• Les fedayin, leurs armes et leurs campements (L'Orient-Le Jour du 6 octobre 2005)

    Un va-et-vient incessant d'effectifs entre la Syrie et les positions palestiniennes en territoire libanais:

    A Yanta, les fedayin, leurs armes et leurs campements sont devenus la hantise quotidienne des habitants:

    L'armee libanaise s'est deployee hier a Yanta, village du caza de Rachaya, qui jouxte la frontiere syrienne a la hauteur de Jdeidet Yabous. La troupe, qui avait dresse un barrage il y a deja 4 ans a proximite de cette localite qui compte en ete environ 2000 habitants, s'est postee hier dans une zone du village surplombant un campement palestinien, dans le lieu dit al-Jabal al-Assouad (la montagne noire). C'est que depuis plusieurs mois, les habitants de Yanta, notamment des bergers et des agriculteurs, remarquent que ces positions -et il en existe deux importantes aux alentours du village- se vident et se remplissent par intermittence de leurs effectifs armes. Au cours des dernieres semaines, certains ont egalement pu voir des hommes, des fedayin qui s'entrainent. Ils ont vu aussi "des fedayin se promener a l'interieur du village dans des vehicules sans plaques d'immatriculation, ou avec des plaques portant l'inscription "Rif el-Cham"." Les soldats syriens ont quitte Yanta et les villages alentours en avril dernier. A l'instar des localites voisines de Deir al-Achaer et de Kfarkouk, un contentieux sur la propriete de certains terrains, notamment agricoles, existe entre les habitants du village libanais et leurs voisins syriens.

    Combien de positions palestiniennes et de caches d'armes existent exactement a Yanta et a Halwa, village voisin situe lui aussi a la frontiere libano-syrienne? A quelles factions appatiennent ces palestiniens, nommes fedayin par les habitants qui les fuient comme la peste? Les versions different selon les temoignages.

    L'armee avait arrete, dans la region, il y a une dizaine de jours, des palestiniens appartenant notamment a Fath-Intifada, un terme que les habitants de la localite de Yanta et Halwa n'utilisent pas. C'est que les camps d'entrainement palestiniens dans les localites ont commence a apparaitre en 1969. Certains d'entre eux, notamment a Yanta, avaient ete bombardes a plusieurs reprises par l'aviation israelienne. Ici, les habitants n'ont jamais ete surs si les campements ont ete completement evacues, meme pour un moment, depuis plus de 30 ans. Ils savent cependant que depuis plusieurs annees, les palestiniens ne s'y entrainent plus. "Avant le depart des troupes syriennes, il n'y avait plus que 2 ou 3 hommes dans chaque camp situe aux alentours de Yanta, de vieux miliciens, appartenant probablement au FDLP de Nayef Hawatmeh postes aux entrees des positions comme s'ils gardaient un tresor", indique un habitant qui veut preserver l'anonymat. "Quelque temps apres le depart de l'armee syrienne, leur nombre a commence a augmenter, par intermittence, c'est-a-dire que parfois, ils n'etaient plus que 2 ou 3 en soiree pour combler une vingtaine le lendemain matin", ajoute-t-il.

    "Je les ai vus en train de s'entrainer dans le camp de Wadi el-Assouad avant-hier, ils etaient une trentaine", indique Wissan, qui se rend a ses champs chaque jour. "Depuis des semaines, tous les matins, a 5h45, une camionnette sans plaque venant de Syrie depose des fedayin dans ces campements", precise-t-il.

    "Les campements de Rachaya sont probablement utilises actuellement comme points de passage entre la Syrie et le Liban. Les palestiniens s'arretent a ces campements avant de rejoindre les camps de Beyrouth et du Liban-Sud". ajoute-t-il. Il n'est pas le seul a etre de cet avis.

    Il existerait 16 points de passage illegaux entre Yanta et la frontiere syrienne. "Durant la nuit, des vehicules de toutes les dimensions, des camionnettes ou des berlines aux vitres fumees, immatricules en Syrie ou sans plaques, circulent aux alentours du village", indique Khaled. "Ils transportent des marchandises et des hommes", ajoute-t-il.

    Les habitants du village racontent egalement que l'armee libanaise a arrete a plusieurs reprises au cours de ces derniers mois, non loin de Yanta, des ressortissants irakiens qui avaient franchi illegalement la frontiere. Ils parlent aussi d'une camionnette recouverte d'une bache, sans plaque d'immatriculation et transportant des armes, qui a ete interceptee il y a une semaine par l'armee.

