier communiqué officiel publié le 31 décembre 1961 avait fait état de seulement 8 véhicules blindés ( L’Orient, 1er janvier 1962).

    [12]Le futur commandant de la Force Arabe de Dissuasion, qui a pénétré au Liban après les sanglants événements de 1975-1976, et commandant des Forces de Sécurité Intérieure durant le sexennat du président Sarkis.

    [13]Le successeur du colonel Ahmad el-Hajj au commandement de la Force Arabe de Dissuasion.

    [14]A 12 Km au Nord de Beyrouth.

    [15]Fouad Awad, La route qui mène au Pouvoir (al tarik ila al-solta), Beyrouth, 1973, P.222.

    [16]Le texte de l’Accord du Caire sera publié intégralement en annexe de ce mémoire.

    [17]Le décret numéro 4398 du 24 novembre 1972 place le commandement de l’armée sous la tutelle du ministre de la Défense.

    [18]Le Monde du 18 septembre 1972, numéro 8609.

    [19]Les informations contenues dans cette partie ont été confortées par les interviews avec plusieurs officiers généraux de l’armée libanaise à la retraite, et notamment le général Sami Rihana et le général Albert Khoury.

    [20]L’Orient-Le Jour du 10 mai 1973, numéro 688.

    [21]Alain Ménargues, Les secrets de la guerre du Liban : Du coup d’Etat de Bachir Gemayel aux massacres des camps palestiniens, Ed. Albin Michel, 2004, P.14.

    [22]Samir Kassir, La guerre du Liban: De la dissension nationale au conflit régional, Ed. Karthala –CERMOC, Paris/Beyrouth, 1994, P.96

    [23]Samir Kassir, La guerre du Liban: De la dissension nationale au conflit régional, Ed. Karthala –CERMOC, Paris/Beyrouth, 1994, P.98

    [24]Samir Kassir, La guerre du Liban: De la dissension nationale au conflit régional, Ed. Karthala –CERMOC, Paris/Beyrouth, 1994, P.101

    [25]Joseph Abou Khalil, Les chrétiens dans la guerre du Liban, Beyrouth, 1990.

    [26]Déclaration de Kamal Joumblatt dans L’Orient-Le Jour du 25 octobre 1975.

    [27]Abdel-Raouf Senno, La guerre du Liban 1975-1990 (arabe), Ed. Arab Scientific Publishers, 2008, P.115

    [28]Ces trois officiers ainsi que sept autres parmi lesquels le lieutenant Ahmad el-Khatib ainsi que le commandant Ahmad Boutari qui commandait l’Armée du Liban Arabe à Saïda ont vu leurs dossiers transférés devant le Tribunal Militaire le 23 octobre 1978, sur ordre du commandant en chef de l’armée le général Victor Khoury, pour avoir fui l’armée par complot et incité d’autres à fuir, pour traîtrise et destruction d’installations militaires, pour collaboration avec une organisation partisane et doctrinale et pour incitation à la guerre confessionnelle. (An-Nahar du 24 octobre 1978). Le Tribunal Militaire a été saisi de la décision du transfert numéro 1/930 le 17 janvier 1979. Le lieutenant Ahmad el-Khatib a été de plus accusé par le commandement de l’armée de collaboration avec l’ennemi. (An-Nahar du 18 janvier 1979).

    [29]Le château de Beaufort est une position militaire stratégique qui contrôle le réseau de communications entre le Sud et la Békaa et domine une partie de la Galilée.

    [30]Le commandant Maamari démissionnera le 1er  juin 1976 après l’entrée de l’armée syrienne dans la région du Akkar pour arrêter les bombardements qu’il effectuait sur les villages de Kobeyate et de Andkit. Le Front Libanais avait consenti le 5 juin 1976 lors de ses réunions à Zouk-Mikhaël à l’entrée de l’armée syrienne (An-Nahar du 1er au 6 juin 1976). Les troupes syriennes avaient en fait commencé à faire leur entrée effective au Liban dès le 11 avril 1976 (An-Nahar du 12 avril 1976).

