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Les troupes syriennes abandonnent des positions(L'Orient-Le Jour du 10 mars 2005)
La 1e phase du retrait syrien prévu par le Conseil supérieur libano-syrien s’est poursuivie pour la 3e journée consécutive. Mais ce n’est qu’hier que l’ampleur de ce redéploiement a commencé à être constatée sur le terrain. Des positions occupées par l’armée syrienne depuis 1978 ont été totalement évacuées. Au caza de Batroun, c’est le cas de Hamate et de la zone de Madfoun sur le littoral, où les habitants ont laissé éclater leur joie. A Tripoli, dans le secteur al-Mina, quelques postes ont été abandonnés. Au Mont-Liban, c’est le caza de Aley qui est touché en 1er lieu par ce redéploiement, quelques campements ont été évacués dans la nuit de mardi à mercredi, notamment l’école Kortbaoui à Dahr el-Wahch.
Dans d’autres positions de ce même caza, des soldats syriens continuaient à empaqueter leurs affaires, s’apprêtant à partir en soirée. A Hammana, Ain Dara et Mdeirej, les campements syriens ont été allégés presque de moitié en l’espace de quelques jours, alors que les postes syriens du Metn restaient intacts.
Dans une déclaration à la presse, le vice-Premier ministre sortant, Issam Farès, a indiqué que la 1e étape du redéploiement des troupes syriennes, conformément aux accords de Taef, devrait s’achever le 23 mars, à la veille de la réunion du Sommet arabe.
Hier donc, à Hamate et dans la zone de Madfoun, les habitants ont laisse éclater leur joie après l’évacuation des positions syriennes.
Les positions de l’armée syrienne dans ces 2 zones stratégiques de Batroun avaient déjà été allégées en février 2003 sans pour autant être complètement évacuées. Mais hier, dans cette région du Liban, l’heure du grand départ avait bel et bien sonne.
Et en voyant 2 postes complètement abandonnés –la position de DCA au-dessous du pont de Madfoun et la caserne qui lui est adjacente située sur la route maritime, ainsi que l’immense campement à l’aéroport de Hamate –, les observateurs ont réalisé qu’une page de l’histoire du Liban est à jamais tournée.
Rappelons dans ce cadre que le pont de Madfoun formait le point de passage entre la région Est et le Liban-Nord tout au long de la guerre, et que l’aéroport militaire de Hamate constituait pour l’armée libanaise l’une des positions les plus stratégiques de la région avant qu’il ne soit investi par les troupes de Damas en 1978.
Inutile de préciser aussi que toutes les villas et les maisons de bord de mer à Kfarabida investies par les troupes de Damas depuis près de 30 ans ont été restituées à leurs habitants, que les bases de missiles air-sol de Wej el-Hajar (prolongement de l’aéroport de Hamate sur le littoral) ainsi que les radars de Mar Semaan (Hamate) ont été démantelés.
Réalisant que les troupes syriennes ont quitté définitivement leurs positions et que l’armée libanaise les a remplacées, des dizaines et des dizaines d’habitants de Hamate ont aussitôt afflue sur les lieux, brandissant des drapeaux libanais, en chantant, dansant et scandant : « Nous ne voulons d’autre armée que l’armée libanaise ». Ils ont aussi répété les slogans de l’opposition : « Liberté, souveraineté, indépendance » et « Syrie dehors ! ».
A Madfoun, des habitants ont distribué des bonbons et des fleurs aux passants alors que des jeunes, pot de peinture à la main, ont recouvert –avec les couleurs blanche et rouge de l’opposition –des inscriptions laissées par des militaires syriens. Ils ont aussi brulé des uniformes abandonnés. Ils ont également brandi une grande pancarte ou était inscrit : « Merci l’ONU, Annan, Bush et Chirac pour la 1559 ».
Et c’est dans une atmosphère de liesse que des convois de voitures arborant le drapeau libanais ont circulé entre les positions abandonnées de Madfoun, Wej el-Hajar et Hamate.
Toujours au Liban-Nord, à Tripoli, quelques postes syriens dans la zone al-Mina ont été évacués. Tripoli abrite encore une quinzaine de positions syriennes, notamment l’important poste de Haykaliye. Mais à la tombée du jour, les militaires syriens pliaient bagage dans ces postes et campements. Le départ serait prévu pour les heures qui viennent.
Au Akkar, des camions syriens chargés de soldats et de matériel ont évacué dans la nuit de mardi à mercredi l’aérodrome militaire de Koleyate et se sont dirigés vers la Syrie. C’était le cas aussi d’un convoi formé de 8 camions chargés de soldats.
