• La reconstruction de l'armee libanaise apres la guerre civile (1975-1990)

    La reconstruction de l’armee :



    En novembre 1989, le Premier ministre Salim el-Hoss nomme le general Emile Lahoud a la tete des forces armees. Pourtant, d’autre part, le general Michel Aoun se trouve toujours a la tete du gouvernement et de l’armee de Beyrouth Est. De fait, il est impossible pour Lahoud d’entamer le processus de reconstruction de l’armee nationale. D’abord pour des moyens financiers, car l’economie libanaise est esquintee par les longues annees de guerre. Ensuite parce que l’armee de l’Est detient un arsenal de qualite. En effet, lorsque l’institution militaire tombe en 1984, la plupart du materiel souvent recemment offert par les Etats-Unis reste entre les mains des brigades chretiennes autour desquelles Aoun construit son armee. De la sorte, le nouveau commandant en chef ne peut pas se permettre d’attaquer une armee mieux equipee que la sienne. Il est interessant de faire une comparaison entre les forces des deux hommes pour avoir une idee du desequilibre. Ainsi, le tableau ci-dessous nous indique clairement la superiorite militaire du general Aoun, tout en prenant en consideration toutes les desertions qui commencent deja a se faire parmi ses troupes a la fin de l’ete 1990.



     


    Equipement :    Forces aounistes :    Forces de Lahoud :       


    Chars :    89    96       


    Vehicules blindes lourds :    26    0       


    Vehicules blindes legers :    257    76       


    Canons :    98, longue portee et grand calibre.    42, courte portee et petit calibre.       


    Missiles :    35    7       


    Bataillons d’infanterie :    21    22    



    En outre, il realise qu’il a besoin des anciens aounistes et de leurs armes pour parvenir a mettre sur pieds une institution nationale. D’autant plus que cette tache est irrealisable sans son contrôle du territoire libanais. Mais entre-temps, il commence deja a restructurer et renforcer certains bataillons, a transferer des munitions entre les differents escadrons, et d’une place a l’autre afin de construire des unites operationnelles. De plus, il elargit son armee (celle de Beyrouth Ouest) d’environ 1600 hommes a cette periode. Il cree egalement plusieurs corps qui ont pour mission de coordonner la cooperation entre l’armee et les Forces de Securite Interieure, et aussi entre les diverses parties responsables de la securite de l’aeroport. Il faut ajouter a cela qu’il entame la consolidation de la position de l’armee dans les regions relativement calmes du Sud, en deployant des bataillons a Tyr, Nabatieh, et Zahrani. Neanmoins, toutes ces demarches ne changent rien a la situation. Il est donc contraint, sous pression de Damas, et avec le soutien et la participation de l’armee syrienne, de mettre le general Aoun hors du palais de Baabda, par le biais d’une operation menee le 13 octobre 1990, et qui donne la mort a 375 officiers et fait 500 blesses parmi les libanais. Aoun est force de prendre refuge a l’ambassade de France puis contraint a l’exil. Desormais, Lahoud peut debuter le processus de reunification et de reconstruction comme convenu dans les Accords de Taef. En effet, ces accords ne se sont pas uniquement interesses a la reforme politique, mais a tout ce qui assure le bon fonctionnement de la Seconde Republique. Aussi, invite-t-il au renforcement, a l’unification, a l’equipement, et a l’entrainement des forces armees afin qu’elles puissent accomplir leur mission de base : « La defense de la partie, et le cas echeant, la defense de l’ordre public lorsque le peril est hors de mesure avec les moyens des Forces de Securite Interieure ». De la sorte, le role essentiel de l’armee est avant tout d’ordre externe dans la mesure ou elle se doit de defendre le Liban de toute agression exterieure. Puis dans un deuxieme temps, elle se doit aussi d’intervenir a l’interieur, et « les circonstances du recours aux forces armees pour soutenir les FSI dans leur tache de maintient de l’ordre relevent du Conseil des Ministres. On constate que non seulement le role interne de l’armee est reduit, mais qu’en plus ce n’est plus le president, ou le chef de l’armee, qui lui donne cette responsabilite, comme il en etait techniquement le cas en 1975.