    [31]Le général Aziz el-Ahdab est l’officier le plus décoré de l’armée libanaise. C’est un intellectuel qui a écrit plus de 20 ouvrages dont les principaux sont : « Pour le Liban », « Lumières sur l’ennemi israélien », « La Défense Nationale Libanaise face à l’ennemi israélien », « L’importance du Golfe arabe militairement, économiquement et politiquement », « La doctrine militaire libanaise », « La guerre des Six Jours », « Le septième jour de la guerre des Six Jours », « Fakhreddine, fondateur du Liban moderne » et « L’Opération du canal de Suez ». (An-Nahar du 12 mars 1976).

    [32]Information confirmée par le général Sami Rihana au cours d’un entretien.

    [33]Le brigadier Aziz el-Ahdab est l’officier le plus décoré de l’armée libanaise. C’est un intellectuel qui a écrit plus de 20 ouvrages dont les principaux sont : « Pour le Liban », « Lumières sur l’ennemi israélien », « La Défense Nationale Libanaise face à l’ennemi israélien », « L’importance du Golfe arabe militairement, économiquement et politiquement », « La doctrine militaire libanaise », « La guerre des Six Jours », « Le septième jour de la guerre des Six Jours », « Fakhreddine, fondateur du Liban moderne » et « L’Opération du canal de Suez ». (An-Nahar du 12 mars 1976).

    [34]Samir Kassir, La guerre du Liban : De la dissension nationale au conflit régional, Ed. Karthala –CERMOC, 1994, P.171.

    [35]L’Orient-Le Jour du 13 mars 1976, numéro 1996.

    [36]En fait le brigadier Aziz el-Ahdab n’avait pas les moyens militaires nécessaires pour appliquer toutes ces mesures, et il ne contrôlait militairement que son quartier général situé dans les locaux du commandement de la Place militaire de Beyrouth, le siège de la radio et l’une des deux chaînes de télévision située dans la partie Ouest de la capitale.

    [37]Il reçoit le ralliement public de nombreuses unités, mais en fait ses partisans sont composés d’officiers plus que de soldats.

    [38]La formation d’un Conseil de Commandement le 21 mars (communiqué numéro 11) ne voit pas le jour puisque les réunions de ce Conseil sont ajournées dès le 22 mars (dernier communiqué du général Ahdab portant le numéro 12). Ce Conseil de Commandement est formé –outre le général Aziz el-Ahdab –du général B.E.M François Génadry commandant l’Ecole Militaire de Fayadiyé, du colonel Dib Kamal, du colonel B.E.M Mohammad Hajj, du capitaine Samir Kadi (ces cinq officiers appartiennent à la place militaire de Beyrouth), du lieutenant Ahmad el-Khatib commandant de l’Armée du Liban Arabe, du commandant Ahmad Maamari président du Conseil de Commandement du Nord, du commandant Ahmad Boutari président du Conseil de Commandement du Sud, du lieutenant-colonel Fawzi Abou-Farhat commandant la Base Aérienne Est, du commandant Sami Kassis commandant la Base Aérienne Nord et du commandant Sleimane Mazloum de l’Armée de l’Air.

    [39]L’Orient-Le Jour du 18 mars 1976, P.1 et 4.

    [40]René Chamussy, Chronique d’une guerre: le Liban 1975-1977, Ed. Desclée, 1978.

    [41]A cette époque, l’Armée du Liban Arabe contrôle déjà le ¾ des casernes de l’armée.

    [42]Samir Kassir, La guerre du Liban: De la dissension nationale au conflit régional, Ed. Karthala –CERMOC, 1994, P.175.

    [43]Cette 3e Division Blindée est habituellement une division de réserve.

    [44]Interview avec le général Albert Khoury.

