• Extraits du rapport du ministre de la Defense nationale en Conseil des ministres avril-mai 1992:

    A- La reunification de l'armee et la fidelite a l'institution:

    1- La reunification de l'armee et la fidelite a l'institution:

    -L'adoption par le commandement de l'armee, et a travers une cooperation absolue, du principe de la subordination de l'institution militaire aux decision du pouvoir politique.

     

    -Le passage de brigades a caractere communautaire ou regional a des brigades a caractere national a travers l'operation progressive de l'amalgame (des unites).

     

    -L'affirmation du principe de la fidelite exclusive a l'institution militaire legale et a son commandement.

     

    -L'adoption de mutations au niveau des officiers, sous-officiers et soldats, de et vers les differentes unites et regions dans le but d'assurer l'union nationale, l'unite et la cohesion au sein de l'institution militaire.

     

    -L'adoption du concept de deploiement operationnel de maniere a ce que le desengagement ait lieu entre certaines brigades et leurs regions.

     

    -Le retour a la reference institutionnelle quant a l'activation des etats-majors, des organismes et des directions...

    (Extrait de la Revue e l'Armee; mai 1992, numero 85).


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  • Installations de l'armee libanaise en 1988-1990:

     

    1-Batiments residentiels:

    -Villa Noura a Horch Tabet: QG de la 5e Brigade.

    -Villa a Horch Tabet: QG du 54e Bataillon.

    -Villa a Hazmieh: QG d'une compagnie de la Moukafaha.

    -L'immeuble Baida a Ain el-Remmaneh: Administration et entrepots.

    -Immeuble a Hazmieh: QG du regiment anti-char.

     

    2-Batiments publics:

    -Penitentiaire de Roumieh: QG du 52e Bataillon.

    -Penitentiaire de Roumieh: QG du regiment des Maghawir.

    -Stade municipal de Jounieh: Piste d'atterrissage des helicopteres militaires.

    -Station d'Emission de Radio-Liban (officielle): QG de la 7e Brigade.

     

    3-Batiments industriels:

    -Mkalles: QG du 91e Bataillon.

    -Nahr Ibrahim: QG du 72e Bataillon et entrepot.

     

    4-Edifices religieux:

    -Couvent de Rayfoun: poste d'une Compagnie de la brigade des Ansar.


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  • Cadre spatial et temporel:

    -L'armee libanaise a ete formee durant le Mandat francais et a connu une continuite depuis.

    -Le centre de decision de l'armee libanaise est demeure a Beyrouth-Est ainsi que les unites operationnelles.

    -Seule la section de l'appareil militaire etatique base a l'Est de Beyrouth, pouvait fonctionner, ayant maintenu son pouvoir de decision et d'execution.

     

    Historique de l'armee libanaise:

    Lorsque les troupes francaises mirent fin a quatre siecles d'occupation ottomane, des unites composees de libanais presentes dans la Legion d'Orient participerent a cet effort a cote des autres elements ethniques que comptait ce corps (armeniens et syriens).

    Une fois le mandat et l'Etat du Liban instaures, en 1920, les autorites francaises ont cherche a former des unites composees d'autochtones pour la participation aux missions de controle surtout. Elles ont reorganise dans ce but la Legion d'Orient dont les composantes principales seraient desormais les Bataillons de Chasseurs du Liban, ce qui representera un embryon de force armee composee par des libanais.

    Apres l'insurrection druze de 1925, de nouvelles mesures etaient urgentes, d'ou la creation des Troupes Suppletives du Levant en 1926, dont fera partie la Legion d'Orient.

    Ces nouvelles unites etaient de valeur et de potentiel superieurs a leurs precedentes et participerent a toutes les missions entreprises dans le pays. Progressivement, la participation libanaise a l'encadrement devint de plus en plus importante grace a la formation d'officiers et de sous-officiers libanais. A partir de 1930-1932, les Troupes Speciales Libanaises du Levant furent instituees, representant un nouveau progres qualitatif et quantitatif, et allaient operer aux cotes des formations francaises jusqu'a la Deuxieme Guerre mondiale en 1941. Quant a la gendarmerie, elle persista dans sa croissance et dans son role a l'epoque du Mandat puisqu'elle existait deja depuis l'epoque ottomane et constituait ainsi le plus vieux corps arme de l'Etat libanais.

    En 1943, le Liban obtint son independance presque pacifiquement, ce qui n'engendra pas de rupture violente et radicale avec la puissance mandataire: l'administration demeura intacte et les troupes constituees de libanais composeront desormais l'armee libanaise (sous le commandement du colonel Fouad Chehab).

    En 1948, le Liban s'engage dans le conflit avec l'Etat hebreu, et son armee se bat sur le front Sud en Galilee, ou elle realise des percees. A la fin de cette guerre, chacun des belligerants se retire derriere la frontiere internationale a quelques exceptions pres a la suite d'un accord d'armistice. L'Etat ayant garde des relations etroites avec les puissances occidentales, l'organisation et le materiel de l'armee libanaise demeurera de provenance occidentale.

    Tres tot, l'armee libanaise cherchera a se developper, d'ou la creation d'une Armee de l'Air en 1949 et d'une Marine en 1950, le Liban ayant recu a l'origine des unites d'infanterie et de blindes.

    L'armee, sous l'impulsion de son commandant en chef, le general Fouad Chehab, se fixa une regle d'or: rester neutre dans les conflits internes tout en intervenant dans le cas ou l'anarchie menace le pays afin d'y remedier par une stabilite assuree par l'armee.

    En 1952, l'armee intervient dans la crise politique entre le president Bechara el-Khoury et l'opposition et le general Chehab assura la presidence du Conseil provisoire et remis en regle le pouvoir aux civils.

    La crise de 1958 etait d'une ampleur tout a fait differente car les puissances regionales y etaient impliquees a travers les dissensions internes libanaise, d'ou le danger de l'eclatement et de la soumission du pays. L'armee protege la legalite et le systeme politique en place menaces, sans deborder vers un engagement tres prononce.

    Le pouvoir de Chehab s'appuie sur le Deuxieme Bureau de l'armee, pour asseoir son autorite sans sombrer toutefois dans le militarisme excessif et dans la supression de la vie democratique. Une coalition de partis et de courants politiques s'oppose au general et finit par le forcer a renoncer au pouvoir a la fin de son mandat.

    Le chehabisme se maintient cependant avec Charles Helou, mais subit par la suite une defaite definitive avec l'election de Sleimane Frangieh en 1970. Le Deuxieme Bureau est remanie de maniere a l'eliminer de la vie politique, mais non sans consequences decisives sur la puissance de l'Etat. En effet, la fin des annees 1960 a vu les premices du reflux de l'Etat avec l'emergence du pouvoir palestinien, celui des milices locales et l'intervention israelienne au Sud surtout. D'autant plus qu'avec ses moyens limites (moins de 15000 hommes) par rapport a l'ampleur du danger, l'armee etait depassee par les evenements.

    Les Accords du Caire de 1969 qui ont confere aux organisations palestiniennes une extraterritorialite dans leurs camps et certaines zones du pays au detriment de la souverainete de l'Etat et l'action de son armee, et les raids israeliens successifs sur le Sud et Beyrouth, ruinerent la credibilite et le moral de l'armee.

    Le dernier soubresaut avant le declenchement de la guerre fut l'operation menee en 1973 contre les factions palestiniennes, a Beyrouth surtout ou l'armee domine, mais doit interrompre son action suite a des pressions exercees sur le gouvernement. L'armee parait faire les frais de la crise politique interne, ce qui se confirmera avec la guerre ou durant les deux premieres annees, elle perd sa raison d'etre et se trouve tiraillee entre les differents bords.

    La plupart des unites sont paralysees et d'autres connaissent des scissions qui aboutissent a la formation de groupements operant au profit de partis antagonistes (la formation du lieutenant Ahmad Khatib avec les palestiniens et les formations musulmanes, et l'Armee du Liban avec le Front Libanais).

    Un coup d'Etat mene par le brigadier Aziz Ahdab echoue sans graves consequences.

    1977 marque le retour a la legalite et l'amorce d'une tentative de pacification avec le recours de la FAD a dominante syrienne d'ou la necessite d'une restructuration de l'appareil militaire. Mais cet effort est interrompu apres la reprise des hostilites a laquelle l'armee assiste et subit les consequences. Quelques missions de desengagement lui sont attribuees suite aux combats entre les milices des Forces Libanaises et l'armee syrienne de 1978 jusqu'en 1981.

    L'invasion israelienne etablit un nouvel ordre politique avec la presidence d'Amine Gemayel, le reflux du facteur syro-palestinien et l'intervention occidentale. Une nouvelle periode de pacification est amorcee et que l'armee doit assurer.

    Une restructuration decisive est operee, et le systeme des brigades est introduit et se maintient jusqu'a present. Un investissement dans la Defense nationale sans precedent est fait (plus de 30% du budget de l'Etat) conduisant a un equipement et armement de niveau superieur a toutes les forces politiques militarisees. Avec la Force Multinationale, l'armee prend le controle du Grand Beyrouth, mais le succes s'est arrete la avec la reprise du conflit et les defaites de Beyrouth et du Chahhar el-Gharbi (Chahhar Ouest) en 1984 dues a des scissions au sein de l'institution militaire refletant la crise politique du pays.

    L'armee se scinde en deux:

    Une partie disseminee a Beyrouth et dans les differentes regions du pays mais privee de role politico-militaire, et le reste fidele a la presidence et au commandement en chef, qui garde des capacites operationnelles tres superieures a l'autre et finit par acquerir un role politique de premier plan avec l'avenement du gouvernement militaire en 1988. L'effort militaire de l'Ensemble Geopolitique de la Region Est (EGRE) est alors assure en sa grande partie par l'armee, surtout au centre national.