    Lahoud a donc certes eu du mal a cause du mauvais souvenir de la confrontation du 13 octobre 1990, mais toutes les mesures sont prises pour assurer l’egalite entre tous les soldats, allant du principe de « ni vainqueur ni vaincu ». Ceci dit, aucune discrimination n’est commise a l’egard des ex-aounistes et de leur evolution au sein de l’institution. Le processus de reconstruction debute enfin.


    D’abord, il faut legaliser le statut des membres de l’armee de Beyrouth Est, ainsi que celui des volontaires aux troupes dirigees apr Lahoud. Le desarmement des milices est egalement un imperatif majeur. En effet, l’Accord de Taef stipule « la proclamation de la dissolution de toutes les milices, libanaises ou non, et la remise de leurs armes a l’Etat libanais dans un delai de 6 mois, delai qui entre en vigueur apres la ratification du Document d’Entente Nationale, et l’adoption des reformes politiques par la voie constitutionnelle ». Ce desarmement constitue le premier pas vers le retour a la paix, vers le regain de la souverainete par l’Etat, ainsi que vers le regain du monopole de l’usage de la force. Comme il est de coutume a la fin des guerres civiles, les miliciens sont integres dans l’armee reguliere. Il s’agit la d’une question tant sociale que militaire. En effet, la plupart des miliciens sont des gens qui ont grandi durant la guerre et qui ont rejoint les milices a un tres jeune age. Ils ne maitrisent par consequent aucun savoir faire, si ce n’est que le combat arme. Il faut donc leur offrir une carriere alternative et la chance de recommencer une nouvelle vie. Parallelement a cela, un elargissement du corps militaire est prevu jusqu'à compter 60000 hommes. Pour cela, le 28 mars 1991, le Conseil des ministres donne a ces groupes jusqu’au 30 avril 1991 pour fermer leurs quartiers generaux, leurs centres d’entrainement et leurs casernes. Le 13 juin 1991, le Parlement vote la loi 88 specifiant l’integration d’environ 6000 miliciens lors d’une premiere vague. Il faut dire qu’au sein meme de l’institution militaire, les points de vue sont partages a l’egard de cette integration. Pour certains, l’absorption de ces hommes dans l’armee est un facteur d’affaiblissement. Ils doivent en consequence etre places a des postes civils, dans les ministeres et municipalites. Pour d’autres, dont l’avis a prevalu, si l’armee doit traiter tous les citoyens de maniere egale, il ne faut pas faire de discrimination, ni tenir compte des vieilles allegeances. Ainsi, les ex-miliciens sont integres dans toutes les unites. En 1991, les principales milices sont les Forces Libanaises, le Mouvement National et l’Armee du Liban Sud. Un seul groupe arme non etatique demeure : le Hezbollah, symbolisant la resistance contre l’occupation israelienne. Les Forces Libanaises (extreme droite chretienne), ravivees par la defaite de Aoun qui avait mene une guerre d’elimination contre eux en 1989-1990, compte encore 20000 membres. Le Mouvement National, qui comprend des forces musulmanes ou gauchistes, entre autres le Parti Socialiste Progressiste (PSP) de Joumblatt et la milice chiite Amal de Berri compte 12000 membres.