    [45]En particulier les canons de campagne de 155 mm.

    [46]Un contingent libyen de 700 soldats appartenant aux Forces Arabes de Paix et reversé dans la FAD est retiré du Liban le 29 novembre 1976 à cause de son implication directe avec les miliciens du Mouvement National et les palestiniens.

    [47]La réaction syrienne contre l’Armée du Liban Arabe et son chef Ahmad el-Khatib est due essentiellement au fait que ce dernier aurait notamment déclaré dans une déclaration publique que le président syrien Hafez el-Assad est « un lion au Liban, et un lapin au Golan ».

    [48]Malgré le fait que les troupes syriennes sont des troupes alliées au Front Libanais à cette période.

    [49]Originaire de Marjeyoun, le commandant Saad Haddad est en garnison au Liban-Sud au moment de l’éclatement de l’armée. Il quitte alors la région et se rend à Beyrouth où il se tient à l’écart des événements jusqu’au début du mois de novembre 1976.

    [50]Fouad Boutros, Mémoires, Ed. L’Orient-Le Jour, 2009, P.224.

    [51]Le gouvernement Hoss devait durer six mois au départ, puis présenter sa démission une fois sa tâche de remise sur pied de l’Etat libanais achevée. Mais le gouvernement ayant eu une durée de vie plus longue que prévu, il va demander de nouveaux pouvoirs exceptionnels en août 1977 pour une durée de 5 mois, dans les domaines de la reconstruction et du développement, de la sécurité et de la Justice.

    [52]Fouad Boutros, Mémoires, Ed. L’Orient-Le Jour, 2009, P.235.

    [53]Arabie Saoudite, Koweït, Egypte et Syrie.

    [54]Fouad Boutros, Mémoires, Ed. L’Orient-Le Jour, 2009, PP.229-230.

    [55]Fouad Boutros, Mémoires, Ed. L’Orient-Le Jour, 2009, P.232.

    [56]Fouad Boutros, Mémoires, Ed. L’Orient-Le Jour, 2009, P.236.

    [57]Fouad Boutros, Mémoires, Ed. L’Orient-Le Jour, 2009, P.237.

    [58]Fouad Boutros, Mémoires, Ed. L’Orient-Le Jour, 2009, P.237.

    [59]Fouad Boutros, Mémoires, Ed. L’Orient-Le Jour, 2009, P.237.

    [60]Samir Kassir, La guerre du Liban: de la dissension nationale au conflit régional, Ed. Karthala –CERMOC, 1994, P.267.

    [61]Fouad Boutros, Mémoires, Ed. L’Orient-Le Jour, 2009, P.241.

    [62]Samir Kassir, La guerre du Liban : de la dissension nationale au conflit régional, Ed. Karthala –CERMOC, 1994, P.279.

    [63]Fouad Boutros, Mémoires, Ed. L’Orient-Le Jour, 2009, P.246-247.

    [64]Fouad Boutros, Mémoires, Ed. L’Orient-Le Jour, 2009, P.247.

    [65]Fouad Boutros, Mémoires, Ed. L’Orient-Le Jour, 2009, P.250.

    [66]Fouad Boutros, Mémoires, Ed. L’Orient-Le Jour, 2009, P.251.

    [67]Fouad Boutros, Mémoires, Ed. L’Orient-Le Jour, 2009, P.251.

    [68]Fouad Boutros, Mémoires, Ed. L’Orient-Le Jour, 2009, P.252.

    [69]Fouad Boutros, Mémoires, Ed. L’Orient-Le Jour, 2009, P.259.

    [70]Fouad Boutros, Mémoires, Ed. L’Orient-Le Jour, 2009, P.273.

    [71]Fouad Boutros, Mémoires, Ed. L’Orient-Le Jour, 2009, P.274.