    Sous la presidence du general Michel Aoun, commandant en chef de l'armee, le gouvernement militaire commence par bloquer le mouvement de territorialisation des Forces Libanaises des fevrier 1989. Un mois plus tard, l'EGRE est mobilise contre la puissance syrienne dans un conflit qui debouche sur les Accords de Taef juges defavorables par le gouvernement militaire. 1990 verra l'implosion de l'EGRE lors du deuxieme conflit entre l'armee et les Forces Libanaises qui debouche sur une offensive de l'armee syrienne contre les unites de l'armee de l'EGRE qui s'etaient retrouvees deployees en carre sur un territoire limite au Metn, resultant dans l'elimination du gouvernement militaire.

    Depuis, l'armee a ete reunifiee sous le regime etablit par les Accords de Taef et sous le commandement du general Emile Lahoud.

    Pour assurer un role decisif, avec l'appui des forces syriennes, l'armee a entrepris une reorganisation et reconstruction adequate et a fini par atteindre une dimension inegalee dans l'histoire du pays.

     

    I- Absence du concept de defense localisee:

    1-Tradition heritee et formation par amont:

    Le Mandat francais a legue a l'Etat libanais des unites regulieres de formation, qui ont servi d'embryon a l'actuelle armee. Le concept de defense localisee n'etant pas admis dans l'armee francaise, fut par consequent egalement absent dans l'armee libanaise. C'est celui de la specialisation spatiale de quelques unites qui a ete retenu (unites de montagne), toujours selon le modele francais.

    Reguliere, l'armee libanaise a connu une evolution assez lente et stable, ce qui lui a evite de connaitre les formes intermediaires de mutations dues a une sorte d'hybridation politico-militaire, et celles de croissance par aval. En effet, loin de faire table rase de l'essentiel de l'heritage colonial et d'importer des concepts d'autres origines, contradictoires avec ceux qui ont ete recus en premier, l'armee libanaise est restee sur le plan de la doctrine militaire tres proche du modele original.

    Son experience historique est celle d'une planification et d'une construction par amont parfaitement maitrisee loin de toute velleite ideologique de changement radical de ce qui s'est impose desormais comme une tradition nationale. Ainsi elle n'a jamais connu de forces centrifuges puissantes qui ont laisse des traces dans le monde d'amenagement et dans la structuration de l'espace et qui ont ete integres par la suite, ce qui explique en partie l'absence de traces profondes de defense localisee hors des concepts adoptes a l'origine.

    La guerre a laisse apparaitre des forces centrifuges (brigades et bataillons confessionnels et regionalises) tres puissantes au sein de l'armee, ce qui a entraine des expressions spatiales de type proche de la defense localisee (specialement regionale) puisque chaque brigade ou groupe de brigades s'etait cantonne dans une region ou un territoire precis. Ce phenomene fut considere unanimement, par des commandements aussi opposes que ceux du gouvernement militaire et celui de Taef, comme etant heretique du point de vue doctrinal. Le commandement actuel a d'ailleurs lutte avec vehemence pour son eradication totale. Il est remarquable que les unites operant dans l'EGRE, confessionnellement et politiquement homogenes, ont completement echappe a ce probleme.

     

    2-La tradition republicaine:

    Le Liban a dispose d'une tradition republicaine indeniable et de conditions politiques structurelles de pluralisme, de consensus et d'equilibre, qui ont impose un principe de separation entre les institutions politiques et militaires. L'armee, acteur tres puissant par definition, pouvait rompre l'equilibre fragile. Le role de premier plan qui fut attribue a l'armee a plusieurs reprises n'a pas ete en contradiction complete avec ce principe car celle-ci y tenait toujours. En effet, il s'agit plutot d'une regle nuancee, maintenue continuellement, qui stipule une separation organique entre l'armee et le domaine socio-politique. Selon un consensus volontairement admis par l'armee, celle-ci pouvait etre au pouvoir (generaux Chehab et Aoun), sans qu'une imbrication profonde s'etablisse entre l'organisme militaire et la societe civile de facon a alterer sa purete militaire par une politisation excessive. Le commandement de l'armee au pouvoir, ou ayant du moins un role politique, agissait a l'epoque chehabiste (1958-1970) a travers son service de renseignements (le Deuxieme Bureau), d'une facon aussi efficace que subtile, dans le sens ou le systeme politique en place etait preserve.

    De toutes facons, la prise du pouvoir ou la participation a la vie politique ont toujours ete percus comme etant si exceptionnels, et meme contre nature, qu'aucune forme d'interaction entre le Systeme de Controle et de Defense (SYCD) et l'espace social n'a lieu dans le sens d'une introversion ou d'une politisation et ses formes spatiales.

    En effet, le domaine socio-politique devait rester celui des communautes, partis, mouvements... L'armee devait eviter de s'integrer dans les luttes internes, son role et action au pouvoir allant dans le sens de l'etablissement d'un Etat central garantissant le systeme pluraliste sans favoritisme pour une quelconque force politique. Elle devait demeurer l'ultime symbole de l'unite nationale au regard de la societe et des puissances externes (Etats-Unis surtout) et se preserver des contaminations par les divisions structurelles du milieu socio-politique, se definissant ainsi, aussi bien une image de marque qu'un role. L'extension dans le social et l'economique a ete evitee, et une certaine distance maintenue avec la societe civile.

    Au-dessus des luttes internes, elle se garantissait une flexibilite et une centralite exclusive, surtout en temps de crises politiques et institutionnelles qu'elle essayait de transcender en se presentant comme cadre et assurance pour des arrangements eventuels.

    C'est ainsi qu'une grande part de vie politique fut preservee a l'epoque Chehabiste (comme les elections). Dans l'EGRE, l'armee n'a pas participe efficacement ou au moins activement aux luttes internes malgre des prises de position notamment lors du conflit entre les forces du regional du Metn Nord du parti Kataeb avec les Forces Libanaises ainsi que lors des operations opposant les differentes factions de ces dernieres.

    Toujours dans le meme esprit, son intervention s'est voulue discrete et fut assez indirecte. La guerre de l'Est a ete consideree par le gouvernement militaire comme un conflit entre l'Etat et sa negation, et non pas comme une lutte politique interne ordinaire comme celles qui opposaient les autres factions de l"EGRE.

    Apolitique selon cette conception, l'armee libanaise n'a jamais ete ideologisee ou ideologisante. Les pratiques d'encadrement, d'eveil politique et de mobilisation lui sont totalement etrangeres. Meme les services national et militaire ont rarement ete appliques. Elle est restee essentiellement professionnelle sans conscription et encadrement de masses populaires, mais ouverte progressivement a toutes les communautes et classes dans le systeme des quotas et des repartitions de postes constitutionnellement impose. Par consequent, la presence organique et ses traductions spatiales dans la societe civile ont ete nulles et l'espace social ne porte, sauf erreur, aucune trace d'intervention et d'articulation entre le militaire et le civil tels que des types de defense localisee basees sur des effectifs civils servant a temps partiel et ayant pour objectif la preservation d'un ordre politique quelconque, de mobilisation-canalisation, d'encadrement et de presence ideologique moralisante.

    D'autant plus que l'armee libanaise n'a pas eu de tradition de guerre de liberation ou de soulevement populaire qui aurait pu instituer un ancrage ou une forme d'armee populaire conservee sous certains traits organisationnels et spaciaux. L'espace social est reste hors de portee de l'amenagement defensif et n'etait pas considere comme une source de danger. Loin d'etre repressive, l'armee libanaise etait plutot vulnerable a son interaction avec un espace social, une identification se produisant souvent entre la population locale et sa composante confessionnelle dans l'armee. Sa sensibilite aux revendications et problemes sociaux est toujours remarquable, n'ayant pas subit un clivage radical d'ordre socio-economique et socio-politique avec le reste de la population. Dans l'EGRE, une continuite est notable dans ce sens car l'armee libanaise etait dans son element/environnement naturel qui etait celui d'une population correspondant dans son ecrasante majorite a l'identite confessionnelle des unites en presence et qui etait favorable a l'armee dans son role de defense du systeme politique et de l'EGRE a partir de 1982.

    A l'epoque du gouvernement militaire, une veritable identification s'est produite entre l'armee et la grande majorite de la population de l'EGRE. L'armee a ainsi reussi a se constituer un capital moral impressionnant en conjuguant nationalisme et revendication socio-politique, et qui est en contraste avec le desaveux des Forces Libanaises et la faillite des traditionnels.

    Dans la logique republicaine, une separation organique et institutionnelle entre les systemes de controle et de defense est de regle, mais la guerre a impose certaines modifications. Des unites de l'armee ont acquis des roles de controle tels que le regiment de la Moukafaha servant au contre-espionnage et d'unite anti-terroriste. La police militaire a fini par avoir un role supplementaire de police civile a cause de la centralisation effective des FSI qui etaient completement depassees par les conditions de guerre et qui manquaient donc de pouvoirs executionnels convaincants. Le dispositif de l'armee libanaise n'etait pas prioritairement en mode de controle dans l'EGRE, et le reste des unites etait, sauf accidentellement, exclu d'un tel mode d'action.

     

    3-Vision spatiale et projet geopolitique:

    La defense localisee est une des formes communes d'un SYCD introverti issu d'une vision geopolitique definissant des sources de danger referentielles a l'interieur du territoire. Ce ne fut pas le cas de l'EGRE.

    Sans trop vouloir s'etendre sur la geopolitique de l'Etat durant la guerre, il est evident qu'il n'y a pas eu de geostrategie appliquee, de construction territoriale a l'interieur de l'EGRE. La seule exception qui confirme la regle est celle du noyau-sanctuaire et ses extensions qui representent finalement l'espace minimal non pas uniquement de souverainete mais aussi de securite, de capacite d'evolution et de manoeuvre d'un organisme militaire. Du reste, l'armee libanaise adoptait, depuis sa prise en charge progressive des fronts de l'EGRE, une geostrategie  extravertie orientee dans le sens d'un deploiement frontal alors que la construction territoriale etait plutot negligee.