Avant de quitter Aley, un moment pour les emplettes :
Au Mont-Liban, dans les positions d’Aley et de Dhour el-Abadiyé, sur l’autoroute Beyrouth-Damas, et dans les campements de Hammana et de ce qui constitue le triangle Ain Dara-Hammana-Mdeirej, l’activité préparant le redéploiement s’est poursuivie tout au long de la journée. En fin d’après-midi, quelques positions étaient évacuées à Aley, chef-lieu de caza. Et près d’un millier de soldats syriens auraient quitte toute la zone.
Sur la route de Dahr el-Baidar, des dizaines de véhicules de l’armée syrienne, quittant la Bekaa pour le Mont-Liban, ont été croisés, notamment des jeeps ayant des officiers à bord, des autocars vides destinés au transport des troupes et des camions remorques vides de tout chargement.
Dans plusieurs campements de Mdeirej et de Ain Dara, à moitié évacués lors de ces 3 derniers jours, des soldats s’appliquaient encore à recouvrir des tanks de bâches, à ranger des affaires ou encore à démanteler leurs installations de câbles électriques et téléphoniques. A Falougha, l’évacuation qui a commencé dans la nuit de mardi à mercredi s’est poursuivie. Le campement dans la plaine de Hammana a été allégé.
Malgré le départ d’un bon nombre de soldats syriens stationnés dans la zone, les habitants restent sceptiques, perdant patience. « La radio a annoncé que les syriens ont démantelé le radar de Hammana. Les journalistes racontent n’importe quoi ! » s’insurge l’un d’eux, montrant le radar toujours en place en expliquant qu’il « y avait tout simplement du brouillard et l’informateur ne l’avait pas vu ». « Ils ne partiront jamais », dit-il, reconnaissant cependant que depuis 3 jours, il est « réveillé en pleine nuit par le bruit des camions syriens qui quittent la localité ».
Un autre craint que les troupes qui ont abandonné des positions –sans pour autant les évacuer entièrement –reviennent : « S’ils veulent vraiment partir, tous les soldats doivent quitter la région une fois pour toutes et en même temps. De plus, ils n’ont pas bougé du Metn. Ce redéploiement est un mensonge comme tous les autres ».
Toujours à Hammana hier, en début de soirée, la police militaire libanaise était stationnée devant le poste des services de renseignements syriens commandant tout le Mont-Liban.
Selon les responsables syriens et libanais, cette 1e étape du repli devrait toucher les permanences des SR. Mais à Beyrouth, dans le secteur du Beau Rivage et à Hamra, ainsi qu’à Amioun (caza du Koura, Liban-Nord), où les soldats de Damas avaient abandonné depuis quelques années leurs positions, les postes des services de renseignements sont toujours maintenus.
Soulignons qu’au terme des accords de Taef, le redéploiement vers la Bekaa ne concerne pas Hammana, Falougha et Ain Dara. Ces 3 localités devaient constituer avec Dahr el-Baidar la ligne de retrait du repli syrien.
Hier en fin d’après-midi, quelques positions de Aley, chef-lieu de caza, étaient déjà complètement vides ou abritaient seulement 2 ou 3 soldats. Une vingtaine de camions bâchés étaient en cours de chargement près de diverses positions syriennes. Des voitures de la police militaire libanaise étaient stationnées en début de soirée devant le secteur où logent des officiers et des cadres de l’armée syrienne.
Dans les bâtiments déjà délabrés qui les abritent, des soldats syriens s’appliquaient à démonter les cadres en bois des fenêtres et des portes pour les ranger dans leurs camion. D’autres enroulaient leur matelas, alors que certains avaient décidé de faire des emplettes de dernière minute. Certains se contentaient d’acheter des biscuits et des douceurs, en prévision du trajet qu’ils effectueront durant la nuit, d’autres avaient les mains chargées de sacs d’oignons, de barquettes d’œufs et de bidon d’huile d’olive. Bref, hier en début de soirée, à Hay el-Kettaneh et Hay el-Wata, tout était prêt pour le grand départ.
Comme à Hammana, plusieurs habitants d’Aley perdaient patience. « On ne sera pas heureux avant que le dernier soldat syrien présent au Liban ne quitte la frontière », lance l’un d’eux. Un autre souligne d’un air ironique : « D’ici au 2 avril, date de la publication du rapport Annan sur la 1559, toutes les troupes syriennes auraient quitté le Liban. Même si on les supplie de demeurer au Liban, nos grands frères nous tourneront le dos pour courir en direction de Damas ».
Aley encore. Une position complètement évacuée durant la journée. Non loin de là, un homme debout, presque immobile, contemple le poste abandonne. « Ils étaient mes voisins. Ils sont partis aujourd’hui. Cette nuit, pour la 1e fois depuis longtemps, je dormirai tranquille », dit-il.
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