    [72]La caserne de Fayadiyé abrite 8 Groupements, formés des forces militaires qui ont combattu au cours de l’année 1976. Ces groupements sont formés de soldats de différentes unités, et n’étaient pas organisés suivant une hiérarchie militaire. Ce sont les restes de l’Armée du Liban, de la Brigade du Akkar, du Groupement de la Galerie Semaan, ainsi que d’autres formations auxquelles il a été donné un numéro.

    [73]Clovis Choueifaty, Les premiers affrontements…pour l’histoire : les batailles de la Syrie au Liban : Bella, Fayadiyé, Békaa, la guerre des Cent Jours, Kour, les Cèdres, Akoura, Knat, P.42.

    [74]Karim Pakradouni, La Paix manquée, P.147.

    [75]Fouad Boutros, Mémoires, Ed. L’Orient-Le Jour, 2009, P.301.

    [76]Fouad Boutros, Mémoires, Ed. L’Orient-Le Jour, 2009, P.301.

    [77]Jean Sarkis, Histoire de la guerre du Liban, Ed. PUF, 1993, P.45.

    [78]Le financement de la FINUL est estimé alors à 68 millions de dollars pour six mois. Il est assumé au titre de dépense de l’ONU devant être supportée par les Etats membres proportionnellement à leur quote-part.

    [79]Fouad Boutros, Mémoires, Ed. L’Orient-Le Jour, 2009, P.334.

    [80]Samir Kassir, La guerre du Liban: De la dissension nationale au conflit régional, Ed. Karthala –CERMOC, 1994, P.317-318.

    [81]Samir Kassir, La guerre du Liban: De la dissension nationale au conflit régional, Ed. Karthala –CERMOC, 1994, P.319.

    [82]L’Armée du Liban Libre ou ALL sera le nom donné par le commandant Haddad à la milice pro-israélienne qui se déploie dans la zone de sécurité en 1978, avant d’être rebaptisée quelques temps plus tard sous le nom d’Armée du Liban-Sud ou ALS.

    [83]Télégramme envoyé par le ministre de la Défense et des Affaires Etrangères libanais M. Fouad Boutros à l’ambassadeur du Liban aux Nations Unies M. Ghassan Tuéni le 12 juin 1978.

    [84]Fouad Boutros, Mémoires, Ed. L’Orient-Le Jour, 2009, P.362.

    [85]Fouad Boutros, Mémoires, Ed. L’Orient-Le Jour, 2009, P.363.

    [86]Clovis Chouwayfati, Les batailles de la Syrie au Liban, V.1, P.76-77.

    [87]Fouad Boutros, Mémoires, Ed. L’Orient-Le Jour, 2009, P.367.

    [88]Clovis Chouwayfati, Les batailles de la Syrie au Liban, V.1, P.78-79.

    [89]Le 10 février 1979, la Police Militaire de la caserne de la Madina Kachfiyya envoie un rapport au Commandement militaire de la région Nord dans lequel elle dit avoir retrouvé un corps dans les champs près de l’entrée du village de Kour vêtu d’un uniforme libanais. Il s’avèrera être celui du 4e soldat victime de l’embuscade de Kour.

    [90]Clovis Choueyfati, Les batailles de la Syrie au Liban, V.1, P.127.

    [91]Fouad Boutros, Mémoires, Ed. L’Orient-Le Jour, 2009, P.397.

    [92]Clovis Choueyfati, Les batailles de la Syrie au Liban, V.1, P.109.

    [93]Fouad Boutros, Mémoires, Ed. L’Orient-Le Jour, P.406.

    [94]Fouad Boutros, Mémoires, Ed. L’Orient-Le Jour, 2009, PP.377-378.

    [95]Fouad Boutros, Mémoires, Ed. L’Orient-Le Jour, 2009, P.383.

    [96]Fouad Boutros, Mémoires, Ed. L’Orient-Le Jour, 2009, P.386.

    [97]Fouad Boutros, Mémoires, Ed. L’Orient-Le Jour, 2009, P.391-392.