    L'espace de l'EGRE, hormis la section du Centre National qui y est comprise, ne representait pas d'attrait geopolitique majeur relativement a la construction territoriale car c'est le centrage qui est reste la constante absolue de la vision spatiale etatique tout au long de la guerre. La souverainete partielle sur une portion du territoire national n'avait pas d'attrait alors que la reprise en charge du Centre National en tant que premiere phase de la progression vers le reste selon la sequence: Centre -Premiere peripherie -deuxieme peripherie.

    Il etait vital pour la reussite de ce plan directeur, que la reprise de la souverainete dans chacun de ces trois ensembles cites, soit englobante de toutes leurs subdivisions. Ainsi le Kesrouane et la region de Jbeil n'avaient pas d'interet majeur independamment de la reunification de Beyrouth comme premiere phase ou de la reprise du reste du Mont-Liban (Chouf, Aley, Metn) en deuxieme phase.

     

    II-Typologie des installations militaires:

     

    1-Les macro-unites: Caracteristiques dominantes de l'avant-guerre:

    1-1: Tailles:

    Les dimensions des installations d'avant-guerre sont celles d'une installation d'armee reguliere, classique de type occidental. La concentration est privilegiee en accord avec la concentration operationnelle. Ainsi, une caserne-type non specialisee est relative a 1 jusqu'a 4 bataillons selon sa fonction et son role, et elle sert de PC de l'unite, d'entrepot et de logistique. De potentiel proportionnel a sa dimension, elle est donc multifonctionnelle a l'exemple d'une caserne telle que Sarba regroupant 3 a 4 bataillons en une brigade, assurant leur logistique et servant de depot. D'autres plus specialisees sont de tailles similaires car elles sont a niveau d'action global ou parce qu'un regroupement a ete opere, comme dans le cas de l'ecole de Kfarchima regroupant les unites de genie et de la brigade logistique qui, en gardant une fonction precise, servent de base d'action a niveau global et en concentration d'unites.

    1-2: Localisation:

    Une recherche de l'espace peri-urbain est notable, puisqu'a l'epoque de leur fondation, ces casernes y etaient localisees, que ce soit dans la capitale, les autres villes ou dans les agglomerations. La densite d'urbanisation etait faible ou nulle, mais dans le premier cas elle pouvait faire figure de derniere peripherie urbaine. Les exemples indiquent une generalisation: Henri Chehab, Fakhreddine, Tribunal Militaire, Ministere de la Defense precedent, Ministere de la Defense actuel, Sarba pour Jounieh, Fayadiyeh, Kobbe, Saida, Cheikh Abdallah... L'urbanisation rapide a progressivement change et continue a le faire, les caracteristiques de leurs localisations passant du pre-urbain a la peripherie voir en plein centre.

     

    1-3: Causes principales:

    Le phenomene de l'heritage francais est incontestablement le facteur capital dans le choix de telles typologie et localisation. En effet, l'Etat libanais a recu du Mandat francais une infrastructure complete saturant l'ensemble du territoire national. L'absence de rupture suite au Mandat a conforte la doctrine militaire ainsi heritee et ses traductions organisationnelles et spatiales desormais adoptees par l'armee de la nouvelle republique. L'Etat libanais a herite aussi d'un systeme republicain pareil a celui de la France quand a sa separation des fonctions de controle et de defense, et au role politique de l'armee. Ainsi le modele doctrinal militaire francais a ete adopte presque integralement quand au degagement par rapport a l'espace bati, la COP et structurelle, et l'absence de considerations predominantes relativement au controle interieur. La preuve que les nouvelles installations ont ete implantees dans l'espace peri-urbain en remplacement a d'autres englouties  par l'urbanisme acharne. Celles-ci ont ete transferees aux FSI. Les restrictions budgetaires subies par l'armee, et l'absence de conflit mobilisateur ont entraine une certaine stragnation des structures de l'armee libanaise et une modeste expansion, se contentant ainsi de l'heritage francais et des retouches successives. La situation de flou decisionnel et d'ambiguite, voir d'antagonisme interne, de la fin des annees 1960 jusqu'a la guerre, a accentue ce phenomene et a rendu l'armee depassee par les situations qui se sont developpees sur les frontieres et a l'interieur du pays en maintenant son immobilisme relatif.

     

    2-Les mutations de l'epoque de l'EGRE: reduction et dispersion:

    2-1: L'introduction des unites a tailles reduites:

    Avec la restructuration qui a eu lieu a partir de 1982-1983, des micro-unites font leur apparition et concernent les nouvelles unites creees et installees au centre (a l'exception de la 7e Brigade basee a cheval entre le Mont-Liban et le Liban-Nord sur deux ensembles geopolitiques differents). Ces installations sont relatives a des unites du niveau de bataillon et souvent de compagnie. Deja avant 1982, ce phenomene s'est declare avec l'installation par exemple du 52e Bataillon a Roumieh en 1979 en annexe du penitentiaire. Les batiments en question sont du type de villas, de batiments de l'administration publique, d'usines, d'ecoles publiques delabrees, de permanences de partis, de couvents... Elles sont mono-fonctionnelles, servant de PC, de simple casernement, de poste logistique, de depot...

     

    2-2: La localisation:

    Elle a subit des changements aussi sur plusieurs plans. Une dispersion a eu lieu avec la restructuration et l'engagement operationnel loin du schema original privilegiant la concentration dans des installations a nombre reduit. La nouvelle disposition des installations n'a pas reproduit ce schema original, celles-ci n'etant pas concentrees dans une meme zone restreinte et exclusive selon leur appartenance a une unite precise. La concentration s'est faite dans des zones de niveaux plus importants et en commun entre differentes unites principales dans la plupart des cas. (Les installations des unites de la 8e Brigade etaient dispersees entre le Metn-Nord et le Metn-Sud dans un espace commun avec celles des 10e, 5e et 9e Brigades. La 5e avait les siennes au Kesrouan et au Metn-Nord. La 10e se partageait de meme entre les deux regions du Metn). Cette sorte d'eclatement a atteint des espaces a l'ecart de la presence structurelle mais toujours dans les contours plus ou moins elargis de la doctrine militaire de l'armee libanaise quand au sens du SYD. La dispersion s'est faite suivant une extension a partir du Noyau dans le cas de Beyrouth vers d'autres zones de la 2e peripherie plus rapprochees de la premiere, mais sans l'aborder. (La base navale de Beyrouth existait bien avant la guerre, ainsi que le batiment de Bayda a Ain el-Remmaneh). L'espace peri-urbain va etre tres touche a l'exemple du Metn-Nord. Des installations apparaissent dans l'agglomeration de Jounieh ainsi que sur le littoral du Kesrouan et les hauteurs qui le surplombent. La region de Jbeil, completement absente sur le plan structurel dans le SYD d'avant-guerre, a elle aussi connu une dispersion d'installations en mode frontal et de PC. L'armee libanaise s'installe desormais dans la plupart des zones incluses dans l'espace social: residentielles urbaines, industrielles, les villages et les agglomerations.

     

    2-3: Une mesure d'adaptation a l'etat de guerre:

    Plusieurs facteurs se sont combines pour produire une telle transformation pendant l'etat de guerre, et qui se poursuit jusqu'a present. Par son ampleur, la restructuration a montre les limites du SYD en place et a exige son developpement proportionnellement aux potentiels desormais acquis (Pendant la phase la plus intense de la restructuration, les depenses militaires auraient absorbe le 1/3 du budget de l'Etat). D'autre part, cet effort s'est deroule sur une periode de temps tres limitee (surtout 1982-1984) et dans une ambiance de stabilite tres precaire en prolongement de la situation de conflit et d'anarchie ambiante. Il fallait, face a l'urgence d'une croissaance demesuree (sur le plan des effectifs au moins, l'armee libanaise est passee du simple au double), improviser des installations qui devaient etre soit entierement construites par l'Etat, ou appropriees legalement, soit alors existantes et requisitionnees selon le mode en application dans un contexte politique pareil. La deuxieme solution s'est imposee de fait, parait-il, puisqu'elle s'est generalisee par la suite, en repondant en pratique aux besoins d'experience et de reduction des depenses alors que la construction d'installations en macro-unites aurait absorbe des investissements considerables et un temps tres important. Une des consequences a ete une grande part de determinisme circonstantiel dans la localisation, car dependant de la disponibilite d'installations. D'autant plus que l'Etat est plus encombre par des considerations d'ordre juridique dans l'expropriation de batiments par rapport a une force politique militarisee. Ce mode d'appropriation est en correlation avec la dispersion. Les installations etant de taille limitee (batiments civils le plus souvent), leur multiplication a alors ete necessaire ainsi que leur dispersion puisqu'il etait inconcevable ou impossible qu'elles soient toutes dans une meme zone restreinte a la maniere d'une caserne multifonctionnelle: la distance entre les installations de deux unites d'une meme brigade pouvait etre de l'ordre de 10 a 20 Km de trajet. Cette dispersion confere cependant une flexibilite certaine dans un contexte geopolitique instable et menacant (luttes internes et fronts).

     

    III-L'implantation structurelle dans l'espace urbain peripherique et peri-urbain:

    L'implantation structurelle dans l'espace urbain peripherique et peri-urbain est facilement reperable tout au long de l'existence de l'armee libanaise malgre la diversite des situations et des contextes historiques. Cette continuite concernant ce type d'amenagement serait un produit de la doctrine militaire adoptee.

    Des nuances ont ete introduites successivement en adaptation aux contextes geopolitiques evolutifs. C'est pour cette raison que l'on peut distinguer les grandes lignes directrices de l'amenagement defensif des elements plus conjoncturels et saisir l'ampleur des transformations ainsi realisees quant a leur integration ou non au schema directeur.