    La cloture edifiee par Chamoun:

    Karim est un agriculteur de Yanta qui ne s'est pas rendu dans certains de ses terrains depuis 30 ans et qui sont situes a proximite d'un important camp palestinien du village. Il lance: "Les palestiniens sont la depuis 1969. Depuis 1976, les syriens m'empechent d'aller sur mes terres, qui sont devenues des terrains vagues depuis 30 ans. Et, par-dessus le marche, ils pretendent que les terrains leur appartiennent, ils y ont meme construit des batiments en dur. Depuis tout le temps, cette frontiere est une passoire. Il n'y a eu qu'un seul president assez courageux pour leur tenir tete. Pour les empecher de venir chez nous, Camille Chamoun avait fait construire une immense cloture, dont une partie existe jusqu'a present, mais elle ne sert plus a rien depuis longtemps".

    Issam Halabi, president du conseil municipal de Yanta, tient un discours balance. Il pese ses mots, choisit ses termes, pour faire passer le message. C'est que le village se trouve a la frontiere syrienne et beaucoup de ses habitants se rendent regulierement a Damas. M. Halabi etait aussi le conseiller en information du chef du PSP, Walid Joumblatt.

    M. Halabi n'aime pas parler d'un contentieux a la frontiere, "mais de proprietes mal delimitees". "Des bedouins originaires de Syrie se sont installes sur des terrains appartenant a des habitants de Yanta", dit-il.

    Interroge au sujet des campements palestiniens, il indique qu'il en "existe deux aux alentours du village, a Wadi al-Assouad et a Khalali al-Hayat. Crees en 1969, ils ont longtemps ete sous controle syrien. L'une des positions a ete entierement evacuee apres le depart des troupes de Damas, pour etre reinvestie par les palestiniens".

    Une promenade dans la montagne de Yanta et Halwa prouve que la contrebande, tout comme les campements palestiniens, sont impossibles a controler. Ici, rares sont les routes asphaltees. On ne voit que des monts et des vallees ou serpentent des chemins en terre battue. A partir des collines libanaises, on ne distingue a quelques centaines de metres qu'une seule route asphaltee, l'autoroute internationale Beyrouth-Damas, au niveau de Jdeidet-Yabous en Syrie, ou encore des hameaux situes en territoire syrien.

    On remarque aussi dans les collines de petites chambres et des guerites clairsemees ici et la. Ce sont les parties visibles des campements palestiniens. Construits dans la roche et entre les arbres, ils portent les couleurs palestiniennes. Difficilement accessibles a partir de terrains agricoles, on voit seulement leurs entrees et l'on ignore ce que contiennent les tunnels et les grottes.

    A Halwa, l'un des campements qui servaient de bases d'entrainement au PKK est completement vide. Dans une vieille maison, a la frontiere du village avec la Syrie, une femme qui refuse de devoiler son identite nous prie de partir, indiquant qu'elle n'est au courant de rien. Dans un coin de l'une des chambres de sa vieille maison, une caisse de munitions toute verte, toute neuve. "Ce n'est pas ce que vous pensez. C'est ici que je range mes vetements", lance-t-elle, ouvrant la caisse et montrant des habits multicolores.

    Toujours a Halwa, au bout du village, a la frontiere syrienne: parmi les chemins en terre battue, une route asphaltee en fer de cheval. Peut-on rejoindre, a partir de la, Majdel Anjar et l'autoroute Beyrouth-Damas? "Bien sur que non, c'est une route illegale qui mene directement en Syrie, indique un berger. Il n'y a pas de gardes-frontieres. Juste un barrage des services de renseignements syriens au niveau de Jdeidet Yabous. Mais avant d'y arriver, regardez a droite, vous verrez un immense campement de fedayin. Ils peuvent etre dangereux".

    Le chemin en sens inverse est en terre battue. Ce chemin a ete coupe avec des blocs de pierre ces dernieres 48h pour empecher l'acces a l'un des campements palestiniens de Halwa. Il faut encore rouler entre les collines sur d'etroits sentiers avant de rejoindre un bout de route et s'assurer qu'on est bel et bien en territoire libanais. (Patricia Khoder).


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