    [98]Jean Sarkis, Histoire de la guerre du Liban, Ed. PUF, 1993, P.51.

    [99]Ce territoire s’élargi encore plus lorsque l’armée libanaise remplace les unités syriennes qui stationnent dans la banlieue-Est de Beyrouth en mars 1980.

    [100]Fouad Boutros, Mémoires, Ed. L’Orient-Le Jour, 2009, P.523-524.

    [101]Le 5e Bataillon est équipé de véhicules de transport de troupes blindés M113 ainsi que d’armements moyens et des mortiers de 82 mm et est renforcé par une Compagnie de véhicules blindés Panhard et une Compagnie de chars AMX-13.

    [102]La caserne PNL de Laklouk comprend une batterie composée de 4 canons de 155 mm, 2 canons de 130 mm et un canon de 120 mm.

    [103]Clovis Choueyfati, Les batailles de la Syrie au Liban, V.1, P.143.

    [104]Fouad Boutros, Mémoires, Ed. L’Orient-Le Jour, 2009, P.486.

    [105]Jean Sarkis, Histoire de la guerre du Liban, Ed. PUF, 1993, P.53.

    [106]Jean Sarkis, Histoire de la guerre du Liban, Ed. PUF, 1993, P.53.

    [107]Le plan sera exposé dans les détails en annexe.

    [108]Alain Ménargues, Les secrets de la guerre du Liban: Du coup d’Etat de Bachir Gemayel aux massacres des camps palestiniens, Ed. Albin Michel, 2004, P.65.

    [109]Alain Ménargues, Les secrets de la guerre du Liban: Du coup d’Etat de Bachir Gemayel aux massacres des camps palestiniens, Ed. Albin Michel, 2004, P.65.

    [110]Fouad Boutros, Mémoires, Ed. L’Orient-Le Jour, 2009, P.550 à 552.

    [111]Fouad Boutros, Mémoires, Ed. L’Orient-Le Jour, 2009, P.558.

    [112]Fouad Boutros, Mémoires, Ed. L’Orient-Le Jour, 2009, P.559.

    [113]Fouad Boutros, Mémoires, Ed. L’Orient-Le Jour, 2009, P.565.

    [114]Alain Ménargues, Les secrets de la guerre du Liban : Du coup d’Etat de Bachir Gemayel aux massacres des camps palestiniens, Ed. Albin Michel, 2004, P.154.

    [115]La brigade de la caserne d’Ablah est une Brigade de reconnaissance qui a pris le nom d’ « Armée des Talaeh ».

    [116]Le plan sera détaillé en annexe.

    [117]Alain Ménargues, Les secrets de la guerre du Liban: Du coup d’Etat de Bachir Gemayel aux massacres des camps palestiniens, Ed. Albin Michel, 2004, P.237.

    [118]Alain Ménargues, Les secrets de la guerre du Liban: Du coup d’Etat de Bachir Gemayel aux massacres des camps palestiniens, Ed. Albin Michel, 2004, P.246.

    [119]Jean Sarkis, Histoire de la guerre du Liban, Ed. PUF, 1994, P.68.

    [120]Shimon Shiffer, Opération Boule de Neige : Les secrets de l’intervention israélienne au Liban, Ed. JC Lattès, 1984, P.156.

    [121]Fouad Boutros, Mémoires, Ed. L’Orient-Le Jour, 2009, P.609.

    [122]Fouad Boutros, Mémoires, Ed. L’Orient-Le Jour, 2009, P.612.

    [123]Fouad Boutros, Mémoires, Ed. L’Orient-Le Jour, 2009, P.614.

    [124]Fouad Boutros, Mémoires, Ed. L’Orient-Le Jour, 2009, P.615.

    [125]Karim Pakradouni, La paix manquée : Le mandat d’Elias Sarkis (1976-1982), Ed. FMA, 1983, P.240.