     

    1-L'heritage doctrinal et l'infrastructure:

    Avec les unites et l'infrastructure, l'Etat libanais recut une doctrine militaire, qui plus que ces autres, allait survivre intacte dans la plupart de ces aspects au cours du developpement de l'armee libanaise. L'apport americain, d'une influence capitale a partir des annees 1980, n'allait pas en contradiction avec celui des francais dans le cas de cet aspect de l'amenagement qui d'ailleurs peut etre retrace dans l'histoire jusqu'a l'epoque ottomane et sa tradition militaire introduite dans le pays. Aucune contre-theorie ou doctrine n'est venue, a un moment donne de l'existence de l'armee, remettre en question les pratiques tactiques et techniques d'amenagement dans leurs totalites et leurs principes. Si le SYCD s'est enfonce dans l'espace urbain d'une facon plus evidente, atteignant les abords des zones tres denses de la premiere peripherie, ce ne fut qu'une adaptation geostrategique a un contexte plus pressant que celui d'avant-guerre et a des conditions particulieres de la croissance de l'armee. Ces deux facteurs principaux ont un caractere conjoncturel prononce puisqu'aucune installation de dimension superieure (macro-unite) n'a ete creee et que celles qui ont vu le jour apres la guerre font partie de dispositifs frontaux (avant 1991) et de controle (actuellement).

    Les modifications ont ete adoptees a deux egards: tactique et technique.

    Dans la premiere, il fallait se conformer aux exigences geopolitiques de centrage, de dispositifs frontaux (avant 1991) et de controle (actuellement). Mais la localisation est restee essentiellement peripherique meme si des differenciations de localisation a l'interieur des zones en question ont eu lieu pour des considerations techniques (zones industrielles, commerciales).

    Depuis l'instant capital du debut de la guerre, aucune restructuration n'a ete envisagee au niveau du territoire national car des situations geopolitiques tres diversifiees y regnent, faisant de sorte que l'armee a du leur adapter son systeme produisant des formes d'amenagement tres differenciees par leurs types, fonctions, ampleurs et intensites. Ainsi, l'armee est concentree du point de vue operationnel dans une zone precise du territoire national tout en ayant des installations dans d'autres zones mais a role tres reduit et efface proche de la desactivation. D'autres etats intermediaires existent.

    L'exclusivite de la souverainete, de la domination et de l'action militaire varient d'une zone a une autre selon la presence d'autres forces politiques militarisees ou armees regulieres etrangeres. Certaines installations sont tout simplement desactivees car elles sont occupees par celles-ci a l'exemple des casernes et positions de la bande frontaliere requisitionnees par l'ALS et celle de Cheikh Abdallah a Baalbeck (jusqu'en 1992).

    La dimension spatiale est plus vulnerable par definition aux conditions geopolitiques ambiantes que la structuration organisationnelle. C'est elle qui permet de determiner et de quantifier l'alteration subie par un dogme doctrinal d'amenagement defensif tel que le positionnement structurel peripherique dans l'espace urbain ou social. En effet, si de nombreux changements decisifs d'equipes de commandement, d'objectifs politico-militaires et de structures organisationnelles ont eu lieu rapidement et successivement durant la guerre, les tactiques et techniques d'amenagement ont ete, paradoxalement en apparence, systematiquement retenues que ce soit dans leurs conformites au schema directeur ou a ses modifications ulterieures.

    De la, il est assez evident que les SYCD d'au-dela 1975 comprennent une part decisive d'improvisation conjoncturelle mais que l'instabilite actuelle du contexte geopolitique ne permet pas d'evaluer tout a fait son impact structurel a long terme (depuis le debut de la guerre jusqu'au moment de la reprise de la souverainete exclusive sur le territoire national). Cependant, des conditions tactiques imposees par la geostrategie des temps d'instabilite (centrage, controle, fronts,...) et d'autres techniques (restrictions budgetaires, contexte de permissivite permettant la requisition des batiments) sont amenees a disparaitre, theoriquement au moins et a long terme, puisque reliees a de telles situations, proportionnellement dans l'espace et dans le temps a l'eminination des causes qui les ont induites. C'est ainsi qu'issu d'une solution precaire, voir artificielle pour certains, le regime en place n'a pu que preserver les formes d'amenagement du SYCD precedant avec ses elements principaux car il a du les exploiter pour une inversion du SYCD vers l'interieur pour maitriser une resistance superieure.

    Un element d'ordre economique a renforce le type d'amenagement en question: la recuperation et le reemploi de l'infrastructure militaire du mandat. Allant de pair avec la doctrine militaire transmise, les installations francaises se caracterisaient par leur localisation urbaine peripherique et peri-urbaine telles que Sarba, Louaize, Fayadiyeh et Kfarchima qui, meme en etant dans le Mont-Liban administrativement, etaient en realite proches des centres urbains de Beyrouth et de Jounieh. La proliferation de batiments disponibles (requisitionnables et publiques) dans les peripheries a permis de s'y installer a de faibles frais pendant la guerre.

     

    2-Facteurs d'accessibilite/communicabilite (A/C):

    Que ce soit pour les decideurs francais ou libanais, d'avant ou d'apres guerre, l'espace urbain peripherique et peri-urbain a ete exploite pour ses proprietes de C/A.

    La peripherie qui les represente le plus significativement est plutot la deuxieme, ainsi que l'espace peri-urbain dans le cas de Beyrouth. En effet, du point de vue de l'accessibilite, la deuxieme peripherie est situee entre la premiere et l'espace central d'un cote et l'espace peri-urbain ou le reste d'un autre, ce qui lui confere une propriete de zone pivot ou zone d'articulation entre la ville et l'exterieur. Cette situation mediane est militairement exploitable car elle permet d'etre en contact permanent avec les deux types d'espaces constituant le centre national. L'option geopolitique de centrage ne peut qu'en profiter puisqu'elle les concerne precisement.

    A cote de la situation, les proprietes morpho-structurelles de la deuxieme peripherie relatives a l'accessibilite sont tres avantageuses parce que cette derniere est en grande partie incluse dans la plaine littorale, qui constitue de ce point de vue, la veritable articulation des compartiments principaux du Mont-Liban a cette hauteur la: avec les compartiments principaux de Baabda, de Aley, du Metn-Nord et du Kesrouan. Si en fin de compte l'ensemble de l'espace urbain de Beyrouth profite des proprietes de la plaine littorale, la peripherie les amplifie par sa communicabilite superieure due a la presence d'un reseau de communication routiere peripherique developpe et coherant. Ce dernier assure la liaison entre les differentes sections de la peripherie et avec le reste de l'espace urbain grace a des axes principaux de grandes envergures et plus ou moins droits contrairement au reseau beaucoup plus dense mais a voies plus etroites et de l'espace central et de la premiere peripherie: cela convient aux mouvements en concentration operationnelle et d'unites mecanisees et blindees. D'ailleurs, le reseau de communication urbain est caracterise, dans les zones les plus anciennes de la ville, par un manque de rationalisation (quadrillage geometrique, trace des routes, envergure des voies, longueur des axes).

    La peripherie, plus recente, evite dans une large mesure ces defauts qui peuvent entrainer des blocages et autres inconvenients tel que la fragmentation operationnelle d'unites en contact avec un espace tres segmente,  nuisant ainsi a la concentration operationnelle dans le cas d'operations en milieux urbains.

    En revanche, la faible densite d'urbanisation de la deuxieme peripherie et les espaces vides qui y existent par consequent, permettent de suppleer un blocage quelconque des elements du reseau lors du mouvement operationnel, l'accessibilite etant a haut indice dans la majeure partie de cette zone.

    L'uniformite, la communicabilite et la dimension importante de cette peripherie avantage ainsi un SYCD dans le sens de la cohesion operationnelle: les elements sont relies et les conditions auxquelles ils sont soumis sont les memes evitant, dans une large mesure, une dissymetrie-differenciation de leurs situations operationnelles. Celle-ci a lieu malgre tout entre la deuxieme peripherie et l'espace peri-urbain mais elle est tres attenuee, ces deux etant en contact direct sur une grande surface.

    Dans le cadre du SYCD de l'EGRE, la peripherie en question joue un role d'articulation entre le Metn-Nord Metn-Sud et l'espace urbain et peri-urbain par ses proprietes combinees d'accessibilite, de communicabilite et de situation mediane.

    La presence de dispositifs frontaux a renforce le besoin des atouts d'une telle localisation parce que la peripherie sert de zone de profondeur geostrategique, meme restreinte, aux fronts tel que celui de Souk e-Gharb (ce front represente une avancee dans la montagne au niveau du caza de Aley, protegeant le flanc Sud-Est de Beyrouth-Est et celui du Noyau-sanctuaire etatique en particulier et celui du Noyau-sanctuaire etatique en particulier et ceci depuis 1983. Il represente durant la guerre, l'axe de poussee principal vers l'EGRE et ne ceda que le 13 octobre 1990), en notant que la ligne de demarcation de Beyrouth s'etend en partie sur les marges des premiere et deuxieme peripheries.

    Le mouvement est alors aise et securise de la zone en question vers le front, les unites n'ayant pas a traverser des zones urbaines d'un autre territoire. Ainsi, il est interessant de noter le cas des unites de la 9e Brigade deployees sur la ligne de demarcation a la hauteur de Achrafieh lorsqu'elles furent attaquees de l'Ouest (en 1987) et de l'Est (en 1989 et 1990) sans qu'elles aient une profondeur quelconque, ce qui a amene leur depassement dans le premier cas, leur encerclement et leur retraite difficile dans le deuxieme. Meme probleme pour les unites deployees dans le vieux noyau (91e et 127e Bataillons), en 1990.