    En octobre 1993, les resultats de cette incorporation sont mis au grand jour : moins de 6000 ex-miliciens (3075) ont rejoint les rangs reguliers, ainsi que quelques douzaines d’officiers seulement qui regagnent leurs postes. On peut dire que l’operation en tant que telle represente une reussite generale, en depit de quelques points critiques qui demeurent. La preuve en est par exemple que, en 1994, precisement apres les attentats qui eurent lieu a Zouk durant le mois de fevrier, des munitions sont retrouvees dans les locaux ou centres politiques et sociaux appartenant aux Forces Libanaises. De meme en 1998, l’armee se rend compte que le groupe chiite Amal a effectivement les moyens lui permettant de participer a la resistance contre l’occupation israelienne au Sud du pays. Par ailleurs, il est interessant de signaler qu’une differenciation est faite entre les milices au moment de leur integration et quant a l’entree en politique de leurs chefs. De la sorte, le PSP, Amal, et meme les dissidents des FL de Hobeika sont apprivoises sans probleme. Au contraire, les FL sont traitees avec plus de rigueur, peut-etre parce que ce groupe en particulier a mis a mal la superiorite de l’armee durant la guerre d’elimination. C’est probablement une maniere pour l’institution militaire de regagner son honneur. D’autre part, le Hezbollah a une situation speciale dans la mesure ou il est considere comme etant une resistance legitime. Reste alors l’ALS, milice pro-israelienne d’Antoine Lahd qui n’a pas ete dissoute, tout simplement parce qu’elle est localisee dans une region ou l’Etat libanais n’a pas deploye sa strategie. Mais l’integration des anciens miliciens dans l’armee nationale ne constitue que l’un des facteurs necessaires a l’unification et a la reconstruction. D’autre part, une nouvelle etape « avait pour but d’effacer les consequences de la guerre sur l’etat des troupes que ce soit au niveau humain ou au niveau de l’infrastructure ». Il est primordial de batir une armee unie pour un peuple uni. Pour ce faire, on procede dans un premier temps au transfert d’hommes, parfois meme de bataillons entiers d’une brigade a l’autre, notamment entre celles des deux vieilles armees, afin de former de nouvelles brigades plus uniformes. A titre d’exemple, la 7e et la 2e Brigades sont unifiees ; la 8e et la 6e Brigade son unifiees ; la 10e et la 11e Brigade sont unifiees ; la 1e et la 5e Brigade sont unifiees. De meme, les bataillons 87 et 107 sont dissous et integres a la 6e Brigade a laquelle ils apportent leur materiel. Il est ensuite essentiel de changer la numerotation attribuee aux differents bataillons et brigades, car les chiffres qu’ils avaient coutume de porter indiquaient leur appartenance confessionnelle ou meme politique. Desormais, les nouveaux chiffres sont purement symboliques. Par exemple, le 67e Bataillon devient 61e. Enfin, lorsque les diverses unites sont mixees pour n’en former qu’une seule, d’autres sont automatiquement creees dans le but de maintenir la taille et l’efficacite de l’armee. Aussi, assiste-t-on a l’etablissement de la 3e Brigade, formee a partir des bataillons 31, 32, 37 et 98, des tanks de la 6e Brigade, et de l’essentiel des bataillons de l’ancienne armee de Lahoud, qui est bien evidemment dissoute. Cette 3e Brigade est deployee dans les zones non occupees du Sud du pays. Parallelement a ces mesures, on assiste a la distribution de materiel aux brigades, en provenance de camps militaires comme Rayack, Hammana ou Beyrouth. D’ailleurs, il faut bien preciser que l’essentiel de l’œuvre de Lahoud repose sur la question de l’equilibre confessionnel au sein de l’appareil militaire, afin d’en faire une institution purement nationale, ou la notion de citoyennete prime sur toutes les allegeances non etatiques. Ainsi, il n’a jamais ete accuse par quiconque, ni meme par ses adversaires de communautarisme. Comme nous l’avons deja mentionne, avant la guerre, chaque brigade avait une identite confessionnelle bien definie. Par exemple, la 4e Brigade etait druze, la 6e Brigade chiite, la 10e Brigade maronite,… La guerre n’a fait qu’accentuer ces clivages, dans la mesure ou les soldats qui forment une minorite au sein de leur groupe desertent en masse. De la sorte, lorsque les affrontements prennent fin en octobre 1990, cinq brigades ont une majorite chretienne depassant les 85% : ce sont les 5e, 7e, 9e et 10e. D’autre part, 5 autres brigades sont formees quasi-exclusivement de musulmans (95 a 100% ; ce sont les 1e, 2e, 6e, 11e et 12e). La encore, il procede a un transfert d’hommes entre les diverses unites et brigades pour realiser un equilibre entre les differentes communautes. Il faut ajouter que l’armee a ce stade recrute environ 3100 chretiens pour assurer la balance. Car, rappelons que les chretiens ont quitte leurs rangs au cours des derniers mois du commandement de Aoun a Beyrouth Est. Ce n’est qu’en 1992 que des resultats satisfaisants sont acquis. Et encore que 6 brigades gardent toujours une majorite musulmane refletant la preponderance de cette communaute au sein de l’armee. Le tableau suivant indique explicitement la balance confessionnelle a la fin du processus d’unification.



