Lundi 6 janvier 1975:
Tripoli: l'armée donne l'assaut à la République des Hors-la-loi:
La vieille ville investie:
Bilan de l'opération: 2 tués, 12 blessés et 75 arrestations:
(De notre correspondant permanent au Liban-Nord, Négib Iskandar):
L'opération tant promise, attendue depuis 6 mois et à maintes fois ajournée, a enfin eu lieu hier, lorsque les forces de l'ordre ont réussi, après une journée de tension, entrecoupée d'échanges de coups de feu, à investir et à contrôler entièrement la vieille ville de Tripoli où s'étaient refugiés depuis 6 mois de nombreux hors-la-loi qui y faisaient régner le désordre et la terreur. En définitive, le bilan de l'opération est moins lourd qu'on ne l'escomptait: 2 tués, dont un agent des FSI, 12 blessés civils et militaires, un blindé Panhard endommagé, 75 personnes arrêtées et saisie d'un important lot d'armes de tout calibre, de grenades, d'explosifs et de munitions.
C'est dimanche, à l'aube, que 40 blindés de l'armée et des FSI ont encerclé la vieille ville dont ils ont bloqué toutes les issues. Une fois le dispositif bien en place, l'assaut a été donné aux environs de 4h du matin. Les habitants des quartiers ont été réveillés en sursaut par le vrombissement des blindés. Aussitôt après, des haut-parleurs, montés sur les voitures de police, ordonnaient à la population de ne pas sortir des immeubles. Le couvre-feu a été également institué, l'électricité et le téléphone coupés, isolant la vieille ville du reste de Tripoli.
C'est en 3 points de la vieille ville que l'assaut a été donné simultanément: Souk el-Attarin, Place Defterdar et Montée Rifahiyé. Le premier accrochage a eu lieu à Rihaniyé. L'échange de coups de feu a fait 1 tué civil, Ali al-Mir (non recherché par la police), et 6 blessés dont le capitaine Nassif Toubia, le conscrit Henri Moussa (dont l'état est assez grave), Wafa Halabi et Nada Azil. Au cours de la bataille, une charge de dynamite a été lancée par les hors-la-loi sur un blindé Panhard qui a été endommagé.
Le second affrontement s'est déroulé un peu plus loin au lieu-dit "Hammam el-Makloub". Les forces de police ont réussi à blesser et à arrêter Ali Zohbi, un hors-la-loi, tandis que ses camarades réussissaient à prendre la fuite laissant sur les lieux une mitrailleuse et des explosifs.
A 8h du matin, un calme relatif est revenu sur la vieille ville. Les coups de feu ont cessé et des commandos de l'armée et des FSI ont entrepris de fouiller une à une les maisons. C'est alors que le directeur général des FSI, le commandant de la gendarmerie et le Procureur général de la Cour d'appel sont arrivés sur les lieux et ont supervisé l'opération, que le ministre de l'Intérieur, le président Rachid Solh, a tenu à diriger lui-même.
Comment les hors-la-loi ont réussi à s'enfuir:
Lorsque les blindés ont commencé à ceinturer à l'aube la vieille ville, les repris de justice ont flairé le piège et la plupart d'entre eux ont quitté leur cachette pour se réfugier à l'intérieur de la Mosquée al-Moallak avant de s'abriter à l'intérieur de plusieurs immeubles où ils sont restés cachés durant toute la journée.
Au cours de la fouille de la vieille ville, et notamment des domiciles d'Ahmed Kaddour et de Fayçal Attrache, les FSI ont mis la main sur plusieurs fusils mitrailleurs de divers types, des mines antichars, des explosifs de tout genre, des grenades, et du haschisch. Chez Kaddour, les commandos ont arrêté Mahmoud Hanach, Abdelrahman Ghannoum et une jeune femme, Khadra Ahmed Selman, qui a déclaré être l'épouse de Kaddour depuis 2 mois. L'opération-fouille s'est poursuivie jusqu'à 15h sans incidents.
Mitrailleuses et bazookas:
A 15h30, les FSI ont été prises sous un feu nourri d'armes automatiques place Defterdar. Le gendarme Ali Mohammed Nassereddine a été tué sur-le-champ. Les sergents Jaoudat Ibrahim et Assaad Ibrahim, le conscrit Saliba Rizk, le gendarme Georges Bazergi et les civils Khaled Cheikh et Khodr Bakkour ont été blessés. Au cours de l'engagement, qui a duré 3h, on a utilisé de part et d'autre des mitrailleuses, des bazookas, des grenades, des projectiles Energa et RPG.