    L'existence du noyau etatique d'avant-guerre a la limite des espaces urbain et peri-urbain a fait que l'extension des annees 1980 s'est operee principalement vers la deuxieme peripherie pour ses proprietes d'A/C desormais requises pour un SYCD integrant le Metn-Nord, le Metn-Sud et l'espace central.


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  • L'armee libanaise: Eclatement ou destin national? (par Dominique Sigaud):

    Affaiblie par un manque chronique de moyens materiels et financiers, relativement impuissante sur le terrain et politiquement divisee, l'armee libanaise n'en existe pas moins. Elle est aujourd'hui presente sur tout le territoire. Ses brigades sont implantees dans toutes les zones, qu'elles soient controlees par les armees syrienne et israelienne, ou parallelement tenues par les milices chretiennes, musulmanes ou druzes. Le role de l'armee ne se reduit pas, comme voudraient le faire croire certains, a la simple "defense de ce reduit chretien de 1000 Km2 dont elle a la charge". Plus encore, qu'ils soient chiites, sunnites, druzes ou maronites, la plupart des officiers superieurs qui la commandent reaffirment aujourd'hui avec force leur volonte de la voir redevenir une armee nationale, independante et souveraine et de la servir en tant que telle.
    Car l'armee libanaise incarne aujourd'hui une idee. Celle d'un renouveau nationaliste et unitaire. C'est pourquoi, elle represente pour beaucoup, en son sein et dans la population, l'un des symboles de la reunification et de la reconstruction du Liban, apres 13 ans de massacres intercommunautaires.
    Utopie venant s'ajouter a la cohorte des mythes d'un "bon Liban" que la realite des antagonismes structurels desavoue? Ce serait juger un peu vite. Comme dans d'autres espaces de la societe libanaise aujourd'hui en reveil, les fils tenus du syncretisme ont ete maintenus au sein de cette institution, par ailleurs respectee pour son absence globale de corruption interne dans un pays ou le politique et l'economique ont, depuis longtemps, cede a l'amoralite civique. Et les bases d'une volonte commune de jouer un role national, des que l'ordre en sera donne, existent, renforcees par l'effort de reorganisation et de reunification engage dans ses rangs depuis 1984.
    Armee nationale d'un territoire ou regnent en maitres armees etrangeres et milices "privees", armee a plusieurs reprises dechiree, regulierement menacee d'implosion, armee ridiculisee aussi parfois et pourtant plus que jamais desireuse de retrouver son role national de defense: en quoi la formation historique de l'armee libanaise peut-elle expliquer les bases consensuelles mais aussi les clivages qui la traversent actuellement? En quoi, depuis 1975, les crises internes qui l'ont faite chanceler, et les differents evenements politiques exterieurs libanais l'ont-elles modifiee? Enfin, comment se situent, reagissent et se positionnent aujourd'hui les differentes forces et sous-ensembles qui la composent?
    A l'heure ou, pour la 2e fois dans l'histoire du pays, le commandant en chef de l'armee fait partie des candidats a la magistrature supreme, telles sont les questions qui permettent de tracer la monographie d'une institution qui peut, dans les prochaines annees, sinon les tous prochains mois, etre amenee a jouer un role politique et militaire determinant dans l'avenir du Liban.

    1916-1945: Formation d'une armee nationale:
    Le 1er aout 1945, deux ans apres la proclamation de l'independance, les autorites francaises transmettent definitivement le commandement de l'armee au colonel Fouad Chehab.
    29 ans viennent de s'ecouler depuis la creation, en 1916, par la France, aux termes des accords inter-allies, de la Legion d'Orient. Cette troupe, composee de soldats libanais, syriens et armeniens, doit combattre l'Empire Ottoman alors que, dans la Palestine voisine, se constitue le Detachement Francais de Palestine-Syrie.
    En 1919, la Legion est scindee en deux par les autorites, qui creent une legion specifiquement armenienne. Ces armees sont des armees de minorite. Cote syrien, les Alaouites dominent: ils forment 25% des hommes de troupe. Cote libanais, les chretiens sont majoritaires. C'est la strategie classique du colonialisme, privilegiant l'alliance avec les minorites; une alliance cependant plus "naturelle" avec les chretiens du Liban, qui partagent avec les francais la meme religion. Sans oublier que les maronites du Mont-Liban sont traditionnellement tournes vers l'Occident.
    En 1920, les troupes armeniennes impliquees dans des massacres contre les populations musulmanes d'Alexandrette, en Cilicie, sont licenciees. La Legion Armenienne est dissoute. La Legion d'Orient devient alors Legion de Syrie, mais elle garde sa composition mixte libano-syrienne. Un an plus tard, elle se voit dotee, a Damas, d'une ecole militaire specifique, ou sont formes, ensemble, officiers, sous-officiers et traducteurs des deux pays.
    En 1925, les autorites creent un nouveau corps de police, les "Troupes Suppletives", constituees des Compagnies de Chasseurs du Liban et des Escadrons Legers du Levant. Tres bien formees, beneficiant d'une grande mobilite tactique, ces troupes deviennent une force de maintien de l'ordre, maniable et efficace. Syriens et libanais sont donc utilises a la fois dans la defense des frontieres et le maintien de l'ordre. Il faut attendre 9 ans, avec la creation, en 1930, des Troupes Speciales, pour voir une premiere distinction operationnelle entre les deux contingents. Et, en 1939, alors que les campagnes de la Deuxieme Guerre mondiale s'annoncent dans la region, les Bataillons de Chasseurs et les Escadrons de Cavalerie Libanais, auparavant specialises dans le maintien de l'ordre, sont reorganises, dotes d'armements lourds et integres dans l'Armee du Levant, forte de 35000 hommes, qui doit combattre les puissances allemandes et italiennes.
    1940 et l'armistice voient apparaitre les premiers clivages politiques au sein des troupes libanaises dont certains responsables desertent, avec hommes et bagages, pour rejoindre Catroux et l'armee de De Gaulle en Palestine. Le 25 avril 1943, la 5e Brigade Libanaise de Montagne est creee, pour prendre sous son controle toutes les unites libanaises. Quelques mois plus tard, c'est l'independance. Le transfert de l'armee aux autorites libanaises commence. Il s'achevera definitivement 3 ans plus tard, avec le depart, le 31 decembre 1946, du dernier contingent francais. Ces annees d'ebauche et de constitution de ce qui devient, en 1945, l'armee libanaise, ont ete determinantes. Elles sont a l'origine de 3 des principales caracteristiques de cette armee:
    -Une tres forte influence occidentale et notamment francaise dans l'organisation, la discipline, l'esprit et les reglements internes de l'armee. Cette influence est encore notable aujourd'hui. Elle est notamment perpetuee par l'envoi, chaque annee, de plusieurs dizaines d'officiers dans les ecoles militaires occidentales, surtout en France et aux USA, pour des periodes de 6 mois ou plus, et par la presence reguliere de conseillers militaires francais et americains aupres du commandement libanais.
    -Le multi-confessionnalisme des troupes: formes ensemble, ayant combattu ensemble des l'origine, des libanais de toutes les communautes forment l'armee nationale. En 1944, les soldats ont les origines suivantes: 57.8% de chretiens (dont maronites: 26.7%; grec-arthodoxes: 18.5%; armeniens libanais: 8.2%) et 38.6% de musulmans (dont sunnites: 20.4%; chiites: 9.7% et druzes: 8.5%). Aujourd'hui ces proportions ont change. Les soldats musulmans forment 51% de la troupe dont pres de 30% sont chiites. Le commandement de l'armee qui compte, aujourd'hui, pres de 35000 hommes, est confronte a de serieux problemes de recrutement parmi la population chretienne, pour qui l'armee, singulierement appauvrie, n'offre plus de reconnaissance sociale suffisante; il a meme ete oblige d'arreter son recrutement, pour eviter un trop grand desequilibre. Mais le multi-confessionnalisme des troupes n'est pas remis en cause pour autant.
    -Des liens historiques avec la Syrie. L'influence de la mixite libano-syrienne de Troupes du Levant, leur formation dans une meme ecole militaire et leur participation commune aux combats, expliquent en partie les liens etroits qui unissent encore aujourd'hui, par-dela les simples considerations politiques ou religieuses, un certain nombre d'officiers libanais et syriens. Certes, ce facteur a ete important parmi la generation des officiers ayant fait leurs classes avant l'independance du Liban dans les academies militaires de Homs et d'Alep. La persistance et la transmission de ces liens inter-personnels a travers les generations suivantes s'est affaiblie aujourd'hui, alors que les deux Etats ont des conceptions differentes quant au role de l'armee dans la vie nationale et suite a la formation militaire distincte que les officiers des deux armees recoivent.