     


    Avant le 20 mars 1992 :    Apres le 5 juin 1992 :       


    Unites :    Chretiens :    Musulmans :    Chretiens :    Musulmans :       


    1e Brigade :    9.7%    90.3%    29.6%    70.4%       


    2e Brigade :    14.2%    85.8%    27.1%    72.9%       


    3e Brigade :    2.6%    97.4%    31.3%    68.7%       


    5e Brigade :    64.6%    35.4%    50.2%    49.8%       


    6e Brigade :    7.8%    92.2%    29.1%    70.9%       


    7e Brigade :    55.1%    44.9%    50.1%    49.9%       


    8e Brigade :    62.2%    37.8%    50.3%    49.7%       


    9e Brigade :    63.6%    36.4%    49.8%    50.2%       


    10e Brigade :    61.6%    38.4%    50.1%    49.9%       


    11e Brigade :    11.2%    88.8%    31.3%    68.7%       


    12e Brigade :    5.6%    94.4%    31.5%    68.5%       


    Garde Presidentielle :    70.4%    29.6%    54.7%    45.3%       


    1e Brigade d’intervention :    35.2%    64.8%    49.8%    50.2%       


    2e Brigade d’intervention :    56%    44%    49.8%    50.2%       


    Commandos :    60.9%    39.1%    50.2%    49.8%       


    Police Militaire :    68.3%    31.7%    49.9%    50.1%    



    Vu ces chiffres, nous pouvons dire qu’apres juin 1992, la minorite dans chaque brigade est inferieure au quart des hommes qui la composent. Ajoutons que 5 brigades sur 12, en plus de la garde presidentielle, des forces d’intervention, des commandos et de la police militaire, le proportion entre les chretiens et les musulmans varie de 60 a 40%. A part le deplacement des soldats, Lahoud place egalement des officiers issus de certaines communautes a la tete de certaines brigades. C’est-a-dire, un sunnite au lieu d’un chretien au commandement de la 8e Brigade, un chretien plutot qu’un chiite au devant de la 6e.


    Meme en ce qui concerne les promotions d’officiers, l’ancien systeme de recrutement base sur les quotas confessionnels est abandonne. On procede dorenavant a des recrutements selectifs completement bases sur des questions de merites, par le biais d’examens et de concours. De la sorte, une armee composee de membres qualifies est forgee. Les principaux elements inculques sont le sens de la responsabilite, l’expertise et l’esprit de corps. Des formations intensives ont lieu a Fayadieh, et dans les ecoles de guerre amies telle que Saint-Cyr en France, West Point aux Etats-Unis, Homs et Alep en Syrie. Cette operation est essentielle a des troupes qui ont oublie l’ethique militaire en participant aux differentes batailles de la guerre civile. De cette maniere l’armee devient la seule institution de l’Etat libanais qui applique les principes d’unite, de rigueur, de discipline et qui s’oppose a la fois a l’attitude clienteliste de l’Etat et au fonctionnement communautaire de la societe.