    [126]Fouad Boutros, Mémoires, Ed. L’Orient-Le Jour, 2009, P.618.

    [127]Jean Sarkis, Histoire de la guerre du Liban, Ed. PUF, 1994, P.70.

    [128]Jean Sarkis, Histoire de la guerre du Liban, Ed. PUF, 1994, P.70.

    [129]Jean Sarkis, Histoire de la guerre du Liban, Ed. PUF, 1994, P.70.

    [130]Jean Sarkis, Histoire de la guerre du Liban, Ed. PUF, 1994, P.71.

    [131]Ces observateurs de l’ONU vont être connus sous l’appellation d’ONUST (Observateurs des Nations Unies pour la Surveillance de la Trêve).

    [132]Fouad Boutros, Mémoires, Ed. L’Orient-Le Jour, 2009, P.644.

    [133]Fouad Boutros, Mémoires, Ed. L’Orient-Le Jour, 2009, P.645.

    [134]Paul Andari, Ceci est mon témoignage : Liban 1975-1992, (Ar.), PP.141-142.

    [135]Général BEM Fouad Aoun, Le Liban à l’ombre des deux gouvernements : septembre 1988-octobre 1990, P.63.

    [136]Chose qui lui est interdite depuis octobre 1969 suite à l’Accord du Caire.

    [137]Fouad Boutros, Mémoires, Ed. L’Orient-Le Jour, 2009, P.665.

    [138]Général BEM Fouad Aoun, Le Liban à l’ombre des deux gouvernements : septembre 1988-octobre 1990, P.63.

    [139]L’armement de l’armée libanaise sera détaillé par périodes en annexe.

    [140]Général BEM Fouad Aoun, Le Liban à l’ombre des deux gouvernements : septembre 1988-octobre 1990, P.63.

    [141]Ghassan Tuéni, Une guerre pour les autres, Ed. JC Lattès, 1985, P.294.

    [142]Shimon Shiffer, Opération Boule de Neige: Les secrets de l’intervention israélienne au Liban, Ed. JC Lattès, 1984, P.240.

    [143]Jean Sarkis, Histoire de la guerre du Liban, Ed. PUF, 1994, P.81.

    [144]Roger J. Azzam, Liban l’instruction d’un crime: 30 ans de guerre, Ed. Cheminements, 2005, P.357.

    [145]Shimon Shiffer, Opération Boule de Neige: Les secrets de l’intervention israélienne au Liban, Ed. JC Lattès, 1984, P.266-267.

    [146]Le texte de l’Accord du 17 mai sera publié intégralement dans les annexes.

    [147]Roger J. Azzam, Liban, l’instruction d’un crime: 30 ans de guerre, Ed. Cheminements, 2005, PP.358-359.

    [148]Roger J. Azzam, Liban, l’instruction d’un crime: 30 ans de guerre, Ed. Cheminements, 2005, P.360.

    [149]Denise Ammoun, Histoire du Liban contemporain : 1943-1990, Ed. Fayard, 2004, P.859.

    [150]Le plan israélien prévoit toutefois que des troupes se maintiennent dans le Barouk et que des patrouilles blindées continuent de mener des opérations au Sud de l’Awali.

    [151]Jean Sarkis, Histoire de la guerre du Liban, Ed. PUF, 1994, P.93.

    [152]Roger J. Azzam, Liban, l’instruction d’un crime: 30 ans de guerre, Ed. Cheminements, 2005, P.385.

    [153]Ordre du jour numéro 48, Revue de l’Armée numéro 1, janvier 1984, P.1

    [154]An-Nahar du 19 juillet 1984

    [155]Le barrage d’Ojjeh est situé à l’Est du Pont de Barbir et en face de l’immeuble Ojjeh

    [156]Presse du 30 juillet 1984.

    [157]Général Sami Rihana, Encyclopédie du général Michel Aoun : Histoire politique et militaire, Dar el-Ittihad el-Thakafi el-Arabi (ar).