    1945-1975: Un role politique moderateur:
    Des les premieres annees de son existence, la jeune armee nationale va etre confrontee, lors de crises politiques successives, a des choix politiques qui vont lui permettre, sous l'influence determinante de la personnalite de Fouad Chehab, de faire la preuve de son independance et, surtout, de son role de soutien aux institutions legales et a la democratie.
    1952-1958: l'histoire se repete. Les presidents Bechara el-Khoury et Camille Chamoun, confrontes a de graves troubles politiques, font appel a l'armee pour endiguer le mecontentement de la population. Dans chaque cas, ils se heurteront au refus categorique de Fouad Chehab. Ce dernier assume, en 1952, pendant quelques jours, l'interim du gouvernement, apres la demission du president el-Khoury, et remet le pouvoir a Camille Chamoun. Six ans plus tard, alors que le mecontentement s'est transforme en une veritable revolte populaire, Fouad Chehab, devenu general, adoptera meme une position tres clairement "politique", en faisant comprendre que le role de son armee est de soutenir le libre jeu democratique et ses institutions, et non l'inverse. C'est cette attitude qui le conduira finalement a la tete de l'Etat en 1958. Sous son influence, l'armee entre dans la conduite des affaires du pays, notamment par l'intermediaire du Deuxieme Bureau de l'armee qui s'arrogera des prerogatives tres importantes.
    Le chehabisme constitue une page importante de l'histoire du Liban. Le general qui herite, a son arrivee a la tete du pays, d'une situation proche de la guerre civile et confessionnelle, reussit a calmer les esprits. La formation d'un nouveau gouvernement de coalition qui donne une place a chacun des chefs des insurges, selon la fameuse formule "ni vainqueur, ni vaincu", apaise les tensions. Et le gouvernement, qui obtient de la Chambre les pleins pouvoirs, se lance dans une oeuvre legislative de grande envergure, qui portera le nom de fifty-fifty, allusion faite a la nouvelle volonte politique d'equilibre politique et confessionnel. Parallelement, les politiques sociales avancees rallient la population au regime et au general et les bases d'un Etat moderne, central et fort sont jetees.
    En 1962, le gouvernement chehabiste etouffe avec succes un coup d'Etat de jeunes officiers appartenant au PPS "pour qui la construction d'un Etat fort au Liban signifiait la fin du reve unitaire syrien". Le regime entre alors dans sa 2e phase, au cours de laquelle l'influence de l'armee et du Deuxieme Bureau diviennent explicites. L'armee protege le pays, mais le soumet aussi parfois. Les libertes politiques sont reduites. Le Deuxieme Bureau a son mot a dire dans le choix des ministres.
    Les critiques se multiplient. La vieille classe politique et les fromagistes condamnent de plus en plus violemment ce qu'ils considerent desormais comme une main mise de l'armee sur les affaires du pays, qu'ils n'hesitent plus a qualifier de coup d'Etat militaire.
    Fouad Chehab joue, en effet, sur une ambiguite: sa politique sociale, economique et politique est democratique et egalitaire. Elle permet a de nombreux jeunes gens dont l'origine, sous les anciens regimes, ne leur aurait pas permis d'acceder a des postes de responsabilite, de se faire une place. Mais dans le meme temps, meme s'il la freine, il laisse se developper la militarisation du pouvoir. En 1964, son mandat prend fin, les coups de butoir de ses adversaires auront finalement en raison de lui.
    Sous la presidence de Charles Helou, qui a peu d'autorite sur lui, le Deuxieme Bureau, competant et puissant, agit comme un Etat dans l'Etat, alors que le gouvernement sera gravement affaibli par une crise declenchee par le probleme des palestiniens refugies au Liban.
    Le 28 decembre 1968, un commando israelien detruit, en represailles pour une action menee par les fedayin a Athenes, des aeronefs civils sur le tarmac de l'AIB. Le 23 avril 1969, les forces de securite dispersent violemment des manifestations de palestiniens et de leurs allies libanais. L'unite nationale menace de rompre encore une fois. Jusqu'au 2 novembre de la meme annee -date a laquelle le general Emile Boustany, commandant en chef de l'armee, est depeche au Caire pour signer, avec Yasser Arafat, les fameux accords, jamais publies, qui accordent aux palestiniens la liberte de circuler et d'operer- le Liban restera sans gouvernement. Quand, en 1970, Sleiman Frangie est elu a la tete de l'Etat, un de ses premiers gestes sera de traduire en justice tous les officiers du Deuxieme Bureau, dont la moitie ont fini en Syrie, comme d'ailleurs Emile Boustany lui-meme. Le controle des frontieres et des camps palestiniens, jusque-la assure par l'armee, est confie a la Surete Generale. Mal preparee pour cette mission, celle-ci prouvera, des les premiers evenements, son manque de conpetence.
    Le 12 avril 1973, un commando israelien penetre sur le territoire libanais et assassine trois militants palestiniens. Saeb Salam demande alors la demission du chef de l'armee pour n'avoir pas defendu les frontieres. Quelques semaines plus tard, le chef de l'armee, Iskandar Ghanem, demissionnera effectivement, pour avoir lance ses chars contre le deploiement dans plusieurs regions de palestiniens armes, et ses avions contre les camps palestiniens a Beyrouth. L'armee sera brutalement retenue par les responsables politiques.
    Les elements qui conduiront peu a peu le pays a la guerre civile sont en place.

    1975-1984: L'eclatement:
    13 avril 1975, soudaine acceleration de l'histoire. Des cette date, une ligne d'affrontement sanglant se dresse entre, d'une part les palestiniens et partis de gauche, reunis au sein du Mouvement National, et, d'autre part, les milices chretiennes.
    Aux premieres heures des combats, l'armee, qui compte alors environ 15000 hommes, est cantonnee dans les casernes, de peur, deja, que son intervention sur le terrain n'entraine sa dislocation. Mais il est trop tard. Des soldats musulmans ont deja rejoint la resistance palestinienne et ses allies avec armes et bagages. Et le commandement general, impuissant, entre dans le jeu des alliances politico-militaires christiano-syriennes. Fouad Chehab n'est plus la pour refuser de se plier aux ordres des feodaux. Et la crainte d'une main-mise palestinienne armee sur le pays fait le reste.
    La desintegration de l'institution militaire commence. Elle sera jalonee, jusqu'en 1984, d'une serie de scissions internes. La premiere d'entre elles, qui a entraine l'eclatement de l'armee et la creation en chaine d'une serie de mini-armees secessionnistes dans les camps chretiens et musulmans, est celle, en 1975, du lieutenant sunnite Ahmad el-Khatib. Responsable d'un peloton dans la Bekaa, ce dernier chasse les chretiens de sa troupe, se rend a Ablah ou il se range aux cotes des palestiniens et se declare commandant de l'Armee Arabe du Liban. L'annee suivante, pas moins de 6 officiers suivront son exemple. Sont ainsi crees:
    -L'Avant-Garde de l'Armee Libanaise Arabe, constituee le 1er juin 1976, stationnee dans la Bekaa; elle est dirigee par le major Fahim al-Hajj. Elle comporte des soldats chretiens originaires de la plaine libanaise peripherique de la Syrie.
    -Les Avants-Gardes de l'Armee Maani, appelee aussi Mouvement du Jihad druze. Opposee a Kamal Joumblatt, elle fut dirigee par Raouf et Wahib Abdel-Salam.
    -Dans la capitale, le general Ahdab, commandant responsable de la place de Beyrouth, appuye par les palestiniens, fait, en mars 1976, une tentative de coup d'Etat militaire qui reste toutefois sans lendemain.
    -Dans le Sud, le major chretien Saad Haddad fait secession. Il regroupe autour de lui les soldats et les officiers qui refusent de se joindre au mouvement de Ahmad el-Khatib. Il cree l'Armee de Defense du Liban Sud qui deviendra par la suite l'ALS. Encadree et ravitaillee par l'armee israelienne, l'ALS sera dirigee a la mort de Haddad, en 1984, par le general Antoine Lahd.
    -Dans le Nord, le colonel Antoine Barakat organise dans la region de Zghorta les elements des forces armees qui continuent de soutenir le president Frangieh.
    -Enfin, dans la banlieue-Est de Beyrouth, le major Fouad Malek organise la defense de la zone chretienne de Beyrouth et constitue l'Armee du Liban. Le major Malek est aujourd'hui commandant de la milice chretienne des FL.

    L'armee s'effondre, le 1/4 des hommes environ ont deja quitte ses rangs. La dislocation, qui arrange nombre de forces politico-miliciennes, est quasi complete. Les militaires se divisent entre, d'un cote, les partisans du camp palestino-progressiste et, de l'autre, les pro-chretiens, eux-memes dechires, comme nous l'avons vu, entre diverses factions. Ces secessions successives et le contexte de la guerre civile ont acheve leur oeuvre.
    En 1978, pourtant, alors que les combats semblent etre apaises, le general Victor Khoury, nouveau commandant en chef, tente de reunifier l'armee, non sans succes. De nouveaux bataillons mixtes, formes dans les camps de la fraternite, sont mis en place. Mais la guerre, declenchee en 1978 pour le controle de la zone chretienne par l'armee syrienne, immobilise a nouveau l'armee. Quatre ans plus tard, l'entree des troupes israeliennes va marquer une nouvelle phase de flottement de l'institution militaire, due essentiellement a l'absence d'opposition de la majeure partie du commandement general a cette invasion. D'autres facteurs favoriseront la desintegration: accords israelo-chretiens, massacres perpetres par l'armee israelienne et expulsion des combattants palestiniens dans des conditions peu honorables. Sans oublier la montee des milices islamistes et, notamment celle du Hezbollah, qui vont creer un nouveau champ de tensions qui rejailliront a nouveau sur l'armee.
    La presence de la Force Multinationale occidentale a Beyrouth favorisera un debut de reconstitution de l'armee. L'entrainement reprend, une reorganisation s'opere. Des achats massifs d'armement sont effectues. Les USA et la France sont associes a l'effort de restructuration de l'armee nationale. Mais les evenements evoluent vers le pire. Le retrait israelien de la montagne du Chouf, en septembre 1983, va donner le signal d'un nouvel eclatement. L'armee se heurte aux milices druzes du PSP qui, appuyees par les forces syriennes, entreprennent de reinvestir la region du Chouf. Le front se stabilise au niveau de la localite de Souk el-Gharb. La 8e Brigade, commandee par Michel Aoun, sera soutenue de la mer par la flotte americaine qui bombarde la montagne. Mais le resultat est la: l'armee est a nouveau divisee. Les officiers et les troupes druzes rejoignent le camp de Walid Joumblatt.
    En 1983, apres une serie d'accrochages dans la capitale entre, d'une part, l'armee libanaise et, d'autre part, les milices musulmanes, le ministere de la Defense a Yarze donne l'ordre de bombarder la banlieue-Sud de Beyrouth. Des officiers superieurs, parmi lesquels des responsables des toutes nouvelles brigades, sortant de leur devoir de reserve, font alors de violentes declarations publiques contre ce pilonnement de civils par l'armee nationale. Et meme si un responsable chiite de la 1er Brigade reconnait aujourd'hui que ces declarations ont parfois ete le resultat de fortes pressions politiques, il maintient neanmoins qu'elles refletaient bien la condamnation sans equivoque, tres explicite dans les regions musulmanes, de ce role meurtrier de l'armee.
    Quelques officiers superieurs ont alors quitte leurs postes d'affectation avec troupes et armes pour rejoindre leur region d'origine. Quelques mois plus tard, en 1984, l'armee se heurte a nouveau a la milice chiite Amal et au PSP de Walid Joumblatt, qui prennent possession de Beyrouth-Ouest. La majeure partie de la 6e Brigade passe volontairement sous controle de Nabih Berri.
    Le vocable d'armee libanaise ne regroupe plus, des lors, que des sous-ensembles politico-communautaires, organises en fonction de leurs regions d'origine, meme si une relative mixite est encore maintenue dans les brigades, a l'exception de la 6e, a majorite chiite, de Beyrouth-Ouest, de la 11e druze de Hammana et de la 12e, essentiellement sunnite, de Saida. Le service militaire instaure en 1982 prend fin. Et la promotion des officiers est bloquee. Les evenements entrainent le depart du commandant en chef, Ibrahim Tannous, remplace par le general Michel Aoun. Une autre phase commence dans l'histoire de l'armee.