    Un autre element de cette reforme que connaît l’armee, est la mise en œuvre du service militaire obligatoire, sur une base de conscription generale. Deja, avant la guerre civile, c’est-a-dire en 1974, on decide d’introduire le service militaire pour une duree de 18 mois. Mais les affrontements meurtriers du conflit libanais empechent la realisation de ce projet. En 1983, avec les efforts de reconstruction de l’administration du president Amine Gemayel, quelques 2000 recrues repondent a l’appel du drapeau. Mais il est evident qu’une telle operation est impossible a realiser en temps de guerre. Pour cela, une fois la paix revenue, ce projet est a nouveau a l’ordre du jour. Dans un premier temps, ceux qui sont directement concernes sont les hommes nes entre 1966 et 1973, c’est-a-dire ages de 18 a 25 ans en 1991. Mais il s’agit la d’une masse importante equivalent a environ 260000 personnes. Il est donc evident que l’armee qui avant la guerre ne comptait pas plus de 21000 hommes, et qui a prevu d’atteindre les 60000 hommes apres sa reconstruction, ne peut pas absorber toutes ces recrues. En effet, cela est non seulement impossible d’un point de vue logistique, mais aussi parce que l’institution militaire doit garder une certaine balance entre les soldats de metier et ces jeunes qui effectuent leur service militaire. Il est de coutume dans ce genre de situation d’offrir une possibilite de rachat, contre une somme d’argent. Au Liban, la loi 97 du 21 septembre 1991 retablissant le service offre cette possibilite de badal, contre un montant de 1500000 livres libanaises, soit 1000$. Mais tres vite, on se rend compte que cette methode est inadequate dans la mesure ou elle n’encourage pas la formation d’une armee nationale uniforme. Effectivement, seuls les gens issus de familles pauvres serviraient, pendant que les autres, riches, en seraient exemptes. De la sorte, la situation est tres vite modifiee par la loi 245 du 12 juillet 1997 qui supprime definitivement cette option, et impose le service militaire a tous les hommes a partir de 18 ans, et ce pour la duree d’un an. Ainsi, environ 25000 jeunes sont recrutes chaque annee, equivalent dans un premier temps a 40 ou 50% de l’armee, puis diminuant ensuite a 30%. Cette etape si necessaire a la reconstruction de l’armee suscite les mecontentements de la majorite de la population dans la mesure ou elle represente une entrave a leur progression sociale. De la sorte, il est prevu de supprimer le service militaire au cours de l’annee 2007. Mais il est interessant de se demander si cette suppression ne causera pas de vide au sein de l’institution. Et s’il en est le cas, de quelle maniere y remedier.


    Dans tous les cas, il faut dire que pour mener ce processus de reconstruction a bout, le ministere de la Defense a privilegie d’un budget souvent superieur a celui accorde par l’Etat aux autres secteurs. Ainsi le budget de cette institution equivaut a 13.5% du budget national en 1991, puis a 24% et 14% respectivement en 1992 et 1993. C’est alors le premier poste de depenses avant l’education qui compte pour environ 13.5% et 10.2% en 1992 et 1993. En 1994 et 1995, le militaire touche 12% et 10% du budget national. On constate une certaine baisse du budget octroye a la defense. En effet, en 1996 et 1997, egalement, la defense emploie respectivement 10% et 11% du budget de l’Etat. C’est alors la 2e source de depenses, passant apres le service de la dette publique qui fait alors 40.26% et 42.16%. Enfin, en 1998, le militaire compte pour 10% du budget national. Il faut dire que meme si l’Etat accorde une part importante de son budget a la defense, cette part reste neanmoins limitee. De la sorte, pour etre plus concrets, les sommes en millions de dollars americains destines a la defense sont de 163 en 1991 ; 233.9 en 1992 ; 273.5 en 1993 ; 321.1 en 1994 ; 410.3 en 1995 ; 419.1 en 1996 ; 479.4 en 1997 ; et 494.6 en 1998. Ces sommes sont minimes a comparer avec celles du ministere de la defense jordanien. Toujours en millions de dollars americains : 404 en 1991 ; 434.8 en 1992 ; 435 en 1993 ; 564.2 en 1994 ; 589 en 1995 ; et 627 en 1996. Il est en plus utile de mentionner que la population et le PIB du Royaume Hachemite depassent de peu ceux du Liban. Amman depense environ 30 a 50% davantage que le Liban dans ce secteur, sans pour autant vivre un processus de reconstruction de son armee. D’autre part, il faut dire que la majorite du budget accorde au ministere de la Defense est destine aux salaires. Pres du tiers des salaries libanais, soit un demi million de personnes, sont employes par ce secteur. Ils profitent d’un ensemble de services sociaux, medicaux, de retraites, qui font des officiers des fonctionnaires privilegies dans tous les aspects de la vie quotidienne, y compris dans leurs loisirs. Ils ont par exemple droit a des credits de logement sans limites, avec la fondation de l’Iskan el Askari en 1994, et profitent de clubs sportifs, plages, et autres lieux de divertissements prives. A titre d’exemple, en 1991, les salaires font 50.2% du budget militaire ; 76.8% en 1992 ; 68.4% en 1993 ; 64.6% en 1994 ; 70.6% en 1995 ; 71.3% en 1996 ; 84.2% en 1997 et 84.5% en 1998. A part les salaires, l’armee doit bien evidemment se procurer du materiel. Mais la plupart de son arsenal provient d’une aide etrangere. Les Etats-Unis lui vendent des milliers de jeeps, de camions, de l’artillerie et quelques helicopteres a des prix symboliques. La Grande-Bretagne, la France, l’Italie, la Syrie, l’Egypte offrent des vehicules tactiques, des munitions, de l’artillerie et du support logistique. Parallelement, le desarmement des milices permet a l’armee de mettre la main sur leur modeste equipement. De la sorte, Lahoud reequipe l’institution militaire a moindre cout. Finalement, il faut dire en ce qui concerne le cas libanais, que les depenses liees a l’armement donnent du poids a l’economie nationale qui est tres largement privatisee. La defense est donc un agent tres important qui est loin d’engendrer des depenses improductives dans le mesure ou elle cree des milliers d’emplois et satisfait un besoin de securite nationale et de paix.