    [158]An-Nahar, numéro 14869, du 25 décembre 1984.

    [159]An-Nahar du mardi 12 février 1985.

    [160]Al-Safir du 18 janvier 1986

    [161]Al-Safir du 8 février 1986

    [162]Al-Safir du 12 février 1986

    [163]Ordre du jour numéro 129 aux soldats.

    [164]An-Nahar numéro 17108 du 19 août 1988, P.3

    [165]Général Sami Rihana, Encyclopédie du Général Michel Aoun : Histoire politique et militaire, Ed. Dar el-Ittihad el-Thakafi el-Arabi (ar).

    [166]An-Nahar, 6 septembre 1988.

    [167]An-Nahar du 14 septembre 1988, P.3

    [168]Circulaire d’Opération de l’armée libanaise numéro 13 du 13 septembre 1988.

     

     

    [169]An-Nahar du 14 septembre 1988, P.3

    [170]An-Nahar numéro 17135 du 21 septembre 1988.

    [171]An-Nahar numéro 17136 du 22 septembre 1988.

    [172]Notes du général Sami Rihana prises lors de la réunion du général Michel Aoun avec les commandants de brigades le 23 septembre 1988.

    [173]An-Nahar numéro 17144 du samedi 1er octobre 1988, P.3

    [174]An-Nahar numéro 17167 du samedi 29 octobre 1988.

    [175]An-Nahar numéro 17177 du jeudi 10 novembre 1988, P.1

    [176]Sous le commandement du general Sami Rihana.

    [177]Général Sami Rihana, Encyclopédie du général Michel Aoun : Histoire politique et militaire, Ed. Dar el-Ittihad el-Thakafi el-Arabi (ar).

    [178]Al-Anouar du 27 novembre 1988.

    [179]An-Nahar numéro 17199 du mercredi 7 décembre 1988.

    [180]Ad-Diyar du 6 décembre 1988.

    [181]An-Nahar numéro 17199 du mercredi 7 décembre 1988.

    [182]An-Nahar numéro 17199 du mercredi 7 décembre 1988.

    [183]Ad-Diyar du 13 décembre 1988.

    [184]Ad-Diyar du 13 décembre 1988.

    [185]Rapport de la Chambre des Opérations de l’armée numéro 43 du 12 février 1989.

    [186]Rapport de la Chambre des Opérations de l’armée numéro 44 du 13 février 1989.

    [187]Le Bataillon 85 est le bataillon d’artillerie qui dépend de la 8e Brigade.

    [188]Rapport de la Chambre des Opérations de l’armée numéro 45 du 14 février 1989.

    [189]Rapport de la Chambre des Opérations de l’armée numéro 45 du 14 février 1989.

    [190]Rapport de la Chambre des Opérations de l’armée numéro 45 du 14 février 1989.

    [191]Note d’Opérations numéro 14 datée du 14 février 1989, éditée par la Chambre d’Opérations du Commandement de l’armée libanaise à Yarzé.

    [192]Rapport de la Chambre des Opérations de l’armée numéro 46 du 15 février 1989.

    [193]An-Nahar numéro 17259 du 17 février 1989.

    [194]Rapport de la Chambre des Opérations de l’armée numéro 47 du 15 février 1989.

    [195]Général Sami Rihana, Encyclopédie du général Michel Aoun : Histoire politique et militaire, Ed. Dar el-Ittihad el-Thakafi el-Arabi (ar).

    [196]An-Nahar numéro 17494 du 30 novembre 1989, P.1

    [197]Général Sami Rihana, Encyclopédie du général Michel Aoun : Histoire politique et militaire, Ed. Dar el-Ittihad el-Thakafi el-Arabi (ar).

    [198]An-Nahar, numéro 17719, du 7 septembre 1990, P.3


  • Commentaires

    1
    Rabih
    Vendredi 28 Décembre 2012 à 21:24
    Tres instructif
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