    1984-1987: Reorganisation et reunification de l'armee:
    Le general Aoun herite donc en 1984 d'une situation materielle, organisationnelle et psychologique globale tres critique. Les brigades, creees en 1982-1983 selon le modele de l'OTAN, en remplacement de l'ancien dispositif des bataillons, dependent souvent plus des autorites politiques et religieuses regionales, des milices, et des armees etrangeres que du commandement general de Yarze. A l'interieur meme de ces brigades, l'autorite des responsables est affaiblie et la discipline tout a fait relative. Par ailleurs, une part importante des equipements militaires a ete pillee, volee ou transferee, et de nombreux batiments detruits. L'une des premieres initiatives de Michel Aoun, dont l'atout majeur est d'avoir, aupres de la plupart de ses officiers superieurs, toutes origines confondues, la reputation d'etre un homme fidele a l'unite du pays, un vrai militaire (non pas un homme infeode au politique), qui travaille pour tout le Liban, est de confier au colonel Elias Khalil, sous-chef d'etat-major charge de la planification, la reorganisation de l'armee.
    Quelques semaines plus tard, un programme en trois points est etabli: reprise en main du personnel, du materiel et de l'autorite. Les registres du personnel sont remis a jour. Plus de 170 officiers sont mutes et de nouveaux commandants de brigade designes. Le materiel est lui aussi localise, repertorie. Les officiers recoivent comme consigne de reprendre en main discipline et autorite. L'ordre doit a nouveau regner sur la Grande Muette, comme l'appellent les officiers libanais eux-memes.
    Mais cet effort de reorganisation va se heurter au refus des autorites politiques, deputes et ministres, de donner a l'armee les moyens financiers de son developpement.
    Alors qu'en 1982, un plan de modernisation avait recu l'aval du gouvernement -qui avait degage un budget de 3 milliards de LL- et le soutien des gouvernements americain et francais -qui s'etaient engages reciproquement dans des prets de 90 millions de $ et 1 milliard de Francs- et alors que le recrutement avait fait passer le nombre de soldats de 20000 a 35000 hommes, a partir de 1984, les autorites font machine arriere. Malgre la grave devaluation que subit la livre des 1984, le Parlement refuse de voter le budget additif que lui demande Yarze pour mener a bien son plan de reorganisation. Fin 1985, le dernier Conseil des ministres adoptera meme un decret interdisant desormais tout achat de nouveau materiel.
    Les soldats sont devenus insignifiants. Le materiel le plus rudimentaire et l'essence commencent a manquer. Le general Aoun fera meme appel a des organisations humanitaires internationales (Caritas, Save the Children) pour assurer la nourriture des familles des soldats. Il faudra attendre 1988 pour que l'armee obtienne, enfin, un budget additif de 7 milliards de LL qui lui permettra, notamment, d'augmenter les soldes, les indemnites des retraites et des familles des martyrs, et de regler les 500 millions de LL de dettes contractees aupres des hopitaux civils qui, faute de reglement, commencent a refuser de recevoir les soldats et leurs familles.
    L'armee reussira ainsi a maintenir, bon an, mal an, sa fonction sociale (elle assure actuellement la couverture sociale a 100% d'environ 25000 personnes) et les salaires des militaires, condition indispensable au maintien de troupes qui, sinon risqueraient, dans un certain nombre de cas, de quitter l'auberge. Mais la reorganisation passe aussi et surtout, par les priorites accordees a trois axes militaires:
    -Un effort tout particulier en direction de l'entrainement des soldats. Les cours reprennent a l'ecole militaire en 1986 pour l'etat-major, les chefs de bataillon et commandants de compagnies. Dans les brigades, l'instruction et l'entrainement deviennent la principale activite de soldats que la situation politique cantonne dans les casernes.
    -La discipline: comme le note ce responsable de la 11e Brigade de Hammana, "l'une de nos taches essentielles est aujourd'hui de reprendre, de fond en comble, la formation des soldats et de refaire a nouveau de la caserne un foyer de la vie militaire dans lequel la discipline tient une place essentielle". Ces efforts de discipline et d'entrainement, parce qu'ils sont egalement poursuivis dans toutes les brigades et compagnies de l'armee, font partie, bien sur, de l'objectif de reorganisation, mais aussi de reunification.
    -La reparation et la maintenance du materiel. Economies obligent, l'armee ne peut compter que sur son vieux materiel, aujourd'hui renove a 75%. Mais cet effort de rehabilitation du materiel a aussi, comme les precedents, un objectif psychologique: faire participer tous les soldats a la remise en etat de leur armee.

    Resultat: le 1er aout 1988, pour la premiere fois, toutes les brigades, sans exception, se sont rendues a Yarze pour participer a la fete de l'armee.

    Les condition sont-elles reunies pour que l'armee reprenne vraiment son role national, ou risque-t-elle encore d'imploser si de nouvelles tensions politiques se font jour a l'occasion des elections presidentielles de 1988?
    C'est ce que nous avons cherche a savoir, notamment en rencontrant, du Nord au Sud, et de l'Est a l'Ouest, les officiers et leurs superieurs dans les differentes brigades de l'armee, lors d'une serie d'interviews realises entre le 10 juillet et le 10 aout 1988.

    Lignes de clivage, lignes de convergence:
    Meme si sa reunification est en oeuvre, l'armee issue des 13 annees de guerre civile n'est pas encore homogeneisee, loin s'en faut. Pourtant, la volonte de jouer un role actif dans l'independance, l'integrite et la coexistence nationale apparait clairement chez la plupart de ses cadres. En fait, les lignes de clivage et/ou de convergence qui la traversent recouvrent 3 facteurs:
    -Le niveau de formation et de responsabilite des militaires.
    -Leur origine communautaire.
    -Le contexte militaro-politico-religieux des regions dans lesquelles ils sont implantes.

    Des cadres nationalistes:
    Il faut distinguer, au sein de l'institution militaire, quatre niveaux hierarchiques, eux-memes representatifs de quatre types d'attitudes face a l'ethique nationaliste.
    En tant qu'institution, l'armee, profondement penetree par la deontologie des armees americaine et francaise, est patriote et nationale. En son sein, l'entente inter-communautaire, bien que mise a rude epreuve, a toujours existe, de meme que la probite. Si certains officiers ont fait secession pour des raisons politiques, aucun d'entre eux n'a ete mele a des affaires de corruption politique et/ou financiere, pourtant tres communes dans la classe dirigeante.
    Depuis la loi votee en 1979 pour reduire le pouvoir du chef de l'armee, le commandement general est collegial. Toutes les communautes y sont representees de facon equilibree. Seul le commandant en chef est toujours un maronite, ce qui ne manque d'ailleurs pas de creer chez certains officiers musulmans des ressentiments qui alimentent les clivages internes.
    A plusieurs reprises dans l'histoire, le commandement general a prouve son attachement aux theses nationalistes et son soutien aux institutions democratiques. Mais il est vrai que la guerre civile a eloigne certains responsables, notamment chretiens, de l'etat-major, de ces theses.
    Tous formes dans la meme ecole militaire et dans les centres d'enseignement militaire francais et americains, les officiers superieurs sont un groupe relativement homogene, fidele a l'idee d'une armee nationaliste, forte et structuree, au service du Liban. Ils n'en ont pas moins, eux aussi, subi les contre-coups des affrontements inter-communautaires et des injustices perpetrees de part et d'autre.
    Les soldats, eux, sont comme nous le verrons plus loin, beaucoup plus dependants de leurs attaches communautaires politico-religieuses. Mais la reprise en main actuelle semble prouver que dans un cadre restructure, ils peuvent, dans leur majorite, etre fideles a la direction insufflee par leurs responsables.