    Apres le retrait israelien  du Sud Liban, l’institution militaire n’est toujours pas en mesure de remplir sa mission externe stipulee par les Accords de Taef. Un debat s’ouvre alors sur la question du deploiement de l’armee dans les regions liberees. Pour certains, cette demarche est necessaire afin de restaurer la souverainete de l’Etat sur l’ensemble du territoire. Mais l’Etat lui-meme a une autre vision de la situation. Il considere que le positionnement de ses troupes au Sud nourrit les interets israeliens. En effet, la mission de l’armee est de garantir la paix sur les frontieres, et a l’interieur du pays. Or, cela est impossible dans la mesure ou le corps militaire ne peut pas empecher les operations de la resistance, a un moment ou certaines zones sont encore occupees, les eaux nationales detournees, et la souverainete constamment bafouee par les incursions israeliennes. L’armee libanaise ne veut pas alors jouer les gardes frontieres pour assurer la securite de l’Etat hebreu. Ceci etant, il faut garder a l’esprit que l’armee libanaise ne possede pas les moyens materiels et les equipements requis pour faire face a la superiorite de Tsahal. De la sorte, elle ne peut empecher aucune offensive, parallelement au fait que tout accrochage est susceptible de la mettre en danger, et constitue une menace pour le Liban tout entier car il s’agit d’une institution officielle qui represente l’Etat. A cette epoque, le gouvernement considere que le deploiement des troupes nationales au Sud est une premiere etape vers la normalisation des relations avec Tel-aviv. Il ne compte en aucun cas abandonner la resistance car l’histoire a montre que ce ne sont pas les resolutions internationales qui ont delivre les regions occupees du joug d’Israel, mais les pressions de la resistance. La, il faut mentionner qu’une armee reguliere aussi puissante que Tsahal ne peut etre vaincue que par des combats de guerillas. D’ailleurs, la derniere guerre de l’ete 2006 l’a prouve. A present, le deploiement de l’armee au Sud devient une realite. Est-ce a dire qu’elle est prete a affronter Tsahal ? Et quel est le but de ce deploiement si le Hezbollah contrôle toujours cette region ? Cette coordination entre la resistance et l’armee dans la defense du pays, constitue-t-il une premiere etape vers l’integration du Hezbollah dans les rangs reguliers ?