    Des brigades sans influence:
    Difficile d'aller jusqu'a dire, comme cet officier superieur de la 6e Brigade de Beyrouth-Ouest, que "les brigades de l'armee sont des brigades politiques". En revanche, il est indeniable que les 10 brigades operationnelles restent relativement liees et, jusqu'a un certain point, dependantes du contexte politico-religieux regional dans lequel elles sont implantees. Deux exemples caricaturaux suffisent a la prouver:
    -L'intervention militaire de la 6e Brigade aux cotes de la milice chiite Amal lors de la guerre des camps menee contre les palestiniens en 1985 et 1986.
    -L'allegeance de la 11e Brigade du Chouf de Walid Joumblatt. Allegeance tres explicitement symbolisee par la presence de portraits de l'ancien leader Kamal Joumblatt dans les locaux militaires de la caserne, a Hammana. Dans les autres casernes, seuls les portraits du president de la Republique ou du chef de l'armee sont presents. Allegeance enfin materialisee par le fait que, comme il le reconnait lui-meme, "malgre les ordres", le commandant de la brigade est parfois "oblige de parler a la radio du PSP". Curieusement d'ailleurs, dans l'Est chretien, ce n'est pas la coordination, mais l'opposition qui, le plus souvent, l'emporte entre l'armee et les milices, et les accrochages entre ces deux forces sont relativement frequents. Cela dit, de nombreuses relations persistent, sur le plan individuel, entre militaires et miliciens, que ce soit au niveau des soldats ou des officiers.
    Dans l'ensemble, l'expression de cet officier superieur de la 1e Brigade, selon lequel "dans chaque region ou elle est implantee, l'armee est habillee du tissu local", reflete donc bien la realite. Consequence de la guerre civile, confortee par la politique actuelle du commandement general qui consiste a maintenir, pour le moment, dans chaque brigade, des hommes relativement "en symbiose" avec le milieu qui les entoure, cette situation a deux effets principaux. D'une part, elle facilite le dialogue et la concertation des responsables de brigade avec les autorites politiques, religieuses, militaires et miliciennes qui les entourent, dans les operations de maintien de l'ordre et/ou de la securite des populations. Mais, parallelement, elle a pour inconvenient de renforcer l'influence de ces memes forces sur les soldats.
    Il est notoire qu'un certain nombre d'entre eux travaillent en meme temps dans l'armee et dans les milices. Le commandement general en est parfaitement conscient. Un de ses responsables n'a pas hesite a nous dire que sur les 38000 hommes actuels, seuls 30000 sont vraiment fiables. Mais pour l'instant, il ne peut rien faire, pour au moins deux raisons: comment, d'une part, sanctionner des soldats alors que des brigades entieres ont soutenu certaines milices et, d'autre part, Yarze craint que des sanctions eventuelles, tant que la situation generale ne sera pas assainie, n'apparaissent comme des mesures vexatoires prises a l'encontre non d'un soldat mais du representant d'une communaute. Cette volonte de maintenir le gel d'une armee cameleon fondue dans son milieu a un objectif: celui de developper et de maintenir la presence effective (moins efficace) de l'armee dans toutes les regions du pays en attendant de meilleurs augures. Cette politique a par ailleurs eu pour effet de stabiliser les differentes composantes de l'institution militaire. C'est sans doute ce qui a permis aux officiers de retrouver aujourd'hui leur volonte, sans equivoque, de jouer a nouveau un role national, meme si deux questions, celle des liens avec la Syrie et celle de l'opportunite d'un coup de force militaire, explicitement envisage par nos interlocuteurs les divisent encore.

    Attitude ambigue vis-a-vis de la Syrie:
    Si tous les responsables militaires qualifient la presence israelienne au Liban comme une occupation a combattre, en revanche, la presence de l'armee syrienne n'est pas percue de facon uniforme. Les responsables chretiens, meme s'ils reconnaissent qu'elle a pu avoir des effets maderateurs et positifs pour la securite des populations dans les zones ou elle est implantee (c'est-a-dire tout le territoire a l'exception de la "zone de securite israelienne" et de la region chretienne de l'Est), la considerent pourtant, la plupart du temps, comme une armee etrangere qui doit quitter le territoire libanais.
    Les officiers superieurs musulmans, eux, sont moins categoriques, meme si, en dernier ressort, leurs reflexes nationalistes l'emportent. Ces officiers considerent que la presence syrienne a agi positivement comme une force-tampon entre les differentes milices, l'armee libanaise et les populations.
    "Dans la Bekaa, note par exemple l'un d'eux, de nombreuses provocations, enlevements et assassinats y compris, avaient commence a entrainer un exode d'officiers, de soldats puis de la population chretienne. Les syriens ont fini par intervenir, et cela a permis de sauvegarder le reste".
    Cette analyse d'ordre objectif ne peut etre separee des liens fraternels historiques qui unissent un certain nombre d'officiers libanais, et notamment musulmans, a l'armee syrienne. Et si tous ne disent pas, comme cet officier de la 6e Brigade, "nous sommes, syriens et libanais, un seul peuple de la nation arabe; une harmonie politique, culturelle et militaire est necessaire entre nos deux pays", la notion de liens fraternels n'en est pas moins importante". Pourtant, en dernier ressort, a l'exception de cet officier chiite de Beyrouth-Ouest, partisan declare du maintien a moyen terme de quelques forces de securite syriennes dans le pays "pour ecarter tout nouveau debordement", les officiers superieurs libanais se prononcent tous en faveur de l'autonomie nationale. "Notre but final est l'independance de l'armee. Ce que nous voulons offrir a nos enfants, c'est une patrie et un Etat digne de ce nom", affirme un des responsables de la 11e Brigade du Chouf.
    Du cote des soldats, notre reportage nous a permis, a plusieurs reprises, de constater que l'autorite des jeunes appeles syriens, postes sur toutes les routes du territoire (Est chretien et zone de securite israelienne exceptes), etait souvent tres mal vecue par les soldats musulmans.

    L'armee, recours legal:
    Avant les elections et afin de restaurer la situation, un certain nombre de grades libanais n'ecartaient plus l'idee du coup de force. Face a l'impuissance militaire et financiere, dans laquelle se trouve aujourd'hui l'armee, un certain nombre d'entre eux n'hesitaient plus a evoquer explicitement la possibilite d'intervenir sur la scene politique. "Pour sauvegarder un pays, il faut un regime digne de ce nom, explique un officier. Si la classe politique continue a jouer en faveur de l'affaiblissement et de la partition du pays, nous, nous reagirons". "Il faut cependant attendre pour cela que l'unite regne a nouveau entierement dans nos rangs, repond un autre. Sinon, nous risquons soit d'etre recuperes, soit de voir notre action interpretee comme un coup des chretiens ou un coup des musulmans, ce qui va totalement a l'encontre de notre projet".
    D'autres pensaient qu'il fallait, en tout etat de cause, attendre le resultat des elections presidentielles, qui representent pour l'ensemble du pays, un dernier espoir de voir la situation s'ameliorer. Si ces elections devaient s'achever sur la nomination d'un president sans envergure, certains officiers envisageraient serieusement de quitter le pays. Quelques uns s'y sont deja prepares activement depuis plusieurs mois. D'autres prefereraient peut-etre la force. A moins que l'armee libanaise ne s'impose, une fois encore dans l'histoire libanaise, comme un recours legal. Cette hypothese a cours depuis plusieurs mois, dans les rangs de l'armee et au sein de la population comme un des meilleurs denouements possibles de la crise libanaise.
    Michel Aoun, s'il n'a jamais fait acte officiel de candidature, a toutefois fait savoir qu'il etait pret, si on le lui demendait, a "assumer ses responsabilites". En juillet et aout derniers, ses violentes attaques contre les milices chretiennes puis ses fermes prises de position sur le role qu'il entendait faire jouer a l'armee, au moment des elections, dans le maintien de la securite a Beyrouth, ne semblaient pas avoir d'autre but que d'accrediter cette these.
    Les evenements de l'ete semblaient toutefois donner raison a ceux de ses officiers superieurs qui le considerent comme un "homme qui reflechit trop a ce qui pourrait l'empecher d'agir", ou encore critiquent son manque de courage politique: "il n'a pas ose clamer haut et fort ce qu'il nous dit a nous sur son effort de reunification de l'armee", disent-ils. En aout, il lui a notamment ete reproche de ne pas avoir, comme il l'avait promis, suffisamment assure la securite des deputes, dont certains ont ete physiquement empeches par diverses milices, notamment chretiennes, de se rendre au Parlement pour elire le nouveau president.
    Michel Aoun n'est pas Fouad Chehab. Il en a, certes, les qualites de nationaliste et partage les memes idees de democratie egalitaire. Mais, dans les circonstances actuelles, il ne peut s'appuyer sur une armee totalement rangee a ses cotes. Il doit compter avec les luttes de pouvoir au sein du camp chretien, sachant qu'un certain nombre de ses officiers superieurs sont tres proches des milices chretiennes.
    Ainsi, avant l'annonce de la candidature de Sleiman Frangieh, c'est plus dans le camp chretien plutot que parmi les responsables musulmans que Michel Aoun rencontrait le plus d'opposition. Mais, depuis la candidature de l'ancien president Frangieh, les evenements se sont acceleres.
    Des rencontres ont eu lieu entre le president de la Republique, Samir Geagea, chef des Forces Libanaises, et Michel Aoun. Mais, quand bien meme, ces nouvelles alliances de circonstances aboutiraient-elles, elles pourraient avoir pour effet d'affaiblir les chances du chef de l'armee, du cote musulman cette fois. [Dominique Sigaud; fin aout 1988].

    NDLR:
    Le 23 septembre, devenu chef du gouvernement, a la fin du mandat du president Amine Gemayel, Michel Aoun n'a pu convaincre les trois officiers
    musulmans, designes comme ministres, a rejoindre son equipe. Sans doute la pression syrienne etait-elle forte. Mais si le sentiment nationaliste etait encore plus fort, l'armee aurait deja pu etre au rendez-vous de l'histoire.


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  • Evolution des budgets de l'armee depuis 1984:

    -1984:
    *Budget equipement (en millions de $): 75 millions de $.
    *Budget total (en millions de $): 312 millions de $.

    -1985:
    *Budget equipement: 35 millions de $.
    *Budget total: 223 millions de $.

    -1986:
    *Budget equipement: 9 millions de $.
    *Budget total: 94 millions de $.

    -1987:
    *Budget equipement: 7 millions de $.
    *Budget total: 49 millions de $.

    -1988:
    *Budget equipement: 15 millions de $.
    *Budget total: 56 millions de $.


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