    En depit de son role limite dans le Sud du pays, pour les raisons que nous venons d’evoquer, certaines unites specialisees dans le deminage se mettent a l’œuvre en localisant les zones touchees, en deminant, et en portant assistance aux populations. D’ailleurs, un soutien particulier est apporte aux deplaces afin de regagner leurs villages dont les diverses infrastructures sont rehabilitees par l’armee. De la sorte, elle a egalement un role social. Elle se charge des operations d’assistance humanitaire notamment lors des catastrophes naturelles comme les inondations, les violentes tempetes de neige, et aussi durant les incendies. De meme, elle s’occupe de la rehabilitation des sites culturels et historiques ainsi que la reforestation du pays. D’autre part, la marine a certaines missions particulieres, outre la protection du littoral et des eaux territoriales contre les agressions israeliennes. Par exemple, elle lutte contre le trafic d’alcool, de tabac, et surtout de drogue. Contre la contrebande de personnes et de cargaisons, en assurant des missions instantanees de Search & Rescue pour venir en aide aux bateaux menaces. Contre l’immigration illegale qui prend le Liban comme point de depart, surtout vers la Grece, l’Italie, l’Allemagne, notamment de la part de familles irakiennes kurdes. Contre la peche illegale et la nuisance a l’ecosysteme marin par l’utilisation de poisons et de dynamites. Contre la pollution marine que provoque le deversement des eaux des egouts, des dechets petroliers et chimiques de la part des usines, des bateaux et des raffineries directement dans la mer. Elle se charge egalement de la securite des ports qui sont souvent sujets a des operations illegales. Elle veille a l’application des lois marines conformement aux traites internationaux par les bateaux commerciaux.


    Finalement, on peut dire que le succes de la reconstruction de l’armee contraste avec les autres secteurs de la vie publique libanaise, notamment la politique et l’economie. Cette institution devient donc un tremplin sur lequel l’Etat peut compter ainsi qu’une source de pouvoir pour lui. De la sorte, l’armee etablit un reseau de relations politiques dont l’apogee se manifeste par l’election du general Emile Lahoud a la presidence de la Republique. Il faut savoir que pour rendre cela possible, la loi de defense nationale 102/83 est modifiee, permettant a cet homme de rester a son poste de commandant en chef des forces armees, jusqu'à l’avenement des elections presidentielles de 1998. Pourtant, il aurait du se retirer en 1997, a l’age de 59 ans, comme convenu a l’origine dans cette meme loi. L’annee suivante, l’article 49 de la Constitution est revise lui permettant d’acceder a la tete de l’Etat directement a la suite de son mandat militaire. Par exemple, suite a une demande du gouvernement, l’armee reprime les manifestants contre les accords d’Oslo en septembre 1993 et fait 13 morts parmi leurs rangs. De meme, deux ans plus tard, le president du Conseil, Rafic Hariri, charge l’appareil militaire et non la police de la securite de certaines regions apres l’interdiction de mnifestations suscitees par l’appel a la greve generale de la CGTL. En outre, cela ne signifie pas que l’armee est subordonnee a l’Etat. En effet, en 1996, il semble que l’armee ait conjointement avec la CGTL choisi d’eviter la confrontation en imposant un couvre-feu. Ainsi, on voit qu’elle partage les revendications sociales des masses a l’egard de la classe politique. Dans tous les cas, l’armee suit les grandes orientations du pays, sa principale menace et son seul ennemi etant Israel. Elle fonctionne donc en tant qu’institution neutre a l’egard de toutes factions internes et c’est en grande partie ce qui fait sa force et sa solidite.



    Bibliographie :


    -Taqi al-Din, R. (1994) : Ihya al-jaysh 1988-1994 ; Beyrouth.


    -Karim Pakradouni (2004) : Le lahoudisme et le chehabisme : de l’armee neutre a l’armee resistante ; La Revue du Liban ; 10-17 juillet.


    -A. Messara (1994) : l’armee libanais : servitude ou partenariat ; Fadia Kiwan : Le Liban aujourd’hui, CNRS Editions.


    -R. Habib (2002) : La vocation des militaires au sein de l’exception democratique libanaise, memoire en DEA de sciences politiques ; Beyrouth ; USJ.


    -P. koekenbier (2005) : Multi-Ethnic armies : Lebanese Lessons & Iraqi Implications ; Camberley ; Conflict Studies Research Centre ; CSRC.


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